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Critique de The_Noir



Attention chef d'oeuvre : un prophète nous raconte les États-Unis ! Nous raconte le monde, les humains la guerre, la paix, la démocratie, le progrès et la promesse d'un monde meilleur !

C'est dans une liste de listes infinie que le poète embrasse le monde, les humains, les animaux, les montagnes, les plantes, les paysages, les cours d'eau, les bateaux qui y naviguent, les inventions, les constructions, les grandes réalisations humaines, le génie de l'Amérique, mais aussi le plus petit des efforts, le plus petit geste du plus simple individu, tout ce qui qui contribue dans l'histoire des vieux continents et du nouveau à ce génie naissant et prometteur de progrès, de paix et de félicité.

Prophète sans vraie religion, ou plutôt acheteur de toutes du moment qu'elles participent de l'élan, prophète du réel tangible et sensible, Walt Whitman est intarissable, ne peut s'arrêter de contempler et dire le monde, dire les hommes, dire les femmes, les individus, sa foi en eux… dire encore.

Parce qu'au-delà de la politique ou la science, la poésie est appelée à régner en maître, à dicter au monde sa voie.

Les 700 pages sont donc profondément poétiques par le rythme, le ton prophétique, la déclamation liturgique, la litanie qu'il nous débite sans respirer, l'antienne dont il nous inonde. Poésie non pas faite pour seulement nous émerveiller mais pour nous rallier à sa pensée, à l'énergie de son élan, faire de nous non pas ses suiveurs mais ses partenaires - chaque individu apportant avec lui son individualité indéfectible - dans sa grande vision de "demain l'Amérique".

C'est en effet dans l'anaphore, par l'anaphore, et pour elle, pour prendre le temps dans ces listes sans fins de visiter le monde, s'en emparer, l'extirper à lui-même, l'arracher avec ses yeux, ses dents, l'ingérer comme un affamé de Nature, de paysages, affamé d'Humanité ("J'écris des vers omnivores") afin de nous le raconter, citer, montrer, débiter, de gré ou de force, celui qui nous entoure, le présent, le passé sans oublier de nous dévoiler l'avenir dans cet élan prophétique quasi christique que Walt (Whitman pas Disney) nous partage dans sa poésie.

On parle ici d'énergie, de puissance insufflée de cette immense Nature (oui avec un grand N), de cette histoire des hommes, des femmes, la puissance des démunis, la fragilité des bien-portants. Même la mort, cette inéluctable Mort qu'il écrit avec une majuscule est partie prenante, sinon l'inductrice majeure de cette énergie vitale qu'il célèbre (et cela est très neuf en cette fin du 19e siècle):

"Ô les années les tombes! ô l'air le sol! ô mes morts, leur doux arôme!
Exhale-les, mort pérennement douce, dans les années, les siècles futurs. "

Walt Whitman est un ogre à la vision universelle, cosmique dirais-je s'il n'y avait poète moins dans la lune que lui, lui si attaché à décrire l'Amérique du Nord qui l'entoure, telle que Mr Pablo Neruda a déclamé l'Amérique du Sud dans son Chant Général. Feuille d'herbe : une clameur, un cri, précurseur à Neruda, un chant de 700 pages à la gloire mais aussi à charge des États-Unis (et du Canada, qu'il écrit encore avec un K).

Feuilles d'herbe est un poème monde ou notre Capitaine s'offre corps et âmes, membres et voix, en victime consentante pour nous chanter son éblouissement et sa foi.
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