Elle n’avait nulle part où aller, rien vers quoi revenir, une vérité qui aurait pu susciter chez elle un nouveau bouleversement intérieur, mais la douleur éprouvée était comme émoussée maintenant, amenuisée par l’épuisement émotionnel qui l’avait gagnée à travers chaque terminaison nerveuse de son corps…
Il y a une chose qu’il savait maintenant : tuer des gens était plus facile que de les protéger, de s’occuper d’eux, de créer un lien avec eux.
- Je suis désolé pour le coup de fil.
- C'est ma faute ; je n'ai pas été assez clair. Ce travail, ce n'est pas ce que je fais habituellement.
- Je ne comprends pas. Qu'est-ce que vous faites en temps normal ?
- Je tue des gens.
Chris le fixa pour s'assurer qu'il ne plaisantait pas ; puis il sortit. Lucas ferma la porte à clé derrière lui avant d'aller s'asseoir dans le fauteuil. Il y a une chose qu'il savait maintenant ; tuer des gens était plus facile que de les protéger, de s'occuper d'eux, de créer un lien avec eux.
Et pourtant, il était déterminé à la ramener vivante, tout en étant conscient que ce n’était pas par compassion, mais plutôt pour satisfaire une espèce de fierté professionnelle perverse – tel un avocat résolu à gagner toutes ses affaires, quel que soit le chef d’accusation retenu contre son client.
C’était drôle comme les gens s’attachaient à des détails – comme si le fait de n’avoir pas de brosse à dents ou de sous-vêtements de rechange était plus important que le fait que deux hommes armés avaient essayé de les enlever et de les tuer.
Il ne savait pas comment se comporter avec les gens qui n’étaient pas à la hauteur ; il ne savait pas les réconforter. Il n’était même pas certain qu’il n’avait pas oublié comment se comporter tout court avec les gens en général.
Il voulut dire quelque chose, mais il ne trouva rien d’approprié. Il n’était pas doué pour la conversation, il le savait ; il ne savait pas parler pour ne rien dire, servir le bla-bla habituel qui permet de combler les blancs.
On pouvait le lire dans son regard : la douleur du deuil avait cédé la place à une détermination aveugle. Ce basculement, il l'avait vu s'opérer trop souvent au cours de sa carrière, et il ne voulait pas être là pour voir le résultat chez elle. Il devait partir maintenant, pendant qu'il avait encore des raisons de le faire. Il prit un taxi et se rendit chez Dan à l'autre bout de la ville. Il le trouva en train de cuisiner quelque chose de compliqué, son arme à portée de main, près de la planche à découper. Cela le fit sourire de voir Dan...