AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Isidoreinthedark


Les éditions Gallmeister continuent d'exhumer des pépites oubliées de la littérature américaine, et nous offrent l'occasion de redécouvrir des chefs-d'oeuvre au charme suranné mais intact. Paru en 1956, sous le titre original « The Diamond Bikini », traduit sous le titre « Fantasia chez les ploucs », le roman iconique de Charles Williams bénéficie d'une nouvelle traduction de l'excellente Laura Derajinski, et d'un titre plus conforme au titre originel, « Le bikini de diamants ».

Ce roman tient une place particulière dans l'oeuvre de Charles Williams. Une oeuvre essentiellement consacrée aux romans noirs, dans laquelle on retrouve notamment les remarquables « Calme plat » et « Hot Spot », qui furent adaptés au cinéma. Porté à l'écran sous le titre de « Fantasia chez les ploucs », « Le bikini de diamants » nous est narré par Billy, un enfant de sept ans et évoque davantage un monument de drôlerie qu'un roman noir.

Toujours en vadrouille avec son paternel, conseiller en placements hippiques, Billy va, le temps d'un été, s'installer chez son oncle Sagamore Noonan. Un fermier haut en couleur, qui tanne du cuir pour masquer l'odeur de son activité prohibée de distillation de bourbon. Son épouse Bessie vient de lever les voiles pour une durée indéterminée, et l'oncle Finley, aussi sourd qu'illuminé, continue inlassablement de clouer des planches pour construire la nouvelle arche de Noé.

Si Sagamore s'adonne joyeusement à son passe-temps favori qui consiste à faire tourner en bourrique le shérif et ses hommes, c'est l'arrivée de Choo-Choo Caroline, strip-teaseuse pourchassée par des gangsters, qui rendra les vacances de Billy inoubliables. La plantureuse jeune femme, s'installe en compagnie du « docteur » Severance sur la propriété de Sagamore.

« Mlle Harrington a agité sa cigarette vers lui.
- Salut, vieux, elle a dit. Rentrez donc votre langue. Vous êtes en train de mouiller votre chemise. »

Caroline n'a pas sa langue dans sa poche et ne se gêne pas pour se moquer des hommes qui la reluquent avec un peu trop d'entrain. Elle noue en revanche une relation teintée de tendresse avec le jeune narrateur, à qui elle entreprend d'apprendre à nager dans le lac situé sur la propriété.

L'été magique de Billy se corse lorsque Caroline disparaît, seulement vêtue de son bikini de diamants. L'oncle Sagamore organise une chasse à l'homme (ou à la strip-teaseuse en l'occurrence) démesurée et orchestre une fête foraine pour accueillir les milliers de participants qui se sont portés volontaire pour voler au secours de la jeune femme en péril.

---

L'originalité du « Bikini de diamants » tient évidemment à l'âge de son narrateur. L'intrigue nous est contée à hauteur d'un enfant de sept ans, qui croit que son oncle est vraiment un tanneur de cuir, ignore tout de son activité illicite de distillation de bourbon et porte un regard innocent sur la beauté spectaculaire de la délicieuse Choo-choo Caroline.

En confiant la narration à Billy, Charles Williams délaisse les tropes du roman noir « hard boiled », et nous propose une intrigue facétieuse et décalée, dont la drôlerie est tout simplement irrésistible.

« Je sais pas pourquoi mais un homme a beau essayer de toutes ses forces, il risque pas d'être au mieux de ses performances si sa femme déblatère vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur son foutu calcul biliaire. »

Les oncles Sagamore et Finley, le père de Billy qu'il appelle affectueusement Pop ainsi que le shérif et ses adjoints peu dégourdis évoquent un cirque joyeux qui tourne en roue libre. Lorsqu'une fête foraine s'installe sur la propriété de Sagamore, Billy évolue dans un monde étrange qui suggère une forme de rêve enfantin, où il n'est jamais l'heure d'aller se coucher.

Le tour de force de l'auteur est de nous proposer un double niveau de lecture, le regard porté par Billy sur la succession d'événements qui viennent pimenter l'été de ses sept ans, et l'intrigue « noire » que reconstruit le lecteur en lisant entre les lignes. le plaisir ressenti à la lecture du roman tient d'ailleurs en grande partie à cette reconstruction constante d'une réalité que ne fait qu'entrevoir le jeune narrateur.

« Le bikini de diamants » est pourtant plus ambitieux que la farce drolatique qu'il évoque au premier abord. Malgré son innocence et sa jeunesse, Billy est sans doute le personnage le plus raisonnable d'une intrigue truculente. Comme si par une troublante inversion de paradigme, les adultes, roués tel Sagamore, malins tel Pop ou fous tel Finley, incarnaient une faune bigarrée, tout droit sortie de l'Âge de pierre, tandis que Billy incarne une forme de mesure et d'honnêteté qui font cruellement défaut à ses aïeux. Derrière un roman noir en forme de farce, se dissimule une critique acerbe de ces adultes dont le seul horizon semble être l'appât du gain ainsi qu'une attirance incontrôlable pour une jeune beauté très légèrement vêtue.

Commenter  J’apprécie          6323



Ont apprécié cette critique (61)voir plus




{* *}