Quand on veut soigner, on sait faire la différence entre un geste de soin et une démonstration de puissance. On ne peut pas à la fois soigner et exercer le pouvoir. Quand il y a du pouvoir, il n’y a plus de soin possible. Car le pouvoir, c’est mortel.
C’est la sensation que l’on éprouve en se regardant dans la glace quand on se lève le matin tout fripé, tout échevelé, la bouche pâteuse sans avoir rien fait de particulier la veille… Ou lorsque, sortant de la douche, dans le miroir, on voit distinctement les marques sur le visage, les taches sur les bras et sur la poitrine, les poils blancs autour du sexe… et on prend conscience que le type qui est là, c’est nous.
Quand on veut soigner, on sait faire la différence entre un geste de soin et une démonstration de puissance. On ne peut pas à la fois soigner et exercer le pouvoir. Quand il y a du pouvoir, il n'y a pas de soin possible. Car le pouvoir c'est mortel.
Vivre, ça ne se programme pas pour l'an prochain : l'an prochain, ça peut-être jamais. Vivre, ça se fait tout de suite.
Comment leur dire que soigner, c'est comme vivre, ça n'attend pas qu'on ait appris, ça se fait tout de suite
Vivre, ça se fait tout de suite.
On ne leur dit pas:
Que certains les feront pleurer, d'autres rire, et que d'autres les feront vomir.
Que quand ils passeront dans le couloir en poussant le chariot, il y aura des chambres dans lesquelles ils auront envie d'entrer et d'autres devant lesquelles ils auront envie de passer en faisant mine de ne pas savoir qu'il y a quelqu'un derrière
Qu'il y aura des gens qu'ils auront envie de voir guérir, et d'autres pour lesquels ils ne ressentiront rien
Qu'il y aura des gens qu'ils auront plaisir à voir souffrir, d'autres qu'ils auront envie de voir mourir
Qu'ils auront honte de ressentir tout ça
Je croyais que ce genre de sentiment n'existait pas.
Je croyais que les romans travestissaient la réalité.
qu'il n'y avait pas d'amour, seulement des récits d'amour.
Tu vois, ai-je expliqué, cette femme a eu trois enfants et elle a le même corps qu'il y a dix ans. C'est quelque chose qui ne laisse pas insensible... Le malheur, c'est qu'on ne dit pas ça quand on commence nos études. On ne nous dit pas que le corps des autres a des effets sur le nôtre... - Le dégoût, la peur... Le désir. - Oui. Et pour ceux qui ne sont pas prêts, ceux qui n'aiment pas leur propre corps, ceux qui ne savent pas quoi faire de leurs sentiments, c'est une torture. Et tous ne réagissent pas de la même manière. Certains apprivoisent leurs sentiments et ce que le corps des autres réveille en eux, et ils apprennent à vivre avec. D'autres les refoulent, et se cachent derrière les gestes techniques pour ne pas souffrir. Et s'ils ont l'air d'être insensibles à la souffrance de leurs patients, c'est parce que ça fait trop mal de prendre conscience qu'ils souffrent. Être médecin, c'est un métier défensif : on se défend de la peur de la maladie, de la peur de la mort, en faisant semblant d'y pouvoir quelque chose. Comme, en réalité, parmi toutes les misères qui peuvent frapper l'être humain on ne peut en soigner ou en guérir qu'un très petit nombre, on a tendance à ne s'occuper que des choses qu'on peut soigner, pour se donner l'impression qu'on est utile. Et on évite soigneusement le reste. p.484 et 485
C'est elle qui meurt.
S'apitoyer sur soi devant quelqu'un qui meurt, c'est indécent.
Ne suis pas le même chemin que ceux qui t'ont précédé.
Va lui parler.