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Critique de fredmarie


Un livre attachant voire parfois prenant, mais fait de bric et de broc. le côté « Souvenirs d'enfance », façon Vipère au poing, est entrelacé de réflexions façon La Bruyère, dans un patchwork qui parfois déconcerte. Les auto-citations de ses précédents livres énervent un peu aussi. Mais on a mauvaise conscience à critiquer, on est prêt à tout pardonner, car cette pauvre Jeannette, elle en a bavé, adoptée par un couple de la lower class ouvrière d'Accrington, petite ville ruinée près de Manchester. Et l'écriture l'a sauvée. La mère adoptive était une maîtresse femme violente et pentecôtiste qui n'hésite pas à la faire coucher dehors ou dans la réserve à charbon, ou à brûler tous ses livres - que Jeanette avait pourtant cachés sous son matelas. Jeanette se révèle par ailleurs lesbienne, ce qui n'arrange rien.
Il s'agit d'une certaine façon d'une chronique sur le quotidien de ces petites gens, lesquels jusqu'à la récente modernisation de la Bible savaient lire Shakespeare car l'anglais du XVIIème s. était le même que celui du Livre (p.42), pour qui la lecture des classiques était la seule possible ouverture : pour les jeunes adolescentes comme Jeanette ou même pour la responsable de la bibliothèque municipale (« Au moindre souci, a confié la bibliothécaire, je pense à la classification Dewey. (…) Je m'aperçois que mon problème a simplement été mal classé » (153)). le monoxyde de carbone des poêles mal réglé tuait, ou bien expliquait les hallucinations de la fin spiritiste du 19ème où l'on voyait des spectres partout (196). On rit souvent de la description des rites pentecôtistes, comme ces fonds baptismaux où l'on doit retirer dentier et lunettes avant d'y être complètement immergé – depuis le « jour où Mrs Smalley a ouvert la bouche pour louer le Seigneur et a perdu son dentier du haut » (83). Ou ces inscriptions bibliques dans les toilettes : « ‘Il fera fondre tes entrailles telles de la cire'. Elle prenait ses désirs pour des réalités ; ma mère avait des problèmes de transit » (124). Mais le lecteur pleure avant tout. Jeanette doit subir un exorcisme pour faire sortir le démon lesbien qui est en elle (101). Elle subit toutes sortes d'atrocités de sa mère, persuadée de la venue prochaine de l'Apocalypse. « Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? », s'exclame Mrs Winterson, toute prise dans des normes et contraintes sociales qu'elle respecte dans un espèce de paroxysme. Rien d'étonnant à ce qu'à 16 ans Jeanette quitte la maison, dorme dans sa voiture, se révèle incapable d'aimer, elle qui n'a jamais connu d'amour d'aucune de ses deux mères. La fin du livre est particulièrement prenante, car elle raconte, des décennies plus tard, les recherches en filiation de Jeanette, qui veut connaître sa mère biologique. Celle-ci, une fois découverte après moult embûches bureaucratiques, semble un havre possible (soulagement d'avoir été voulue), mais on sent bien Jeanette trop blessée pour s'y reposer tout de suite. « J'ai appris à tenir debout seule, mais je n'ai pas pu apprendre à aimer » (218). Essayer de « comprendre comment fonctionne la vie », « cela ne passe pas par la méthode du ‘moi d'abord‘, qui est l'opposé de la vie et de l'amour, mais plutôt par celle du saumon remontant avec détermination le courant, car aussi violent soit-il, c'est le courant de vos origines… » (35)
A méditer : « le poème trouve le mot qui trouve l'émotion » (220).
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