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Critique de RockyRacoon


« On dit, je suis l'Opoponax. »
Et on ne sait pas ce qu'est un Opoponax. On se lance dans cette lecture à l'aveugle, sans savoir, et on se prend une claque. Des vagues d'enfance, qui ne sont pas la nôtre, viennent s'écraser dans nos souvenirs. Des souvenirs d'une petite fille qui n'est pas nous, à une époque que l'on a pas connue, mais des souvenirs qui sont ceux de toutes les petites filles, de tous les petits garçons, à l'âge où l'on n'est même pas encore vraiment ni une petite fille ni un petit garçon.
On découvre une écriture d'une furieuse modernité, un exercice littéraire phénoménal et on s'étonne de ne le découvrir qu'aujourd'hui.
On parvient à avancer dans le récit initialement décousu, sans que ne soient utilisés les outils de la temporalité, on revit les sentiments exacts de l'enfance, exacts parce qu'ils sont amenés tels qu'ils ont été vécus, lorsqu'on ne savait ni les identifier ni les nommer. Lorsque les choses se présentaient telles quelles et que l'on n'avait pas d'autre choix que de les décrire de la manière la plus purement objective.
On revoit les petites choses, les bonshommes en mie de pain, les trajets sur la route de l'école, ces flashs qui nous reviennent parfois sans raison, une leçon de l'école élémentaire, une petite soeur qui ramasse des cailloux, les nattes d'une camarade, les jeux dans la cour. Les rires, la cruauté, l'insouciance sont vécus de plein fouet mais ne sont pas encore identifiés comme tels. La saveur des fleurs de sureau aspirées dans un rayon de soleil est décrite avec la même objectivité que le décès d'un camarade d'école, pourtant on sent le malaise ressenti, on sent cette terrible gêne de l'enfance qui ne parvient pas encore à verbaliser la tristesse. On sent ce malaise, qui imprègne certains souvenirs. On sent l'opoponax.
On finit par penser que « on », c'est la restitution parfaite de l'enfance, qu'il n'y a que « on » pour faire ressentir à des adultes les sentiments que toutes les petites filles, tous les petits garçons, n'ont jamais été en mesure d'exprimer. Cette manière absolue, objective et directe de vivre les choses. Cet indéfini propre à chacun de nous.
« On », c'est Catherine Legrand, c'est Valérie Borge, c'est Mademoiselle et c'est Reine Dieu, c'est Vincent Parme, Véronique Legrand et Pascale Fromentin.
Et puis soudain, on se rend-compte que le récit avance, sans qu'on en soit prévenus, mais soudain, on apprend le latin, les jeux dans la cour ne sont plus les mêmes. On découvre la poésie, on aime Baudelaire. "On dit tellement je l'aimais qu'en elle encor je vis." Les phrases se font plus longues, on perçoit la présence d'un malaise sournois. On pressent toujours l'opoponax, mais on ignore toujours ce qu'est un opoponax. On surprend la lumière du duvet blond sur la nuque de la fille assise devant nous, la beauté d'une chevelure en mouvement. On découvre la grâce. On est l'opoponax.
L'opoponax, c'est l'enfance la plus absolue, qui passe sans qu'on le remarque. L'opoponax, c'est la meilleure restitution de ce monde jamais opérée en littérature. Et puis l'opoponax, ce sont ces 1000 petites choses naïves qui font la beauté de l'enfance, jusqu'à la découverte de la beauté elle-même. L'opoponax, c'est lorsque l'on est pas préparé à avoir le souffle coupé par le ravissement.
L'opoponax, c'est une sublime claque de délicatesse.
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