Une impression de déjà-vu. Il paraît que les neurologues l'expliquent très bien, il y a des synapses, ou quel que soit leur nom, des connexions cérébrales qui merdouillent soudain et nous convainquent que tel ou tel décor, dialogue, se présente dans notre vie pour la seconde fois.
Non, le paradis ça ne dure pas. Ni chez James, ni dans la réalité. On est juste censés remercier -qui ça?- d'y avoir goûté.
Ce n'est peut-être que ça le fantôme de Ralph: sa certitude de mourir jeune. Lui comme moi nous en tirons le meilleur parti, observons en dilettantes l'agitation des autres, nous excluons de leurs espoirs futurs mais nous gardons aussi de souffrir justement, évitons de vivre pour ne rien perdre.
Je suis bien. Je ne souffre pas, je n'ai pas envie de pleurer, j'ai suffisamment vieilli, j'ai de la chance d'être là
Je n'y ai pas pensé tout de suite, quand le notaire de tante Françoise m'a contactée. J'ai compris qu'elle me laissait la maison, j'ai lu avidement la lettre d'elle, qui me signalait l'existence des "affaires personnelles", mais je n'ai pas pris garde aux détails, je suis beaucoup trop riche pour ça, c'est honteux mais j'ai eu le temps de m'y faire, depuis que j'ai hérité pour la première foi
La première fois que je l'ai vu, c'était ici. Je m'attends maintenant à retrouver des photos. Cette après-midi-là, dans mon souvenir, nous avons dû poser devant l'objectif d'oncle Dick, une fois que j'ai rejoint leur groupe. Mais celles-là, je serai dessus. Elles ne rendront pas compte de mon premier regard sur eux, sans moi.
J'avais déjà la nostalgie des premières semaines de l'été, avant l'arrivée de Juliette, de nos sorties en mer, de nos parties de cartes. Non, le paradis ça ne dure pas. Ni chez James, ni dans la réalité. On est juste censés remercier-qui ça?- d'y avoir goûté.