De plus en plus, je fais mienne cette sentence de Montaigne : "C'est la vie qui compte."
Cet été j'aurai gagné trois cents livres avec ma plume, de quoi doter Rodmell d'une salle de bains et d'une cuisinière à eau chaude ; mais attention, mes livres tremblent à la veille de sortir, et mon avenir demeute incertain.
Chose curieuse, en dépit de ma vanité, je n'ai pas eu jusqu'à présent une grande confiance dans mes romans, ni même pensé qu'ils soient l'expression de ma personnalité.
Ce qui me frappe chez Proust, c'est un alliage de la sensibilité la plus aiguë avec l'opiniâtreté la plus soutenue. Il scrute les nuances du papillon jusqu'à l'ultime particule. Il est aussi solide qu'une corde de violon ; aussi impalpable que le duvet du papillon.
Terminé sans que la maladie vienne l'interrompre, ce qui est exceptionnel, et réellement écrit en une année.
Je vis totalement par l'imagination, je dépends totalement de ces effusions de pensée qui me viennent quand je me promène, quand je reste assise, de ces idées qui se barattent dans mon esprit et composent une fête ininterrompue qui se mue pour moi en bonheur
Ce sont nos efforts pour saisir au passage tous les aspects de la vie qui la rendent si passionnément intéressante.
La campagne est comme un couvent. L'âme y nage vers la surface.
Et pour la centième fois je répète qu'il y a plus de réalité dans une idée que dans n'importe quelle accumulation de malheurs dus à la guerre.
Il faut que je me remplisse la tête d'air et de lumière et que je marche, et que je m'enroule dans une couverture de brouillard.