AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,22

sur 167 notes
5
20 avis
4
11 avis
3
3 avis
2
0 avis
1
0 avis
De Pékin à Paris, des camps de rééducation aux salles de concert, de Mao à Bach : l'itinéraire d'une femme broyée par la Révolution culturelle chinoise et sauvée par la musique.
Témoignage pudique et bouleversant de ce que fut la révolution culturelle pour une petite fille sensible issue d'un milieu bourgeois cultivé, cette autobiographie se lit comme un roman .
A lire impérativement même si l'on n'est pas mélomane surtout pour son intérêt historique.
L'auteure : Professeur au Conservatoire national de musique, Zhu Xiao-Mei donne des récitals en France et à l'étranger. Elle vit à Paris et retourne de temps en temps en Chine, où vivent encore ses deux parents et ses quatre soeurs.
Commenter  J’apprécie          50
Zhu Xiao-Mei est née en 1950. Elle joue du piano depuis son plus jeune âge et à 11 ans elle entre au conservatoire de Pékin où elle peut se consacrer à sa passion. Mais petit à petit les séances d'autocritique et de dénonciation prennent le pas sur l'enseignement de la musique, les élèves sont emmenés en vacances à la campagne pour aider les paysans dans leur travail et Xiao-Mei s'éloigne de sa famille. Bien qu'elle soit devenue une révolutionnaire convaincue elle n'en reste pas moins suspecte aux yeux du régime car chushen buhao : de mauvaise origine (bourgeoise).

En 1969, avec la plupart de ses camarades du conservatoire, elle est envoyée en camp de rééducation. Elle va y rester cinq ans. Enfin libre il lui faut énormément travailler pour rattraper le temps perdu et reprendre une carrière brutalement interrompue. A 30 ans elle quitte la Chine pour les Etats-Unis puis émigre ensuite vers la France. le succès vient finalement, non sans difficultés et périodes de vaches maigres. Aujourd'hui elle est professeur au conservatoire national de musique et donne des récitals en France et à l'étranger.

Ce que j'ai trouvé le plus intéressant dans La rivière et son secret (par contre, pourquoi ce titre ?) c'est le récit de l'adolescence et de la jeunesse de l'auteur sous la dictature de Mao, pendant la Révolution culturelle. Zhu Xiao-Mei montre bien comment toute une génération d'artistes et d'intellectuels a été sacrifiée. Même parmi ceux qui ont survécu la plupart de ses camarades n'ont pas connu la carrière qu'ils auraient pu. Ils ont finalement laissé de côté la musique pour assurer le matériel : "La Révolution culturelle a cassé en eux tout désir d'absolu. Par une cruelle ironie de l'Histoire, elle les a changés non en communistes mais en capitalistes !"

Zhu Xiao-Mei elle-même reste marquée à jamais : "Les séances de dénonciation collectives que j'ai subies pendant des années font que j'ai désormais peur d'être critiquée, et que je ne peux plus avoir confiance, ni en moi, ni dans les autres. Quand l'on a connu ce régime, quand à douze ans, à un âge auquel on ne peut pas être coupable, on a été forcé de faire son autocritique, qu'est-ce qu'un ami, une relation, si ce n'est quelqu'un qui demain vous dénoncera et que vous-même, vous critiquerez ?"

La suite, concernant son retour à la musique m'a moins intéressée. Il y a de longs passages sur la façon de bien jouer tel ou tel morceau. Je ne me sens pas trop concernée. Quelqu'un qui s'intéresse à la musique classique devrait sans doute mieux apprécier.
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
Commenter  J’apprécie          40
" [....] Grâce à la création de conditions où la conscience n'est plus d'aucun secours , où bien faire devient radicalement impossible, la complicité consciemment organisée de tous les hommes dans les crimes des régimes totalitaires s'étend aux victimes et prend ainsi un caractère vraiment total. "
Cette phrase de Hannah Arendt , retranscrite par Zhu Xiao-Mei dans son autobiographie , s'accorde remarquablement au destin de la pianiste chinoise.
Née en 1949 dans une famille cultivée de Shanghaï elle montre très tôt de bonnes dispositions pour la musique. Dans n'importe quel autre pays elle aurait pu suivre un cursus sans histoire et finir diplômée d'un conservatoire quelconque. Elle aurait alors commencé une carrière classique par le parcours obligé de tout concertiste : concours internationaux , masterclass à l'étranger avec de grands aînés, engagements pour des concerts, gravure de disques.....Mais la Chine n'est pas un pays comme les autres , surtout à cette époque . Les communistes ont désormais pris le pouvoir à l'issue d'une guerre civile implacable. Tout est censé venir du peuple et aller au peuple. Or non seulement la musique dite "classique" est déconsidérée car venant de l'Occident honni, mais plus grave encore, Zhu Xiao-Mei est porteuse d'une tare rédhibitoire : elle est d'ascendance bourgeoise !
Qu' à cela ne tienne , elle s'efforcera d'effacer cette tâche en devenant une militante parfaite : s'ensuivent des séances d'autocritiques avilissantes , seul moyen d'après le Parti de laver son ascendance impure. Mais cela ne suffit pas au Moloch communiste. Il faudra désormais qu'elle prenne une part active au "crime" en dénonçant chez ses amis toute velléité bourgeoise, toute déviation des commandements du Petit Livre Rouge. Et bien sûr ce n'est jamais assez. La "faute" des parents est implacablement rejetée sur leurs descendants. Ce qui est pour le moins paradoxal pour une idéologie qui se réclame du marxisme....
S'enchaînent alors vexations et humiliations qui culmineront au moment de la Révolution Culturelle initiée par Mao pour garder le pouvoir et dont sa femme, Jiang Qing sera la grande manipulatrice.
Zhu Xiao-Mei est exilée dans un camp de travail pour y être rééduquée. Pendant cinq longues années elle travaillera dans les champs avec ses autres compagnons. Pendant cinq ans elle ne jouera aucune musique. le travail harassant ne suffisant pas à formater les cerveaux il lui sera demander de se livrer à de nombreuses autocritiques et de dénoncer chez ses compagnes de misère tout manquement au crédo maoïste.
La phrase de Hannah Arendt citée plus haut prenant alors toute sa signification. Victimes et bourreaux liés par la même complicité organisée par le Pouvoir.

A la mort de Mao et à la chute de Jiang Qin les camps se vident lentement. Xiao-Mei retrouve ses parents à Pékin. La vie est toujours difficile et l'avenir incertain. Une suite d'heureux concours de circonstances vont permettre à notre musicienne d'obtenir un visa pour les Etats-Unis où elle pourra poursuivre ses études dans des écoles prestigieuses. Elle a alors 31 ans, un âge où de nombreux pianistes ont déjà acquis la notoriété.
Son expérience des USA lui a laissé un goût amer. Certes elle a étudié quelque temps avec un grand pédagogue bostonien, Gabriel Chodos, et s'est fait des amis dévoués, mais là-bas tout se paye. Elle a dû faire un tas de petits boulots pour payer ses études et se loger , handicapée par sa mauvaise maîtrise de l'anglais.
C'est donc un peu , certainement, pour ces raisons et d'autres plus sentimentales (le prestige culturel de la France n'est pas un vain mot) que Xiao-Mei choisit notre pays pour s'y perfectionner et comme lieu de résidence.
Arrivée en 1984 elle est dans un premier temps aussi désemparée qu'aux USA, mais grâce à une indéfectible chaîne d'amis et au système D français elle deviendra la merveilleuse pianiste que nous connaissons aujourd'hui.
Certes tout ne fut pas rose : elle connut les files d'attente de 8 heures à l'OFFPRA pour le renouvèlement de son titre de séjour (une honte pour notre pays ces queues ! ) , et son premier éditeur fit faillite quelques jours avant la sortie de son premier CD consacré à Bach.
En 1991 elle obtint enfin la nationalité française.

Le livre de Zhu Xiao-Mei (écrit avec son ami Michel Mollard) s'intitule "La Rivière et son secret" , un titre qui présagerait plus un roman de Danielle Steel qu'une autobiographie de musicien. Il faut alors remarquer que rivière est écrit avec un R majuscule. Et rivière, ruisseau dans la langue de Goethe se dit Bach.
Car on ne peut faire l'impasse sur l'importance de la musique de Jean Sébastien Bach dans la destinée de Xiao-Mei.
Même si elle connaissait certaines de ses oeuvres ce n'est qu'en exil qu'elle entreprit d'approfondir la science musicale du compositeur allemand, la confrontant régulièrement aux enseignements du grand Lao Tseu.
A cet égard la découverte des Variations Goldberg lui fut une révélation qui marquera sa vision de l'existence.
Les Variations Goldberg (écrites pour soigner les insomnies du comte Keyserling...) ne peuvent se comparer à aucune autre oeuvre de la musique occidentale. Alors que toutes suivent la flèche du temps, les Variations , au bout d'un parcours de trente variations, reviennent au thème du début, une aria que l'on retrouve apparemment identique à la fin de l'oeuvre. Cette forme cyclique ne pouvait que s'accorder avec le taoïsme , "religion" chinoise par excellence.
Pour terminer cette note trop longue, je ne saurais trop vous inviter à écouter cette oeuvre de JS Bach. Dans l'interprétation de Xiao-Mei , bien sûr , que l'on trouve sur YouTube , mais aussi dans l'interprétation de Gould et , pour moi insurpassable de Murray Perahia. A noter que sur You tube vous trouverez deux versions des Variations par Zhu Xiao-Mei : une gravée chez Harmonia Mundi et l'autre en "live". C'est celle "live" qu'il faut écouter malgré quelques fausses notes. S'en dégage une émotion d'autant plus poignante. Car sachez le (là c'est juste une information pour les Babéliens peu au fait de la musique "classique" ) , Zhu Xiao-Mei c'est l'anti Lang Lang (voir Wikipedia :-) , c'est aussi l'anti Kathia Buniatishvili , cette superbe pianiste (la Beyoncé du piano ! ) géorgienne (mais maintenant aussi française) . Ce n'est pas Xiao-Mei qui jetterait à la foule de ses admirateurs sa serviette ayant servi à éponger sa sueur, ou jouant à l'ouverture d'une coupe du monde de foot comme Lang Lang.....
Commenter  J’apprécie          41
De Pékin à Paris, de Hong-Kong à Los Angeles...
le témoignage déchirant d'une femme broyée par la révolution culturelle chinoise et sauvée par la musique.
Destin exceptionnel, témoignage déchirant. Femme d'une bonté et d'une dignité extraordinaire.
Commenter  J’apprécie          40
ZHU Xiaomei est une pianiste d'exception, mais elle se révèle aussi être une très bonne auteure.

Elle nous dévoile dans ce livre cette suite d'évènements qui ont façonné sa vie, sans qu'elle en ait jamais vraiment le contrôle. Ainsi, après une enfance heureuse, au milieu de parents exigeants mais aimants, ZHU Xiaomei est emportée par la Révolution culturelle. Déportée à la campagne, il lui est impodsible de continuer ses études, et les occasions de jouer du piano se comptent sur les doigts de la main. Quand la situation en Chine s'améliore légèrement, elle a l'opportunité d'aller travailler chez des parents éloignés installés en Californie. Une fois de plus, on lui dicte ce qu'elle doit faire, mais elle est tenace ! Elle finira par retrouver son cher piano, qui l'amènera entre Boston et Paris.

Cette autobiographie est magnifique, et elle nous amène surtout à ne pas nous laisser berner par les apparences : qui se douterait que l'élégante pianiste qui joue sur toutes les scènes du monde est passée par tant et tant d'épreuves ?
Commenter  J’apprécie          31
LA RIVIERE ET SON SECRET. Zhu Xiao-Mei, Ed Robert Laffont 2013

SYNOPSIS : Xiao-Mei est née en 1949 dans une famille bourgeoise. A 4 ans sa mère lui offre celui qui sera son meilleur ami : un piano. Grâce à la musique, Xiao ne sera pas totalement broyée par la révolution chinoise. Elle en puisera la force nécessaire pour reprendre des études et émmigrer aux Etats Unis, puis en France. Elle est maintenant une artiste renommée.
POURQUOI CE LIVRE EST EDIFIANT ? Car il est autobiographique, et son auteur est d'une très grande sensibilité. Ce livre est une initiation à la musique classique, avec une approche très personnelle et très particulière des grands compositeurs. Mais c'est aussi la plongée dans la folie de Mao, la révolution chinoise et ses horreurs.
5/5
Commenter  J’apprécie          30
Quel destin et quelle histoire et force! J ai vraiment aimé ce livre!
Commenter  J’apprécie          30
Un roman exceptionnel dans lequel la musique sauve une femme…
Si l'on veut avoir une petite idée de ce que les Chinois ont vécu sous le joug de Mao, cette autobiographie en donne la pleine mesure sans grands cris ni mots dévastateurs. Nous sommes en 1969, Zhu Xiao-Mei est cataloguée « être de mauvaise origine » car elle est la fille de bourgeois cultivés. En plus, elle est douée quand elle joue du piano et elle aime les oeuvres des musiciens de nations décadentes. Pour cela, comme des millions de Chinois, elle passera sa jeunesse en camp de rééducation. Comment la vie lui apportera-telle l'opportunité de vivre un jour sa passion sur les scènes internationales ? Que devra-t-elle faire pour sortir de son pays d'enfer ?
L'auteur ne nous parle d'elle, dans ce livre fort et riche en références musicales, que pour nous décrire ce que vivaient les anciens bourgeois ou catalogués comme tels, ce que les enfants de ces derniers devaient faire contre eux pour ne pas susciter le courroux des nouveaux maîtres. Il n'y a pas de sentimentalité, d'émotions personnelles, juste la démonstration de ce que l'on devient quand la pression est permanente, quand plus aucune liberté n'existe. C'est poignant et vrai.
C'est la démonstration quotidienne de ce que veulent dire : gages de comportement exemplaire, séances de dénonciation et d'autocritique, hypocrisie des « yanbangxi » oeuvres modèles composées sous l'égide de Madame Mao, reniement des parents.
Si la plus grande partie du livre nous relate les persécutions régulières auxquelles est confrontée Zhu Xiao-Mei, l'autre nous entraîne dans les voyages d'une pianiste talentueuse, arrivée aux Etats-Unis, puis installée à Paris.
La profondeur de son art, source de vie, s'exprime quand elle nous explique comment aborder une oeuvre musicale (tempo, sens), son regard politique nous montre sans fard comment la relance du mouvement de Shangshan Xiaxiang a envoyé des milliers de jeunes citadins instruits dans les campagnes.
Il est question de courage, de résilience, de dignité, de passion salvatrice dans ce témoignage ; c'est écrit finement, facilement lisible, humainement expliqué. Aujourd'hui, sur les scènes internationales, titrée comme Professeur au Conservatoire de Pékin, la pianiste virtuose donne vie à une musique qui n'a jamais quitté son oreille.
Je remercie les éditions Robert Laffont et la Fondation Orange avec Lecteurs.com qui m'ont choisie pour recevoir et chroniquer la réédition de ce témoignage ayant reçu le Grand Prix des Muses en 2008, ce témoignage qui informera chaque lecteur souhaitant savoir ce que veut dire au quotidien « conditionnement psychologique ».

Lien : https://www.facebook.com/Les..
Commenter  J’apprécie          20
Ce livre est à la conjonction de bien des mystères. Celui de l'emprise du collectif - pas que maoïste - sur la conscience de chacun, celui de l'attrait de la musique sur un petit être à peine venu au monde, celui de cette grâce très sélective qui donne à certains l'accès à une forme indéfinissable d'absolu, celui qui habite chacun de convenances sociales et d'une indéfectible nostalgie pour la chaleur d'un lit autrefois partagé avec une grand-mère. Les mystères demeurent, évidemment, l'on referme le livre avec émotion et reconnaissance, et l'on prolonge le plaisir en écoutant les Variations Goldberg...
Commenter  J’apprécie          20
Quelle vie! Quelle résilience. Quel double courage. Double car il faut une première fois avoir du courage pour arriver à passer de Mao à Bach, une deuxième fois pour "avouer" ce qu'elle a été "capable" de faire sous l'emprise de Mao justement.
Un fabuleux destin, une fabuleuse pianiste.
Que je remercierai d'une part pour les morceaux qu'elle joue, et d'autre part pour nous faire connaître, à défaut de comprendre, ce qui se passait avant (?) en Chine, de l'intérieur.
Commenter  J’apprécie          20



Autres livres de Zhu Xiao-Mei (1) Voir plus

Lecteurs (352) Voir plus



Quiz Voir plus

Arts et littérature ...

Quelle romancière publie "Les Hauts de Hurle-vent" en 1847 ?

Charlotte Brontë
Anne Brontë
Emily Brontë

16 questions
1085 lecteurs ont répondu
Thèmes : culture générale , littérature , art , musique , peinture , cinemaCréer un quiz sur ce livre

{* *}