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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dans cette autobiographie, Lea Ypi raconte l'Albanie avant la chute du bloc communiste des années 1989-1990 dans une première partie, puis les conséquences de cette chute, qui donneront lieu, dans son pays, à une violente guerre civile en 1997, signant son départ pour l'Italie, alors qu'elle est à la fin de son adolescence, dans une seconde partie.

Partant de ses propres souvenirs, sans à aucun moment essayer de trop les analyser à travers son regard actuel d'adulte, elle a aussi interrogé les membres de sa famille encore vivants, l'entourage avec qui elle a réussi à garder contact, et parvient à nous conter, avec beaucoup de lucidité, tous les paradoxes, les bons comme les mauvais côtés, du communisme soviétique d'abord, de la chute de ce même communisme ensuite, entraînant le pays dans une occidentalisation à marche forcée qui signera sa perte - la guerre civile qui en découle -.

En plein communisme, elle n'est qu'une enfant, à qui l'on ne dit pas tout, surtout que sa famille a une "biographie" particulière, qui la met vraiment à part du reste de ses camarades - je laisse découvrir au potentiel lecteur cette "biographie" gênante à l'ère du stalinisme -, qui comprend les choses comme elle le peut, qui nous décrit son monde fait de files d'attente pour faire les courses, de trophées de canettes de Coca en évidence sur les buffets, de "passages à l'université" des oncles, tantes et cousins... de la manière la plus proche de ce qu'elle percevait, ressentait à l'époque.

Avec la chute du communisme, elle est une adolescente qui perd ses oeillères lorsqu'enfin, elle découvre la réalité de sa "biographie", et prend à bras le corps les nouvelles possibilités que lui offre l'incursion de l'Occident capitaliste en Albanie, de même que ses parents, qui s'engageront politiquement, à leurs risques et périls quand la guerre civile adviendra. le récit, là encore, reste au plus proche de la réalité perçue et ressentie de l'époque, et le journal qu'elle tiendra pendant la guerre civile renforcera encore cet aspect réaliste.

Un texte passionnant, qui m'a permis d'entrer dans l'Histoire de l'Albanie de la fin du XXème siècle, qui m'était relativement inconnue. Je remercie les éditions du Seuil et NetGalley de m'en avoir permis la découverte.
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L'auteure, d'origine albanaise, nous raconte ici la fin du régime stalinien albanais du dictateur Enver Hoxja qu'elle a vécu enfant, et la terrible transition vers le capitalisme après sa chute en 1990. Son récit est centré sur la vie quotidienne dans une famille handicapée par sa "biographie" (la position politique des générations précédentes), plutôt opposée au régime mais devant donner le change pour subsister. À noter les pages étonnantes décrivant la situation du pays au moment où les frontières s'ouvrirent tout à coup et les difficultés qui s'ensuivirent quand il s'agit alors de passer brutalement à une société tout autre.
C'est écrit avec simplicité à hauteur d'enfant puis d'adolescente, et nous découvrons peu à peu avec elle l'envers du décor. Cette éducation politique est un témoignage édifiant et passionnant.
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Une couverture rouge, Staline qui perd sa tête, un sous titre "grandir quand tout s'écroule" et un titre percutant Enfin libre. Voilà des éléments qui m'ont incité à lire ce récit-roman.
Nous sommes en Albanie, dans les année 90 et 97, ce récit est raconté par une petite fille, qui va tenter de comprendre ce qui se passe dans son pays. Albanie, dont je n'ai que le souvenir d'école comme l'exemple d'une autarcie, un pays socialiste fermé.
Léa est une gamine qui va à l'école et essaie de comprendre la vie et elle va nous raconter son adolescence dans ce pays et les bouleversements politiques, sociaux qui y vont s'y dérouler dans les années 90 et 97.
Elle décrit avec un réel humour l'éducation de cette époque et les références de sa maîtresse Nora. Les réponses toute faites que cette maîtresse fait aux enfants et la vision de l'Occident. L'histoire du pays avec le roi Zog 1er puis l'oncle Enver Hodja (ou Hoxha) dictateur qui a régné de manière ferme sur l'Albanie pendant 43 ans, 5 mois et 3 jours. de novembre 1941 jusqu'à sa mort !
Elle décrit à hauteur d'enfant la vie en Albanie, la vie quotidienne avec les queues pour faire les courses, les astuces, les "biographies" des familles, les non dits.
Sa vie d'enfant, espiègle, curieuse mais assez heureuse qui va être bouleversée, lors de la mort de l'Oncle Hoxha (peux t on mettre sa photo sur le buffet ??), la découverte de l'ailleurs et de l'Occident "Eux n'avaient rien. nous n'avions pas tout, nous le savions, mais nous avions assez, nous avions tous les mêmes choses et nous avions ce qui comptait le plus : une vraie liberté" (p102). Mais justement qu'est ce qu'être libre. Libre de réfléchir, de penser, de critiquer ? "Chez nous, tout le monde était libre, contrairement à chez eux, où seuls l'étaient les exploiteurs. Nous travaillions non pas pour les capitalistes mais pour nous mêmes et nous partagions les fruits de notre labeur. Nous ne connaissions ni l'avarice ni l'envie. Les besoins de chacun étaient satisfaits et le Parti nous aider à développer nos talents;" (p103)
Mais quand en décembre 1990, le pays s'ouvre, la démocratie arrive, toutes les idées apprises à l'école tombent et même les comportements de ces parents changent, que ce soit sa mère, qui décide de faire de la politique, son père qui va devoir trouver un nouveau travail et va mettre en place des réformes structurelles et sa grand mère qui va pouvoir lui raconter sincèrement son passé. Mais cela ne se passe en douceur et "cette révolution, dite de velours, n était la révolution d'un peuple contre des concepts. " (p167). Pas facile pour un pays de découvrir la loi du marché, le pluralisme, mais pas facile non plus pour les hommes et femmes.
Lea Ypi se questionne, nous questionne sur l'évolution des idées, des idéaux. Elle raconte de façon intime, avec parfois des anecdotes succulents, avec de l'humour, de l'ironie les changements sociétaux (épisode de la canette Coca Cola et les changements dans les esprits.
Un texte qui nous questionne sur la liberté que nous avons, ou croyons avoir, sur les idéaux politiques, sociaux. Elle aborde beaucoup de sujets, comme celui donc de la liberté, de la religion, de l'économie de marché, du monde du travail, de l'espoir de partir en Italie, mais pour devenir quoi.
Un livre sur l'histoire de l'Albanie, de la fin de certains idéaux, de l'avenir.
J'ai beaucoup appris sur l'histoire de ce pays et j'ai aimé des pages de théorie politique mais aussi d'anecdotes du quotidien, et des portraits de personnages touchants, que ce soit les membres de sa famille, des copines d'école, des voisins...
#Enfinlibre #NetGalleyFrance
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Nous remercions The Guardian, grâce aux critiques et recommandations littéraires duquel nous n'aurions peut-être pas eu ce récit traduit et publié en France par les Éditions du Seuil. Lea Ypi propose sa toute première oeuvre, qui n'est rien d'autre que le récit de sa vie dans le pays qui l'a vu naître puis grandir, l'Albanie. Peut-être le pays d'Europe le plus discret, guère familier à nos yeux d'européens si ce n'est pour être le voisin de la Grèce, ou en tout cas pour avoir été celui qui fut pris en étaux dans la dictature la plus dure du continent. C'est un témoignage que j'avais ainsi très envie de lire, d'avoir enfin une vue sur ce pays qui apparaît très peu dans le fil de nos informations quotidiennes, dont la littérature reste assez confidentielle en dehors d'Ismaïl Kadaré, qui le représente avec honneur. Lea Ypi vit désormais à Londres depuis qu'elle a fui son pays, c'est de là-bas qu'elle a remonté le fil de son passé, avec sa vision et acuité d'adulte et le recul des kilomètres et des années.


C'est dans une société absolument opaque dans laquelle je me suis plongée, dont les noms des principaux et récents gouvernants me sont aussi inconnus que son histoire, à savoir Enver Hoxha président de la République populaire d'Albanie, et le roi Zog 1er : le fait de savoir que cette dictature s'est détachée de l'URSS, et de son communisme trop laxiste pour son dirigeant refusant la déstalinisation de 1956, pour se rapprocher de la Chine et de son régime, m'a longtemps interrogée. Lea Ypi apporte les réponses souhaitées, démystifie son pays et cette aura de mystère que lui conférait ce repli absolu sur soi du pays. le couple de ses parents est une illustration parfaite du carcan imposé à chacun, broyé par le poids de ces lois, de ces interdits et obligations qui visaient à tout répertorier et hiérarchiser. Première chose qui m'ait marquée, c'est cette biographie, que Lea Ypi ne cesse d'évoquer, à laquelle se résume la vie de chaque Albanais : une sorte de casier judiciaire en civile, ou de curriculum vitae, qui comptabilise les bons et mauvais points des citoyens, qui les maintient au bas de l'organigramme. Cette volonté de contrôle obsessionnel assez délirante donne un premier aperçu de la dictature balkanique. Les choses ne s'arrêtent évidemment pas là. L'auteure confie qu'elle s'est véritablement rendu compte de l'ampleur de l'épaisseur des barreaux qui les tenaient étroitement prisonnier à la chute du régime. Les langues se délient, en premier lieu celles de sa famille, ses parents et sa grand-mère qui loge avec eux. Les dernières traces de la comédie qu'ils ont jouée, pendant des années, s'effacent à la lumière d'une liberté aussi nouvelle qu'aveuglante, ils ne savent plus qu'en faire. Et il est effarant de constater à quel point ce pays s'est retranché sur lui-même, faisant de tous ses voisins, de ses anciens alliés - soviétiques, Chine - et du reste du monde, des ennemis de facto, reprochant aux uns et aux autres de pratiquer un capitalisme débridé et une inégalité flagrante qui divise son peuple.

L'expérience des premières années de vie de Lea Ypi, qui sommes toutes ressemble à bien d'autres, constitue une véritable page d'histoire albanaise, essentiellement du XXe siècle puisque la véritable date de naissance de ce pays unifié date de 1912, lorsque Zog s'est autoproclamé roi des Albanais jusqu'à l'invasion des fascistes italiens en 1939, la libération du pays en 1944. La lignée familiale de Lea Ypi est un parfait exemple de l'évolution de l'histoire albanaise, de ceux qui sont particulièrement surveillés, car filles et fils de dissidents, une grand-mère grecque d'origine, pur héritage d'une famille jadis puissante et pourtant très progressiste, un père pétri d'idéologie socialiste et un aïeul ancien Premier ministre collaborateur. Cette grand-mère est à la fois touchante dans l'aide qu'elle apporte à sa petite-fille et admirable, ayant appris le français dans sa jeunesse au lycée français de Thessalonique, elle l'utilise comme un outil de résistance, une bulle de liberté qu'elle s'accorde au milieu des exigences de la dictature. le récit de la fille que l'auteure était rend compte de tous ces silences et mensonges qui ont été le ciment de son enfance, qu'ils viennent de sa propre famille, dans un élan protecteur, figée dans la terreur de devenir opposants au régime, ou par l'institution scolaire, figée, quant à elle, dans des élans propagandistes les plus éhontés qu'ils soient. C'est particulièrement notable lorsque la jeune Lea est confrontée aux quelques touristes qui osent s'aventurer dans ce coin des Balkans, qui n'auraient pas été considérés avec plus d'antipathie que s'ils étaient arrivés de Neptune, et le chewing-gum et le coca comme des objets sataniques pour les autorités, mais tellement attirants pour ces enfants, autant que pour les adultes.

Il est saisissant de constater à quel point le régime albanais a pu gommer l'identité de son peuple, ou chaque citoyen se doit d'avoir une biographie aussi exhaustive qu'une liste de courses, et notamment à travers la religion, que les Albanais se réapproprient après la chute du gouvernement : Lea redevient musulmane, se réapproprie le passé familial aux racines multiculturelles - tout ce que l'Albanie des années de fer abhorrait - et s'autorise à vivre au-delà des attentes des uns, des autres, codifiées, écrites par avance. Cette chute est en réalité une libération, des esprits, de la parole et pour les parents de Lea, le temps d'une séparation. La réalité alternative qu'avait construite pierre après pierre la dictature de Hoxha s'effondre, les illusions aussi, si certains restent en Albanie, d'autres prennent la mer pour rejoindre l'Italie, la voie principale vers un avenir qui fera de Lea Ypi un professeur dans un pays de cet ouest, longtemps décrié par la défunte dictature, et dont elle a adopté la langue, puisque c'est en anglais qu'elle a posé son récit par écrit.

L'auteure conclut son récit en évoquant l'idéologie qui a ruiné la première partie de sa vie, et contraint à fuir définitivement son pays en bateau, et qu'elle s'attache à recadrer lors de ses cours à l'université. de sa propre expérience du communisme, elle rend compte, et à juste titre, du fossé qui la sépare de ces militants qui s'appuient sur des figures mortes pour ériger leur idéologie du socialisme en étendard, totalement dévoyée pour elle qui l'a vécu pendant douze ans. Une part d'elle-même à démystifier ce que ces révolutionnaires en carton ne considèrent comme une dérive alors même que d'autres ont succombé aux mêmes dérives lorsque la tentation du marxisme s'est concrétisée.


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