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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
+++++++ LIBRE +++++++

Sous-titre : "Passage à l'âge d'adulte à la fin de l'Histoire"

Lea Ypi est une philosophe albanaise, née à Tirana le 8 septembre 1979, qui après de brillantes études à Rome et à l'Institut universitaire européen de Florence, est actuellement professeur de theories politiques à la prestigieuse "London School of Economcs".

Le sous-titre rend parfaitement le contenu de l'ouvrage : une autobiographie de l'auteure dans le paradis communiste d'Albanie jusqu'aux premières élections démocratiques de décembre 1990, qui après presque 5 décennies de dictature communiste ont signifié pour de nombreux Albanais "la fin de l'Histoire".

La petite Lea de 6 ans, ayant appris à l'école que "Lénine a changé la Russie, mais que Staline a changé le monde" et que Staline aimait les enfants presque autant que l'oncle Enver, est affligée et bouleversée lorsqu'elle apprend la mort de ce dernier, le 11 avril 1985.

L'oncle Enver Hodja (ou Hoxha) est le dictateur qui a régné de manière ferme sur l'Albanie pendant 43 ans, 5 mois et 3 jours. de novembre 1941 jusqu'à sa mort !

La pauvre môme ne comprend pas pourquoi ses parents, Zofa et Dali, ainsi que sa grand-mère Nini, ne sont pas affectés par cette énorme catastrophe nationale et insiste auprès de son père pour qu'il amène sa fille au cimetière pour y pleurer la disparition de ce géant.

Il est clair que Lea, comme tous les enfants de son âge, est conditionnée par la propagande communiste à outrance et l'isolement du pays, dans son cas particulier par la voie de son institutrice, la camarade Nora, une fan inconditionnelle du Skanderbeg moderne (héros national albanais du XVe siècle).

Dans les premiers chapitres l'auteure nous donne une description du quotidien albanais sous le camarade Enver : les pénuries, les queues monstres pour des produits de base tels le lait et du pain, la méfiance partout, la peur du "Sigurimi" (service de sécurité) et les abus fréquents de pouvoir de la part des chefs locaux du Parti.

Comme illustration l'anecdote d'une boîte vide de Coca Cola nous est servie. Vu la rareté de la boisson américaine, une boîte y figure comme un objet décoratif de valeur au même titre qu'un tableau. Voir la photo de couverture, où une belle rose garnit une telle boîte, prête à occuper la place la plus en vue dans la modeste demeure des citoyens albanais n'appartenant pas à la nomenclature.

Ce n'est qu'après la chute du dernier bastion communiste d'Europe, que la gamine réalise que ses parents sont plus que des simples intellectuels qui parlent Français entre eux par mesure de sécurité et qui la surnomment Gavroche, comme le personnage célèbre de "Les Misérables" de Victor Hugo.

Son arrière-grand-père, le bey Xhafer Ypi (1880-1940) a été le 10ème Premier ministre d'Albanie dans les années 1920 ; sa grand-mère Nini a fait des études au lycée français de Thessalonique en Grèce et son mari Aslan a eu un diplôme à la Sorbonne et a traduit en Albanais "Candide" De Voltaire.

Ses propres parents n'ont, à cause de leur origine aristocratique, pas eu la possibilité d'entamer ni les études de leur choix, ni d'embrasser une carrière digne de leurs talents.

La fin du régime communiste a permis à son père d'être nommé directeur général du port maritime de Durrës, un des plus importants de la mer Adriatique et d'être élu député, et à sa mère de se lancer dans la politique pour la promotion des droits de la femme.

Le récit se termine par l'obtention par Lea de son diplôme de l'enseignement secondaire et son départ pour l'Italie et la crise politique albanaise de 1997, qui a causé la mort et la fuite de nombreux Albanais et l'intervention des Casques bleus de l'ONU.

J'ai ajouté à notre bibliothèque virtuelle 2 photos : une de l'auteure lorsqu'elle avait l'âge des premiers chapitres, 6 ans, et une autre où l'on voit Lea Ypi signer son allégeance à la reine Élisabeth II tout en portant un tee-shirt à l'effigie de Robespierre.

Lea Ypi a hérité une intelligence solide, qui fait penser parfois à Hannah Arendt, mais qui n'empêche nullement un sens prononcé pour l'ironie et l'humour, en dépit du sujet, et qui rendent la lecture de ses 313 pages de mémoires passionnante.

Un petit exemple : pour fêter l'arrivée de la démocratie et la liberté en Albanie, les enfants dans la rue passent du jour au lendemain du poing levé communiste au V de Victoire.
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Cette passionnante autobiographie romancée de Léa Ypi, professeure de théorie politique et de philosophie à Londres, présente deux intérêts principaux : nous faire découvrir de l'intérieur l'histoire contemporaine de l'Albanie et découvrir une romancière de talent.

L'histoire est racontée avec le regard d'une enfant d'une dizaine d'années, mais sans affectation et beaucoup de justesse.
En 1990, quand la dictature albanaise est renversée, Lea Ypi a 11 ans.
Le pays du dictateur Enver Hoxha, celui que les enfants appelaient Oncle Enver, la dernière dictature européenne, s'effondre.
Lea a grandi dans une société qui se voulait sans classe, où il n'y avait pas de pauvres puisque tous devaient faire la file devant les magasins pour se procurer de la nourriture. Elle jouait à fascistes et partisans plutôt qu'aux cow-boys et aux indiens. Elle était heureuse, comme tous les autres enfants, lorsqu'on lui donnait une brioche au camp des pionniers, même si elle avait le goût du caoutchouc. Et elle s'étonnait de l'odeur de ces rares touristes couverts de crème solaire alors que l'huile d'olive, c'est tellement plus sain.
Et la propagande atteignait des sommets à l'école, où les cours d'histoire étaient remplacés par le culte de la personnalité comme lorsque l'institutrice racontait qu'elle tenait son énergie d'une poignée de main du dictateur.

La seule chose qui perturbait Léa, c'est qu'on lui demandait toujours son lien de parenté avec l'ancien Premier Ministre qui avait collaboré pendant la guerre. Et aussi de raconter les exploits des membres de sa famille qui avaient résiste.
Le problème, c'était la "biographie" de ses parents. Sous ce terme qu'on devine infamant, étaient comptabilisées les fautes du passé.
Car ses parents étaient des intellectuels qui avaient bénéficié de l'immense privilège d'accéder à l'université ce qui constituait une tache dans leur biographie. Une de ses grands-mères était même issue de l'aristocratie et le Premier Ministre était bien son grand-père.

Elle découvre l'effondrement du communisme en voyant la statue de Staline décapitée et ses certitudes s'écroulent. D'autant plus qu'elle comprend alors à quel point sa famille lui a menti, pour la protéger et pour se protéger eux-mêmes. Ils sont des intellectuels progressistes mais n'ont jamais adhéré au Parti.

Elle raconte alors les ravages du libéralisme, mais aussi le bouleversement personnel que cette révolution engendre chez la petite fille devenue adolescente. Pour ses parents, les transformations furent radicales. Sa mère s'engagea en politique pour dénoncer le régime communiste. Son père fut nommé directeur d'un grand port et on lui demanda de licencier du personnel pour obéir à la loi du marché.
Mais il était resté un idéaliste et ne put supporter la pression.
La situation de l'Albanie, gangrenée par la corruption, explosa en 1997 avec la guerre civile.

Entre Nino Haratischwili pour son approche des dictatures communistes et Elena Ferrante pour sa puissance narrative, le livre de Léa Ypi est bien davantage qu'une autobiographie politique.
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Un livre manifique dont je déteste la traduction française du titre. Non seulement « enfin libre » implique un jugement de valeur qui ne se trouve pas dans le titre anglais « free » (sans enfin), mais aussi le sous-titre perd la référence à Francis Fukuyama (« end of history »), cela est évidemment perdu quand on écrit « grandir quand tous s'écroule ». Une décision de traduction dont je ne comprend pas le sens.
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