Quand Marie, debout dans l’atelier, vit entrer Marion pour la première fois, toute menue dans sa blouse et tout intimidée, elle fut émue. Elle se doutait que Maria n’était pas d’accord et au fond d’elle-même, elle aurait préféré que sa petite-fille travaillât ailleurs. Mais elle ne pouvait s’empêcher d’être fière qu’une vraie fille de Paulilles, une fille de la quatrième génération, apprît le métier. En tant qu’ancienne, elle travaillait à la gomme mais elle avait obtenu de revenir à la poudre où on mettait toujours les nouvelles, le temps d’initier sa petite. Ensuite, on verrait comment les choses se présenteraient. Si Marion se débrouillait bien, apprenait vite, peut-être Marie pourrait-elle l’emmener avec elle à la gomme.
La bonne surprise fut que Marion n’eut pas de malaise comme en avait eu sa mère dès ses débuts. Juste un peu mal à la tête en rentrant le soir. Mais elle n’en soufflait mot et ce n’était jamais bien méchant. Au bout d’un mois, elle ne ressentit plus rien, même le lundi !
– Tu es comme moi, disait Marie. Les sales caboches comme nous, ça résiste mieux !
Éblouie, Marie avait envie de poser mille questions. Quand la danse prit fin, elle interpella un Annamite qui sortait tout ébouriffé de dessous le corps du dragon. Elle savait qu’il comprenait et parlait le français :
– Qu’est-ce que ça veut dire ce dragon ?
Essoufflé mais souriant, il lui répondit avec gentillesse :
– C’est l’image de la force, du courage et de la chance. Il annonce le retour du printemps.