AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Merik


Qui-vive, ou qui tente de mieux le faire par ici, vivre, c'est bien Mathilde la narratrice, mise en alerte par le fourbi de ses sens. La mode pandémique est à la perte du goût ou de l'odorat, et c'est la fugue du toucher chez Mathilde en plus de son ouïe et de son odorat qui s'exaltent, sans oublier sa perception chamboulée d'un monde insensé. « Percutée par les évènements », en conflit avec le kaléidoscope d'un monde fragmenté, la prof d'histoire est censée l'expliquer mais il lui échappe, quand l'insomnie la rattrape et l'invite dans son « bal secret ».
« Ouvrez la porte arrière, je voudrais descendre ». Pourquoi ne pas descendre en effet, surtout que son grand-père aussi a disparu, en « si bémol majeur » depuis sa retraite en sénilité poétique. Rien ne retient désormais Mathilde si ce n'est son doux mari Julien et sa pétulante Lola en pleine verve, et surtout en pleine adolescence. Est-on fou quand on ne va pas bien dans un monde qui ne tourne pas rond ? Partir oui, malgré « l'amicale des gens qui [la] pensent folle », aller en Israël à la rencontre erratique de l'histoire et de ce « temps qui passe et ne passe pas par [elle]», à la rencontre de gens qui rêvent « d'être du bon côté », à la rencontre aussi d'elle-même et de son inadéquation au monde. Mais partir aussi sur les pas de Léonard Cohen, en fil conducteur de ce roman depuis sa disparition, et la découverte par Mathilde d'une vidéo de Jérusalem en 1972 où il quitta la scène faute d'y arriver, en proposant de rembourser.
Plus qu'un roman initiatique, la trajectoire de Mathilde figure ici la quête de sens au moment si couru d'une crise de middle-life mais pas tout à fait comme l'une d'elles non plus, en mettant en relief le décalage entre les évènements extérieurs et la difficulté à les absorber pour Mathilde, ou les différences entre orient et occident. Mais ce court roman est surtout signé, nerveux et réceptif, un peu débridé aussi à l'image du monde en « boule à facettes », j'ai retrouvé lors de cette plongée dans un monde intérieur sensible l'empathie si séduisante de l'autrice de « Jacob, Jacob », sa verve et sa capacité à faire vibrer les liens de ses personnages, vivants ou en hommage. Après Aharon Appelfeld dans «  le faisceau des vivants », ici c'est Léonard Cohen qui pourra insuffler le tempo et la teneur des émotions, à l'image d'une de ses chansons et son « truc un peu acide quand tu es à la fois heureux et triste ».
Commenter  J’apprécie          5611



Ont apprécié cette critique (51)voir plus




{* *}