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Citations sur Qui-vive (32)

Chaque début d’année, je les scrutais pour relier leur prénom à leurs traits et distinguais deux catégories d’élèves : ceux qui étaient des esquisses très nettes sur lesquelles on devinait les adultes tout proches. Encore quelques pas et hop, ils auraient pleinement l’allure qu’ils conserveraient peu ou prou une cinquantaine d’années avant d’entamer leur dernière métamorphose, celle qui est inenvisageable pour tous, car s’il est parfois possible d’apercevoir l’adulte niché dans l’adolescent, il est impossible d’augurer le parchemin de la vieillesse – et les autres, aux traits et personnalité serrés dans un bourgeon opaque, dont je me demandais si la fleur allait éclore ou se dessécher.
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Par un étrange effet d’association, le moteur de recherche me proposa (...) une vidéo de Leonard Cohen. Quatre minutes et deux secondes captées à la fin de sa tournée européenne en 1972, miraculeusement préservées, à l’infini, si l’infini est cette boucle qui relie le mystère et l’évidence.
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M'attendant à disparaître sous le déferlement obscur je reste figée, je n'ai entendu aucune sirène annonciatrice de danger, aucune explosion, mais des cliquètements strient les airs, j'ai enfin la présence d'esprit de lever les yeux pour voir le ciel envahi par une gigantesque colonie d'oiseaux, des milliers de cigognes aux ailes déployées, becs et cous tendus dans la même direction, dignes, volontaires, organisées. Jamais je n'ai vu un ciel aussi palpitant, je m'attends à être soulevée pour les rejoindre, l'ordre des choses est peut-être enfin inversé comme il se doit, N'aie pas peur d'être légère, Mama, j'accélère le pas pour ne pas les perdre de vue, mais, plus rapide que moi, la nuée disparaît derrière une ligne d'immeubles tapissés de tricots blancs, de chemises blanches et de chaussettes noires, j'entends la voix de Leonard Cohen,

"it's said in the Kabbala that when you can't fly, you must stay on the ground."
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Il (Leonard Cohen) psalmodie presque : (...) Il est dit dans la Kabbale que tant qu'Adam et Ève ne sont pas capables se se regarder dans les yeux, Dieu ne peut s'asseoir sur son trône. D'une certaine manière, ma partie masculine et ma partie féminine refusent de se rencontrer ce soir. Et Dieu n'est pas assis sur son trône. Et c'est terrible qu'une telle chose arrive à Jérusalem. Nous allons quitter la scène et nous allons essayer de méditer profondément dans les loges pour retrouver nos contours. Si nous y parvenons, nous reviendrons.
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Le sentiment que ce qui s’effondre entraîne tout à sa suite a un point commun avec l’amour : on croit toujours que c’est la première fois que cela arrive, que l’on n’a jamais rien connu de tel et, surtout,
que rien ne sera plus jamais comme avant.
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Sa mort n’était peut-être pas un scandale, encore que, mais son absence me déroutait. Elle engloutissait la poésie de sa démence, son affection tournée vers l’adolescente qu’il avait vue en moi jusqu’au bout, ses rides qui m’étaient toujours apparues comme une passerelle de cordes me reliant à un autre temps. Raconte, raconte-moi comment c’était quand tu étais petit, raconte-moi Carthage, la guerre, la France en terre étrangère, les ouvriers, les Italiens, ton arrivée à Paris, ça t’a fait quoi de changer brusquement de vie ?
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Depuis des années je traverse le temps avec mes élèves et le fait miroiter pour eux, je leur dis, Au lieu de faire une frise chronologique de gauche à droite bien horizontale, c'est plutôt sur une boule à facettes qu'on devrait inscrire les événements, ce serait une forme plus juste, n'oubliez jamais que l'Histoire brille et s'éteint dans nos vies de manière anarchique.
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Le sentiment que ce qui s’effondre entraîne tout à sa suite a un point commun avec l’amour : on croit toujours que c’est la première fois que cela arrive, que l’on n’a jamais rien connu de tel et, surtout, que rien ne sera plus jamais comme avant.
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(...) je n’ai pas besoin de chercher très loin dans mes connaissances géographiques pour demander à ce garçon s’il pense qu’il n’y a aucun problème ici, et à combien de kilomètres de la frontière syrienne il vit, dans un rire il répond Trois. Ouais, d’accord, je te vois venir, t’es une maligne toi, c’est vrai qu’on peut distinguer leurs soldats campés sur leurs miradors simplement en plissant les yeux, on entend des explosions, et parfois on entend vrombir nos avions qui vont bombarder là-bas, mais c’est pas pareil, ça se passe de l’autre côté de la frontière, c’est comme si ça n’existait pas.
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J’entrepris de visiter la boîte des indésirables où je conservais les mails qui m’intriguaient depuis quelque temps, m’interpellant par mon prénom dans l’objet même. Le premier m’avait étonnée par son assurance performative, il disait, Mathilde, concrétisez vos rêves. Il avait été suivi des prometteurs Mathilde, ne doutez plus de vos capacités. Mathilde, revivez des moments exceptionnels de votre vie. Mathilde, faites-nous confiance pour vous apporter le meilleur du confort. Et quand il avait été bien établi que je savais qu’on se préoccupait personnellement de mon bien-être, mon prénom avait disparu, mes bienfaiteurs potentiels allaient droit au fait pour inonder ma vie de conseils impératifs et de promesses. À vos côtés pour vous aider à trouver la solution qui vous correspond le mieux. C’est aujourd’hui votre jour de chance. Consultez et utilisez vos droits. Augmentez votre capital. Faites pétiller vos soirées. Réservez maintenant, décidez plus tard. Changez d’avis jusqu’à 48 h avant le départ. Faites décoller vos projets. Soyez plus sereine avec votre santé. Ne craignez plus les fins de mois. C’est aujourd’hui que se prépare demain. Et, chaque nuit, je guettais la phrase qui avait l’ambition de m’ouvrir les yeux et de m’épauler, exprimant, comme dans un horoscope savamment rédigé, ce qui pouvait s’adresser à moi et à tous, ces phrases auxquelles je ne pouvais décemment croire mais je prenais du plaisir à les lire et j’en étais même fascinée. Je songeais, c’est dans ce léger déplacement que tout se joue, quand le désir de croire en quelque chose, quelqu’un, est plus fort que la raison. Et s’il n’y avait eu, des milliards de fois renouvelée et sur sept mille générations, cette puissance du désir parfois contre toute logique, aucun de nous ne serait là, aucun de nous ne s’acharnerait à percer l’énigme de nos existences.
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