Moi, je me mis à rire comme elle, gagné par sa folie. La terreur l'avait rendue folle, et c'était une grâce du ciel, tant elle paraissait ravie de la pureté de cette aube printanière.
(...) Sans doute, une seconde, elle avait voulu le tuer. Mais c'était bête, cette pensée de colère. On veut toujours tuer les gens quand on se bat ; seulement, on les tue jamais, parce que les gens morts sont trop gênants. Non, non, elle n'était pas coupable, elle n'avait pas voulu cela. Dans sa chambre, songez donc !
Dans les soirées tièdes, quand le quartier dormait, et que ce chant léger sortait de la grande pièce éclairée d'une bougie, on aurait dit une voix d'amour, tremblante et basse, qui confiait à la solitude et à la nuit ce qu'elle n'aurait jamais dit au plein jour.
A la poste, on le plaisantait sur une gamine de dix ans, une fille en haillons qui vendait, pieds nus, des boîtes d'allumettes, , et qu'il régalait de gros sous.
« Son amour n’allait pas sans de grandes luttes. Il se tenait caché pendant des semaines, honteux de sa laideur. Puis, des rages le prenaient. Il avait besoin d’étaler ses gros membres, de lui imposer la vue de son visage brûlé de fièvre. Alors, il restait des semaines à la fenêtre, il la fatiguait de son regard. » (p. 32)
Elle occupait toutes les heures qu'il vivait
Elle occupait toutes les heures qu'il vivait.
Dans la ville, les uns le disaient stupide, d'autres prétendaient qu'il fallait se défier de ces garçons-là, qui sont si doux et qui vivent solitaires.
Elle restait douce pour lui, gardait une condescendance de grande sœur. Lui, était aussi d'une tranquillité souriante. Ils demeuraient comme à six ans, des bêtes mauvaises, lâchées et s'amusant en secret à se mordre. Aujourd'hui seulement le mâle avait la victoire, aux heures troubles du désir.
Et le galop reprenait, cette reine cruelle de six ans passait entre les arbres, les cheveux au vent, emportée par le gamin qui lui servait de bête.