LE TOUR DU MONDE SUR UN BILLET DE MILLE.

L’ennui, beaucoup plus que l’inconfort ou que la qualité de l’ordinaire, tenaille les combattants des pitons.
Guy Van Vyve, qui a fait des études et dont le degré de culture est très supérieur à celui de la plupart de ses camarades m’en donne une explication :
- J’aime, me dit-il, la lecture et le dessin, et j’avais cru que cette vie des pitons me permettrait de m’adonner avec ferveur à ces deux délassements. Il n’en a rien été. Sans doute ce soleil qui tape trop fort et cette pluie qui tombe tout aussi violemment y sont-ils pour quelque chose. Mais c’est avant tout le climat spirituel qui fait défaut. On s’était engagé pour un baroud et on se voit servir du sur place. Il ne faut pas chercher ailleurs la raison de cette crise morale que nous traversons tous à des degrés divers.

Chump est un nègre. J’ai vécu sous son toit. J’ai travaillé pour son compte. J’ai frayé avec plusieurs centaines de ses frères.
Tout n’était pas parfait dans le milieu. Mais je n’eus à me plaindre d’aucune injustice ni d’aucune insolence. Au contraire, je sentais la sympathie radier autour de moi. Ces nègres de Harlem devinaient en moi une absence totale de préjugés raciaux.
- Vous n’avez pas pour nous cette crispante condescendance de presque tous les blancs, me dit un jour Chump. Vous vous mêlez à nous sans arrière-pensée. Nous vous adoptons dans ce même esprit.
Cela c’est une expérience vécue.
Elle vaut bien, me semble-t-il, les démonstrations verbales de tant d’autres.

Trente ou quarante jeunes Coréennes, pas très jolies mais fraîches et souriantes, se démènent furieusement pour assurer à chaque militaire au moins un tour de dance.
Je mentirais en assurant que ce zèle repose sur des motifs exclusivement patriotiques. Il y a ici un minimum de vingt hommes pour chaque femme, aussi les candidats cavaliers sont-ils priés de passer à la caisse. On s’acquitte en nature. Cinq minutes de jitterburg valent quinze cigarettes américaines, une tablette de chocolat , deux gorgées de whisky, trois tubes de dentifrice.

Ce qu’il y a de curieux dans Tokyo, c’est l’absence complète de quartiers riches. Au lendemain de la capitulation, Mac Arthur eut toutes les peines du monde à grouper ses principaux services militaires et administratifs autour de son quartier général établi dans le célèbre immeuble de « Dai Ichi ». Il n’en put loger qu’une vingtaine et dut se résoudre à disperser les autres sur des distances éloignées parfois de trente kilomètres.

Le Texas a beau être le pays de l’opulence généralisée, il se trouve quand même quelques-uns de ses citoyens pour apprécier les avantages économiques que leur offre un proche voisin.
De tous côtés dans cet Etat, on n’a cessé de me vanter les avantages du Mexique, pays de Cocagne où la vie est quatre fois moins chère qu’aux U.S.A.