Citations sur Le Mangeur de brumes (21)
Ma vraie demeure est sise aux terrasse du Ciel,
Dont les brumeux sentiers bloquent les visiteurs.
Cent mille pieds d’abrupts protègent ma retraite :
Le palais des rochers que baignent mille rus.
je longent les torrents, affublé de branchages,
je traîne autour des pics dans ma vieille pelisse.
Depuis que j’ai compris que la vie est magie,
Je jouis de flâner ; comme c’est merveilleux !
J’ai toujours habité à Montfroid le rocheux,
Et je vis à l’écart des causes de souffrances.
Éteint, et les semblants ne laissent point de face,
Dilaté, ses flots comblent le grand chiliocosme.
la terre de mon coeur baigne dans ses lumières,
Il n’existe plus rien qui devant moi paraisse.
A peine eus-je trouvé ce seul Joyau magique
Que j’en sus la fonction absolument parfaite.
Splendides s’étagent les monts et les torrents,
Mystères des bleus-verts sous le verrou des brumes.
Le brouillard caresse mon serre-tête en gaze,
Ma pèlerine en paille, humectée de rosés.
J’ai les pieds chaussés de sandales vagabondes,
Et une tige en rotin me sert de canne.
Je considère encor le siècle poussiéreux :
Ce pays n’est qu’un rêve où je n’ai plus de rôle !
Sous une falaise verte
Je vis sous le front vert moussu de la montagne froide ;
tout autour de moi fleurit les mauvaises herbes et les fleurs sauvages que je ne coupe pas.
Les nouvelles vignes du printemps tourbillonnent en boucles sinueuses;
les anciennes falaises s'élèvent hautes, larges et abruptes.
Les singes grimpent aux arbres pour arracher des fruits succulents ;
les aigrettes dans les criques harponnent l'eau et engloutissent les poissons.
En feuilletant l'un et l'autre parchemin d'un maître taoïste,
je me détends sous un arbre et des vers immortels marmonnent, marmonnent.
D’une eau pure et lumineuse
On peut naturellement voir le fond.
Quand il ne se passe rien dans l’esprit,
Rien ne peut le détourner.
L’esprit qui ne se livre plus à l’illusion
Reste inchangé pour d’éternels éons..
Capable de cette recognition,
On sait qu’aux choses, il n’est ni face ni dos.
Dans les eaux sans bornes de l’immense océan,
Des milliers de poissons, des milliers de dragons
Ne cessent un instant de s’entre-dévorer,
Morceaux de chair idiots qui courent en tout sens.
Quand incomplètement le coeur se fait comprendre,
Comme brumes montent les pensées illusoires.
La lune de nature est pure et lumineuse
Et brille dans le vide illimité.
Il est une montagne à l’unique renom,
Bien plus précieuse encor que tous les sept joyaux,
Où la bise frémit dans les pins sous la lune,
Où montent doucement les brumes colorées.
Oh ! combien de monts chevauchant l’un sur l’autre !
Et sur combien de lieues serpentent les sommets !
Limpide paix de ces torrents...
Ma joie de vivre est infinie.
Les monts sont ma demeure,
Et nul ne me connaît.
Dans les nuages blancs,
Éternelle est ma paix !
je suis assis sur un rocher
Au bord du torrent qui frissonne.
Paisibles jeux de la beauté,
Montagne vide dans les brumes.
Joyeux, je me repose ici,
Soleil couchant, ombre des arbres !
Je vois la terre de mon coeur :
C’est un lotus né dans la boue...
Au-dessus de Montfroid la lune fait la roue
Et brille dans un pur espace où il n’y a rien.
Précieuse chose innée, trésor inestimable
Au fond du corps noyé, dans les cinq agrégats..