« Celui qui doit passer sa vie sous un tyran, même s’il est innocent, est souvent frappé comme coupable. – »
Page 126
Du Vieillard qui voulait remettre sa mort à plus tard.
Un Vieillard demandait à la Mort, qui était venue pour l'arracher à cette terre, de différer un peu jusqu'à ce qu'il eut dressé son testament et qu'il eut fait tous ses préparatifs pour un si long voyage.
Alors la Mort: -Pourquoi ne les as-tu pas faits, toi que j'ai tant de fois averti? - Et comme le Vieillard disait qu'il ne l'avait jamais vue, elle ajouta: - Quand j'emportais jour par jour non seulement tes contemporains, dont pas un presque ne survit, mais encore des Hommes dans la force de l'âge, des Enfants, des Nourrissons, ne t'avertissais-je pas que tu étais Mortel? Quand tu sentais ta vue s'émousser, ton ouïe s'affaiblir, tes autres sens baisser, ton corps s'alourdir, ne te disais-je pas que j'approchais? Allons, il ne faut pas tarder davantage.
Cette fable apprend qu'il convient de vivre comme si nous voyions la Mort devant nous.
Un Philosophe méditait dans son cabinet. Un Sot l’y trouva
seul, et en fut tout surpris. – La raison, lui dit-il, qui peut vous
porter à tant aimer la retraite, je ne la concevrais pas, je vous
jure, en mille ans. – Tu la concevrais en moins d’un instant, repartit
l’autre en lui tournant le dos, si tu savais que ta présence
et celle de tous tes pareils me fait souffrir.
Le Coq est jaloux de son naturel. Celui-ci remarqua qu’un
Coq d’Inde, qui vivait avec lui dans la même basse-cour, faisait
la roue en présence de ses Poules, et en prit ombrage. – Traître,
lui disait-il, ce n’est pas sans dessein que tu fais montre de tes
plumes. Tu cherches sans doute à plaire à mes femmes, et par
conséquent à me les débaucher. – Moi, repartit l’autre, c’est à
quoi je n’ai jamais pensé, et tu t’alarmes bien mal-à-propos. Eh
quoi ! ne saurais-tu souffrir que je fasse la roue devant tes femmes,
quand je souffre, moi, que tu viennes chanter tout autant
qu’il te plaît devant les miennes.