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Citations de Kiyémis (26)


Je suis ensevelie
Emmurée dans le silence et l’oublie
Dans les dédales d’une mémoire,
Muette

Je suis une douleur,
Affligeante, intrigante, malheureuse
Je suis une violence mal racontée,
Tue
(…)
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Douala était une ville agréable lorsqu’on avait de l’argent. La nourriture y débordait de tous côtés, les loisirs et les circuits ne désemplissaient pas. Mais Douala était une ville à plusieurs étages. Et il était facile de retomber aux étages inférieurs.
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L’immobilité c’était l’antichambre de la mort.
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Elles se taisent beaucoup, les mères. Leurs silences sont des offrandes.
Elles ne disent pas qu'une partie de leur métier de mère, c'est tisser des bâillons pour soi-même. Alors on se muselle, pour le bien de ceux qu'on aime. On accepte, un instant seule-ment, d'abandonner son droit à la parole. On offre sa voix à la terre en espérant voir ses enfants fleurir. Comme toutes les mères avant elle, c'est ce que fit Anne-Marie. Puisqu'il le fallait, elle s'enracinerait elle aussi, pour voir sa fille grandir.
Même si la terre était friable.
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Parfois, nos rêves d'émancipation sont bradés et affadis pour les rendre moins radicaux. La radicalité, ça fait peur, alors il faut affadir nos rêves.
Mais I'utopie ne peut être inoffensive, car il nous faudra beaucoup d'énergie pour espérer changer le monde dans lequel nous sommes.
Alors il faudra, malgré les backlash et les tentatives d'affaiblissements de nos mouvenments et de nos pensées, continuer à rêver grand, à rêver fort.
C'est une nécessité vitale. (152)
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« Sa voix se lève
Pose des bombes
Sur le plafond de verre.
Les mots rebondissent
Brisent
Un silence qui étrangle.
Dans ses poings serrés, le désir de justice.
Et ses doigts ensanglantés
Effleurent le ciel libéré.

Ne plus se taire, chuchoter.
Ne plus chuchoter, demander.
Ne plus demander, réclamer.
Ne plus réclamer, créer."
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Ne crois pas que les hommes de la ville sont si différents de ceux du village ma fille. Ils sont les mêmes, partout à Douala, à Nyokon, et je suis sûre que dans ton pays de Blancs, c’est la même chose.(…)
Audoun, croie-le ou non, j’ai vécu ça. Ton père avait d’autres familles, tu le sais autant que moi. J’ai passé mon temps à être jalouse et à être jalousée.
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— Tu sais que dans ce monde, être libre, ce n'est pas facile pour nous. Que parfois, pour manger, il faut se bagarrer. Qu'il faut garder la tête hors de l'eau, coûte que coûte. Si nous devons nous bagarrer pour vivre, nous les femmes, alors je jetterai tout mon corps dans la bataille. Tout plutôt que se laisser mourir. Je ne me laisserai pas écraser, pas mourir, veuve ou non. Car la vie, ça vaut le coup, Andoun, ça vaut le coup.
Et dans la vie, rien n'est plus beau, rien n'est plus doux que la liberté. Tu le sais ça, pas vrai?
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Anne-Marie avait eu beau se moquer du qu’en dira-t-on, les ragots commençaient à peser sur ses épaules, et sur celles de toute sa famille. Les femmes échangeaient des messes basses quand elle allait récupérer de l’huile, et les hommes n’attendirent que quelques semaines avant de lui jeter des regards égrillards. Le père voyait bien que ce n’était pas ici qu’elle pourrait créer un foyer. La jeune fille savait qu’elle n’y trouverait pas son bonheur. Elle ne pourrait jamais être la femme obéissante, soumise et disciplinée que la vie du village exigeait. La ville, son rythme, ses lumières et ses possibilités encore larges.
Lorsque son père lui proposa de retourner à Douala, Anne-Marie accepta avec enthousiasme. Sa fille tombait constamment malade, comme si elle-même ne supportait pas cette vie, et son père était inquiet.
Elle y croyait encore. Au fond d’elle, une certitude demeurait : sa vie n’était pas ici.
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Anne-Marie n’était pas faite pour les vies sans lumière. Elle n’était pas faite pour les chemins tracés, et devenir la femme d’un poissonnier était un chemin qu’elle n’était certainement pas prête à emprunter. Peut-être que les autres pouvaient accepter de perdre très jeune les étoiles dans leurs yeux. Peut-être que les autres s’en suffisaient, pensait-elle en se levant du lit. Elle, elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait plus. Cette vie allait l’étouffer, s’encourageait-elle en nouant son pagne et accrochant Freya dans son dos. Elle suffoquait déjà. Elle allait se noyer, comme les autres, ses belles-sœurs, ses tantes, ses belles-mères, toutes ces femmes-poissons qui ne se rendaient plus compte qu’elles pourrissaient lentement au soleil. Des femmes que s’étaient prises dans les mailles du filet et n’avaient pas encore compris que c’était trop tard, que leur fin était proche, qu’elles finiraient vendues, troquées, emprisonnées dans les étals-maisons des poissonniers alcooliques. Elle ne se laisserait pas enterrer là, martelait-elle d’un pas déterminé dans la cour intérieure. Alors qu’elle atteignait enfin la porte, Freya eut un hoquet et Anne-Marie se figea.
Si le bébé se réveillait maintenant, c’en était fini de sa fuite !
Mais la petite se rendormit presque immédiatement.
Ce soir-là, Anne-Marie, seize ans, mère de Freya, ouvrit en grand la porte d’entrée.
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Anne-Marie s’assit. Elle avait toujours détesté décevoir son père. Elle détestait voir son regard honteux posé sur elle. Avant Douala, avant le départ, avant tout, il ne l’avait jamais regardée comme ça. Derrière la rage et les cris, elle savait la déception. Elle enfouit sa tête dans ses mains et sentit une main sur son épaule. C’était sa mère, restée silencieuse le temps qu’avait duré la conversation.
- Sois courageuse, Andoun. Donne-lui du temps. C’est un homme. Il va se souvenir qu’un enfant est une bénédiction.
Anne-Marie hocha la tête, peu convaincue.
- Laisse-lui le temps, la rassura sa mère. Tu ne peux pas être trop inquiète, hein, le bébé va sentir ça.
La jeune fille restait prostrée sur sa chaise. Et si son père n’acceptait jamais ?
Et s’il choisissait de la jeter dehors comme une malpropre ? Sa mère ne pouvait pas la convaincre de l’héberger, et elle n’avait pas les moyens d’aller ailleurs.
Le temps lui sembla long mais en effet son père finit par revenir. La mère courut à sa rencontre une bière à la main, comme pour essayer de l’amadouer. Seuls les bruits du village venaient briser le silence qui s’était installé dans la pièce.
- Bon. Ce qui est fait est fait, Anne-Marie, lâcha finalement le père d’un ton bourru.
La jeune fille s’approcha de lui. Il lui tendit la main :
- Si c’est un garçon, il portera mon nom, Anyam Lucas. Si c’est une fille, on l’appellera Freya. Comme ma sœur.
Elle prit sa main et sourit. En elle, la solitude refluait. Son père avait toujours su trouver les mots pour la ramener près de lui.
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Andoun sentait que sa sœur n’avait plus la force de combattre la pluie. Et puis, comment faire ? A Nyokon, il lui était arrivé d’entendre la pluie tomber sur la maison d’à côté mais personne ne lui avait expliqué. A Douala, la pluie tombait souvent. Et pas que chez eux. La pluie tombait dans tout le quartier et les femmes tentaient souvent d’éviter l’inondation.
Alors la fillette allait aider la cuisinière à malaxer la pâte des beignets pour la famille.
Et quand l’orage grondait, elle se faisait le plus discrète possible. Elle se recroquevillait dans un petit recoin, en espérant que les bourrasques ne viendraient pas la soulever. Mais les bourrasques venaient toujours. L’orage cherchait quelqu’un à secouer. On ne pouvait crier, face à lui. La colère était un luxe que les femmes ne pouvaient se permettre. Faute de gueuler contre le ciel, certaines priaient. Comme celles-là, sa sœur, parfois, s’élevait en paratonnerre. Femme debout, femme à genoux, Madeleine suppliait l’orage de les épargner.
Mais des années de foudre l’avaient fragilisée.
Alors les enfants fuyaient lorsque l’orage rentrait du travail.
Eméché, frustré.
Prêt à verser ses trombes.
Prêt à faire tonner la maison.
C’était un miracle si elle tenait encore debout, la maison.
C’était un miracle si elles tenaient encore debout, les sœurs.
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Elle demanda alors :
- Ma sœur, quand est-ce que tu m’inscris à l’école ?
- Ma chérie, on verra ça plus tard, d’accord ? Descends de là et viens plutôt m’aider à laver Isaie, tu veux bien ?
- L’école ?
Le mari partit d’un grand rire.
- Tu veux faire quoi à l’école, d’abord, hein ? ici, tu vas apprendre comment s’occuper d’un foyer et d’un ménage, d’accord ? Ta sœur a fat un bon mariage, tu ne veux pas l’imiter ?
Andoun fixait sa sœur. Madeleine gardait la tête baissée.
Toujours aucun sourire à l’horizon.
Imiter sa sœur qui avait fait le bon mariage, qui avait rapporté la dot à la famille et qui vivait dans la belle et grande Maison Blanche en ville. Imiter celle que tout le monde jalousait au marché de Makénéné.
- Si, bien sûr, s’entendit-elle concéder.
Immédiatement, un balai, un ordre de balayer la cour, la voix grave d’André, et les rêves d’Andoun s’étiolèrent doucement sous le ciel de Douala.
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« C’est notre rôle, à celles qui restent,
« De guérir
« Ceux qui partent.
[…]
Certains ont décidé d’oublier.
Pour déraciner ces cauchemars
Des confins de leurs âmes.
Ils ont essayé toutes sortes de méthodes.
Certains ont sombré dans la bière et le vin.
Il est parti d’ici, et il a laissé quelque chose.
Il est parti là-bas et on lui a pris quelque chose.
Il est revenu,
Morcelé,
Et nous poursuivions son fantôme,
Sans tout à fait nous faire à l’idée,
Que son absence lui collait à la peau
Que son absence nous suivait tous.
Parce qu’il faut bien vivre,
Rappeler à la terre qu’on lui appartient,
Se rappeler à nous-même
Que nous ne sommes que chair,
Nous danserons.

Parce qu’il faut bien vivre,
Nous supplierons la terre
De nous soigner.
Nous supplierons nos sœurs
De prier pour notre salut.
Et dans nos rires,
Nos cris,
Dans le bruit des pieds,
Qui viendront faire hurler le sol,
Et dans nos tentatives désespérées,
De s’enraciner,
Fleurira la guérison
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Derrière elle, le soleil s’était déjà levé. Elle en sentait les rayons embraser son dos. La chaleur lui intimait d’accélérer le rythme.
Plus vite, Andoun !
Plus vite !
Elle enfonça ses petits orteils dans la terre. Il fallait trouver appui pour se courber vers le sol granuleux, semer les graines qui fleuriraient bientôt. C’était son travail à elle, petite fille, aider à faire fleurir la terre. Ses minuscules mollets se soumirent à l’ordre. Elle se fléchit sur elle-même, fit disparaître une graine et tapa de plus belle contre la terre.
Andoun avait l’habitude de cette danse avec le temps et le soleil. Il fallait semer les gousses, les enfouir profondément, remettre la terre et tasser. Bientôt l’astre brûlant serait à son zénith et tout labeur deviendrait impossible.
Il faisait déjà chaud et la sueur, témoignage moite de ses efforts, mouillait le tissu de son pagne.
Plus vite, Andoun.
Plus vite.
Tape la terre, Andoun, tape.
Il fallait offrir son corps, ses genoux, ses muscles bandés, des coups, encore et encore, pour qu’enfin, à force d’imprécations, de supplications, de flexions, de torsions, la terre puisse leur livrer son cadeau.
La substance. La subsistance.
Les fruits.
La Vie.
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Diasporante.
Une vagabonde
De promenant entre différents mondes
D'un univers barricadé.
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Car aucune de ces femmes, aucune des féministes de ma connaissance, n'y arrive sans une myriades d'autres femmes qui existent autour d'elles.
Je ne crois pas aux étoiles solitaires. Je crois aux galaxies qui brillent de concert.
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- Chacun ses rêves, ma chère. Je n’ai pas tout quitté, laissé ma famille, laissé mon continent pour être possédée par qui que ce soit. Bien ! Je te laisse à tes affaires. Voyons-nous samedi, d’accord, Je t’emmènerai au restaurant, d’accord ? Tu as l’air d’en avoir bien besoin ?
Et dans un nuage de couleur et de vêtements griffés, elle était partie. 
Anne-Marie resta longtemps sans rien dire. Heureuses les femmes qui n’avaient pas grandi avec la peur de tomber.
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Baignée par la lumière des pétales, elle avait l’impression de danser avec des milliers de soleil.
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Bientôt Eboa Lotin, bientôt Petit Pays, bientôt Grace Decca, bientôt Manu Dibango.
La veille, Anne-Marie avait retrouvé les fleurs jaunes.
Le Jaune, partout, était revenu.
Après toutes ces épreuves, tous ces silences, elle les avait revues, ces boules lumineuses.
Le champ reprenait peu à peu des couleurs, comme à chaque printemps.
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