Citations de Sœur Emmanuelle (228)
Ce projet de me planter là, seule dans un bouge, n'était-il pas complètement déraisonnable ? Et pourtant il a marché : les chiffonniers ont maintenant la tête hors de l'eau.
Folie pour folie, ils n'ont d'ailleurs rien n'a m'envier, moi qui me suis installée ici, seule, contre vents et marées.
La nuit, dans ma cabane, je ne trouve pas le sommeil. J'essaye de prier : Seigneur, ai-je le droit, en conscience, de renvoyer cette jeunesse , - Elle vient vers moi, m'offrant son cœur et ses forces pour soulager un peu de la misère humaine.
Si j'ai passé plus de vingt ans avec les chiffonniers c'est grâce à ce rêve d'adolescente. Un rêve que j'ai essayer de réaliser en 1971 en allant à la léproserie d'Agou-Zaabel, prés du Caire. On m'avait parlé de la situation épouvantable des malades.
- Souviens-toi, Emmanuelle, de toi, jeune, tête de mule, acharnée dans tes engagements et que rien ni personne ne pouvait arrêter. Toujours à contre-courant. Toujours contre tous ces gens qui affirmaient : - Toi qui aimes les garçons, les toilettes, les fêtes et les rires, jamais tu n'enteras en religion, jamais tu ne te lieras aux règles d'un ordre !... - Moi la coquette, la frivole, l'écervelée aux yeux de la société, je voulais me faire religieuse ! Comme d'autres veulent devenir médecin ou aviateur.
C'était ma voie.
Et si ces jeunes étaient aussi déterminés que moi ?
N'est-il pas salutaire, nécessaire même pour l'homme, d'être parfois un peu fou ? Ai-je jamais été moi-même une fille très équilibrée ?
- On avait entendu parler de vous, Sœur Emmanuelle, qui vous battiez toute seule dans un bidonville. On a pensé venir vous aider à bâtir quelque chose de chouette !... -
Je veux évoquer dans ce livre une part passionnante de ma vie, ma relation avec cette jeunesse formidable que j'ai vue à l'œuvre et qui restera à jamais dans mon cœur.
C'est à elle que j'offre ces pages, miroir de son labeur et parfois même de son héroïsme.
Y a-t-il une relation d'égalité possible entre les- éboueurs - et ces jeunes gens de bonne famille ?
- On avait entendu parler de vous, Sœur Emmanuelle, qui vous battez toute seule dans un bidonville. On a pensé venir vous aider à bâtir quelque chose de chouette ... -
Je souris d'un air moqueur et insiste à nouveau :
- Bâtir ? Vous savez faire ?
- On est allé regarder un maçon. Il nous a dit que ce n'est pas difficile : on met les briques les unes sur les autres, c'est comme un jeu de construction ! -
Y a-t-il une relation d'égalité possible entre les - éboueurs - et ces jeunes gens de bonne famille ?
Si j'ai fait de ma vie un combat victorieux, c'est à eux que je le dois. Il ont été pour moi comme un phare. Jeunesse de l'an 2000, je te passe le flambeau pour qu'à ton tour, tu puisses marcher, même dans la nuit, à la lumière.
Voici, je crois, le secret de leur réussite : ils n'attendent aucun secours de dehors, mais uniquement d'eux-mêmes. Ils savent qu'ils ont des capacités cachées au plus profond de leur être, mais que, pour les faire jaillir, il leur faut sans cesse se battre contre le découragement qui les menace.
Ils s'acharnent, se font créatifs, audacieux, ils inventent des planches de salut pour se jeter à l'eau au secours des autres, sans se soucier du danger car vivre c'est risquer. Combien de fois n'ai-je pas vu naitre sous mes yeux l'éclatante énergie de ces lutteurs, de ces - maitres de l'impossible -.
Si j'ai fait de ma vie un combat victorieux, c'est à eux que je le dois. Ils ont été pour pour moi comme un phare.
« Tant que je peux marcher et être utile, je marche; et le jour où je tomberai , eh bien, quelqu’un prendra ma place et continuera le mouvement » .
En réfléchissant plus avant, je vois une troisième forme de divertissement dans cet appétit incoercible de connaissances, cette fringale intellectuelle qui m'habita tant d'années. Sans m'en douter, j'essayais d'oublier : oublier mon malaise, mon impuissance à réconcilier la foi et la raison. A force de se hausser dans la connaissance, on cherche inconsciemment à oblitérer les vrais problèmes qui hantent nos existences. Car aux questions essentielles du bien et du mal, de la vie et de la mort, il n'est point de réponses intellectuelles définitives. Le vide que le divertissement intellectuel cherche à fuir, c'est cette impuissance ontologique, radicale, d'atteindre le pourquoi. Il est impossible à l'homme de comprendre pourquoi il est sur la Terre, pourquoi il souffre, pourquoi il vit pour disparaître un jour, inéluctablement. Alors, on cherche à s'enivrer : au fur et à mesure qu'on avance dans les édifices de la connaissance, celle de la science ou de la philosophie, on enfante un monde qui apaise l'angoisse et nous fait croire qu'on atteindra un jour la Vérité. On s'y noie, on s'y vautre, lorsqu'on plonge ainsi dans ce monde hors du monde. Trompeuse dans son essence, cette construction intellectuelle est consolatrice. On peut, toute sa vie, s'en contenter. On a peur d'ouvrir les yeux sur le réel, insondable et écrasant. Tels de perpétuels enfants, nous préférons ce monde que forge notre imagination.
En Europe, les individus sont empêtrés dans un genre d'esclavage. Des désirs impossibles à maîtriser... étouffent le plaisir de vivre, de vivre l'instant... la joie de se sourire, de donner et recevoir la joie !
Le Christ a été le plus fort : il a plongé dans son amour purificateur cette fille, moi, prête à se plonger dans l'érotisme.
J'apprécie surtout Jean-Paul II quand il va embrasser dans sa prison Ali, l'homme qui voulut l'assassiner.
Ce cardinal qui avait répondu à mon agressivité par la douceur et une demande de prière ne pratiquait-il pas cette pauvreté en esprit ?