Citations de Akli Tadjer (329)
C'est le jour de l'enterrement que je me suis attachée à lui. Nous étions à l'arrêt de bus du cimetière à cuire sous un soleil de plomb. Nous ne savions pas si nous devions rentrer à la maison pour cuver notre deuil ou prendre l'air et regarder vivre les gens heureux.
"Le corps , ça m'est égal, je n'attends plus rien de lui mais ma mémoire c'est mon unique trésor. C'est à elle que je me raccroche pour me souvenir que je n'ai pas toujours été un paquet de chair exsangue sur un lit d'hôpital mais que j'ai souffert, que j'ai haï, que j'ai aimé, que j'ai ri, que j'ai chanté, dansé, que j'ai été vivante."
Maintenant que papa est mort, est-ce qu'il y aura une place pour moi dans ton coeur ?
J'ai répondu qu'il y avait toujours eu une place pour lui dans mon coeur.
Une place, une vraie maman. Pas un strapontin. J'ai laissé couler un moment de silence. Il a essuyé d'un revers de main maladroit une larme qui filait dans le col de sa vareuse vert-de-gris. Je l'ai serré contre mon coeur et, depuis ce jour de deuil, mon fils a été mon unique raison de vivre.
Avant de raccrocher, nous nous embrassâmes, longuement, par combinés interposés et je réalisais à quel point ma vie ressemblait à pas grand chose, qu'elle n'était qu'une béance que je tentais de combler par des fantômes de l'enfance et des souvenirs approximatifs.
Les filles aimaient bien qu’on les embobine avec des histoires à dormir debout.
Ça lui plaisait pas qu’on dise qu’elle avait treize ans. Elle préférait dire qu’elle allait sur ses quatorze.
Mohamed, Salah, Mustapha, c’était du pareil au même pour elle.
Ça fait deux ans que je vis dans le brouillard. Je croyais que j’allais m’y habituer mais je ne m’y habitue pas et je ne m’y habituerai jamais. Si par miracle je recouvrais la vue, c’est toi que je voudrais voir, là, tout de suite. Mais c’est un rêve impossible.
...il veut surtout que je prenne conscience qu’à vivre avec un aveugle ma vie va être chamboulée. Chaque jour sera une épreuve. Je vais devoir affronter le regard des autres, la moquerie, la condescendance ou, pis, la pitié. Et, aux premières disputes je finirais par ne plus voir en Léo qu’un infirme.
J’aime être nue dans le noir avec lui. Dans le noir je m’oublie, je me donne et je me damne, le noir est la couleur de mes nuits, le noir est la couleur de mes jours, le noir est mon refuge, le noir est mon pays, le noir est la couleur de l’homme que j’aime, je suis faite pour vivre et mourir dans le noir.
...il en conclut que Les petits ruisseaux font les grandes rivières, l’émission interactive qu’il présente, est destinée à régler les problèmes quotidiens des Français tout en évitant de sombrer dans le voyeurisme, la trivialité ou le cynisme.
Parce que les films où tout se trame dans les silences, les soupirs et les échanges de regards, j’ai du mal à suivre.
Il veut écouter un film d’action avec des gros effets sonores, des grands cris, des sanglots, des larmes, des rires, des éclats de voix, de la musique avec violons et tambours, c’est dans tout ce ramdam qu’il arrive à se constituer l’histoire.
Parfois, il aime ce rêve parce qu’il le ramène à sa vie d’avant l’accident, quand il était le plus fort des trompe-la-mort. Parfois, comme ce matin, ce rêve le rend mélancolique parce qu’il le renvoie à sa vie d’aujourd’hui.
Si on veut aider un aveugle à traverser la rue, on ne le pousse pas dans le dos, il n’est pas en panne d’essence. Ne pas faire d’humour sur leur handicap, c’est mal vu.
On le sollicite, parfois. Ce sont souvent des célibataires en mal de câlins ou de vieilles peaux fortunées qui veulent faire durer le plaisir du massage à domicile.
Léo refuse toujours. Non par souci de moralité mais, après avoir pétri de la chair humaine huit heures d’affilée, il n’a envie que de deux choses : manger et écouter de la musique pour s’endormir.
Marcher avec des talons de dix centimètres, c’est un métier, ça ne s’improvise pas.
Jusqu’à présent, je n’ai rencontré que des pervers narcissiques, des hommes mariés, un agriculteur recalé de l’émission L’Amour est dans le pré et deux frustrés incapables de communiquer dans la vraie vie.
Il est mieux qu’un amour de jeunesse ressuscité, il est l’amour de ses jours à venir.
Chaque fois je me suis fait avoir par des mecs mariés, des détraqués ou des frustrés. Aucun ne s’est arrêté plus que le temps de ses mensonges.
Elle se savait aussi belle de face que de fesses. Elle s’en amusait. Elle en abusait. Quand elle avait ciblé un mec, souvent le plus beau – et aussi le plus vulgaire –, elle alpaguait un de ses paons qui caquetait autour d’elle, l’entraînait au milieu du salon, posait sa tête sur son épaule et se plaquait sans jamais perdre de vue sa future proie.