Aëla Liper

» Quand j’ai vu Claire entrer dans la maison, j’ai tout de suite su que je n’allais pas l’aimer. Une pimbêche qui sait qu’elle plaît aux mecs et qui en joue. Ce qui me rassure, c’est qu’elle n’a pas l’air d’avoir inventé la poudre. Je pense qu’il doit lui manquer facile quinze minutes de cuisson. Et non, ce n’est pas de la jalousie féminine. Quoique! «

" Et maintenant, place à mon moment préféré : le prélavage des plats. J'évite autant que faire se peut de pratiquer cette activité en public. Les néophytes pourraient ne pas comprendre et seraient peut-être choqués d'une telle pratique... Attention, ce qui va suivre peut heurter la sensibilité de certaines personnes!
Je me lave bien les mains, les sèche et m'installe dans le canapé, le saladier avec le reste de chocolat sur les genoux. Je m'étire les doigts, puis plonge l'index dans le récipient en essayant de récupérer le maximum de chocolat. Je vous laisse deviner la suite... Hum quel délice! "

Mon existence retrouve donc un rythme normal: dodo/boulot/resto et tout ça, toute seule.
Ce quotidien, qui pourtant me convenait avant, commence à m'horripiler. Depuis cette soirée chez Benoit, je ne me sens pas bien. Je passe mes week-ends sans sortir de chez moi, sans voir personne, à regarder la télévision et à me faire des gâteaux au chocolat. Il ne se passe rien. Je ne vis pas ma vie, je la subis. Les jours suivent et se ressemblent mais rien ne change.

Je ne suis pas naïve. Je sais bien que le prince charmant tel que décrit dans les contes pour enfant n’existe pas. Ça fait longtemps que je ne me fais plus d’illusions à ce sujet. Je cherche juste un jeune homme qui saura me rendre heureuse, qui fera prendre un sens à ma vie. Je n’attends pas qu’il soit parfait, juste parfait pour moi avec ses défauts qui font tout son charme.

Ce que je suis depuis vingt-six ans. Spectatrice… Moi aussi je veux le premier rôle, celui de l’héroïne à qui tout sourit, qui trouve son prince charmant par hasard, au détour d’une route. Je la veux aussi moi ma love story à faire pleurer dans les chaumières. C’est nul d’être spectatrice ! Je veux être l’actrice principale de ma vie et ne plus vivre par procuration.

— Tout va bien se passer, lui murmuré-je, en déposant ma main gauche sur sa main.
— Facile à dire, ce n’est pas toi qui vas une nouvelle fois passer sur le gril. Je ne peux m'empêcher d’imaginer le pire. Je te rappelle qu’il y a un précédent. J’ai failli me faire botter le train par ton patriarche.
— Et je peux te dire qu’il l’aurait fait. Tu as bien fait de déguerpir sans demander ton reste, gloussé-je.
— Arrête tu me fais peur, blémis Louis.
— Je suis sa fille préférée, la prunelle de ses yeux. Il ne veut que le meilleur pour moi et il tuerait pour moi.
— Tuerait ? s’inquiète-t-il soudain, en rétrogradant maladroitement.
— Maintenant que tu le fais remarquer. Je n’ai plus eu de nouvelles de mon petit ami du lycée après que mon père nous a vus en train de fricoter.
Louis est livide. Il semble réellement inquiet. N'y tenant plus, je ne peux m'empêcher de pouffer pour finir par exploser de rire.

La vie, il faut la vivre, pas la rêver !

"- Alors, les filles, c'est quoi ces messes basses? demande Baptiste en arrivant, les mains chargées avec nos trois bières.
- Des trucs de filles, dis-je pour couper court.
"Des trucs de filles", c'est la réplique efficace pour que les mecs arrêtent de poser des questions. Testé et approuvé."

Je serais une détective avec les capacités de Columbo et la maladresse de Gaston Lagaff. J’adore les sensations que procure le fait de mener l’enquête. Mais peut-être que si je le faisais tous les jours, je trouverais ça moins marrant. Fini les réflexions, place à l’action.

Personne ne répond et, d’un coup, tout le monde réalise que cette clef est de Thomas. Thomas, celui qui manque à la fête. Thomas, mon meilleur ami, décédé il y a dix mois dans un tragique accident de moto. Je me sens submergée par l’émotion. Tenir son dernier cadeau dans les mains fait resurgir mon chagrin. Je serre contre moi l’ultime souvenir que j’ai de lui. Cet objet sur lequel est gravé ‘À la plus douce des fleurs’. Je reconnais la touche de Thomas le poétique, le romantique. Je lutte pour ne pas pleurer. Je me pince la cuisse de toutes mes forces. Résister, ne pas craquer. Pas maintenant, pas devant tout le monde.