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Critiques de Albert Londres (179)
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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne

de Albert Londres

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Cette œuvre est dans le domaine public pour les pays où la durée est fixée à 70 ans après la mort de l'auteur.



Lors du reportage qu'il effectue en Guyane sur le bagne, Albert Londres rencontre Eugène Dieudonné, un menuisier anarchiste condamné sans preuve lors du procès qui jugea «la bande à Bonnot». Quelques années plus tard, le journaliste apprend que le forçat s'est échappé, il le retrouve au Brésil où il a refait sa vie. L'auteur nous conte les péripéties de l'évasion, nous décrit l'hostilité de l'environnement, la mer, la forêt, la solidarité mais aussi l'égoïsme des bagnards, les chasseurs d'évadés, etc. Albert Londres fera tout pour que Dieudonné soit gracié et il obtiendra gain de cause.
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Adieu Cayenne

Après avoir lu Au bagne, le reportage terrifiant d'Albert Londres sur le bagne de Guyane, et La vie des forçats, le livre écrit par l'ancien bagnard Eugène Dieudonné après son amnistie et son retour en France (sur le conseil d'Albert Londres et préfacé par ce dernier), je me devais de lire le troisième ouvrage témoignant du lien entre ces deux hommes hors du commun : Adieu Cayenne, également parfois publié sous le titre "L'homme qui s'évada" (il s'agit bien du même livre !)

Il s'agit du compte-rendu probablement extrêmement fidèle du long entretien qu'Albert Londres a eu avec Dieudonné dans une chambre d'hôtel de Rio de Janeiro, après la dernière évasion couronnée de succès du forçat. Ladite évasion, encore fraîche dans l'esprit du fuyard, y est relatée en détail, de même que les tergiversations politiques entre les pouvoirs publics français et brésiliens, entre demande d'extradition, pression de l'opinion publique, etc. Tout cela est passionnant et d'une grande modernité (cf l'affaire Julian Assange par exemple).

L'horreur du bagne n'est pas directement au programme de cet ouvrage, mais son ombre menaçante et omniprésente plane sur le récit de cette évasion, de bout en bout. En creux, on la devine, à voir l'acharnement surhumain de Dieudonné et de ses compagnons de débine à s'évader à n'importe quel prix et à préférer sans hésiter la mort à une nouvelle capture.

La scène de "l'Autre", qui continue, bien qu'agonisant, à marcher des jours et des jours en serrant les dents pour ne pas être lâché par ceux qui n'ont pas encore été repris, en dit long, très long.

Véritable leçon de résilience et de détermination d'un innocent à se soustraire à une condamnation injuste, ce récit est un monument historique à lui tout seul.
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Adieu Cayenne

Albert Londres le grand journaliste d'investigation toujours a fouiner là où ça dérange se met en rapport au Brésil avec Dieudonné Eugène un bagnard évadé de Cayenne pour se faire conter son histoire.

Pourquoi ce dernier se trouve-t-il incarcéré dans la pire bagne de France dans une cellule d’à peine quelques mètres carrés avec des moustiques?

A cause, Monsieur, d’une énorme erreur judiciaire délibérée de la part de la police, de la justice et de l’appareil politique du moment.

Sa faute : avoir été anarchiste et côtoyé Bonnot et sa bande. Ah on rigolait pas avec les black block de l’époque.

La faute de la police: avoir fortement influencé une victime à reconnaître Dieudonné comme son agresseur alors qu’elle s’était trompée une fois en dénonçant déjà un innocent et avoir fait chou blanc dans la capture de Bonnot et donc il fallait des résultats. Déjà du chiffre !

La faute à la justice: avoir inculpé Dieudonné alors qu’un faisceau de preuves l’innocentait et en ayant de plus écarté la rétractation de la victime. C’est vrai que ce n’est pas un ministère très sérieux surtout quand le ministre, comme certain, commence sa carrière comme fossoyeur et à son apogée se permet de faire un doigt d’honneur à des élus!

La faute des politiques ! eh bien comme d’habitude la lâcheté, la désinformation du contribuable, le bilan de sécurité du mandat pour un vote favorable de l’électeur et visiblement ça n’a pas changé depuis Fouché. N’est-ce pas Gérard? Gérard et Christophe? (Les trois derniers: des as!) C’était déjà l’époque du « mais en même temps... »“et du « Je suis un avocat qui défend les gens qui sont en difficulté. Je ne suis pas un avocat qui défend les gens qui ont des difficultés. » Dupond-Moretti Ah la subtilité ! Oui Monsieur!

Et puis comment suivre un dossier d’importance nationale et prendre une décision à une époque où, de la condamnation à l’évasion de Dieudonné soit 13 ans il y a eu pas moins de 20 ministres de l’intérieur et 24 ministres de la justice ? Je vous le demande !

On s’étonnera quand même que les présidents mettent, invariablement, à ces deux postes pourtant importants ( non là je plaisante c’est le budget pépettes, le poste important) tous les simplets de France et de Navarre

Le quotidien de Dieudonné, le travail, la promiscuité, la délation pour un morceau de pain, la cellule d’isolement, l’humidité équatoriale et les moustiques ( là je suppose c’est pas dit)Il faut reconnaître que l’administration pénitentiaire, du gardien au responsable a eu un attitude plutôt cordiale et courtoise avec le détenu qui ne s‘en est jamais plaint. Mais bon purger une peine dans un lieu aussi atroce pour un crime que l’on n’a pas commis il faut avoir le moral pour supporter.

Son évasion: rocambolesque mais dans des conditions infernales. La même peur au ventre les mêmes hommes prêts à vous dénoncer pour trois fois rien, les mêmes moustiques (là c’est dit) la mort de compagnons.

Sa remise en liberté: grâce aux autorités brésiliennes il a échappé à un retour à la case départ (voir Monopoli) tergiversations des autorités françaises pour lui accorder le passeport et enfin la possibilité de rentrer en France chercher sa réhabilitation

Bref 15 ans de captivité 15 ans de vie perdue et tout ça à cause de quelques glands carriéristes dans des commissariats et palais de justice sans parler de ceux de la plus haute magistrature.

Une infamie!

« Adieu Cayenne » n’est pas un roman mais bien une non-fiction relatée par le condamné lui-même sous la plume d’Albert Londres. C'est très factuel.

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Adieu Cayenne

Cayenne, c'est fini pour Dieudonné? Oui, mais pas sans mal!

Sous un format romanesque haletant mais aussi émouvant, on découvre stupéfait le destin d'Eugène Dieudonné, accusé à tort d'avoir participé aux exactions de la bande à Bonnot, qu'il ne faisait pourtant que fréquenter de loin en loin du fait de ses convictions anarchistes.

Arrêté, "reconnu" par une victime dont on a retenu le témoignage bien qu'il ait déjà désigné à tort deux autres coupables, condamné à mort, gracié, envoyé au bagne de Cayenne, Dieudonné y croupit quinze ans pendant lesquels il ne rêve que d'une chose : la Belle, l'évasion, la liberté.

C'est le récit de cette évasion qu'Albert Londres vient cueillir de la bouche de Dieudonné, et quel récit! S'évader de Cayenne dans les années 1920, c'est l'assurance de s'exposer à d'impitoyables risques de noyade, de malnutrition, de trahison, et pour beaucoup d'échec, voire de mort.

Est-ce la chance des innocents? Dieudonné s'en tire, se refait une vie au Brésil mais voilà que le funèbre destin frappe de nouveau à sa porte... jusqu'au rocambolesque retournement qui lui verra obtenir et sa grâce, et ses papiers.

C'est tout à l'honneur du journaliste Albert Londres de s'être effacé dans cette oeuvre pour laisser la parole à Eugène Dieudonné, afin de mettre en lumière et son parcours inouï, et sa personnalité attachante et tenace.

Une lecture à compléter de "Au bagne" pour mieux comprendre l'enfer de Cayenne et la soif d'évasion du brave Eugène.
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Adieu Cayenne

Adieu Cayenne ! raconte la terrible évasion d'un homme ayant échappé à la guillotine mais pas à l'enfer que représente le bagne en Guyane.

Albert Londres nous relate par le détail, dans un récit tout journalistique sa rencontre avec cette victime (vraiment innocente) des circonstances, de l'époque, de la justice aveugle et de la terrible épreuve que représente une vie (une mort !) au bagne de Cayenne.

L'évasion en pirogue par la mer est la seule option possible, nous sommes en 2016 et il n'y a toujours que deux routes principales dans ce département, alors imaginez ça au début du XXème siècle !

Par la mer donc...

Oui mais !

C'est sans compter sur le manque d'expérience du passeur, c'est sans compter sur des marées de ouf deux fois par jours, qui vous ramènent avec force à votre point de départ ou qui vous enlisent pour plusieurs heures, au milieu de nulle part et vous laissent à la merci des moustiques et autres machins pas très sympas.

Pour avoir vu de mes yeux (ébahis et rigolards) mon cher et tendre vouloir absolument se baigner à marée basse et ressortir couvert d'une vase verte et collante, il n'est pas difficile d'imaginer le calvaire des évadés !

Je vous écris ce petit texte ici à Cayenne, bien à l'abri sous ma varangue, il pleut sans discontinuer depuis trois jours maintenant, et j'imagine ces bagnards, innocents ou non, déambuler comme des spectres là, en bas de chez moi, sous une pluie battante, sous une chaleur écrasante.

Ils sont sous-alimentés, ils ont une fièvre tenace,ils sont trempés et désespérés ils ont la tête pleine de rêves d'évasions impossibles et mortelles.

Tant pis...ils ont si peu à perdre..

Et puis, comme dira Dieudonné notre évadé, à Albert Londres depuis sa petite chambre au Brésil:

"On en voit des choses en évasion ! "
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Adieu Cayenne

Albert Londres nous décrit l’univers d’Eugène Dieudonné, son parcours de vie, de Cayenne au Brésil. Cet homme fut accusé à tort d’avoir été un des membres de la bande à Bonnot, qu’il fréquentait pourtant peu. Il fut reconnu et arrêté , condamné à mort, gracié, envoyé au bagne de Cayenne.

Dieudonné va y rester pendant quinze ans . Il n’a qu’un souhait, l’évasion , la liberté .Albert Londres recueille le récit de l’évasion de Dieudonné lui-même. Quel exploit, s’évader de Cayenne dans les années 1920 !

Des risques encourus tous les jours, de noyade, de famine, de dénonciation. Naviguer sur les eaux en pirogue avec des passeurs qui ont peu d’expérience, offre une mini chance de s’en sortir. Malgré tout, Dieudonné s’en sort. Il recommence une nouvelle vie au Brésil .Sa vie n’est pas simple et encore une fois, il a affaire à la justice. Mais il s’en sort et retrouve papiers et sa grâce.

Albert Londres nous livre là , la réhabilitation d’un innocent qui s’accroche à la vie et à l’espoir, en quête de la « Belle », c’est-à-dire la liberté.

Je ne connaissais ni cet homme, ni l’écrivain qui transmet ce récit journalistique où on sent à chaque épisode de vie, l’horreur de ce bagne et les non-dits.

J’ai passé un bon moment de lecture, avec ce récit de vie.
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Adieu Cayenne

C'est un roman plein de péripéties incroyables et de grands sentiments : amitié, trahison, violences, espoir et désespoir...; non, c'est un film dans des décors sauvages, avec des aventures et des cascades spectaculaires, des fusillades, des bagarres, un naufrage... ; non, c'est un scénario de série américaine en plusieurs saisons à suspense, avec des épisodes se passant dans le Paris interlope de la Belle Epoque, d'autres au bagne de Cayenne, d'autres dans les salles d'audience des tribunaux, ou d'autres dans la jungle amazonienne ...

Finalement non, rien de tout cela, c'est un reportage journalistique d'après une histoire vraie. Autant dire qu'on peut avoir du mal à croire à tout, Albert Londres lui-même doute du récit que Dieudonné lui rapporte. Mais la preuve ultime que celui-ci a réussi son évasion, a survécu à la jungle, à la faim, aux mouchards, à la fièvre, à l'administration française..., c'est qu'il est là, en face d'Albert Londres, pour lui parler et lui raconter, et donc nous le raconter.

Ce n'est pas un plaidoyer contre les horreurs de Cayenne comme dans Au Bagne, mais la réhabilitation d'un innocent qui s'accroche à la vie et à l'espoir, en quête de la "Belle", c'est-à-dire la liberté. Ce qui m'a intéressée, plus que les péripéties de l'évasion elle-même, c'est l'acharnement de l'administration française qui mobilise tout ses réseaux au Brésil pour le retrouver, et l'importance d'un début de médiatisation auprès de l'opinion publique : l'affaire est publique, connue par les journaux, qui jouent sur l'émotion et permettent ainsi de réhabiliter Dieudonné.
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Au bagne

Mon 1er livre de 2019 ! Si on m'avait dit que je choisirais "Au bagne" !

Excellent témoignage, très belle plume. Albert Londres était un grand journaliste mais également un grand auteur. L'atmosphère du bagne est particulièrement bien rendue. Un texte court, très bien rédigé et accessible.



Incroyable reportage qui a abouti à la disparition des bagnes coloniaux.

L'exemple même du journalisme qui fait rêver et qui modifie la société en profondeur.

Un très beau texte. Maintenant je me demande pourquoi j'ai attendu les 1ers jours de 2019 pour le lire. Pourquoi pas plus tôt ?
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Au bagne

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Au bagne

C'est grâce à ce livre que les français ont découvert "la double peine " du bagne. Albert LONDRES l'explique très bien, ainsi que l'absence de possibilité de se réinsérer à une époque où on pouvait être condamné au bagne pour un simple vol.
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Au bagne

La France, Pays des Droits de l’Homme.



Au regard de cette enquête sur les bagnes en Guyane, je pouvais certainement en douter. Les animaux étaient bien mieux traités que les êtres humains. Cayenne, ville colonialiste où régnait une atmosphère malade, malsaine, où la misère était bien visible et dépassait toute espérance dans la vie de chacun. Je suis entraîné par les mots (mais cela est déjà bien suffisant) dans les plus profonds bas-fonds de la société française. Espérance est d’ailleurs un bien grand mot qui n’a aucun écho pour ces bagnards.



A l’heure où l’on s’interroge sur l’apport positif du colonialisme, sur la double peine, cette enquête datant de plusieurs décennies reste encore (et malheureusement) d’actualité. Est-ce que depuis la fermeture du bagne « à la française » nos prisons sont plus humaines ? Peut-être, quoique...
Lien : http://leranchsansnom.free.fr/
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Au bagne

Le reportage laisse une grande place à la parole des bagnards et « doubleurs » principalement, mais aussi celle des médecins, administrateurs… Les témoignages ne sont très certainement pas inventés mais sont très probablement "poétisés" (à partir de notes). Pourra-t-on le reprocher ? Certes, l’enregistrement audio permet aujourd’hui d’avoir accès à la parole authentique, mais qui s’est un jour confronté à la retranscription de la parole brute, sait qu’il est toujours question de réécrire, de policer par l’écriture, d’effacer les hésitations, répétitions, ruptures de syntaxe, de tronquer, ou au contraire de rendre compte dans l’écriture (par des artifices rompant avec la norme) de ces défauts d’oralité, ce qui ajoute inévitablement un trait décrédibilisant à cette parole (suspicion d'illettrisme). On peut s'imaginer comme la parole et la voix d'un homme abruti par l'enfermement, en colère, désociabilisé ou ne fréquentant plus que taulards, se détériorent. Comment cette parole brute, si elle n'était pas retouchée, pourrait-elle atteindre une population de lecteurs bien éduqués, bien confiants dans ce qui les distingue de ces êtres (mal éduqués) que la société à laquelle ils appartiennent a décidé d'écarter et de punir ? Londres, par cette écriture du témoignage, confronte le lecteur à des êtres humains ordinaires (la seule différence est ce qu'ils ont fait ; qu'on ne les juge pas sur la forme), met en valeur des points choquants, absurdes ou touchants, crée des échos, provoque ainsi la réflexion et l'indignation du lecteur. Ces témoignages mêlés au romanesque des trajectoires, à l’exotisme des lieux, et à ces descriptions de corps qui semblent pourrir à mesure qu’on tourne les pages, donnent une vraie couleur littéraire au reportage. Les envolées lyriques se font rares, sans ambages, ponctuant le portrait d'un personnage d'une remarque acerbe, comme qui échapperait à toute retenue possible. La conclusion du reportage est elle aussi sans ambiguïtés, dénonce clairement, appelle à des changements devenus évidents. À vingt-mille lieues par-delà les mers du journalisme de supermarché, neutralité qui est plutôt absence de goût et de style qu'absence d'aprioris, bruyant et racoleur pour des broutilles, n'ayant d'oeil que pour les grandes marques, transportant sa liste de courses pour répondre à la demande des lecteurs-clients.



Qu'est-ce que dénonce ici Albert Londres ? C'est le laisser-faire de toute une administration qui sait, qui continue malgré tout, pour le profit de quelques uns, et pour la tranquillité d'esprit des bons citoyens, non pas à doubler, mais à tripler, quadrupler la peine fixée par la justice. Le bagne ou la dégradation de l'homme, la déshumanisation : éloignement de toute patrie et famille, isolement rendant fou ou entassement insalubre rappelant les plus grandes heures de la traite négrière (rappelons que les premiers déportés aux Amériques pour servir de main d’esclaves étaient des prisonniers irlandais...), malnutrition, absence de soins médicaux, punitions et humiliations... Des conditions qui amènent nombreux détenus à souhaiter la mort. Dans ce contexte, la privation de liberté est un moindre mal. Le travail forcé même n'est pas dénoncé par le reporter qui dénonce bien davantage le gâchis gigantesque de la force de travail des prisonniers. Les corps sont maltraités et ne peuvent donc accomplir un travail efficace, mais plus encore c'est la direction des opérations qui semble être volontairement inorganisée, contre-productive. L'ouvrage des bagnards relève davantage du supplice de Sisyphe que d'une œuvre d'aménagement du territoire pour le compte de la patrie… Et la construction de la colonie guyanaise par les bagnards n'est jamais qu'un échec, comme si cela était la volonté inavouable des autorités, que les bagnards ne soient jamais les artisans de rien, que leur humanité soit gâchée, reniée.



Un grief qui revient souvent est le mélange des prisonniers : petits criminels, grands trafiquants, déséquilibrés et fous psychopathes, prisonniers politiques et potentiels innocents... Pas de distinction, comme le dit le proverbe, il s'agit d'être sûr que tous soient contaminés, se comportent en bêtes, s'entretuent, tentent des évasions... Les bagnards envoyés en Guyane sont tous des criminels irrécupérables, il n'y a pas à se préoccuper de leur sort (dévalorisation après coup fort comparable à celle des populations noires qu'on s'était autorisés à réduire en esclave). Même "libres", les bagnards doivent rester des sous-humains. Le fameux "doublage" les force à demeurer sur le lieu de leur abaissement, loin de tout soutien, parmi les ex-taulards, sans aucun moyen de gagner de l'argent dans une région où il y a peu d'activité, et où votre CV vous précède... Ainsi les bagnards sans l'institution deviennent ce qu'on veut qu'ils soient : clochards puants, ne sachant que voler, boire, violer... dont le seul espoir d'amélioration est même de réintégrer le bagne (qui alors n'est pas si terrible !). Le bagne, lieu de torture bien plus que de pénitence ou de mise à l'écart de personnes dangereuses ; en cela symptomatique de ce qu'est trop souvent l'appareil judiciaire : un instrument de vengeance et de défoulement de la société sur une partie d'elle-même qu'elle veut mauvaise sans le moindre doute et radicalement différente d'elle-même. Les populations incarcérées servent ainsi de boucs-émissaires. Comme le montre Foucault dans son Histoire de la folie mais pour l'enfermement des fous, le fait de retrancher les criminels et de les sanctionner durement permet de supposer que la partie laissée en liberté est saine... L'on peut dès lors questionner ce besoin si impérieux de nos sociétés de se sentir innocentes...
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Au bagne

Une plongée "mortifère" dans l'univers du bagne français. Une histoire de "France" méconnue, peu glorieuse pour l'administration d'un état égalitaire...

Une grande enquête d'un grand reporter.
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Au bagne

Après avoir découvert récemment sur Arte le film Papillon montrant l'arrivée au bagne de Guyane et les tentatives de fuite de Steeve McQueen et Dustin Hoffman, je me suis plongée dans le reportage d'Albert Londres.

J'y ai retrouvé les mêmes décors moites, poisseux, à la végétation qui brouille les pistes, aux insectes qui dévorent les chairs, aux maladies qui enfièvrent. La même cruauté des gardiens sadiques ou des détenus pervertis entre eux. L'homme est un loup pour l'homme, l'enfer c'est les autres, ces réflexions sont connues, mais ici le paysage et le climat sont une nouvelle source de souffrance, un châtiment supplémentaire. Albert Londres y fait rapidement allusion, mais quelle force il a fallu au capitaine Dreyfus pour survivre toutes ses années, et survivre en gardant sa santé mentale...

Les histoires sont d'autant plus crues et cruelles qu'elles sont vraies. Cependant, je n'ai pas été aussi touchée que j'aurais pu/dû l'être si je n'avais pas vu le film Papillon avant, car il m'avait montré par l'image les supplices, les violences entre co-détenus, les horreurs du climat, mais aussi les restes d'humanité et de fraternité possibles.
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Au bagne

c'est bien fait (travail d'un reporter) et certainement interessant pour ceux qui s'interessent au Bagne de Cayenne. on apprend pas mal de choses. on épingle certaines reflexions de l'auteur qui écornent les gens du pouvoir. mais ce n'est pas suffisant pour que j'aille jusqu'au bout. Ce genre littéraire s'étudie, plus qu'il ne fait vibrer comme un bon roman.
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Au bagne

Pour nous Français de 2023, c'est-à-dire un siècle après la parution du reportage d'Albert Londres, l'horreur du bagne de Guyane n'est plus un mystère. Nous avons tous et toutes en tête des images, des noms, des impressions. Et pourtant ! La lecture d'Au bagne reste un choc, et est encore capable de nous indigner. Le système pénitentiaire français, en voulant protéger la société des éléments jugés dangereux, a créé un monstre, dont tout le monde sur Guyane percevait pourtant l'absurdité, la cruauté et surtout l'inefficacité, mais dont pas grand monde ne semblait s'émouvoir en métropole, faute d'une image précise de la situation. Il aura fallu ce reportage, qui se termine par une lettre ouverte au ministre des colonies, pour créer une onde de choc. Mais la fermeture complète et définitive n'était pas encore au programme. Le bagne, décrit par Albert Londres, non seulement ne permet pas aux hommes ayant purgé leur peine de "s'améliorer" pour se réintégrer dans la société, mais pire encore, le système d'assignation à rester en Guyane après leur peine, sans ressource, sans travail, sans toit, les oblige pour survivre à commettre encore pire. Le texte d'Albert Londres est très agréable à lire, il est très ironique, souvent drôle même ; la lecture est parfois un peu compliquée par les termes d'argot des bagnards, mais auquel on finit par s'habituer. Même si, une siècle plus tard, les bagnes tels celui de Guyane n'existent plus sous cette forme, cette lecture invite à réfléchir à la notion de peines de prison et de réinsertion.
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Au bagne

Pour avoir moi même vécu en Guyane et vu la structure du bagne de mes yeux, je comprend tout a fait ce que décrit Albert Londres. Un bon livre qui poussera à la fermeture du bagne.
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Au bagne

Le bagne colonial renvoie aujourd'hui à une idée assez désuète de la prison. Établissement pénitencier de travaux forcés, cette institution est heureusement aujourd'hui abolie. Aux enfants terribles, on avait autrefois l'habitude de dire : "Si tu continues, tu iras casser des cailloux sur les routes de Guyane" (p.26). On était alors à l'époque loin de se douter de ce que pouvait bien signifier la vie au bagne. Grâce à cette enquête d'Albert Londres menée en 1923 pour le compte du journal Le Petit Parisien, le voile est enfin levé sur cet enfer guyanais. Autrement désignée sous les termes de biribi, prison, enfer ou torture, cette administration pénitencière, sous couvert de réhabiliter fripouilles et criminels et de développer les colonnies, déporta ainsi des milliers d'hommes dans divers bagnes dont celui de Guyane. Les transportés ont bien sûr des choses à se reprocher mais à la lumière des ignobles conditions de détention dénoncées par le journaliste, la fierté de la France coloniale en a quand même pris un sacré coup : forcé de reconnaître l'inhumanité de ses mesures en matière d'administration pénitentière, le gouvernement décide en 1924 suite aux publications des papiers d'Albert Londres de supprimer le bagne.



Aux cris de victoire probablement poussés par les partisans d'Albert Londres à l'époque, j'aurais presque envie de répondre : heureusement que le gouvernement ne s'est pas montré sourd à la sonnette d'alarme tirée par le journaliste ! Plus qu'une enquête, Au bagne est un véritable réquisitoire contre la politique pénitencière des bagnes. Soulignons qu'au delà de toute considération purement administrative, cette édifiante investigation remet lourdement en cause le système judiciaire français (notons au passage que les hollandais et britanniques envoyaient également des forçats dans leurs colonies). Voyons pour commencer, comment était organisée cette effroyable machinerie : l'idée de départ étant de débarraser le pays de toute sa vermine et de développer les colonies par le travail des forçats (entre nous, quelle idée !), tous les condamnés étaient soit déportés, soit transportés, soit relégués. La différence ? Les transportations se rapportent aux prisonniers politiques (ex : le capitaine Freyfus). Pas de travaux forcés pour ces derniers. La transportation concerne quant à elle les condamnés aux travaux forcés. Leur peine est assortie d'un doublage qui leur impose de passer, après leur peine écoulée, la même durée que leur peine dans la colonie (les résidents en période de doublage étaient censés recevoir une concession mais c'est une utopie). Enfin, les relégués sont envoyés au bagne avec résidence à vie suite à plusieurs condamnations. Autant dire que les bagnes ne manquaient pas de ressources humaines !



Passons maintenant à la vie au bagne qui constitue le coeur de notre sujet. Nous apprenons en introduction de l'ouvrage que c'est suite à sa démission des journaux Le Quotidien et L'Éclair qu'Albert Londres avec l'accord d'Élie-Joseph Bois du Petit Parisien, part en mission au bagne de Guyane Française. Il confiera d'ailleurs en conclusion de son enquête : "Je rêve chaque nuit de ce voyage au bagne. C'est un temps que j'ai passé hors la vie. Pendant un mois, j'ai regardé les cent spectacles de cet enfer et maintenant ce sont eux qui me regardent. Je les revois devant mes yeux, un par un, et subitement, tous se rassemblent et grouillent de nouveau comme un affreux nid de serpents. Assassins, voleurs, traitres, vous avez fait votre sort, mais votre sort est épouvantable. Justice ! Tu n'étais guère jusqu'à ce jour, pour moi, que la résonnance d'un mot ; tu deviens une Déesse dont je ne soutiens plus le regard. Heureuses, les âmes droites, certaines, dans le domaine du châtiment, de donner à chacun ce qui lui appartient. Ma conscience est moins sûre que ses lumières. Dorénavant, si l'on me demande d'être juré, je répondrai : Non !." (p.201). Ne décèle t-on pas dans cette déclaration le choc occasionné par ce séjour ? En à peine un mois, le journaliste a rencontré de nombreux forçats ou responsables et il a été le témoin de l'injustice infligée aux détenus : envoyés pèle-mêle en Guyane, déportés, transportés et relégués, lorsqu'ils ne succombent pas au voyage, se retrouvent parqués dans des cases disséminées dans divers camps. Les enquêtés d'Albert Londres livrent des témoignages aussi poignants que révoltants : entre les conditions de détention déplorables (maladies, parasites, faim), les trafics, les évasions, les vols, les meurtres, le bagne est une rude école du crime où les repentis n'ont pas leur place. En ressortir meilleur relève tout simplement de l'impossible...



Parmi les personnages interrogés, on se souviendra notamment de Paul Roussenq dit "l'Inco", Marcheras l'Aventurier ou Eugène Dieudonné de la Bande à Bonnot (affaire dont quelques archives sont présentées dans l'ouvrage Dans les archives secrètes de la police). On se souviendra également des évadés, des cachots, des pieds-de-biche (les voleurs), de la cour des miracles, des fous, du camp des lépreux. Ou encore des combines des détenus (le plan pour cacher l'argent, les germes de tuberculose utilisés par les détenus pour donner du fil à retordre aux médecins..) et des passeurs-assassins sans scrupules... Comme en témoignent les entretiens et les anecdotes d'Albert Londres, le bagne est un monde cruel et insoupçonnable au commun des mortels. Nous remercions l'auteur d'avoir porté à la connaissance du monde, cet univers insensé où les hommes marchaient sur la tête... Tous mes hommages donc à l'homme qui a réussi à faire abolir le bagne de Guyane... Enquête à découvrir de toute urgence tant pour son style que pour son message !



Pour ceux qui souhaitent approfondir leurs connaissances sur le sujet, lisez le dossier Les bagnes coloniaux de l'excellente revue hypermédia Criminocorpus et découvrez sans plus attendre la visite virtuelle guidée du Camp de la relégation de Saint-Jean du Maroni toujours proposée par l'équipe scientifique de Criminocorpus.



Sinon, notez à propos des bagnards rencontrés par Albert Londres lors de son investigation (cf. plus haut), l'existence des ouvrages suivants que j'ai l'intention de me procurer : L'enfer du bagne de Paul Roussenq illustré par Laurent Maffre et La vie des forçats d'Eugène Dieudonné illustré par Thierry Guitard, ouvrages tous deux édités par ce chouette éditeur que je découvre : Éditions Libertalia.
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Au bagne

L'île du Diable, la bien nommée, celle où fut à l'isolement l'ex-capitaine Dreyfus, Saint-Laurent-du-Maroni, les îles du Salut ... les moustiques, les araignées-crabe, chaleur suffocante et moite, cruauté et enfer des hommes.

Tous cela, le grand journaliste français Albert Londres va le dénoncer à une France rassurée et qui se voile la face. Témoin de tant de souffrances, il va le premier oser écrire et publier. Il est cependant possible qu'il ait lu en anglais "Le vagabond des étoiles" de Jack London, terrible plaidoyer contre les quartiers sordides des prisons américaines.

Courageusement, Albert Londres va faire le tour des bagnes de Guyane et plus tard d'Afrique, recueillir des témoignages là où on le prend pour un possible mouchard, suspect aux gardiens comme aux forçats.

Intègre, incorruptible, ne renonçant pas face aux pressions, Albert Londres est devenu l'exemple absolu du véritable journaliste. Forgeant l'idéal d'un métier totalement oublié aujourd'hui.

Ses livres : Au bagne, Dante n'avait rien vu, Chez les fous, Terre d'ébène ne sont pas assez lus, ni connus des enseignants qui, et c'est juste parlent au moins du Figaro et de Zola, mais c'est bien dommage.
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Au bagne

Critique des conditions de détentions et de la double peine de ceux qui ont été condamnés au Bagne en Guyane; suite à son livre, les autorités interviendront pour améliorer un tant soit peu les conditions des détenus; ce récit, documentaire, essai on ne sait comment le définir sera suivi de Adieu Cayenne.
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