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Citations de Albert Schweitzer (68)


Il existe une quinzaine ou une vingtaine de ces catégories dans lesquelles on peut faire rentrer tous les motifs expressifs caractéristiques de Bach. La richesse de son langage ne consiste pas dans l’abondance de thèmes différents, mais dans les différentes inflexions que prend le même thème suivant les occasions. Sans cette variété de nuances, on pourrait même reprocher à son langage une certaine monotonie. C’est en effet la monotonie du langage des grands penseurs qui, pour rendre la même idée, ne trouvent toujours qu’une expression unique, parce qu’elle est la seule vraie.

Mais son langage permet à Bach de préciser ses idées d’une façon surprenante. Il dispose d’une variété de nuances dans l’expression de la douleur et de la joie, qu’on chercherait vainement chez d’autres musiciens. Une fois connus les éléments de son langage, les compositions même qui ne se rattachent à aucun texte, comme les préludes et les fugues du Clavecin bien tempéré, deviennent parlantes et énoncent en quelque sorte, une idée concrète. S’agit-il d’une musique écrite sur des paroles, on peut, sans regarder le texte, en préciser les idées caractéristiques à l’aide des thèmes seuls.
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Dans la mystique éthique, l’homme possède, comme des biens inaliénables, la plus grande spiritualité et le plus profonde idéalisme.
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Quoi qu’il en soit, le fait reste certain : l’intérêt pictural chez lui l’emporte parfois sur l’intérêt musical. Bach, lui aussi, a outrepassé les limites de la musique pure. Mais son erreur, n’est pas comparable à celle des grands et des petits primitifs de la musique descriptive, qui péchaient par ignorance des ressources techniques de l’art ; elle a sa source dans l’exceptionnelle hauteur de son inspiration. Goethe en composant son Faust croyait écrire une pièce propre à être représentée au théâtre. Or, l’œuvre devint si grande et si profonde, qu’elle peut à peine supporter la représentation scénique. Chez Bach, de même, l’intensité d’une pensée qui aspire à s’exprimer sans réticence et en toute sincérité est parfois telle qu’elle fait tort à la beauté purement musicale de ses ouvrages. Il a pu se tromper : mais ses erreurs sont de celles que seul le génie est capable de commettre.
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Toutefois, dans sa recherche de la trop grande précision de langage, il lui arrive parfois d’outre-passer les limites naturelles de la musique. Il est indéniable qu’on trouve dans ses œuvres bien des pages qui causent une déception à l’audition. C’est que bon nombre de ses thèmes procèdent plutôt de la vision que de l’imagination musicale proprement dite. En cherchant à reproduire une image visuelle, il se laisse entraîner à créer des thèmes qui sont admirablement caractéristiques, mais qui n’ont plus rien de la phrase musicale. Dans les œuvres de jeunesse ces exemples sont rares, parce que l’instinct mélodique est encore plus fort que l’instinct descriptif. Mais plus tard, les exemples de cette musique ultra-picturale deviennent assez fréquents. Parmi les grands chorals de 1736, quelques-uns, comme les chorals sur la sainte-cène (VI No. 30) et sur le baptême (VI No. 17), sont déjà par delà les limites de la musique. Il en est de même de tous les airs construits sur des thèmes figurant la démarche d’un homme qui trébuche. C’est ainsi que la cantate « Ich glaube Herr, hilf meinem Unglauben » (J’ai la foi Seigneur, aide-moi dans mon doute) No. 109, est presque insupportable à l’audition, parce qu’elle décrit la foi défaillante à l’aide de thèmes de ce genre. Bach jouant lui-même ou dirigeant ces morceaux, savait-il les faire agréer par la perfection de l’exécution ? Avait-il un secret d’interprétation que nous n’avons pas encore découvert ?
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Qu’est-ce à dire, sinon que la musique de Bach n’est descriptive qu’en tant que ses thèmes sont toujours déterminés par une association d’idées picturale ? Cette association, tantôt s’affirme énergiquement, tantôt est comme inconsciente. Il y a des thèmes dont, au premier abord, on ne soupçonnerait pas l’origine picturale, s’il ne se trouvait, dans les autres œuvres, toute une série de thèmes analogues dont l’origine n’est point douteuse. Ce sont alors les thèmes plus accentués qui éclairent l’origine des autres. En rapprochant les thèmes de Bach, on découvre une série d’associations d’idées picturales qui se reproduisent régulièrement, quand le texte y donne lieu. Cette régularité dans l’association des idées, on ne la trouverait ni chez Beethoven, ni chez Berlioz, ni chez Wagner. Le seul qu’on puisse comparer à Bach, c’est Schubert. L’accompagnement de ses Lieder repose sur un langage descriptif, dont les éléments sont identiques à celui de Bach, sans toutefois atteindre à sa précision. Il ne connaissait guère les œuvres du Cantor de Leipzig, mais voulant traduire en musique la poésie des Lieder, il devait nécessairement se rencontrer avec celui qui avait traduit en musique la poésie des chorals.
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De plus, quand il suit les indications d’un texte, il n’appuie pas à la façon prétentieuse des primitifs. On admirera de quelle façon modeste il souligne, dans les récitatifs de la Passion selon St. Matthieu, un mot par ci, un mot par là. Ce sont comme de légères inflexions de la musique, destinées à passer inaperçues. De même, dans les cantates et dans les chorals. Par contre, un motif nouveau apparaît-il dans le texte, la musique change aussitôt, car, pour Bach, une nouvelle image nécessite un nouveau thème. Ils ne sont pas rares, les grands chœurs, où deux et même trois thèmes successifs interviennent à tour de rôle parce que le texte les appelle. Ainsi dans la cantate « Siehe, ich will viel Fischer aussenden » (No. 88), écrite sur ce texte de Jérémie : « Voici, j’envoie une multitude de pêcheurs, dit l’Éternel, et ils les pécheront ; et après cela j’enverrai une multitude de chasseurs, et ils les chasseront. » La musique de la première partie dépeint le mouvement des vagues, car le mot « pêcheur » évoque un lac aux yeux de Bach ; dans la seconde moitié (Allegro quasi presto), ce sont les chasseurs qui parcourent la montagne : on entend des fanfares. Bien des airs présentent la même singularité : le thème de la partie médiane correspond à une autre image que celui de la partie principale.
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Bach a-t-il eu nettement conscience de cet instinct pictural ? Il ne semble guère. On ne trouve, à notre connaissance, dans ses confidences à ses élèves, aucune allusion qui permette de l’affirmer. Le titre de l’Orgelbüchlein annonce bien qu’il s’agit, en l’espèce, de chorals modèles, mais il ne dit pas qu’ils sont typiques précisément parce qu’ils sont descriptifs. Et puis, toutes les parodies qu’il fit de ses œuvres, supprimant ainsi les intentions picturales de sa propre musique, ne sont-elles pas là pour attester que l’instinct descriptif, chez lui, était inconscient ? Mais aussi bien, où est chez le génie la limite du conscient et de l’inconscient ? N’est-il point l’un et l’autre à la fois ? De même Bach ; il est inconscient quant à l’importance qu’a dans son œuvre la musique descriptive ; mais dans sa façon de discerner les sujets à traiter et dans le choix des moyens, il est d’une clairvoyance absolue.

La grande erreur de tous les primitifs consiste à vouloir traduire en musique tout ce qui se trouve dans un texte. Bach évite cet écueil. Il se rend bien compte que les péripéties d’un texte doivent être, à la fois très simples et fortement marquées pour qu’on puisse se risquer à les retracer par les sons. Aussi les cas où il use de ce moyen sont-ils très rares.
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Son symbolisme, lui aussi, est visuel comme celui d’un peintre. C’est par là qu’il arrive à exprimer des idées tout à fait abstraites. Dans la cantate No. 77, pour le 13e dimanche après la Trinité, il traite ce verset de l’Évangile : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même » (Luc. 10, 27). C’est la réponse du Christ au scribe qui lui avait demandé quel était le plus grand de tous les commandements. Or, ces commandements, petits et grands, la musique les représente par la mélodie du choral « Dies sind die heilgen zehn Gebot » (Voici les dix commandements), que les basses de l’orgue font entendre en blanches, et les trompettes en noires, tandis que le chœur exécute le verset du Seigneur qui proclame la nouvelle loi d’amour.
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Voyons Bach à l’œuvre. Quelque mauvais que soit le texte, pourvu qu’il contienne une image, le voilà satisfait. Vient-il à découvrir une idée picturale, elle lui tient lieu du texte tout entier ; il s’attache à elle au risque d’aller à l’encontre de l’idée dominante qu’il renferme. Préoccupé qu’il est exclusivement de l’élément pictural, il n’aperçoit point la faiblesse et les défectuosités du libretto.

Il n’est pas jusqu’à la nature, qu’il ne sente, pour ainsi dire, d’une façon picturale. La poésie de la nature dans son œuvre n’est point lyrique, comme chez Wagner : elle est plutôt vue que sentie. Ce sont des tourbillons de vent, des nuages qui s’avancent à l’horizon, des feuilles qui tombent, des vagues qui s’agitent.
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Mais son âme de peintre resta ignorée de ses contemporains. Ses élèves et ses fils ne se sont pas avisés de ses instincts picturaux, pas plus qu’ils ne se sont doutés, que sa véritable grandeur, c’était d’être un poète en musique. De même Forkel, Mossevius, von Winterfeld, Bitter et Spitta. Spitta, que sa connaissance approfondie des œuvres de Bach mettait pourtant à même de voir juste, éprouve comme une appréhension à pousser ses recherches dans cette direction. Quand il ne peut faire autrement, il avoue que telle et telle page contient de la musique descriptive, sans oublier jamais d’ajouter que c’est là un pur accident auquel on aurait tort d’attacher quelque importance. Ces exemples, pour lui, sont des curiosités, rien de plus. En toute occasion, il affirme que la musique de Bach est au dessus de « puérilités » de ce genre, qu’elle est de la musique pure, la seule qui soit classique. Cette appréhension l’égaré. La crainte qu’un jour on ne vînt à découvrir chez Bach de la musique descriptive, et que cette découverte ne portât atteinte à sa réputation d’auteur classique, l’empêchent de s’apercevoir du rôle qu’elle joue dans ses compositions [5].
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Mais ce qui tient la plus grande place dans son œuvre, c’est la poésie picturale. Avant tout, il recherche l’image, tout différent en cela de Wagner, qui est plutôt un dramatique lyrique. Bach, lui, est plus voisin de Berlioz et plus voisin encore de Michel-Ange. S’il avait pu lui être donné de voir un tableau de Michel-Ange, nul doute qu’il n’y eût retrouvé quelque chose de son âme à lui.
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Son instinct dramatique n’est pas moins développé. Le plan de la Passion selon St. Matthieu, si admirablement conçu au point de vue dramatique, est de son invention. Dans chaque texte il cherche des contrastes, des oppositions, des gradations à faire valoir par la musique. C’est dans le Petit recueil de chorals (« Orgelbüchlein ») qu’éclate le mieux l’importance qu’il attache aux contrastes et aux gradations : il y dispose les chorals de manière que l’un donne du relief à l’autre. De même, dans les cantates mystiques, il oppose la crainte de la mort (Todesfurcht), à la joyeuse nostalgie de la mort (Freudige Todessehnsucht). Souvent il rehausse un texte en le commentant par un thème de choral qu’on entend dans l’orchestre. Au texte « Ich steh mit einem Fuß im Grabe » (J’ai déjà un pied dans la tombe), vient s’ajouter le choral « Dieu, agis envers moi selon ta bonté » (Cantate No. 156) ; dans un récitatif de la cantate « Wachet, betet » (Veillez et priez) No. 70, la trompette fait entendre tout à coup le choral du jugement dernier « Es ist gewißlich an der Zeit » ; dans la cantate « Sehet, wir gehen hinauf nach Jerusalem » (Voici, nous allons monter à Jérusalem) No. 159, surgit le choral de la Passion « O Haupt voll Blut und Wunden » [4].
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Son plus grand souci, c’est de donner au texte le relief qu’exige la musique. Peu lui importe d’amplifier le sentiment exprimé par ces paroles. Le contentement devient volontiers joie exubérante et la tristesse, douleur aiguë. Souvent il s’attache à un seul mot qui résume, à ses yeux, tout ce que le texte contient de substance musicale, et, par la composition, il lui donne une importance qu’il n’avait point en réalité. C’est ainsi que du texte de la cantate « Es ist ein trotzig und verzagtes Ding » (No. 176), il n’a réalisé en musique que le mot « trotzig » (arrogant), alors que, dans l’ensemble, il s’agit plutôt de contrition. En mainte occasion, il présente son texte sous un jour faux ; mais, toujours, l’idée qui se prête à l’expression musicale se trouve amenée au premier plan. C’est elle que la composition fait ressortir comme en travail repoussé.
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Et pourtant il était poète dans l’âme, en ce qu’il cherchait dans un texte, avant tout, la poésie qu’il contient. Quelle différence entre lui et Mozart ! Mozart est purement musicien. Il prend un texte donné et l’habille d’une belle mélodie. Bach, au contraire, le creuse ; il l’approfondit jusqu’à ce qu’il ait trouvé l’idée qui, à ses yeux, représente l’essentiel, ce que devra illustrer la musique. Il a horreur de la musique neutre qui vient se superposer à un texte sans avoir rien de commun avec lui que le rythme et un sentiment tout à fait général. Souvent, sans doute, quand il se trouve en présence d’un texte sans idée saillante, force lui est de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Mais avant de se résigner, il fait l’impossible pour découvrir quelque germe musical dans le texte même. Déjà la phrase musicale qu’il lui applique, est née du rythme naturel des paroles. Par là il devance Wagner. Chez Händel, on perçoit souvent un antagonisme latent entre la phrase du texte poétique et la phrase musicale qui vient se superposer à celle-ci. Par exemple, il lui arrive de fragmenter des périodes longues en plusieurs phrases, qui cessent, dès lors, de former un tout. Chez Bach, au contraire, la période musicale est modelée sur le phraser du texte. Elle en jaillit naturellement. La phrase la plus longue, il la rend par une de ses belles grandes périodes musicales dont il a le secret. De passages sans structure aucune qui, au premier abord, semblent réfractaires à toute déclamation, il tire les plus belles phrases musicales, et avec une habileté si naturelle, qu’on s’étonne de ne pas y avoir soupçonné ce phraser jusque là [3].
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La peinture biblique et la peinture d’histoire, tels sont les deux aspects du faux descriptif dans l’histoire de la peinture ; ces deux chapitres dans l’histoire des arts plastiques ont leur parallèle dans celle de la musique. Les représentants supérieurs du genre descriptif sont, pour l’art plastique, Michel-Ange, pour la musique, Bach.

Bach était un poète. Mais il lui manquait le don de s’exprimer. Son langage était sans distinction, et son goût poétique n’était pas plus développé que celui de ses contemporains. Eût-il, autrement, accepté si volontiers les libretti de Picander ?
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La peinture biblique fournit en abondance des exemples de cette fausse narration picturale qui, en vérité, n’est que de la belle imagerie. Si achevée que soit l’exécution, elle ne réussit point à faire oublier l’absence complète de composition. C’est qu’en réalité, il n’y a qu’un très petit nombre de scènes bibliques qui se prêtent à la peinture ; les autres ne sont pas susceptibles de remplir les conditions voulues.

Le seul qui véritablement ait fait preuve de discernement dans le choix des sujets et qui n’ait jamais fait de la fausse peinture biblique, c’est Michel-Ange. Que l’on compare à ses puissantes évocations de l’histoire sainte les simples illustrations qu’en a données Véronèse. Si admirables et si prestigieuses que soient, au point de vue de la forme, les Noces de Cana, ne nous croirions-nous pas tout simplement en présence d’un festin quelconque, n’était cette sorte de convention tacite passée entre le peintre et le public ?
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Dans l’art pictural, nous constatons une anomalie analogue : la peinture biblique. Séduits par des épisodes connus de tous, les peintres, anciens et modernes, se sont laissés entraîner au-delà des limites naturelles de la narration picturale. Ils croyaient représenter tel ou tel épisode de l’Histoire sainte, en réunissant sur une même toile les personnages qui y figurent ; ils ne songeaient point à se demander si l’action de l’épisode pouvait être concentrée dans une scène unique et se traduire d’une façon concrète par l’attitude des personnages, comme l’exige la logique de toute composition picturale. Aussi ont-ils créé, presque tous, des tableaux qui sont, en leur genre, aussi faux que la fausse musique descriptive. Comme les scènes bibliques des Sonates de Kuhnau, leurs œuvres ne s’expliquent que par des sous-entendus. Un homme avec un couteau, un enfant avec les bras liés, une tête qui surgit à travers les nuages, un bouc dans les arbustes : tout cela réuni sur une toile représente l’histoire du sacrifice d’Abraham. Une femme et un homme assis au bord d’une citerne, douze hommes venant deux par deux sur la route, dans le fond des gens sortant d’un bourg : c’est Jésus et la Samaritaine.
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Cette musique descriptive primitive a si peu cessé d’exister qu’elle reparaît avec toutes ses prétentions dans notre musique à programme. Entre les mains de Liszt et des disciples, grands et petits, qui s’engagent dans cette voie, la symphonie tourne au poème symphonique (Symphonische Dichtung). Les péripéties ne s’expliquent plus par elles-mêmes ; elles nécessitent un commentaire qui annonce ce que la musique va représenter. Qu’on ne s’y méprenne pas : pour grands que soient les moyens qu’elle emploie et la netteté d’expression à laquelle elle atteint, cette musique descriptive n’en reste pas moins primitive et comme en marge de la musique, précisément parce qu’elle ne s’explique point par elle-même. Et quand ce sont des musiciens de second ordre qui la pratiquent, ils ont beau multiplier les explications et commenter chaque mesure : ce caractère «primitif ne fait que s’accentuer. Tels les anciens peintres, qui figuraient les paroles de leurs personnages par une guirlande de mots qui s’élançait de leur bouche, au lieu de se contenter du geste et de l’expression.

L’histoire de la musique descriptive primitive comprend donc deux périodes : une période ancienne et une période moderne. Ici et là, nous sommes en présence de tendances normales, qui, étant donné la façon dont elles se sont manifestées et développées, n’ont abouti qu’à un art faux.
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La tendance descriptive apparaît déjà dans les œuvres des primitifs. Ce sont des tendances imitatives très naïves ; ils veulent reproduire le chant des oiseaux, le rire, les gémissements, le bruit d’une source ou d’une cascade ; bien plus : ils prétendent représenter des scènes entières, et aboutissent ainsi à des narrations musicales où les péripéties de la composition sont censées correspondre à celles d’un récit. C’est précisément dans les deux générations antérieures à Bach que nous voyons apparaître simultanément en Italie, en Allemagne et en France, cette musique descriptive rudimentaire. Ainsi, dans les morceaux caractéristiques de Froberger et des clavecinistes français, que Bach connaissait, dans les descriptions orchestrales des maîtres hambourgeois, les Keiser, les Mattheson et les Telemann, et surtout, dans les sonates bibliques de Kuhnau, qui sont comme l’expression classique de cette tendance. [2]
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Les peintres ne copient pas simplement la nature, mais ils la reproduisent pour nous faire partager la surprise et l’émotion qu’ils ont ressenties devant elle, en la voyant en poètes. Et ce qu’ils nous enseignent, qu’est-ce, sinon à voir partout la nature avec les yeux du poète ?

La musique descriptive est donc légitime puisque la peinture et la poésie sont comme les éléments inconscients, sans lesquels le langage des sons ne se concevrait pas. Il y a du peintre dans tout musicien. Écoutez-le parler, et cette seconde nature vous apparaîtra aussitôt. Pour exprimer l’idée la plus simple, les musiciens ne sauraient se passer d’avoir recours à des images et à des métaphores. Leur langage est une sorte de peinture en paroles ; d’où l’allure si originale, si pittoresque, souvent aussi, si bizarre et incohérente de leurs écrits. Rien de plus intéressant, à cet égard, que leurs lettres : elles montrent leur esprit sans cesse travaillé par des images visuelles.
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