« Partir, c'est mourir un peu », Edmond Haraucourt, 1890.
Quoi de plus beau que le premier vers de la Rondel de l'Adieu pour évoquer les dernières années de la plus éminente et fascinante famille impériale de Russie.
Stockholm, 28 mai 1948. Igor Kleinenberg, professeur d'Allemand, replonge avec une certaine nostalgie dans ses souvenirs de la Russie prérévolutionnaire. Engagé comme précepteur des grandes duchesses à la cour impériale en 1910, il se pose autant en acteur de la « grande Histoire » (s'il est admis qu'il y en est une petite ; c'est discutable), autant qu'en spectateur dévoué et attendri. A travers son regard, nous assistons, impuissants, à la fin d'un empire, et non des moindres, à l'escalade de la Révolution, à l'ascension de Raspoutine.
Grande fresque historique dans l'intimité de la famille tsarienne, intimité du quotidien, intimité meurtrie par la Révolution de 1905, famille surprotégée, qui n'aspire finalement qu'à la liberté, la simplicité, à recouvrir l'amour de son peuple.
Bien que fictif, ce récit n'en est pas moins très documentaire. Pour nourrir son roman, l'auteur a compilé une somme considérable de documents ; le propos est d'ailleurs illustré de magnifiques photos d'archives. Nous sentons la présence de l'historien de l'art, du scientifique, du passionné, derrière ces mots.
Ce premier roman est magnifiquement écrit. La prose d'Alexandre Page est belle, soutenue, sans être inaccessible. Une prose classique, sans préjugé aucun, comme on en manque quelque peu en ce moment.
Alors attention : c'est un très long ouvrage de 775 pages, peut-être un peu abrupt pour les « non-intéressés » par ce tournant de l'histoire européenne. Jetez-y néanmoins un oeil ; la qualité de l'écriture vaut au moins que vous vous y arrêtiez pour en apprécier la substance.
Selon moi, et je ne suis absolument pas une professionnelle, la plume d'Alexandre Page, mérite d'avoir un bel avenir d'auteur. Je le lui souhaite de tout coeur.
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