Durant ces nuits-là, il n'y avait jamais rien eu dans ses yeux ou son comportement qui aurait laisser penser que. Je veux dire rien d'assez clair pour en être frappant. Et qu'on se dise qu'il y avait là matière à. Une sorte de terreau sur lequel aurait poussé la suite des évènements. Dont on aurait pu sinon prévoir la tournure, au moins imaginer le genre.
Les frontières de son monde connu, pourrait-on dire. Tout petit monde. Inscrit à l'intérieur d'un minuscule périmètre. Incluant d'une part la barre d'immeubles. Avec le grillage autour et l'étang derrière. Puis le studio de la cousine, d'autre part. Juste à côté de la gare et du passage souterrain qui débouchait sur le fleuve. Et ces deux pöles, les deux extrémités de son monde, reliés par un long terrain vague.
Entre nous, ça avait tout de suite pris, si je puis dire. Dès la première fois où nos regards s'étaient croisés. J'avais ressenti quelque chose. Une sensation très forte. Sur laquelle je n'avais pas voulu mettre de mots. Pour qu'elle reste comme un cheval sauvage, cette impression. Qu'elle reste libre.
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Nos yeux s'étaient habitués à l'absence de lumière. Presque d'un coup. Sans qu'on s'en soit véritablement aperçu. Et j'ai pensé qu'il y avait des moments dans la vie où c'était comme ça. Des moments où il fallait accepter de ne rien y voir, de ne rien savoir. D'avancer vraiment dans la nuit. Parfois durant un temps qui pouvait ne pas être très long. Au bout duquel on finissait toujours par voir les lignes se dessiner. Des chemins apparaître, ou la forme d'une idée.
C'est alors que j'ai cru comprendre ce qu'avait peut-être été l'abri en ville de Dylan? Malgré la noirceur qui allait avec. Il devait y avoir cet aspect de lieu hors du temps. Comme une vie à l'intérieur de la vie. Une sorte de passage secret entre deux endroits. Où jamais personne ne pourrait venir nous chercher.