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Citations de Alice Zeniter (1700)


Qui a dit ça – est-ce que c'est Shakespeare ? – le pouvoir n'est jamais innocent. Pourquoi alors est-ce qu'on continue à rêver qu'on peut être dirigé par des gens bien ? Ceux qui veulent assez fort le pouvoir pour l'obtenir, ce sont ceux qui ont des egos monstrueux, des ambitions démesurées, ce sont tous des tyrans en puissance. Sinon ils ne voudraient pas cette place… 
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Le camp Joffre – appelé aussi camp de Rivesaltes – où, après les longs jours d'un voyage sans sommeil, arrivent Ali, Yema et leurs trois enfants est un enclos plein de fantômes : ceux des républicains espagnols qui ont fui Franco pour se retrouver parqués ici, ceux des Juifs et des Tziganes que Vichy a raflés dans la zone libre, ceux de quelques prisonniers de guerre d'origine diverse que la dysenterie ou le typhus ont fauchés loin de la ligne de front. C'est, depuis sa création trente ans plus tôt, un lieu où l'on enferme ceux dont on ne sait que faire en attendant, officiellement, de trouver une solution, en espérant, officieusement, pouvoir les oublier jusqu'à ce qu'ils disparaissent d'eux-mêmes. C'est un lieu pour les hommes qui n'ont pas d'Histoire car aucune des nations qui pourraient leur en offrir une ne veut les y intégrer. 
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Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître,
tant de choses semblent si pleines d'envie
d'être perdues que leur perte n'est pas un désastre.
 
Perds chaque jour quelque chose. L'affolement de perdre
tes clés, accepte-le, et l'heure gâchée qui suit.
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
 
Puis entraîne-toi, va plus vite, il faut étendre
tes pertes : aux endroits, aux noms, au lieu où tu fis
le projet d'aller. Rien là qui soit un désastre.
 
J'ai perdu la montre de ma mère. La dernière
ou l'avant-dernière de trois maisons aimées : partie !
Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître.
 
J'ai perdu deux villes, de jolies villes. Et, plus vastes, 
des royaumes que j'avais, deux rivières, tout un pays.
Ils me manquent, mais il n'y eut pas là de désastre. 

Elisabeth Bishop
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Ils veulent une vie entière, pas une survie. Et plus que tout, ils ne veulent plus avoir à dire merci pour les miettes qui leur sont données. Voilà, c'est ça qu'ils ont eu jusqu'ici : une vie de miettes. Il n'a pas réussi à offrir mieux à sa famille.
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— Parfois tu es aussi con que mes élèves, lui dit Romain. J'entends ça toute la journée : « M'sieur, je peux pas être raciste, je suis noire ! », « Je peux pas être raciste, je suis arabe ! ». À part ça, ils se foutent tous de la gueule des Asiatiques, des Chrétiens, des Roms… Mais ils sont persuadés qu'ils sont vaccinés contre le racisme par leur couleur de peau et que c'est un mal qui n'arrive qu'aux autres.
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Le garçon paraissait minuscule dans les gros bras de l'homme de la montagne. Claude a cru voir en Ali une tendresse paternelle qui défiait la virilité traditionnelle- cet ensemble de codes qui détermine ce que doit être un homme dans les villages de là-haut, ce règlement qui n'est publié nulle part où Claude pourrait le lire et qui le fascine autant qu'il l'effraie. Il s'est reconnu en l'autre, lui qui est un père transi d'amour. (p. 46)
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Une ancienne tradition kabyle veut que l’on ne compte jamais la générosité de Dieu. On ne compte pas les hommes présents à une assemblée. On ne compte pas les œufs de la couvée. On ne compte pas les grains que l’on abrite dans la grande jarre de terre. Dans certains replis de la montagne , on interdit tout à fait de prononcer des nombres. (…) Les roumis ne comprennent pas que compter, c’est limiter le futur, c’est cracher au visage de Dieu.
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À la fin de l'automne, les pluies torrentielles s'abattent sur le camp. Contre la toile de tente, les gouttes cognent encore et encore dans un fracas formidable. La première nuit d'averse, Hamid ne fait aucune différence entre les sons, et les rafales sans cesse répétées de la pluie l'inquiètent.
[...]
Le lendemain, il commence à distinguer les différents bruits de la pluie. Sur les tôles et les toiles différemment empilées, c'est toute une symphonie de gouttes qui s'abat, résonne, se double en croches, s'alourdit en roulement. Au bout de longues nuits d'écoute, il apprend à les reconnaître et il peut visualiser la manière dont elles s'écrasent au-dessus de lui. Presque machinalement, le petit garçon sort ses mains de sous la couverture et de ses gestes invisibles, dans le noir, il s'improvise le chef d'orchestre de l'orage.
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... il ne peut pas s'empêcher d'imaginer ce que ce serait de vivre avec une femme qu'il aimerait comme un adolescent. Dont le sourire le paralyserait chaque fois. Dont les yeux lui feraient perdre les mots. ... C'est plaisant de rêver quelques secondes. Il ignore que pour ses enfants et encore plus pour ses petits-enfants ces quelques secondes de rêve qu'il s'autorise parfois deviendront la norme à partir de laquelle ils jaugeront leur vie sentimentale. Ils voudront que l'amour soit le cœur, la base du mariage, la raison qui pousse à fonder une famille et ils se débattront en tentant d'articuler l'ordre du quotidien et la fulgurance de l'amour sans que l'un des deux n'étouffe ou ne détruise l'autre. Ce sera un combat permanent et souvent perdu mais toujours recommencé.
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Je voulais tout vous donner mais je ne suis plus sûr de rien. Peut-être que nous serons tous morts demain. Peut- être que ces arbres brûleront avant que j'aie réalisé ce qui se passe. Ce qui est écrit nous est étranger et le bonheur nous tombe dessus ou nous fuit sans que l'on sache comment ni pourquoi, on ne saura jamais, autant chercher les racines du brouillard.
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Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir, suppose Ifren. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays.
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Ils ont tellement de papiers, tous ces Français, commente Yema dans la cuisine en secouant la tête. On se demande bien ce qu'on peut faire ici sans les papiers. Mourir ? Moi je suis sûre que même pour ça, ils te demandent les documents et que si tu les as pas, ils te maintiennent vivant jusqu'à ce que tu les trouves...
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Quand tu dors, tu oublies tous tes soucis, a toujours dit Ali à ses fils pour les obliger à aller se coucher, c'est une chance merveilleuse et ça ne dure que quelques heures, alors profite.
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Le mariage, c'est un ordre, une structure. L'amour, c'est toujours le chaos - même dans la joie. Il n'y a rien d'étonnant à ce que les deux n'aillent pas de pair. Il n'y a rien d'étonnant à ce que l'on choisisse de construire sa famille, son foyer, sur une institution qui est durable, sur un contrat évident plutôt que sur le sable mouvant des sentiments.
- l'amour, c'est bien, oui, dit Ali à son fils, c'est bon pour le coeur, ça fait vérifier qu'il est là. Mais c'est comme la saison d'été, ça passe. Et après il fait froid.
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Au moment où ils naissent, l'Algérie dit "Droit du sang: ils sont Algériens ". Et la France dit"Droit du sol :ils sont Français ". Alors eux, toute leur vie, ils ont le cul entre deux chaises et de manière très officielle.
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Le patron du bar rougit mais persiste dans son attitude hargneuse. Il est trop tard maintenant pour qu'il fasse volte-face. Les gens que l'on prend pour des salauds, souvent, sont des timides qui n'osent pas demander qu'on recommence à zéro.
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Lorsque du courrier arrive, c'est Hamid qui le lit et le traduit à ses parents désormais. Il bute encore sur les mots trop longs mais la tâche est de plus en plus simple. Il est fier : "Oyez, oyez : le héraut va vous annoncer la parole."
Mi-mai, il trouve dans l'enveloppe destinée à son père une invitation pour la fête de fin d'année de l'école. Tous les parents sont conviés et la lettre ajoute avec un enthousiasme pondéré qu'il y aura dans l'après-midi un spectacle et une vente de gâteaux. Hamid imagine Ali et Yema, perdus au milieu des parents d'Étienne, de Maxime, de Guy, de Philippe occupés à manger des parts de génoise dans de petites assiettes en carton en discutant de l'inévitable réélection de De Gaule... (La seule fois qu'il ira au théâtre, des années plus tard, il éclatera de rire à la vue des aristocrates en costume de lin blanc de "La Cerisaie" parce qu'il réalisera que la vision qu'en a Tchekov, ou le metteur en scène, ressemble étrangement au cauchemar que lui inspirait la bourgeoisie provinciale de son enfance.) Il n'a pas envie qu'ils viennent à la fête de l'école, ils ne sauront pas se tenir, ils vont parler fort ou ne pas parler du tout. Ils n'aimeront pas, ne comprendront pas. Ils ne voudront sûrement pas venir de toute manière − pense-t-il − ils seront intimidés. Mais pour être certain de leur absence, lorsque Ali lui demande ce que dit le courrier, il répond :
− C'est l'école qui annonce qu'elle achète un nouveau tableau.
Son cœur bat si vite et si fort dans sa poitrine que c'est comme si celle-ci était vide et que l'organe pouvait rebondir partout, en grands mouvements désordonnés.
− C'est bien, c'est bien, dit Ali sans entendre le fracas du cœur de son fils.
Il quitte la chambre du petit garçon et le laisse travailler sur son lit. Hamid le regarde sortir, désemparé, honteux. Ça a été trop facile de lui mentir. Deux phrases se télescopent dans sa tête, parties à toute vitesse :
Il peut se faire avoir par n'importe qui.
Il ne sait rien.
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Parfois il n'y a que des questions à ajouter aux questions.
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Dans sa vie amoureuse, Antoine avait toujours cherché avec application des filles plus intelligentes que lui. Il était terrifié à l'idée de devoir être le cerveau du couple, c'était une responsabilité beaucoup trop grande. Mais il devait admettre qu'il ne savait pas bien déceler l'intelligence. À quoi se reconnaît-elle ? Pour Antoine, elle se reconnaissait le plus souvent au fait qu'il ne comprenait pas son interlocuteur. C'est ce qui lui avait plu chez Cécile quand il l'avait rencontrée : il avait interprêté le sentiment d'être perdu devant ses revirements comme une preuve de sa rapidité d'esprit et cette rapidité comme une preuve de son intelligence. Mais après deux ans, il avait cessé d'admirer sa vitesse : il commençait à soupçonner qu'elle n'était pas, comme il l'avait cru, la marque d'une faculté extraordinaire mais celle d'une volonté de se débarrasser de la pensée.
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Ceux qui veulent assez fort le pouvoir pour l'obtenir, ce sont ceux qui ont des egos monstrueux, des ambitions démesurées, ce sont tous des tyrans en puissance. Sinon ils ne voudraient pas cette place…
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