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EAN : 9782081515437
400 pages
Flammarion (19/08/2020)
3.19/5   777 notes
Résumé :
Il s'appelle Antoine. Elle se fait appeler L. Il est assistant parlementaire, elle est hackeuse. Ils ont tous les deux choisi de consacrer leur vie à un engagement politique, officiellement ou clandestinement. Le roman commence à l'hiver 2019. Antoine ne sait que faire de la défiance et même de la haine qu'il constate à l'égard des politiciens de métier et qui commence à déteindre sur lui. Dans ce climat tendu, il s'échappe en rêvant d'écrire un roman sur la guerre ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (142) Voir plus Ajouter une critique
3,19

sur 777 notes
Passionnant mais pernicieux ce roman a l'ambition de répondre à la question : que signifie faire de la politique aujourd'hui ?

Hiver 2019, Antoine Madec, l'un des quatre assistants d'un député socialiste, s'active au Palais Bourbon et prépare en parallèle un ouvrage sur la guerre d'Espagne et les légendaires photographes Robert Capa et Gerda Taro. Les gilets jaunes occupent les ronds points et l'espace médiatique. le PS est en crise suite à ses désastres électoraux à la présidentielle de 2017 et aux européennes de mai 2019. le député est désigné par son parti pour participer à une commission sur la cybercriminalité ; il s'y présente sans préparation et révèle une incompétence et une suffisance sidérante. Antoine laisse tomber son ex et se retrouve provisoirement « poor lonesome cowboy ».

L, brillante autodidacte beurette, et Elias, son compagnon allemand, s'activent dans la mouvance hacktiviste, contribuent au projet Chanologie contre l'église de scientologie et à d'autres opérations. l'gagne modestement sa vie en dépannant des particuliers confrontés à des bugs sur leurs PC. La police arrête Elias qui est incarcéré. l'devient « poor lonesome cowgirl ».

Alice Zeniter explique avec beaucoup de pédagogie et de précision les techniques de l'hacktivisme et rend passionnant et limpide ce qui pourrait être ennuyeux et complexe pour le profane. Elle croise astucieusement les deux couloirs narratifs et déploie son style remarquable.

Le lecteur devine, sans peine, que les chemins de l'et Antoine vont se croiser ; l'trouve asile dans l'appartement de l'attaché parlementaire. Selma, militante féministe, et Xavier, une réincarnation bretonne de Robin des Bois accueillant des squatteurs, des SDF, et des asociaux dans le maquis celtique, entrent en scène et l'se réfuge dans cette communauté où « ils dansent et éclatent de rire ».

Conclusion délétère qui masque la toxicité du piratage informatique.

La romancière réussit à rendre sympathiques, voire séduisants, les crackers, hackers et racketteurs, en cachant les multiples ravages de ces criminels :
- En 2022, en France, une douzaine d'hôpitaux ont été victimes de cyberattaques et, à Ajaccio, par exemple, les soins de radiologie et d'oncologie ont été compromis et des établissements ont été rançonnés à hauteur d'un million d'euros.
- L'entreprise Camaïeu, victime d'une cyber attaque détruisant son informatique a baissé le rideau le 1 octobre 2022, condamnant ainsi 2600 employés au chômage.
- La députée Raquel Garrido a été la cible d'une affaire de fake news pour laquelle son adversaire, l'ancien député Jean-Christophe Lagarde, un policier et un journaliste sont poursuivis en justice.

Il n'y a pas ni « gentil » hacker, ni « gentil » squatter, mais des délinquants qui menacent la loi et l'ordre et affaiblissent nos démocraties, parfois au profit d'états étrangers. Attaquer l'état, ce n'est pas, à mes yeux, « faire de la politique aujourd'hui », c'est du terrorisme.

D'où ma déception en terminant cet ouvrage qui donne une image préjudiciable de nos parlementaires et fait l'apologie des terroristes en revendiquant l'héritage de Robert Capa et Gerda Taro.
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J'adore les « Cahiers de vacances »… formule taquine, car en l'occurrence il s'agit juste du plaisir de découvrir un texte avant parution…Le dernier ouvrage à venir d'Alice Zeniter, que m'ont prêté gentiment des amis-libraires, avant leur propre lecture [**Librairie Caractères / Issy-Les-
Moulineaux ]

« Il faut que quelque chose change, se répétait-il à l'automne 2019, incapable de savoir si la phrase concernait ses désirs plutôt que l'ordre du monde. Il faut que quelque chose change. » (p. 22)

Une phrase tout simple pour situer l'ouvrage qui va coller à une actualité très, très récente…

Une chronique sociale très fouillée d'une époque, la nôtre, en totale mutation, en complète tempête. le style d'Alice Zeniter est toujours fluide, plaisant… mais pour ma part, au vue de mes goûts, attirances littéraires… cette absence de recul, tous ces faits d'actualité, trop récents m'ont rebutée ; comme si j'étais à nouveau plongée, matraquée dans un quotidien révoltant, oppressant…dans lequel on est nécessairement confronté et saturé par l'omniprésence des médias et des informations (ou « Désinformations » ) journalières...

Mes envies et mes choix en Littérature sont attirés vers un minimum « D Ailleurs » , d'évasion, de recul, des sujets nouveaux m'instruisant, m'ouvrant de nouveaux domaines, à la fois de la fantaisie, de la documentation…solide [ qui donne envie de prolonger la recherche], un style , le choix des mots …Et surtout un « Elargissement » de mon horizon (de grâce !!..)
Après m'être expliquée sur mes choix littéraires, vous comprendrez mieux mes résistances involontaires quant à cette fiction sociale…qui, pourtant a tout pour plaire…et faire réfléchir !

J'ai persisté, mais sans grand succès ; décidément ce roman trop ancré dans les problématiques du temps, de notre présent immédiat, m'ont complètement bloquée.J'en suis fort chagrinée… car la plume est alerte, virulente, acerbe…lucide, présentant des analyses fouillées, des interrogations brutes envers notre société « malade » de toutes parts !

« Il [le journaliste] évoquait aussi les "casseurs" qui avaient entaché la manifestation du jour (...) Antoine aurait voulu qu'il n'aborde pas la question (...)Antoine croyait savoir, depuis l'intérieur, que ça ne se passait pas comme ça : au milieu d'une foule rassemblée pour une revendication précise surgissait parfois une impression de puissance, ou au contraire de totale impuissance, qui pouvait donner l'envie soudaine de ravager quelque chose. (p. 51)”

L'ouvrage d'Alice Zeniter est de qualité… mais ne me correspond pas à mes accointances littéraires…du moment !!
Envie d'horizons ou plus légers ou surtout différents de ce que nous vivons et de ce qui nous interpelle dans l'immédiateté…Comment réfléchir, agir, vivre autrement sur une planète malade de tous nos excès et de notre narcissisme de « bipède » !!. ..

Alice Zeniter décortique tout de notre société à travers deux personnages qu'elle fait se rencontrer : Antoine, assistant parlementaire, mal à l'aise dans ces coulisses du dit-Pouvoir, lui qui ne rêve que d'écrire un vrai Livre, où « Il parlerait de la guerre d'Espagne ;(où) il y aurait des points-virgules »… Et Elle, qui se fait appeler L, ; elle est hackeuse ; sa vie bascule, est remise en cause à partir de l'arrestation de son compagnon qui a piraté une importante société de surveillance informatique, ce dont elle l'avait pourtant dissuader de le faire… Questions universelles (toutefois) : jusqu'où va-ton pour changer le monde ? Jusqu'où les engagements politiques, sociaux , individuels peuvent-ils mener..?

Une gêne constante dans ma lecture m'a franchement freinée, les thématiques collant vraiment trop à tout notre quotidien, plus qu'imparfait et nous saturant déjà les uns et les autres…lorsqu'on se lève le matin !! Je relirai sans doute plus tard, avec plus de distance… cette fiction des plus réalistes, miroir déformant de tous « nos » travers, et dysfonctionnements, injustices, régressions de notre univers journalier !!

- Les Réseaux sociaux, les dysfonctionnements de la Toile, les faces sombres du web,
L'omniprésence du Net dans nos vies, nos sphères intimes…
- - Les ravages du capitalisme mondialisé
- le Factice des engagements politiques
- - la méfiance généralisée envers les Politiques
- - Les guerres du Pouvoir
- - La violence , la pauvreté, les précarités allant toujours croissants…
- - le mouvement des Gilets jaunes, reflet de ce « casse social » généralisé etc.
En quelques mots, et ce que nous ressentons tous, ou du moins un très grand nombre d'entre nous, la nécessité absolue de changer notre monde, nos comportements, nos manières de penser, de reconstruire sur d'autres valeurs !...

Je remercie encore les amis-libraires de m'avoir prêté ce texte d'Alice Zeniter, avant publication ; Cela m'intéressait vivement ; cet avis n'est qu'un ressenti à un moment sans doute pas adéquat pour l'apprécier à sa juste mesure , surtout que je connais très peu cette auteure, dont je n'ai lu (d'ailleurs très récemment) qu'un texte très personnel, vivement apprécié, situé dans une autre sphère, « L'Art de perdre »… Mais les « fans » plus familiers de son oeuvre auront sûrement un avis plus subtil, plus affiné , que le mien…!

[*** toutes mes excuses pour les trop nombreuses redondances... devant s'expliquer par une sorte de rancune envers moi-même de ne pas avoir su apprécier ce texte... d'être passée à côté ! ...]


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Oh, le bonheur de retrouver Alice Zeniter après L'art de perdre, ce splendide roman d'une densité et d'une générosité folles. Et le début de Comme un empire dans un empire laisse à penser que ce nouveau livre sera du même tonneau. On y suit, à partir de l'hiver 2019, et avec délectation, les routes parallèles empruntées par les deux personnages principaux du livre : Antoine, assistant parlementaire et L, hackeuse de son état. Il représente le monde du "dehors", elle incarne celui du "dedans'. le roman parle d'aujourd'hui, de la difficulté de faire de la politique dans notre société malade, des limites de l'engagement, bref, c'est assez passionnant, du moins dans le premier tiers du livre. le style de la romancière est toujours brillant : les phrases sont ciselées et les formules affutées. Puis, peu à peu, l'intérêt commence à se diluer, notamment quand Alice Zeniter détaille plus que de raison le fonctionnement et les actions des pirates du web. Nul doute qu'elle a acquis une documentation plus que respectable sur le sujet mais ce n'est pas une raison pour nous l'asséner d'une manière aussi didactique et pesante. le livre ploie sous les explications à n'en plus finir et en perd sa chair humaine qui se résume de plus en plus aux états d'âme et au mal être de ses héros déboussolés. Un peu d'humour aurait peut-être pu desserrer l'étreinte mais non, le livre fait hélas montre d'un sérieux intransigeant. Conséquence : Comme un empire dans un empire, malgré quelques passages enlevés, semble se vider de sa moelle romanesque et le sort de l'et d'Antoine finit par nous indifférer. Et ce n'est pas le dénouement, dans une communauté bretonne, avec ses longues descriptions, qui peut régénérer l'ouvrage. Son démarrage laissait espérer un roman balzacien de la plus belle eau. Son excès de gravité et son caractère outrageusement pédagogique n'ont pas confirmé ces alléchantes prémices.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Alice Zeniter nous convie à un voyage bicéphale : dans le monde des hackers avec L. et sur le territoire d'un assistant au service d'un député socialiste. Ces deux planètes si éloignées l'une de l'autre finiront par se rencontrer en apportant de l'eau au moulin de la théorie des cinq poignée de main, modifiant ainsi l'orbite de leur trajectoire avec plus ou moins d'angle.


L. est une solitaire, naviguant entre le domaine du dedans (les méandres du web) et du dehors, qui, hormis la présence temporaire mais réconfortante d'Elias, activiste sur le darkweb, représente un univers hostile qui incite à la paranoïa. Mais même les paranos ont des ennemis et la menace rode autour de la jeune femme.

Quant à Antoine, son rôle de subalterne après de son député de patron, lui confère un statut de grenade, et même de grenade dégoupillée, étant donné la popularité décroissante du parti politique qu'il a investi. Alors que les émeutes des « Gilets » gagnent en violence ce qu'elles perdent en popularité, Antoine voit sa carrière, construite malgré ses origines modestes, prendre une tournure déclinante, alors que ses rêves d'écriture s'enlisent dans une impasse créative.

Brillante démonstration d'une collecte de documentation bien retranscrite sur le plan littéraire, qui permet, sinon de comprendre au moins de s'immiscer dans le milieu des aficionados du codage, avec suffisamment de pédagogie pour au moins en expliquer sans effet copié-collé le lexique interne.

Un bémol sur le fil rouge qui s'articule autour des délires (ou pas) de persécution de L. . le récit prend des allures de thriller sans qu'il y ait vraiment de lumière sur ce qu'elle a ressenti comme un danger. Un polar sans conclusion…

Cela reste cependant une lecture prenante, et l'on suit avec plaisir et addiction les aventures du couple improbable.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Prenez deux personnages principaux.
Prenez un assistant parlementaire, prénommez-le Antoine et décrivez sa vie (à vous dégoûter pour toujours de postuler sur ce genre de fonction).
Prenez une hackeuse, ne lui donnez pas de prénom, seulement la première lettre d'un prénom – l'– (elle ?).
Faites- les se rencontrer. Mais pas trop vite (attendez la page 122 pour qu'ils se croisent à une soirée) et ensuite la page 230 pour qu'ils se voient à nouveau dans un bar.
Essayez de tisser un roman avec tout ça.

Chacun a un « dedans » : l'vit essentiellement au travers d'Internet, et fuit le monde du « dehors ». Antoine vit dans le monde du politique, tout aussi enfermant.
Qu'est-ce qui les relie ? Un âge similaire – ce sont des trentenaires – et sans doute un milieu parisien, même si ni l'un ni l'autre n'en sont issus. Mais aussi une forme de désillusion (plus d'idéaux dans lesquels s'engager aujourd'hui) et surtout une profonde lassitude, même si l'a rencontré Elias, son double hacker. Mais celui-ci s'est fait arrêter et il lui manque profondément. Une forme de dépression les unit donc tous les deux.
Quant à Antoine, il se rêve écrivain – bien sûr, parce que comme de très nombreux Français (on les estime à 10% de la population, ce qui fait tout de même près de 6 Millions de Français) il voit en rêve son nom en tête de gondole de toutes les bonnes librairies parisiennes. Mais il peine à écrire.
Tout le problème provient du choix de ces deux personnages : si, comme moi, vous n'êtes pas très au fait du monde du dedans d'un hacker, l'auteur va bien devoir vous expliquer comment ça fonctionne. D'où un long développement plutôt didactique pour qu'on arrive à suivre les aventures de L.
Un peu plus facile pour le monde politique, l'auteur va tout de même passer un bon bout de temps à nous expliquer ce que fait un Assistant parlementaire, profession dont on ne saurait presque rien si un candidat à la Présidentielle n'avait pas fait irruption sur la scène médiatique au sujet de sa prétendue assistante parlementaire qui n'était autre que son épouse.

Sur le plan sociologique, tout y est : on se replonge aussi dans une période très proche du point de vue du calendrier (tiens, Nuit Debout! ah oui on avait un peu oublié) ou la révolte des Gilets jaunes, mais lointaine depuis de nos préoccupations quotidiennes. La question du déterminisme social est aussi très bien traitée (Antoine n'en sortira pas si facilement, à l'image de « Leurs enfants après eux », Goncourt 2019).
C'est documenté, il n'y a rien à dire de ce côté.

Mais alors ? D'où vient cette sensation d'avoir devant soi un ouvrage studieux, laborieux, mais qui ne fonctionne pas d'un point de vue du tempo ? Il nous est dit que ce roman avait pour thème l'engagement : « Comment continuer le combat quand l'ennemi semble trop grand pour être défait » ?
Peut-on encore agir dans ce monde post 68 ? le mot « engagement » a-t-il encore un sens ? Quelque chose est-il possible pour cette génération « désenchantée » ?

Heureusement il y a les personnages secondaires, tels Selma qui milite au sein d'une association féministe ou Xavier qui essaie de faire revivre une ferme au milieu de nulle part, en Bretagne.
J'avais beaucoup apprécié Alice Zeniter, dès « Sombre dimanche » que j'avais chroniqué à l'époque. J'avais été très enthousiaste à la lecture de « L'art de perdre » que j'avais aussi chroniquée.

Avec « Comme un empire dans un empire », le style est toujours là, le sujet est bon, le regard porté sur les trentenaires est juste, le propos intelligent mais … le récit est à la peine et la question du rythme fait perdre son intérêt à la lecture. Je suis déçue.

Dommage, parce que les ingrédients sont les bons, mais peut-être la dépression des deux personnages a-t-elle déteint sur le récit, rejoignant une morosité ambiante – peut-être un ingrédient n'est-il pas suffisamment présent : un peu d'humour nous aurait fait du bien.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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critiques presse (8)
LeMonde
02 octobre 2020
Les personnages du nouveau roman de l'écrivaine veulent agir, prendre leur part. Mais le peut-on ? Intelligent et tendre.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LaLibreBelgique
23 septembre 2020
Alice Zeniter raconte les possibilités de changer encore la société dans un monde qui ne tourne plus rond.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
22 septembre 2020
La romancière et dramaturge publie son 7e roman, et sera sur scène pour un spectacle monté à l’automne à Valence. Son univers : un monde en devenir, peuplé de jeunes gens déterminés à ne pas abandonner la partie.
Lire la critique sur le site : LaCroix
LeSoir
21 septembre 2020
Les protagonistes de « Comme un empire dans l’empire », nouveau roman d’Alice Zeniter, font ce qu’ils peuvent. C’est bien, ce n’est pas assez.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaPresse
17 septembre 2020
Comme un empire dans un empire est un roman superbement bien écrit, mais à la fin, il manque ce petit quelque chose qui en aurait fait un véritable coup de cœur.
Lire la critique sur le site : LaPresse
LeFigaro
17 septembre 2020
Dans son dernier ouvrage, la romancière décrypte les débats qui traversent la gauche et les nouveaux modes d’action politique qui émergent tandis qu’augmente la défiance envers les institutions. [...] Un roman bien mené et intelligent.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LePoint
16 septembre 2020
Avec son roman « Comme un empire dans un empire », Alice Zeniter interroge le dépassement des « passions tristes » et peut-être au fond, aussi, le sens du retrait et de l'absence de réponse définitive comme ultime refus.
Lire la critique sur le site : LePoint
LesInrocks
19 août 2020
En mettant en scène un jeune assistant parlementaire et une hackeuse dans Comme un empire dans un empire, Alice Zeniter interroge différentes facettes de l’engagement politique dans une France en crise.
Lire la critique sur le site : LesInrocks
Citations et extraits (287) Voir plus Ajouter une citation
Dans sa vie amoureuse, Antoine avait toujours cherché avec application des filles plus intelligentes que lui. Il était terrifié à l'idée de devoir être le cerveau du couple, c'était une responsabilité beaucoup trop grande. Mais il devait admettre qu'il ne savait pas bien déceler l'intelligence. À quoi se reconnaît-elle ? Pour Antoine, elle se reconnaissait le plus souvent au fait qu'il ne comprenait pas son interlocuteur. C'est ce qui lui avait plu chez Cécile quand il l'avait rencontrée : il avait interprêté le sentiment d'être perdu devant ses revirements comme une preuve de sa rapidité d'esprit et cette rapidité comme une preuve de son intelligence. Mais après deux ans, il avait cessé d'admirer sa vitesse : il commençait à soupçonner qu'elle n'était pas, comme il l'avait cru, la marque d'une faculté extraordinaire mais celle d'une volonté de se débarrasser de la pensée.
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Deux ans plus tôt, un petit groupe de collaborateurs parlementaires avait fait son apparition au septième étage. Ils déparaient au milieu des tailleurs et des costumes. Eux portaient des jeans, des sweats à capuche, des tennis avachies, parfois des T-shirts barrés du nom d'un groupe de rock. C'étaient les assistants des nouveaux élus de La France insoumise.

La première réaction d'Antoine, en les apercevant, avait été un sentiment de reconnaissance, pas au sens de gratitude mais au sens où il voyait en eux ses semblables. Il leur avait adressé presque machinalement un sourire de connivence. Au regard que lui avaient renvoyé les membres du petit groupe, il avait pris conscience qu’il ne leur ressemblait plus depuis des années. Il faisait partie des autres, désormais, avec ses vestes grises ou bleues, ses chemises et sa cravate. Et au lieu de se rapprocher des nouveaux venus, il avait fini par préférer les éviter.

Ces types lui rappelaient qu'il avait adopté une tenue qui n'avait rien d'obligatoire, qu'il avait voulu croire obligatoire pour justifier qu'il la portait mais qu'il avait revêtue parce qu'il désirait la crédibilité qu’elle lui apporterait.
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Elle ne sait sans doute pas, au moment où elle prend le nom de Gerda Taro dans un éclat de rire, au moment où elle abandonne Gerta Pohorylle alors qu'elle l'a été pendant vingt-cinq ans, que ce n’est pas derrière ce pseudonyme quelle disparaîtra bientôt mais derrière celui d'un autre : Robert Capa. Ce nom-là aussi, c'est elle qui l’a inventé, cette fois pour l’homme qu'elle aime et qui s’appelle Endre Erno Friedmann quand elle l'a rencontré. Elle n’est plus, désormais, une juive allemande qui a fui Hitler, il n est plus un juif hongrois chassé par le régime de Horthy : ils sont tous les deux les homonymes approximatifs de célébrités hollywoodiennes et ils espèrent que les journaux, attirés par les nouvelles sonorités séduisantes de leurs noms, se décideront enfin à leur donner du travail. Ce sera le cas en 1936 et ce sera l'Espagne, pendant onze mois, jusqu'au 25 juillet 1937.
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La maison avait été construite dans les années 1980. Quand les parents d'Antoine en parlaient, ils disaient encore : « C’est une maison neuve. » Mais en trente ans, elle avait vieilli ~ et salement. « Maison neuve » signifiait simplement désormais qu'elle n'était pas en pierre. « Maison neuve » n'empêchait pas les fissures, les taches, les écailles. « Maison neuve » ne pouvait rien contre la courbe étrange de la gouttière. « Maison neuve» ne retenait pas les ardoises du toit.

(…)

L'intérieur, lui, n’avait pas vieilli. Il était déjà vieux au départ. Les parents d'Antoine avaient fait construire une maison neuve pour l'aménager vieux. En y grandissant, le garçon avait cette sensation étrange, lorsqu'il descendait dans le salon, que ses parents étaient comme des grands-parents chez qui il serait allé en vacances : le mobilier ne s'expliquait pas autrement. Antoine ne se plaignait pas. Même à l'adolescence, il n'avait rien dit. La maison avait beau être laide pour l'œil, il comprenait qu'elle était moellease au corps.
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La télévision diffusait un 𝘵𝘢𝘭𝘦𝘯𝘵 𝘴𝘩𝘰𝘸 dont Antoine n'avait pas suivi le début - dont il ignorait même qu'il passait encore, les premières saisons remontant à ses années de lycée. Il se foutait complètement des chansons interprétées sur des morceaux de plateau mouvant qui rappelaient les machineries d'opéra de l'époque romantique, mais il était fasciné par le fait que les jurés feignaient de de souffrir plus que les candidats qu'ils éliminaient, et c'était assez immonde parce qu'ils leur volaient toute possibilité de parler de la violence du procédé, secondés en cela par la réalisation qui braquait les caméras sur les chanteurs connus, émus aux larmes, confortablement installés dans leur fauteuil et pas sur ceux qui avaient rêvé de devenir chanteurs et se faisaient débarquer sans un temps de parole accordé, après un rapide gros plan sur leurs yeux mouillés. Récupéraient-ils quelque part, dans des coulisses sans éclairage multicolore, un carton contenant leurs affaires avant d'aller attendre un bus qui les ramènerait chez eux?
Les candidats étaient amenés à supplier en chansons des individus riches et célèbres afin que ceux-ci leur accordent la possibilité de revenir la semaine suivante (pour supplier de nouveau), et ces mêmes individus riches et célèbres soufflaient que c'était trop dur, vraiment trop dur, ce qu'on leur demandait de faire (choisir, éliminer) alors qu'ils aimaient sincèrement out le monde, étaient bouleversés par chaque interprétation. Toutes les dix minutes, le présentateur offrait à un spectateur l'occasion de doubler ou tripler son salaire en répondant à une question et -passé au prisme de la méfiance hébétée d'Antoine- cela ressemblait à un moyen supplémentaire de masquer la violence de ce qui se déroulait à l'écran, ou plutôt de compromettre ceux qui regardaient : tu ne peux pas considérer que ce jeu de gladiateurs est dégueulasse puisque tu espères toi-même en bénéficier, tu veux l'argent, tu es sale toi aussi, est-ce que ta main a bougé vers ton téléphone?
Le fait qu'une large partie de la population, dont ses parents, assistait hebdomadairement à ce type de programmes fournissait à Antoine une (vague) explication de la passivité dont faisaient preuve la plupart des Français devant la casse sociale à l'oeuvre dans le pays. Après tout, c'était le même show : un patron millionnaire ou un ministre à la retraite assurée venait déclarer à la télévision que c'était dur pour lui, cette fermeture d'usine, vraiment dur, quelle vacherie, la réalité économique se fout des sentiments, elle les piétine, pourtant j'aurais voulu... En face, les travailleurs s'humiliaient -du moins financièrement, mais est-ce que l'humiliation financière n'est pas la plus réelle de toutes? se demandait Antoine. Ou est-ce que celle qui a lieu en chansons est pire encore? -pour pouvoir travailler quelques mois de plus. Le député avait été spécialiste de ça, au temps du gouvernement précédent. Sur les plateaux de télévision, on le voyait à la place des ouvriers expliquer que ses collègues et lui faisaient tout leur possible pour trouver un repreneur, ils passaient des appels jusque dans des pays éloignés, ils étudiaient les dossiers pour être sûrs du sérieux des offres et merde, le type était à deux doigts de dire qu'il n'en dormait plus ou de fondre en larmes et Antoine était sûr qu'il contribuait ainsi à étouffer la révolte sociale parce que, lorsque le JT se terminait, les téléspectateurs s'identifiaient plus à lui qu'aux ouvriers au chômage technique que personne ne filmait dignes et émus mais toujours en colère, la voix éraillée, gueulant qu'ils étaient à bout, qu'ils allaient faire une connerie. Et quand ils changeaient de chaîne, les téléspectateurs devaient se dire qu'ils étaient heureux de ne pas être député, de ne pas travailler "main dans la main" avec le ministre de l'Economie, de ne pas avoir à porter la souffrance de la France du bureau à la maison le soir et de la maison au bureau le matin, sans répit, et alors leur télécommande les guidait peut-être jusqu'à l'émission que regardait Antoine en ce moment même, et voir pleurer cette chanteuse qu'ils aimaient depuis une boum lointaine les confortaient dans cette certitude que le sort des puissants était dur, les pauvres, ô le poids du pouvoir, les affres des décisionnaires.
Par ailleurs, le plus révoltant dans cette émission (se disait Antoine en voguant d'un superlatif à l'autre), c'était l'extrême jeunesse des candidats. Si, à leur âge, ils voulaient s'humilier pour un peu de célébrité au lieu de fumer des pétards en refaisant le monde, ils deviendraient à coup sûr des adultes minables-aigris s'ils n'arrivaient à rien, persuadés de le mériter s'ils réussissaient. Antoine était prêt à parier qu'aucun d'eux de serait parti sur le front de l'Aragon en 1936, ce qui constituait la seule question du test de valeur qu'il appliquait intérieurement à tout être humain. Un adolescent de seize ou dix-sept ans qui trouve normal ("c'est le jeu, hein") d'être en compétition avec les autres pour une place au sommet, qui accepte la règle énoncée par la production selon laquelle, au contraire des jurés et du présentateur, les candidats sont interchangeables - même leur différences étaient interchangeables, découvrait Antoine : un côté punk valant un passé militaire, valant un drame familial, et la réalisation s'attachait à ces à-côtés exotiques avec une égalité de temps et de moyens si précise que, chaque candidat étant présenté comme (un chanteur + sa différence) × la narration ,rien de ce qui était mis en avant par le récit télévisé ne pouvait, en réalité, extirper ce candidat du lot commun- un adolescent qui a intégré tous les impératifs d'un monde de pions sans visage (ou plutôt tout en visage mais sans nom de famille, des pions qui n'auraient que des prénoms ou des diminutifs, comme des enfants, comme des animaux de compagnie)un monde dirigé jusqu'à un point de sadisme raffiné par des tyrans assis sur des trônes sanglants (car il le comprenait maintenant, c'était des trônes sanglants), un tel adolescent, donc, ne se battra jamais pour une autre cause que sa gueule. Antoine aurait voulu voir des GIlets jaunes faire irruption sur le plateau.
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Vidéo de Alice Zeniter
Inspirée de propositions d'extrême droite, la loi sur l'immigration a été votée le 19 décembre. 201 personnalités appellent à manifester partout en France dimanche. Dans « À l'air libre », Sophie Binet (CGT), Jacques Toubon (ancien Défenseur des droits), l'écrivaine Alice Zeniter et Edwy Plenel nous disent pourquoi ils en seront.
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