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Critiques de Anaïs Llobet (202)
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Des hommes couleur de ciel

Alissa enseigne le russe dans un lycée de La Haye. Afin de parfaire son intégration, elle a tu ses origines tchétchènes. Un attentat a lieu dans son établissement, qui fait 24 victimes : Kirem, l'un de ses élèves, Tchétchène lui aussi, un adolescent renfermé et hostile, est suspecté, ainsi que son frère Oumar.



Le roman alterne les chapitres mettant en scène Alice-Alissa, qui porte ses origines comme un fardeau dont elle voudrait tant se défaire, Oumar qui sous le nom d'Adam parvient à vivre son homosexualité, malgré le risque d'être découvert, banni et probablement tué par les siens qui ne lui pardonneraient pas d'avoir ainsi sali la famille. Il donne aussi voix à Alex, qui a rencontré si brièvement Adam, et ne peut croire que le beau jeune homme au regard doux soit le responsable de la barbarie dont on l'accuse, et à Kirem, à travers les rédactions écrites en tchétchènes qu'il rend à sa professeure.



Ce roman polyphonique, d'un réalisme glaçant, évoque le problème du déracinement, et la difficile intégration dans la société occidentale. S'intégrer, est-ce renoncer à son identité ? Renier son passé ? A travers le personnage d'Adam-Oumar, il traite aussi de la force des préjugés : si l'homophobie n'est pas de mise en Hollande, elle sévit encore durement dans la communauté d'Oumar, considérée comme une perversion occidentale passible de mort, au point qu'il doive leur sacrifier sa liberté. Ces problématiques, ainsi que celle de la guerre et de l'endoctrinement, font de ce roman un reflet très juste et inquiétant de notre société multiculturelle contemporaine.



Roman lu dans le cadre des "68 premières fois"


Lien : http://usine-a-paroles.fr/le..
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Des hommes couleur de ciel

Des hommes couleurs de ciel, d'Anaïs Anaïs LLobet,

Douloureuse frontière

Tout au long de cette lecture, ce texte sensible m’a fait naviguer sur la crête des frontières, ces lignes périlleuses et fragiles qui devraient fixer des limites entre deux mondes, deux sensibilités, deux fonctions, deux rêves. Cette frontière entre le mal et le bien. J’ai partagé avec beaucoup d’émotion les affres de l’émigration, entre déceptions et rêves, les hésitations d’Alissa-Alice, l’enseignante qui cache sa Tchéchénie natale sous une appartenance russe, qui hésite entre confiance et défiance pour son élève lumineux préféré, et son aîné ombrageux, le dévouement aveugle de Taïssa, mère-rempart qui a pour mission impossible de protéger ces fils contre le déshonneur et compris contre eux-mêmes, ces héros faux jumeaux Adam-Oumar/Kirem. Rien n’est stable ni certain, tout est duel dans ce roman envoûtant, le sens du devoir et du pouvoir, l’hétérosexualité rassurante et l’homosexualité coupable, la fidélité et la manipulation, sauf l’attentat meurtrier qui n’est que nuisance et horreur. Ce texte est une réussite, l’écriture est habile, intime, fluide, juste, prudente et intrigante. La dédicace finale de l’auteur à des témoins obligagtoirement anonymes est bouleversant. Je me sens proche d’un coup de coeur. merci pour cette lecture
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Les mains lâchées

Un typhon et son après vus par une journaliste



Voici un roman inspirée d'une histoire vraie qui se lit d'une traite en apnée totale.



Le 8 novembre 2013, un typhon est annoncé dans les Philippines. Yolanda est d'abord prévu d'une puissance de 3 puis de 4 pour finir par être qualifié de "storm surge", mais personne ne sait ce que ça veut dire...



Malheureusement Yolanda est extrêmement puissant et dévastateur, un véritable tsunami d'eau et de vent, le plus puissant de tous les temps. Il suffira d'une heure et de trois vagues pour complètement dévaster l'île de Tacloban et faire 7000 morts.



Madel, présentatrice à la télévision locale, vit sur l'île avec Jan, chirurgien esthétique. Quand le typhon est annoncé, ils se réfugient dans leur maison qu'ils croient sûre, Jan confie à Madel le petit garçon de sa voisine, Rodjun âgé de 3 ans.



Anaïs Llobet nous plonge dès les premières pages dans l'enfer du cyclone, une grande vague emporte tout, Jan et Rojun disparaissent. Madel ne se pardonnera jamais d'avoir lâché la main de l'enfant...



Ce roman relate le jour du typhon et les jours qui suivent, Madel se retrouve à la fois survivante et journaliste, comme anesthésiée elle part à la recherche d'un médecin, marchant dans l'eau putride au milieu des cris, des hurlements de douleur, de la désolation la plus totale. Les maisons sont détruites, des corps flottent...



Mais son rédacteur en chef à Manille veut des reportages en direct, conscient de l'aubaine d'avoir une journaliste sur place. Madel refuse d'abord puis prend conscience qu'accepter sera pour elle le moyen de ne pas rechercher Jan, elle craint trop de découvrir son corps...



Il va être question de la recherche d'images choc "qui marchent" sur le public, de la difficulté de filmer l'insoutenable, de journalistes qui craquent, des masques qui se fissurent mais aussi de victimes philippines qui succombent au chagrin après le typhon, des victimes invisibles "emportées par les bourrasques du deuil".



Dans ce récit Anaïs Llobet insère des témoignages très émouvants, celui d'un pompier qui ne sauve plus des vies mais récupère des morts, celui de la femme qui enregistre les décès à la mairie...



Anaïs Llobet, présente aux Philippines lorsque le typhon Haiyan (appelé également Yolanda) a tout dévasté sur son passage, a donc vécu ce drame et nous livre un remarquable témoignage romancé, d'une écriture syncopée sans aucun pathos ou misérabilisme. Il y a beaucoup de pudeur et de justesse dans ce texte original.



Ce texte parle de culpabilité, de solidarité avec les volontaires qui affluent, du cynisme de certains journalistes, du voyeurisme des médias mais aussi du nécessaire traitement de l'information pour sensibiliser le monde.



Bouleversant et révoltant quand on comprend comment le drame aurait pu être évité.



Un premier roman très bien maîtrisé !
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Les mains lâchées

Quand on découvre un premier roman – et j’en lis beaucoup – on ne sait jamais ce qui va nous tomber dessus : déception, surprise, émerveillement ?



Avec Les mains lâchées, on touche le superbe. Et pourtant quel choc ! C’est le choc des éléments qui se déchaînent, le choc de la confrontation à la mort et à la destruction, le choc des émotions.



8 novembre 2013, Madel, une journaliste française travaillant pour la télévision philippine se retrouve en plein milieu du typhon Haiyan/Yolanda à Tacloban sur l’île Leyte. La violence est telle que la ville est complètement rasée, engendrant des milliers de morts et la désolation la plus totale. Mabel, ayant perdu la trace de son compagnon Jan et de l’enfant qu’elle protégeait, doit faire face à cette catastrophe devenue humanitaire. Elle est ainsi confrontée aux dysfonctionnements de communication avec Manille, à des médias occidentaux qui minimisent les dégâts puis sont à la recherche du moindre témoignage sordide. Elle découvre la vulnérabilité mais aussi la force de ces habitants qui ont tout perdu.



Anaïs Llobet, avec une écriture sublime, pudeur et force, nous livre un roman d’une incroyable beauté et profondeur. On suit avec intérêt et empathie l’héroïne qui combat à la fois ses propres sentiments, craintes et peurs mais les affronte, non sans difficultés parfois, pour aider la population et faire écho de la catastrophe à l’étranger.



Les personnages secondaires sont tout aussi forts et bien brossés par l’auteure, que ce soit Liliana qui a perdu sa fille Shoshanna ou son frère pompier, le médecin David, l’enfant Jirug, Irene, Teresa… Le récit de Mabel s’interrompt à plusieurs reprises pour laisser un habitant raconter son ressenti de la catastrophe et on y trouve des passages poignants et sublimes.



Bien évidemment, quand on apprend qu’Anaïs Llobet était présente aux Philippines pendant le typhon, on comprend comment tous ces personnages sont criants de vérité mais il fallait aussi du talent pour réussir à retranscrire les émotions, décrire avec minutie et sensibilité ce qui est inimaginable. Anaïs Llobet a ce talent et elle a su faire de ce drame un roman magnifique dont elle peut être fière.



J’en profite pour signaler que la couverture faite par les éditions Plon est superbe et reflète tellement bien l’ambiance du livre.



Ne passez pas à côté de ce roman !
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Les mains lâchées

Premier Roman de Anaïs Llobet jeune Journaliste libère de ces mots sa présence aux Philippines lors du passage du typhon meurtrier Haiyan dévastant le pays en novembre 2013.

Comme un témoignage libérateur de cette tragédie naturelle l'héroïne de Les mains lâchées est comme l'auteur journaliste perdu dans le tumulte de ce tsunami. Loin de notre culture, de notre société la Philippine théâtre de la Nature reine et meurtrière, survit, se désagrège, succombe, agonise dans le cercueil de vase, de boue, ce marécage à la puanteur mortuaire où coule tristement les fantômes des ses habitants fracassés par le destin assassin.

Le titre Les mains lâchées frémit du désespoir de notre jeune femme noyée dans ce typhon avec cette main laissant échappée ce jeune enfant confié par contraignance...Tout le récit refoule cette main lâchée comme un écho lointain venant résonner la faiblesse, la lâcheté, l'amertume, l'impuissance de cette journaliste.

Les dégâts, l’atmosphère, les témoignages emportent ce roman dans une vérité froide, glaçant notre esprit, le bousculant, le dérangeant, le happant lentement vers la noirceur de notre monde fragile d'un caprice climatique .

La jeune femme meurtrie hésite entre son métier et son cœur triste de la perte de son petit ami engloutit par les tourbillons de ce typhon ....

Cette histoire s'égare, s'étiole de mon esprit malgré les mots, l'emprise du sujet et la force du récit comme une onde invisible venant me déstabiliser à contre cœur....une deuxième relecture s'imposera.

Je n'ai pas réussi à être magnétisé par ce roman ...dommage
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Au café de la ville perdue

Chypre. Une île partagée en deux, déchirée entre les chypriotes turcs et les chypriotes grecs.



Depuis 1974, la ville de Varosha est derrière les barbelés, inaccessible, une ville fantôme qui fut, pourtant, dans les années soixante, une ville solaire, très prisée des touristes. Ariana n’a pas connu la maison que ses parents avaient dans cette ville, au 14, rue Ilios, à l’ombre d’un figuier majestueux, mais elle trimballe son histoire et lorsque son père vend cette maison pour qu’elle soit détruite, elle est sous le choc et ne comprend pas.



La construction de ce roman est très fine. C’est ce qui fait la réussite de ce roman. Une écrivaine (Anaïs LLobet elle-même ?) recueille les témoignages des personnes qui ont connu cette ville, qui y ont vécu et parallèlement, on découvre ce qu’ont vécu ces personnes devenus personnages de son roman.



L’intrigue sur les grands-parents d’Ariana est subtilement dévoilée au fil des pages, étroitement imbriquée avec le présent. Les époques valsent entre elles, s’entrecroisent, sans jamais nous perdre, on se laisse emmener au gré des vagues, au gré des rencontres, des non-dits. Le texte n’est pas linéaire, il faut en assembler les pièces pour comprendre les uns et les autres, pour que se dévoile la vraie profondeur des caractères.



Il est plein de détails qui forgent le texte, qui lui donnent de l’ampleur. Certains personnages secondaires provoquent des émotions fortes comme ce grand-père qui perd la tête mais qui a récupéré les photos du 14 rue Ilios. Les tatouages de la jeune Ariana, comme un condensé de son héritage…



Obligés de quitter leurs maisons, les habitants de Varosha ont dû déménager dans la partie grecque de l’île avec interdiction totale de revenir sur les lieux de leur vie d’antan. En abandonnant tout. Ce roman mêle adroitement les deux histoires : celle de l’île, en évoquant cet exil forcé dans son propre pays et celle d’une famille, en déroulant leur vie à l’image d’une tragédie grecque. C’est l’incapacité des hommes à vivre les uns avec les autres que l’auteure creuse à travers ces secrets de famille.



Un livre qui m’a passionnée.
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Au café de la ville perdue

Ariana a grandi à l'ombre du 14, rue Ilios à Varosha, destination de rêve avec sa grande baie de sable fin et ses hôtels de luxe. Sa famille a perdu cette maison pendant l'invasion de Chypre en 1974, lorsque l'armée turque a, du jour au lendemain, vidé de ses habitants et ceinturé de barbelés Varosha la transformant en ville fantôme. Des milliers de réfugiés ont alors été relogés à Nicosie.



Tandis qu'elle débarrasse les tables du café de son père, elle remarque une jeune femme en train d'écrire. L'étrangère a pour projet d'écrire un livre sur Varosha pour laquelle elle éprouve une véritable fascination, elle trouve son inspiration dans l'ambiance et l'observation des habitués du café mais bute contre les mots : la ville, impénétrable, ne se laisse pas approcher.



Au même moment, Ariana apprend que son père a décidé de vendre la maison familiale. Sa stupeur est grande, d'autant plus que c'est dans cette demeure qu'ont vécu Ionnis et Aridné, ses grands-parents. Se défaire de cet héritage, n'est-ce pas un peu renier leur histoire ? Car Ionnis était chypriote grec, Aridné chypriote turque, et pendant que leur amour grandissait, l'île, déjà, se déchirait.



Ariana, qui voue une véritable obsession pour sa maison, propose dès lors un marché à la jeune écrivaine : si elle consigne la mémoire du 14, rue Ilios avant que les bulldozers ne le rasent, elle l'aidera à s'approcher au plus près des secrets du lieu.



Au sein d'une ville morte entourée de barbelés et de miradors, le 14 rue Ilios est un personnage à part entière de cette histoire qui se déroule sur une quarantaine d'années. J'ai aimé découvrir le contexte historique peu médiatisé de cette île divisée en deux parties qui s'ignorent, en deux communautés à l'équilibre fragile, chypriotes grecs et chypriotes turcs. Une île idéalement située aux confins du Moyen-Orient dont le contrôle est un enjeu majeur pour la Grèce et la Turquie. J'ai aimé la personnalité d'Ariana qui a couvert son corps d'un tatouage, un figuier qui grimpe sur ses côtes pour ancrer sa ville dans sa peau, "elle a gravé Varosha dans sa chair pour être sûre de ne jamais céder". Par contre j'ai moins adhéré à la partie romanesque dans laquelle le nombre de personnages et le mélange des époques engendrent une certaine confusion.




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Au café de la ville perdue

Le scénario est bien construit : c'est à travers l'écriture d'un roman que l'auteur nous raconte l'histoire de l'île de Chypre séparée en deux par un no man's land.

On rentre dans son récit et en même temps dans l'Histoire de ce pays et là, ça m'intéresse car je lis difficilement des livres d'Histoire. Je ne connaissais pas ce déchirement que cette île a vécu après la colonisation anglaise.

On suit Ariana, étudiante en architecture, qui se sent le devoir épuisant de se remémorer la petite ville balnéaire de Varosha, maintenant entourée de barbelés qu’elle n'a jamais connue mais où avaient vécu ses grands-parents : devoir de mémoire.

Très beau livre même si parfois on se perd un peu.
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Au café de la ville perdue

Le hasard fait qu’en quelques semaines, j’ai reçu deux romans traitant de la guerre en 1974 sur l’île de Chypre.



Le premier que j’ai lu fut « L’île aux arbres disparus » d’Elif Shafak : https://patriciasanaoui.wordpress.com/2022/02/07/lile-aux-arbres-disparus-delif-shafak/



Le roman d’Anaïs Llobet vient compléter fort à propos ce que j’ai appris sur la situation tragique de cette île.



La narratrice est une journaliste française, elle séjourne au Nord-Est de Chypre dans la partie grecque (République de Chypre). A quelques mètres de là, débute une zone de no man’s land établie par la République Turque de Chypre Nord.



Lors de l’invasion d’août 1974 par des troupes venues de Turquie, la ville touristique et très prospère de Varosha a été vidée de ses habitants qui ont fui en laissant tout derrière eux. L’armée turque a alors entouré cette ville de barbelés, en interdisant tout accès.



Depuis presque 50 ans, Varosha est une ville fantôme, toujours visible mais inaccessible. Elle reste un symbole très fort pour ceux qui y ont vécu.



Dans le petit café jouxtant les barbelés où la narratrice a pris l’habitude de venir écrire, une photo de la maison familiale à Varosha est accrochée en bonne place. Comme une référence à un passé qui ne veut pas mourir et empiète sur le présent d’Andreas, le propriétaire du café, et d’Ariana, sa fille.



Cette dernière demande à la journaliste d’écrire sur leur maison et de redonner vie à ses habitants de l’époque.



C’est ainsi que l’on découvre Ioannis et Aridné, grands-parents d’Ariana. Lui était chypriote grec, elle chypriote turque. Un mariage mixte qui n’a pas été sans difficultés. Giorgos, meilleur ami d’Ionnis depuis l’enfance, va jouer un rôle déterminant dans leurs vies.



Au fur et à mesure de l’histoire la tension monte. Tant du côté de la situation de l’île que de la vie des grands-parents d’Ariana.



Dans le même temps, leurs descendants sont mis devant un choix : faut-il continuer à garder la maison du 14 rue du Soleil et donc vivre toujours dans le passé, ou bien faire table rase et regarder vers le futur ?



» Au café de la ville perdue » est un très bon roman. J’en ai aimé le sujet et la construction faisant des allers-retours entre présent et passé.



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Au café de la ville perdue

Varosha est une "ville artificiellement plongée dans ce coma de rouille et de tristesse". Cette station balnéaire, jadis prisée des people et des touristes, avec ses plages de sable fin et ses beaux hôtels en bord de mer n'existe plus. Mais dans le cœur des ses habitants, elle est toujours là. Comment faire autrement? Elle est juste à côté, sous cloche, entourée de barbelés depuis l'invasion turque de 1974, qui a scindé l'île de Chypre en deux. Ses maisons sont vides et éventrées, ses hôtels abandonnés et la végétation envahit tout.

Et attention à quiconque veut y mettre un pied, car certains n'en sont jamais revenus...



C'est dans cette ville que jadis Ioannis et Aridné se sont aimés. Il est chypriote grec, elle est chypriote turque. Ensemble, ils ont essayé de voir au-delà de cette frontière qui les divise, au-delà des idées qui séparent leur communauté. Hélas, l'invasion de leur ville par l'armée turque leur sera fatale : Aridné s'enfuit avec un militaire turc et Ioannis monte dans un cargo et ne reviendra jamais, laissant leur fils Andréas à sa sœur Eleni.



C'est ce qu'apprend la narratrice, écrivaine installée ici pour quelque temps et ayant pour projet d'écrire sur Varosha, alors qu'elle est assise à la terrasse du Tis Khamenis Polis. C'est Giorgos, le meilleur ami de Ioannis, qui lui raconte cette histoire. Les proches du couple n'ont jamais digéré ce drame, tout comme ils n'ont jamais fait le deuil de Varosha. Alors, quand Andréas vend la maison familiale à des promoteurs qui ont pour projet de reconstruire cette ville en détruisant ce qu'il en reste, c'est le coup de grâce... Ariana, la fille d'Andreas et petite fille de Ioannis et Aridné, demande alors à la narratrice d'écrire sur Varosha et plus précisément sur leur maison familiale, afin que jamais elle ne disparaisse complètement.



A travers ce roman, on suit l'histoire familiale de Ioannis et Aridné, les secrets, les drames, les incompréhensions et les blessures, mais on suit également l'histoire de Varosha et l'histoire de cette île divisée.

C'est une histoire de rancœur, d'incompréhension, de non dits.

C'est une histoire de deuil aussi, le deuil d'une famille, le deuil d'une communauté, le deuil de Varosha.

C'est un très beau roman, empli de nostalgie et de mystère.

J'ai aimé découvrir Ioannis et Aridné à travers la voix et les souvenirs de leurs proches, comprendre et éprouver aussi la tristesse, la blessure de vivre à côté de cette ville fantôme, de l'apercevoir tous les jours agoniser sans pouvoir l'approcher... et toute cette rancoeur aussi pour le peuple adverse...

Le récit est fait de plusieurs temporalités, le narrateur change souvent, on se prend à aimer écouter les uns et les autres même si on se doute que tous arrangent un peu (beaucoup) la vérité...



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Au café de la ville perdue

Dans le café d'Ariana, on rencontre avec plaisir Giorgos, Ionnis, Aridné, mais aussi Eleni et quelques autres qui ont vécu la tragédie d'une Chypre coupée en deux, île meurtrie par l'invasion turque en 1974. Chacun à sa manière y joue un rôle, entre amours et amitiés, relations fidèles et trahisons. Du passé vers un avenir incertain, le présent se déroule sous les yeux d'une journaliste qui tente de raconter des destins contrariés. On se promène dans le récit, on se perd parfois mais le texte reste fort, avec autant d'émotion que pour les deux précédents romans d'Anaïs Llobet, qui a, c'est certain désormais, un réel talent d'écriture.
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Au café de la ville perdue

En mettant en exergue la belle phrase d'Italo Calvino tirée des Villes invisibles : "les ville comme les rêves sont faites de désirs et de peurs, même si le fil de leur discours est secret, leurs règles obscures leurs perspectives trompeuses, et toute chose en cache une autre".

Nous savons que l'auteure va nous parler d'une ville perdue, mais qu'est ce qu'une ville perdue ?

Nous allons découvrir une ville abandonnée, ceinturée de barbelés, qui est l'objet de convoitise politique mais il y a des souvenirs, des désirs, des espoirs dans les murs de ces maisons abandonnées. La narratrice est une écrivaine qui souhaite écrire un roman sur l'histoire des personnes qu'elle croise dans un café à Chypre. elle va alors nous raconter à travers plusieurs personnages touchants, énervants, troublants l'histoire de cette île et en particulier de ce qui s'est passé en 1974 et qui a conduit à la séparation de l'île en deux.

L'auteure nous entraîne dans un livre qui parle d'histoire avec un grand H mais aussi d'histoires plus intimes. c'est aussi une sorte d'enquête sur le passé de certains, sur leur façon d'avoir vécu l'Histoire et pas facile de faire des choix, des non choix. Ce n'est pas toujours facile de faire des choix en amour, en amitié.. De beaux portraits de personnages, qui tentent d'oublier, de continuer à espérer, de tenter de passer à autre choses mais le passé est toujours là, les secrets de famille, les souvenirs. Des personnages de plusieurs générations, que ce soient les anciens qui passent l'après midi à jouer aux cartes dans le café, que ce soient les jeunes qui se retrouvent sans distinction lors de soirées techno...

Un très beau texte et surtout une façon très romanesque de nous parler d'une histoire récente et encore d'actualité. Des choix de géopolitique qui entraînent des êtres dans des tragédies, dans des secrets de famille, dans des dénis. Je ne suis pas prête d'oublier Varosha, cette ville perdue, emprisonnée, entourée de barbelés, abandonnées.



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Au café de la ville perdue

Quand vous cherchez Varosha sur Google, s’affichent des photos perturbantes, celles d’une ville fantôme, abandonnée derrière son grillage, privée de vie et d’animation, laissée à une dégradation certaine. C’est cette histoire que nous raconte ici Anaïs Llobet, maintenant elle aussi habitante de Chypre. S’appuyant sur l’histoire de la famille Karangelou, elle raconte le désastreux destin d’une île coupée en deux face à l’incapacité de ses habitants de vivre ensemble et à la gourmandise des pays limitrophes. Elle raconte l’invasion de 1974, ce jour où la vie des parents et grand-parents d’Ariana a basculé, ce jour où Varosha est devenu un point mort sur une carte.



Journaliste de profession, Anaïs Llobet nous offre un récit au plus près de la réalité historique et personnelle des Chypriotes dont elle a collecté les histoires – les remerciements en fin de livre suffisent à nous révéler que cette histoire est avant tout basée sur des faits, et ça rend sa lecture d’autant plus poignante. Alternant les points de vue, elle montre la difficulté, pour un romancier extérieur, de raconter ces histoires qu’il n’a pas vécu, de se mettre à la place de ceux dont la vie a été entièrement bousculée par la haine, les attaques, la partition et les secrets. Dans ce récit, la narratrice, qui rédige son livre au Tis Khamenis Polis, le café de la Ville Perdue, reste toujours « l’étrangère« , celle qui reçoit les histoires, de vies brisées et de familles ruinées sans jamais savoir ce que c’est de l’intérieur. Jouant avec cette réalité inhérente au métier d’écrivain, Anaïs Llobet parvient pourtant à nous offrir un livre très intime, restituant des listes de ressentis livrés par ses personnages et partageant son engagement profond et sans limites dans ce travail de vérité.



Après Les hommes couleur de ciel, sortir un roman avec autant d’épaisseur historique, politique et émotionnelle n’a pas dû être facile. Pour autant, Anaïs Llobet réussit haut la main ce pari, en nous proposant une histoire complètement différente, racontée d’une manière unique, nous offrant des montagnes russes émotionnelles et gravant à jamais dans notre mémoire le nom de Varosha.
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Au café de la ville perdue

Coup de coeur!

Varosha, Chypre. Grâce à la plongée dans ce livre, j'ai découvert l'Histoire de cette île et le moins que l'on puisse dire c'est qu'elle n'est pas simple. A Chypre, il y a les Chypriotes grecs et les Chypriotes turcs. A Chypre, il y a la guerre.

C'est dans ce cadre historique qu'Anaïs Llobet va nous emporter. Nous allons suivre une galerie de personnages hauts en couleur.

Il y a d'abord Ariana. Ariana est la fille d'Andreas. Andreas est le fils de Ioannis et Aridne. Il y a aussi Eleni qui est la sœur de Ioannis. Et enfin, nous avons Giorgos qui est le meilleur ami de Ioannis.



Tout semble simple pour le moment sauf que Ioannis est Chypriote grec et qu'Aridne est Chypriote turque. Les choses se compliquent.

En effet, Ioannis est allé contre tous les avis de sa famille et de son ami Giorgos en épousant Aridne.Il passera une partie de sa vie à tenter de la faire accepter par les siens.



J'oublie un personnage important: Varosha! Parce que oui, cette ville est un personnage de l'histoire! C'est autour d'elle que tout se tisse.

Cette ville, les chypriotes grecs et les Chypriotes turcs se la disputent. Elle va être le théâtre de tous les combats. Et c'est dans cette ville que vivaient tous ses personnages.



Les discussions vont bon train au Tis Khamenis Polis, un café situé à Nicosie, quand soudain Andreas, le patron, décide de vendre aux Chypriotes turcs la maison familiale abandonnée de Varosha après qu'elle ait été encerclée par l'armée Turque il y a 50 ans. Tout bascule alors. Les secrets de familles sont dévoilés et les masques tombent.



C'est donc en suivant tous ces personnages, dans le temps et dans l'espace, que l'auteure nous fait vivre les grands moments de Chypre.

J'ai adoré les suivre, les aimer et pour certains les détester. L'écriture est très agréable et très immersive. Le livre est très dur à lâcher une fois qu'on est plongé dedans.

Très belle découverte!



Merci à Version Femina et aux éditions de l'Observatoire pour l'envoi de ce livre.
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Des hommes couleur de ciel

Lorsque j'ai trouvé ce roman au pied du sapin, je n'ai pas été convaincue. Seul le titre me séduisait. La couverture me semblait banale et m'amenait à penser "violence", "jeunesse"; la quatrième, quant à elle, me laissait envisager un livre avec des airs de déjà vu ("encore un attentat", "encore une homosexualité difficile à gérer"...).



Que nenni! Tout d'abord, l'écriture m'a immédiatement séduite: fluide, précise et juste, poétique (ne serait-ce que le titre!). L'auteure a réussi à décrire les tourments de chacun de façon très réelle. Des choses qui peuvent affleurer en chacun de nous dans certaines circonstances, qui nous bouleversent mais que nous ne prenons pas le temps d'analyser, de fixer.



Les chapitres s'enchainent (assez courts, ils se lisent d'ailleurs rapidement), passant d'un personnage à un autre. Nous voyons donc diverses perceptions d'un même événement, avec une explication de ces perceptions à la faveur du passé d'Alissa, d'Oumar, Kirem… Ceux-ci nous deviennent très attachants. A côté d'eux, gravitent d'autres personnages qui, par leur manque d'épaisseur, soulignent le fait que dans certaines circonstances, il existe deux populations: celle qui les vit de plein fouet, et l'autre qui ne reste que témoin malgré sa participation aux événements.



Ce roman parle de la difficile quête de soi, de l'amour maternel et fraternel, d'une intégration impossible malgré des efforts considérables, de traditions culturelles, de l'entendement du mot "trahison", de la place du professeur et du rôle que certains lui attribuent, d'injustice…

En même temps, l'énigme est ficelée: tout ne nous est pas donné dès le début. On a des surprises, on s'interroge: est-il mort? où était-il à midi? qui a fait cela finalement?... Les péripéties continuent donc d'affluer, remettant en question l'étoffe des personnages.



Quel merveilleux roman! A lire absolument!
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Des hommes couleur de ciel

Des hommes couleurs de ciel est magistral. Un roman tout en nuances et en retenus malgré des sujets complexes. Je ne connaissais la Tchétchénie qu'à travers les articles irréguliers dénonçant les camps pour homosexuels et j'en avais une image de dictature lointaine un peu inaccessible. Triste et vaste comme le monde.

Ce roman évoque une actualité brûlante par le prisme de ce pays méconnu. On y découvre une histoire, une culture avec son penchant extrémiste prenant le dessus depuis les conflits larvés avec le pays dominant et souverain. Une enclave Russe, martyrisée, qui répond en malmenant son propre peuple par rage et impuissance. C'est ce que font les guerres, elles divisent et laisse la possibilité au plus intolérants de prendre le pouvoir sous prétexte de protection.

Ce roman évoque les mécanismes de construction de l'extrémisme. Lorsque des enfants vivant au milieu de la haine se charpentent en élaborant le néant. Quand la seule issue est la fuite ou la perpétuation. Il évoque également l'assimilation par l'éradication de soi, pour survivre et l'intolérance parfois, souvent, par méconnaissances, mais pas seulement, des peuples accueillants.

C'est touchant de sincérité et de justesse.



Autour de cette lecture :

Une Bd : S'enfuir, récit d'un otage de Guy Delisle

Un essai : Tchétchénie, le déshonneur russe d' Anna Politkovskaïa


Lien : https://unmotpourtouspourunm..
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Des hommes couleur de ciel

Les problèmes d'intégration, l'impossible homosexualité en Tchétchénie, le terrorisme islamiste...

Je crois que l'auteur semble penser malgré tout que l'intégration à une nouvelle culture est possible, l'oubli conscient des origines réalisable : cela peut sembler paradoxal à la lecture de ce roman à première vue pessimiste.

Car les deux principaux personnages qu'elle construit avaient la volonté d'y réussir.

Une lecture prenante.

Sur nos aveuglements ? Pas si sûr...
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Des hommes couleur de ciel

« Les premières impressions sont toujours les bonnes », je dois dire que ce roman me prouve le contraire. J’avais une crainte de passer à côté, le thème du « terrorisme » étant de plus en plus présent, beaucoup trop vu, trop lu. Mais l’autrice nous embarque dans un voyage, entre la Tchétchénie et le Pays-Bas, la guerre et la paix, l’horreur et la honte.

De nombreux thèmes sont abordés dans ce roman : l’identité à travers plusieurs prismes personnifiés par Oumar, Adam, Alice/Alissa ou encore Kirem. Comment se reconstruire après avoir vécu l’enfer de la guerre ? Sommes-nous toujours la même personne ? Faut-il se créer une nouvelle identité ? Comment s’intégrer dans un nouvel environnement si loin de son pays ? Quel est le poids de ses racines, de ses coutumes dans nos actions de tous les jours ?

Mais également une description de l’horreur de la guerre et du terrorisme et de leurs impacts sur la société mais également sur les personnes qui le vivent de près.

La rédaction qui nous donne l’impression d’être dans un polar et de suivre l’enquête pas à pas ne fait que rajouter à la qualité de ce roman.

Une lecture dense mais facile et appréciable. Bref en définitive vraie belle découverte et un vrai bon moment de lecture.
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Des hommes couleur de ciel

indifférence polie....c'est ce qui me vient spontanément à l'issue de ma lecture. Un rendez-vous manqué !!
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Les mains lâchées

Quel premier roman ! Pour l’heure, il s’agit de l’un de mes coups de cœur de cette rentrée littéraire dans la catégorie premier roman : une lecture passionnante, un coup de poing.



Anais Llobet n’a pas choisi la facilité. Sur toile de fond le typhon Yolanda qui a ravagé les Philippines en 2013, l’auteur traite de la détresse des survivants après le chaos.



Le titre, « les mains lâchées » est très beau et fort : comment survivre après avoir lâché la main d’un enfant, emporté par la vague su tsunami. Telle est l’histoire de la narratrice, Madel, présentatrice d’une chaîne télévisée locale. Tel est aussi le drame de beaucoup de survivants, qui ont lâché la main de proches ou d’inconnus, et qui ont disparu après le passage du tsunami. Difficile alors d’échapper à la culpabilité.



Les ravages physiques et matériels sont très bien relatés. Mais c’est surtout les errances des survivants, et le désarroi du corps médical ou des journalistes censés témoigner au monde entier d’une horreur insoutenable qui m’ont bouleversée. Comment concilier des émotions post-chaos, l’instinct de solidarité, et un professionnalisme qui vous demande de vous armer et de vous redresser aussitôt pour témoigner? Même les plus forts finissent par douter et pour certains craquer sous le poids des images de désolation qu’ils découvrent et du témoignage des survivants anéantis. Le travail pour échappatoire à la douleur, à l’horreur et à la folie, mais jusqu’à quel point ? Personne ne sort indemne. Une telle épreuve force à considérer la vie différemment, à prendre du recul sur notre quotidien.



Sous une plume délicate, et en alternant récit de la narratrice et témoignages de survivants, Anais Llobet sort du pur témoignage journalistique, et à travers la forme romanesque trouve le recul nécessaire pour éviter le voyeurisme. Un typhon qui hantera longtemps l’âme de Madel, et probablement de l’auteure. Quant à nous lecteurs, on n’a pas envie de lâcher ni le livre ni la main des protagonistes. Anais Llobet a mis la barre bien haute pour son premier roman.
Lien : https://accrochelivres.wordp..
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