AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Anne Applebaum (48)


Ils (les brigades de collectivisation) se mirent à faire irruption dans les silos où nous gardions les semences. Après les semences, ils commencèrent à prendre nos vêtements. La confiscation se faisait par étapes. Ils prenaient tous nos vêtements d'hiver, les manteaux en peau de mouton et les capes, ainsi que d'autres vêtements. Puis ils nous enlevèrent les habits que nous avions sur le dos.
Commenter  J’apprécie          10
L’Ukraine – le mot veut dire « marche » (« région frontalière ») à la fois en russe et en polonais – fit partie de l’Empire russe entre le xviiie et le xxe siècle. Auparavant, ces mêmes terres appartenaient à la Pologne, ou plutôt à l’Union polono-lituanienne, qui en hérita en 1569 du grand-duché de Lituanie. Encore plus tôt, les terres ukrainiennes se situaient au cœur de la Rous kiévienne, l’État médiéval composé au ixe siècle de tribus slaves et d’une noblesse viking : dans les mémoires de la région, un royaume quasiment mythique dont se réclament les Russes, les Biélorusses et les Ukrainiens.
Commenter  J’apprécie          10
Anne Applebaum
Au début de 1917, les bolcheviks avaient encore moins de sympathisants en Ukraine. Le parti y comptait 22 000 membres, la plupart venant des grandes villes et des centres industriels de Donetsk et de Kryvyi Rih. Peu parlaient ukrainien. Plus de la moitié se considéraient comme russes. Un sixième environ étaient juifs. Un nombre infime d’entre eux, dont certains allaient jouer un rôle majeur dans le gouvernement des Soviets ukrainiens, croyaient en la possibilité d’une Ukraine bolchevique autonome. Cependant Heorhii (Gueorgui) Piatakov – né en Ukraine mais ne s’estimait pas ukrainien – parla pour la majorité lorsqu’en juin 1917, quelques semaines seulement après le discours de Hrouchevsky, il déclara à une réunion des bolcheviks de Kyiv que « nous ne soutiendrons pas les Ukrainiens ». L’Ukraine, expliqua-t-il, n’était pas une « région économique à part ». Plus précisément, la Russie dépendait du sucre, des céréales et du charbon de l’Ukraine, et elle était la priorité de Piatakov30.

Le sentiment n’était pas nouveau : le mépris pour l’idée même d’un État ukrainien faisait partie intégrale de la pensée bolchevique dès avant la révolution. C’était dû pour une bonne part au fait que les principaux bolcheviks, parmi lesquels Lénine, Staline, Trotski, Piatakov, Zinoviev, Kamenev et Boukharine, avaient tous grandi et été formés dans l’Empire russe qui ne reconnaissait pas l’Ukraine dans la province connue comme « Russie du Sud-Ouest ».

Pour eux, la ville de Kyiv était l’ancienne capitale de la Rous kiévienne, royaume dont ils se souvenaient comme de l’ancêtre de la Russie. À l’école, dans la presse et au quotidien, ils avaient dû assimiler les préjugés russes contre une langue largement assimilée à un dialecte russe, et une population d’anciens serfs primitifs.

Tous les partis politiques russes de l’époque, des bolcheviks à l’extrême droite en passant par les centristes, partageaient ce mépris. Beaucoup refusaient totalement d’employer le nom d’« Ukraine31 ». Même les libéraux russes ne voulaient pas reconnaître la légitimité du mouvement national ukrainien. Ce point aveugle – et le refus consécutif de tous les groupes russes de créer une coalition antibolchevique avec les Ukrainiens – fut à terme l’une des raisons de l’échec des Armées blanches dans la guerre civile32.
Commenter  J’apprécie          00
Anne Applebaum
Surtout, l’histoire de la famine de 1932-1933 fut passée sous silence. Ou plutôt, entre 1933 et 1991 l’URSS refusa simplement de reconnaître qu’il y ait jamais eu de famine. L’État soviétique détruisit les archives locales, s’assura que les registres de décès ne faisaient pas allusion à la famine, et modifia même les éléments de recensement accessibles au public afin de cacher ce qui s’était produit5. Tant que l’URSS existait, il était impossible d’écrire une histoire solidement documentée de la famine et de la répression associée.
Commenter  J’apprécie          00
Anne Applebaum
Le bilan fut catastrophique : au moins 5 millions de personnes moururent de faim entre 1931 et 1934 dans toute l’Union soviétique. Parmi elles, plus de 3,9 millions d’Ukrainiens. Mesurant son ampleur, des publications d’émigrés contemporaines et postérieures qualifièrent la famine de 1932-1933 d’Holodomor, appellation composée des mots ukrainiens holod – faim – et mor – extermination
Commenter  J’apprécie          00
A la fin de l'automne 1921, Lénine ordonna d'appliquer de sévères méthodes révolutionnaires, dont la prise d'otages, contre les paysans refusant de livrer leurs céréales.....
Lénine adressa un ordre clair aux équipes de collecte céréalières et aux komnezamy : " Dans tous les villages, emparez- vous de 15 à 20 otages, et, en cas de quotas non remplis, alignez les tous contre le mur"
p 99
Commenter  J’apprécie          10
Les patrons du parti moscovite et leurs collègues ukrainiens ne fléchirent que lorsque la famine prit une telle ampleur dans les provinces méridionales de l'Ukraine qu'il n'était plus possible de l'ignorer.
Commenter  J’apprécie          00
Il ne s'agit pas de "plus jamais" car bien sur cela se produira à nouveau.
Commenter  J’apprécie          30
La famine fut plutôt le résultat de l'enlèvement forcé des vivres dans les foyers des habitants; des barrages routiers empêchant les paysans d'aller chercher du travail ou de quoi manger; des règles draconiennes des listes noires imposées aux fermes et aux villages; des restrictions sur le troc et le commerce; et d'une campagne hargneuse destinée à persuader les Ukrainiens de regarder, impassibles, leurs voisins mourir de faim. (p.404)
Commenter  J’apprécie          30
S'il n'y avait aucune raison objective pour que l'étude de la famine fût qualifiée de "droite" ou de "gauche" , les chercheurs travaillant sur les atrocités soviétiques étaient facile à cataloguer dans le climat politique de la guerre froide. (p.393)
Commenter  J’apprécie          10
Ce fut une famine politique, créée dans le dessein d'affaiblir la résistance paysanne, et donc l'identité nationale. De ce point de vue, elle réussit. (p.334)
Commenter  J’apprécie          30
L'immense majorité des victimes étaient de la campagne: sur les 3.9 millions de morts excédentaires, 3.5 millions étaient rurales et 400 000 urbaines. plus de 90%des morts survinrent en 1933, et la plupart au cours du premier semestre. (p.331)
Commenter  J’apprécie          10
Qui meurt de faim est tout simplement trop faible pour se battre. La faim l'emporte sur toute autre pulsion, même celle de protester. (p.284)
Commenter  J’apprécie          20
Tous les éléments de la Grande Terreur - suspicion, propagande hystérique, arrestations de masse organisées du centre - étaient déjà visibles en Ukraine à la veille de la famine [de 1932-1933]. De fait, la paranoïa de Moscou concernant le potentiel contre révolutionnaire de l'Ukraine persista après la Seconde Guerre Mondiale, jusque dans ls années 1970 et 1980. (p.197)
Commenter  J’apprécie          41
L'expérience qu'avait les bolchéviks de la révolution leur avait appris que les révolutions naissent du rapport entre les intellectuels et les travailleurs. (p.144)
Commenter  J’apprécie          20
Alors même que a famine faisait rage, les bolchéviks vendaient secrètement de l'or, des œuvres d'art et des bijoux à l'étranger pour acheter des armes, des munitions et des machines industrielles. A l'automne 1922, ils se mirent à vendre ouvertement des produits alimentaires sur les marchés étrangers, alors même que la faim restait omniprésente. (p.98)
Commenter  J’apprécie          20
Si les monstres du nazismes ont été jugés et condamnés pour leurs crimes, il est navrant qu'à contrario ceux de l'ex-Union Soviétiques ne l'ont pas été, et c'est encore plus regrettable de devoir rechercher les sources de leurs génocides dans le peu d'ouvrages qui existent sur le sujet, comme si une forme d'omerta recouvrait encore cette période de l'histoire de l'Union Soviétique. L'ouvrage d'Anne Applebaum représente l'encyclopédie des Goulags et des crimes Bolchéviques qui ont perduré près de Quarante ans, soit une bien plus longue période que le génocide des Nazis, et qu'au surplus on y découvre comment l'ex-Union Soviétique rivalisait voire dépassait l'oeuvre des nazis dans l'avilissement de l'être humain comme une source inépuisable de travail et de productivité gratuite, dans les conditions les plus inhumainement possibles, pour le seul fait d'exister pour quelque chose et non pour une idéologie délirante...
Commenter  J’apprécie          10
Durant des siècles, la géographie de l'Ukraine a façonné son destin. Les Carpates traçaient sa frontière au sud-ouest, mais les doux champs et forêts au nord-ouest ne pouvaient arrêter les armées d'invasion, pas plus que la grande steppe ouverte à l'est. Toutes les grandes villes d'Ukraine - Dnipropetrovsk et Odessa, Donetsk et Kharkiv, Poltava et Tcherkassy et naturellement Kyiv, l'ancienne capitale - se trouvent dans la plaine orientale, qui s'étend à travers la majeure partie du pays. Ukrainien écrivant en russe, Nicolas Gogol observa un jour que le Dniepr coule au centre de l'Ukraine et forme un bassin. De là, "tous ces fleuves s'étendent vers son milieu, il n'y en a pas un seul qui baigne les bords et qui puisse lui servir de frontière naturelle". Ce qui avait des conséquences politiques : "S'il y avait eu une frontière naturelle de montagnes et de mer en bordure, les hommes qui se sont installés ici auraient gardé leur mode de vie politique et formé une nation séparée."
Commenter  J’apprécie          30
Après l'insurrection du 17 juin
Le secrétaire de l'Union des écrivains
Fit distribuer des tracts dans la Stalinallee.
Le peuple, y lisait-on, a par sa faute
Perdu la confiance du gouvernement
Et ce n'est qu'en redoublant d'efforts
Qu'il peut la regagner. Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d'en élire un autre ? ---- Bertolt Brecht, "La Solution "
Commenter  J’apprécie          40
Un des mythes que le mouvement communiste international propagea sur son propre compte fut celui de son indifférence aux distinctions nationales et ethniques. Les communistes étaient par définition des internationalistes, les " soldats d'une seule armée internationale", sans divisions nationales entre eux.
Fils d'un militant communiste britannique et lui-même membre du parti par la suite, Raphael Samuel a ainsi qualifié d' "universaliste" le communisme de son enfance :
Tout en admettant l'existence de singularités nationales (nous n'y croyions qu'à moitié), nous pensions que la transition du capitalisme au socialisme avait partout un contenu "identique". Le communisme, comme la chrétienté médiévale, était un et indivisible, une communion de la foi internationale...
En réalité, il n'y eut pas de chef de guerre aussi avide de manipuler et d'encourager les conflits nationaux que Staline, à l'exception de Hitler lui-même. Lénine avait nommé Staline "Commissaire aux nationalités" en 1917, et le futur généralissime acquit dès lors pour la question une expertise et un intérêt qu'il ne perdit jamais. A compter des années 1930, il lança des vagues de terreur contre les minorités ethniques qui vivaient en URSS, dont les Polonais, les Tchétchènes, les Tatars de Crimée, les Allemands de la Volga et, dans les dernières années avant sa mort, les Juifs. A la suite de l'invasion nazie en 1941, il exploita aussi massivement des symboles nationaux et nationalistes russes - uniformes militaires traditionnels, Eglise orthodoxe - pour inciter les citoyens soviétiques "internationalistes" à combattre les Allemands.
Commenter  J’apprécie          92



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Anne Applebaum (108)Voir plus

Quiz Voir plus

Des écrivains aux prénoms rares

Première question, facile: quel était le prénom de l’immense romancier Balzac ?

Eustache
Honoré
Maximilien

20 questions
158 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}