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Citations de Anne Bernard-Lenoir (34)


Comme l'équilibre et la roulade, que nous avons déjà étudiés, la roue paraît facile à exécuter, leur dis-je. La vérité, c'est qu'il est bien difficile de réussir une roue parfaite ! Car il ne s'agit pas simplement de tendre les bras en l'air et de se lancer en avant, en tournant comme un vieux moulin à vent.
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Nina est furieuse. Je devine les gros mots qui vont sortir de sa bouche !
- Espèce de ...
- Non, Nina, retiens-toi ! lui dis-je. Partons d'ici, plutôt. Laissons cet imbécile avec ses poissons stupides et allons voir Rose avec Pistou.
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Je préfère caresser l'ours dans le sens du poil, lui répond-elle, déclenchant une nouvelle pluie de rires.
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Le docteur Ouate a trente-quatre ans. Il est doux et attentif ; il bégaie un peu car il est très timide. Ses cheveux sont blonds, coupés courts. Il a des lunettes carrées et porte toujours une vieille écharpe. Celle-ci m'a effrayée, au début. Prouvait-elle qu'il était incapable de soigner un simple mal de gorge ?
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Pistou ne sent jamais le poisson pourri. C’est un animal de compagnie, la mascotte de La Patoche. Il est entretenu comme une peluche pour pouvoir être dorloté par les résidents. C’est un chat thérapeutique, un chat guérisseur, un chat formidable. Il ne peut pas sentir le poisson pourri.
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— S’il y a une bête dans le coin, je préfère ne pas la voir, murmura-t-il.
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Young avait dû parcourir une centaine de milles avant de rejoindre le Cariboo Trail. Ce sentier accroché à la falaise spectaculaire qui longeait le fleuve Fraser était si étroit qu’une seule mule pouvait y passer à la fois. Aux côtés du mulet qui transportait ses bagages, Young avait suivi cette voie escarpée jusqu’aux champs aurifères avec courage et détermination, luttant contre ses peurs et son mal des hauteurs.

Comme plusieurs des quatre mille chercheurs d’or à l’œuvre dans la région de Cariboo, il explorait les sables du ruisseau Lowhee. Il avait délimité son claim, sa concession minière, en le marquant de piquets signés de son nom. Puis, il l’avait enregistré, acquérant le droit d’y couper du bois pour se construire une cabane et se chauffer, de s’approprier le matériel abandonné et de chasser ou de pêcher pour se nourrir.

Young travaillait seul, fouillant le lit du cours d’eau à la recherche des paillettes, des brindilles et des grains d’or descendus des montagnes par les ravins ou accumulés dans les sédiments durant les périodes glaciaires. Il commençait par cribler les alluvions pour les débarrasser des cailloux et n’en garder qu’un fin gravier. Il lavait ensuite ce dernier à l’aide de sa batée. Accroupi au bord du Lowhee, il plaçait une petite quantité de ce sable grossier au fond du récipient de métal évasé qu’il tenait entre ses mains telle une large poêle et y ajoutait de l’eau ; il inclinait la panne et la brassait d’un mouvement circulaire pour détacher les sédiments. L’or, plus pesant que le sable et le gravier, se déposait au fond du récipient. Lorsqu’un éclat scintillait, Young recueillait les paillettes d’or. Il conservait le sable noir pour le sécher et extraire la poussière de ce métal si précieux.

En cet après-midi du mois d’octobre 1862, un gros morceau était tombé au fond de la batée. La pépite, du calibre d’un demi-pois, s’ajoutait à ses richesses. Dans moins d’une année, Young posséderait suffisamment d’or pour payer le transport en diligence qui le ramènerait chez lui par la nouvelle route de Cariboo, en construction le long du Fraser. Il pourrait acheter une petite maison dans la ville de Victoria pour sa femme, lui-même et leur fils, auquel il souhaitait léguer la belle montre à gousset qu’il venait de faire plaquer d’or.
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Walter Buster, dit Wally Buster, est un sacré gaillard. Il mesure près de deux mètres. Il est fort et gras comme un ours. Grâce à sa carrure de séquoia géant, il n’y a pas beaucoup de monde qui l’embête. Ses vêtements sont tellement crasseux qu’ils sont devenus durs et lisses, aussi doux que les cuissots de « La Louve », la danseuse du saloon. Son chapeau en peau de poisson est tordu et sent la morue. Ses bottes difformes ressemblent à des navires à vapeur, et sont aussi lourdes et pointues que le bateau Islander.

Wally a une tête patibulaire. Ses yeux noirs et huileux sont trop grands pour leurs trous. Ça lui donne un air étonné. Ses cheveux sont mous, et noir et blanc comme un putois. Sa moustache taillée en équerre a la couleur de l’écureuil. Wally dit que sa mère était écossaise, et son père, une sale moufette. Ce n’est pas pour rire que Wally dit ça — il n’aime pas trop rire — ; c’est parce que son père lui a volé un jour un chariot et un cheval, et qu’il le déteste. À voir sa tête, on ne dirait pas que Wally aime les trucs de fillette ni les bijoux. N’empêche qu’il porte une médaille autour de son cou poilu. Elle est en argent, et le nom « W. Buster » est gravé dessus.

Ce qui gâche l’allure de Wally, c’est son haleine de carcasse. Un Chinois lui a fabriqué une fausse molaire en os de caribou qui se ferme avec une vis en argent. Elle lui sert de coffret où cacher ses trésors les plus chers. Quand Wally ouvre la bouche, c’est le diable qui vous chante une berceuse.

Mais ce qui est bien avec Wally, c’est qu’il ne parle pas beaucoup. Il est plutôt du genre qui frappe ou qui tire. Ça, il ne faut jamais l’oublier.
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— Il y a un passage absolument terrible où Vopiscus parle des filles, poursuivit Diane. Celui où il se demande : Aurait-il mieux valu que je ne sois qu’une fille et que notre père m’abandonne au fil des eaux du Tibre ? Cela me rappelle le chapitre d’un livre que j’ai lu avant qu’on parte en voyage. Il parlait de la famille, sous l’Empire romain. Je peux vous assurer que ce n’était pas rigolo, à l’époque ! Quand un enfant naissait, il était placé aux pieds du père. S’il s’agissait d’un garçon, le père le prenait souvent dans ses bras et le confiait à quelqu’un qui en avait la charge. Si c’était une fille, il ne s’en souciait pas ; il n’avait aucun contact physique avec le nouveau-né et donnait seulement l’ordre de l’alimenter. Le père pouvait renier l’enfant, fille ou garçon, sans avoir à se justifier ! On abandonnait alors le bébé dans l’eau, comme c’est écrit dans le texte. Il était laissé à lui-même et mourait de froid et de faim. Les filles étaient plus souvent laissées que les garçons…

— On pensait que les filles ne valaient rien, c’est ça ? voulut savoir Léo.

— En tout cas, qu’elles ne valaient pas grand-chose ! précisa Diane. Lorsque le père acceptait de l’accueillir dans sa famille, la fille n’avait aucun choix et devait se soumettre à ses ordres : son destin était de se marier, et son devoir, de faire des enfants. À cette époque, la femme n’avait tout simplement pas de droits. C’était terrible. Elle appartenait à son père et n’était que prêtée à son mari, qui pouvait la répudier sans raison.

— C’est complètement débile ! lâcha Félix.

— D’une extrême injustice surtout, rectifia Diane. Mais, à cette époque, la famille n’était pas comme aujourd’hui. Ce n’était pas l’amour ni l’affection ni les liens de parenté qui la soudaient. Elle n’était unie que par sa soumission à un chef. Et ce chef, c’était le père ! Point final.

— Et ça s’arrêtait quand ? s’enquit Félix.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Quand est-ce que tu pouvais ne plus respecter les ordres de ton père et faire ce que tu voulais ?

— Jamais, leur apprit-elle. À cette époque, que tu aies été une fille ou un garçon, ta vie dépendait de celle de ton père jusqu’à ce que ce dernier meure. Même les citoyens romains haut placés étaient soumis aux décisions de leur père tant que celui-ci était encore vivant. Cela explique pourquoi il arrivait souvent que des fils tuent leur père, par exemple.

— Génial, soupira Léo. Quand tu étais bébé, on pouvait te laisser crever sur un radeau ; quand tu allais à l’école, on pouvait te battre ou te fouetter comme un chien ; quand tu avais un père ou un fils, on pouvait t’assassiner.

— En tout cas, moi, j’aurais adoré avoir une petite sœur, dit Félix.

— Moi aussi ! ajouta Léo.

Les deux frères se replongèrent dans une énième lecture du rapport de fouilles de Pierre Van Ceunebroeck. Diane et Max échangèrent un regard triste. Félix et Léo avaient perdu leurs parents dans un accident de la route alors qu’ils n’avaient que huit et sept ans. Ils avaient demandé à leurs grands-parents de ne plus leur en parler. Ils n’avaient pas changé d’idée avec le temps. Ils n’abordaient jamais ce sujet. Un jour, Léo avait précisé qu’il ne gardait aucun souvenir de ses parents biologiques et que, désormais, Diane et Max étaient ses vrais parents, même s’il les appelait Mamie et Papy.
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Le jour était à peine levé. Rome dormait encore, à l’exception de ses esclaves, déjà à l’ouvrage. L’homme ramassa les pans de sa toge, qui traînaient par terre, et se mit en route. Il n’y voyait que d’un œil, mais son infirmité ne le gênait pas pour avancer dans la pénombre. Avec le temps, il avait acquis des capacités visuelles étonnantes, qui s’apparentaient à celles du chat dans la noirceur.
Il fallait qu’il se dépêche s’il voulait traverser la cité avant l’heure des marchés. L’esclave qui porterait son message à son destinataire ultime l’attendait près du parvis du temple de la Liberté, sur l’Aventin, l’une des sept collines de Rome.
Il longea l’enceinte du cirque, un bâtiment imposant dédié aux courses de chars. Ces minutes lui parurent une éternité. Le pain et le fromage qu’il venait d’avaler lui pesaient sur l’estomac, comme s’il avait ingéré des billes en terre cuite. Ou était-ce la peur qui le tenaillait ?
Il pénétra enfin dans le faubourg. Ses ruelles et leurs insulae laisseraient bientôt place aux édifices monumentaux construits sur la butte, dont le temple de Diane, décoré de statuettes d’albâtre et bâti par Servius Tullius, l’un des sept rois légendaires de Rome.
Des odeurs immondes d’excréments parvenaient à ses narines alors que des eaux malpropres ruisselaient sur le pavé. Malgré la Cloaca Maxima, un égout géant qui desservait la ville et débouchait sur le Tibre, certains quartiers demeuraient insalubres, comme celui-ci.
Il bifurqua sur sa droite. La rue était déserte. Des colonnades de marbre blanc lui rappelèrent celles de la domus de Tillia, la villa où il avait travaillé. Il se souvint de son jardin luxuriant, de ses fleurs odorantes et des bassins d’eau translucide au bord desquels Tillia, une belle Romaine, aimait écouter de la musique. Il se mit à sourire sans pour autant paraître plus heureux.
La fin de sa mission approchait. Il s’apprêtait à contourner le dernier îlot d’insulae lorsqu’un bruit sec lui fit tourner la tête. Une silhouette se dessinait contre un mur, à quelques pas de lui. Il s’arrêta net, le souffle coupé. L’ombre inquiétante était immobile, telle une statue en bois d’ébène dressée sous un portique. Quelqu’un l’avait-il suivi ?
Il n’eut pas le temps de réfléchir davantage. La masse sombre se jeta sur lui, tandis qu’une longue lame entaillait sa chair.
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Le registre présentait des fiches décrivant les objets volés. Elles étaient bâties comme celle que Léo avait découverte. Parmi les œuvres dérobées figuraient des céramiques, des tableaux, des sculptures, des cloches, des bijoux, des montres, des pièces de monnaie et des médailles, des tapis et des tapisseries, des livres et des pages de recueils, des photographies, des lampes à huile, des objets religieux et même des tombes! Les objets disparus appartenaient à des particuliers, à des musées, à des institutions gouvernementales ou à des banques. Les fiches se comptaient par centaines.
— C’est complètement débile! s’exclama Félix.
Il était impressionné. S’il possédait le sens du détail et de l’analyse, Léo, lui, était pourvu d’un don réel pour la recherche. Même si c’est le hasard qui l’avait catapulté sur le site d’Interpol, c’était un fouineur dans l’âme, aussi efficace sur le terrain que dans l’espace virtuel d’Internet.
Les deux garçons réfléchissaient. Plusieurs minutes s’écoulèrent ainsi. La maison des Valois était plongée dans un silence total, mais on pouvait entendre des bourrasques de neige fouetter la vitre des fenêtres.
— L’orteil de Paros, murmura enfin Félix. Il me semble que la sculpture du musée ne s’appelle pas comme ça.
— Ah bon? s’étonna Léo. Je ne m’en souviens plus. C’est bizarre qu’elle ne s’intitule pas plutôt Le pied de Paros.
— À part le gros orteil, tout le reste semble avoir été grignoté par une souris.
— Une souris qui bouffe du marbre! s’esclaffa Léo.
— Cette œuvre d’art a donc été subtilisée en Écosse, chez des particuliers, le 19 octobre 1985, répéta Félix, incrédule.
— Tu te rends compte qu’on a peut-être découvert dans le musée de Québec un objet volé en Écosse?
— Demain, dimanche, le musée sera ouvert, conclut Félix, dont les yeux rougis trahissaient la fatigue. Je propose d’y retourner pour vérifier si L’orteil de Paros est la sculpture de l’exposition. Après tout, il se peut que quelque chose nous ait échappé.

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On marquait des points de repère sur les blocs de roche, avant de procéder à leur dégrossissage. La taille dégageait une énorme quantité de poussière, obligeant maître et tailleurs à protéger leurs visages avec des mouchoirs. La technique d’ébauchage consistait à employer une masse avec laquelle on percutait une pointe. Les coups s’appliquaient avec franchise, perpendiculairement à la surface, sans trop de puissance, car il était facile de s’épuiser à la tâche. La pointe pénétrait dans la matière, fendillant le marbre sur quelques centimètres de profondeur en provoquant le détachement de gros éclats. Puis, on façonnait la forme avec d’autres masses, d’autres pointes et des ciseaux de sculpteur, jusqu’aux étapes de finition, dont le polissage constituait l’apogée. Le travail ne nécessitait pas de nombreux outils, mais une force physique considérable.

Le marbre de Paros était le plus translucide des marbres connus des maîtres. Son grain était d’une finesse inouïe, son blanc, d’une pureté sans pareille. De cette sublime matière étaient nées les trois déesses. Plus grandes que nature, elles se tenaient debout. Leurs cheveux formaient un chignon maintenu par un bandeau, dont plusieurs mèches s'échappaient et tombaient sur la nuque. Le haut de leur corps était dénudé, et le bas, revêtu d'une draperie roulée avec art autour des hanches. Leurs pieds dépassaient de l’ourlet de leur himation. Les bras et les mains de ces Vénus étaient à la fois musclés et ronds, et leur buste, d’une grâce émouvante .

— C’est bien, murmura le maître, qui vérifiait la finition des blocs constituant les trois chefs-d’œuvre. N’oubliez jamais que c’est de la rencontre entre la masse et l’espace que naît la sculpture. Ce qui importe le plus, c’est le vide autour de la forme.

Un tailleur soupira d’aise. Il vouait une vive admiration au vieux maître, même si celui-ci avait tendance à ressasser ses enseignements et ses bonnes formules. Il se sentait fier d’avoir été choisi pour travailler à ses côtés, dans cet atelier de marbre qui regroupait certains des plus grands artistes des Cyclades.

La pierre avait été lissée à la perfection. La lumière semblait vibrer à sa surface, accentuant l’effet tridimensionnel des statues. Il ne restait qu’à préparer les déesses pour leur voyage vers Mélos.
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L’arpenteur avait laissé la porte de la cabane entrouverte et s’était installé sur la galerie, face au soleil, pour laver ses chaussettes. L’individu qui l’espionnait depuis un moment attendit qu’il aille remplir son seau avec l’eau du ruisseau et que sa silhouette disparaisse au coin du baraquement pour s’introduire à l’intérieur avec l’agilité d’un jeune cougar.

Il y avait là une trentaine de lits, des armoires, des monceaux de draps et de couvertures pêle-mêle, des cordes pendues à des crochets et des instruments d’arpentage. Le fouillis était indescriptible. Chaque couche présentait une planche de bois sur laquelle on avait gravé les initiales de son occupant.
L’intrus se mit à marcher sur la pointe des pieds le long des rangées, en scrutant les écriteaux pour trouver les initiales « L.M. » ou « L.MA. ». Il devait tendre l’oreille et, au moindre bruit suspect, il se faufilerait sous un lit.

C’est en arrivant au fond de la pièce qu’il aperçut ce qu’il cherchait. Le nom était écrit au complet sur un morceau de cuir.

L’individu sortit son poignard et exécuta la tâche qui l’amenait dans ces lieux.
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Young avait dû parcourir une centaine de milles avant de rejoindre le Cariboo Trail. Ce sentier accroché à la falaise spectaculaire qui longeait le fleuve Fraser était si étroit qu’une seule mule pouvait y passer à la fois. Aux côtés du mulet qui transportait ses bagages, Young avait suivi cette voie escarpée jusqu’aux champs aurifères avec courage et détermination, luttant contre ses peurs et son mal des hauteurs.

Comme plusieurs des quatre mille chercheurs d’or à l’œuvre dans la région de Cariboo, il explorait les sables du ruisseau Lowhee. Il avait délimité son claim, sa concession minière, en le marquant de piquets signés de son nom. Puis, il l’avait enregistré, acquérant le droit d’y couper du bois pour se construire une cabane et se chauffer, de s’approprier le matériel abandonné et de chasser ou de pêcher pour se nourrir.

Young travaillait seul, fouillant le lit du cours d’eau à la recherche des paillettes, des brindilles et des grains d’or descendus des montagnes par les ravins ou accumulés dans les sédiments durant les périodes glaciaires. Il commençait par cribler les alluvions pour les débarrasser des cailloux et n’en garder qu’un fin gravier. Il lavait ensuite ce dernier à l’aide de sa batée. Accroupi au bord du Lowhee, il plaçait une petite quantité de ce sable grossier au fond du récipient de métal évasé qu’il tenait entre ses mains telle une large poêle et y ajoutait de l’eau ; il inclinait la panne et la brassait d’un mouvement circulaire pour détacher les sédiments. L’or, plus pesant que le sable et le gravier, se déposait au fond du récipient. Lorsqu’un éclat scintillait, Young recueillait les paillettes d’or. Il conservait le sable noir pour le sécher et extraire la poussière de ce métal si précieux.

En cet après-midi du mois d’octobre 1862, un gros morceau était tombé au fond de la batée. La pépite, du calibre d’un demi-pois, s’ajoutait à ses richesses. Dans moins d’une année, Young posséderait suffisamment d’or pour payer le transport en diligence qui le ramènerait chez lui par la nouvelle route de Cariboo, en construction le long du Fraser. Il pourrait acheter une petite maison dans la ville de Victoria pour sa femme, lui-même et leur fils, auquel il souhaitait léguer la belle montre à gousset qu’il venait de faire plaquer d’or.
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La note de l'auteure, en fin de roman (L'expédition Burgess):

Ce roman est une fiction. Les personnages et l’intrigue sont une pure invention. Cependant, plusieurs données historiques et scientifiques sont avérées. La plupart des lieux existent ou sont inspirés de topographies réelles.

Charles Doolittle Walcott découvrit d’étranges fossiles d’animaux marins le long de la crête des monts Wapta et Field en 1909. Les schistes argileux de Burgess peuvent être admirés au cours d’une longue randonnée dans le parc national Yoho, en Colombie-Britannique. Ces fossiles sont d’une grande diversité et exceptionnellement préservés. Leur examen permet de croire que l’évolution de la vie sur terre ne s’est pas faite selon le principe de la survie des espèces les plus fortes ni les plus aptes, mais par une diversification rapide des espèces animales et leur extinction au hasard.

Le premier train transcanadien passait au col Kicking Horse, sur le territoire actuel du parc Yoho.

La découverte de fortes quantités d’or en Californie en 1848 donna lieu à un véritable engouement des prospecteurs, et ce, jusqu’en 1856. La ruée vers l’or de Cariboo, la plus célèbre de la Colombie-Britannique, se déroula de 1862 à 1866 environ, et celle du Klondike, dans le Yukon, de 1897 à 1902.

Les Overlanders de 1862 ainsi que l’artiste William Hind ont existé. Le Carnet Overlanders de 62 de William Hind peut être consulté en ligne sur le site de Bibliothèque et Archives Canada.
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J’étais en train de penser au fait que je venais de sauver des flammes la baraque du croque-mort lorsque j’entendis un branle-bas à l’extérieur. Les pas étaient pressés, et les voix, sourdes. On tapait des bottes contre les rondins de la cabane. En l’espace de quelques secondes et sans que j’eusse le temps de réagir, Desmond entra dans la boutique, dans la pièce voisine de celle où je me trouvais et dont je n’étais séparé que par un rideau opaque. Je distinguai une voix de femme.

— Gustave… Quelle aventure ! lança-t-elle d’un ton exprimant le soulagement.

La porte de la cabane claqua, et on glissa son verrou. J’entendis des bruits de vêtements et le frottement de tabourets sur le plancher.

— Alicia…

Paniqué, je compris que Desmond était en compagnie de sa bien-aimée ! Crottin de citrouille, si je ne bougeais pas de ma place, j’allais être témoin d’un rendez-vous d’amour, comme disait Ti-Khuan !

Desmond et Alicia ne pouvaient pas m’apercevoir, mais ils n’allaient sans doute pas tarder à pénétrer dans le bureau pour se servir une tasse de thé. Je serais forcément découvert ! Que pourrais-je leur annoncer? Que j’avais été surpris par leur arrivée, alors que je n’avais aucun droit de me trouver sur les lieux ? Je pouvais parler de la bouilloire qu’ils avaient oubliée sur le feu. Dans tous les cas, je devais agir vite !

Deux solutions s’offraient à moi : je pouvais sortir de ma cachette d’un air penaud, en traversant la pièce voisine et en m’excusant — rien qu’à y penser, j’en avais la chair de poule ! — ou sortir de la cabane par l’unique fenêtre du bureau.

— Alicia, si j’avais pu imaginer qu’un jour nous pussions être ensemble ainsi… murmura Desmond, qui avait retrouvé sa verve depuis la veille.

Je décidai de sortir au plus vite par la fenêtre du bureau.

Sans faire de bruit, je grimpai sur une chaise et agrippai la poignée de l’ouverture. Tandis que je tentais d’ouvrir la fenêtre, qui paraissait coincée par la glace formée sur le cadre extérieur, Desmond et Alicia poursuivaient leur conversation.

— Tout à l’heure, en vous attendant dans votre atelier, j’ai commencé à nous préparer du thé, se souvint-elle. En voulez-vous une tasse ?

— Je crois que ce n’est pas le moment, Alicia.

— Pourquoi n’avez-vous pas voulu laisser ce cercueil dans la tente-morgue, avec la charrette que nous venons d’y déposer ?
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L’arpenteur avait laissé la porte de la cabane entrouverte et s’était installé sur la galerie, face au soleil, pour laver ses chaussettes. L’individu qui l’espionnait depuis un moment attendit qu’il aille remplir son seau avec l’eau du ruisseau et que sa silhouette disparaisse au coin du baraquement pour s’introduire à l’intérieur avec l’agilité d’un jeune cougar.

Il y avait là une trentaine de lits, des armoires, des monceaux de draps et de couvertures pêle-mêle, des cordes pendues à des crochets et des instruments d’arpentage. Le fouillis était indescriptible. Chaque couche présentait une planche de bois sur laquelle on avait gravé les initiales de son occupant.
L’intrus se mit à marcher sur la pointe des pieds le long des rangées, en scrutant les écriteaux pour trouver les initiales « L.M. » ou « L.MA. ». Il devait tendre l’oreille et, au moindre bruit suspect, il se faufilerait sous un lit.

C’est en arrivant au fond de la pièce qu’il aperçut ce qu’il cherchait. Le nom était écrit au complet sur un morceau de cuir.

L’individu sortit son poignard et exécuta la tâche qui l’amenait dans ces lieux.
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Au fond de cette cabane sordide, Laura était transportée par une émotion peu commune. Plus rien ne lui semblait plus précieux que cette rencontre avec le lynx roux. Plus rien ne lui semblait plus intense que ce contact privilégié entre leurs deux espèces qui peinaient tant à cohabiter sur Terre… Laura se sentait maintenant unie au destin du petit fauve. Ils partageaient la même cachette et devaient se protéger des mêmes prédateurs. Ce n’était peut-être pas un hasard si le félin ne montrait aucune agressivité à son égard… Était-il encore sous l’effet des sédatifs ou savait-il qu’il n’avait rien à craindre de cette fille ébouriffée vêtue d’un gros habit de plastique qui avait surgi auprès de lui et l’observait avec douceur ?

« Que va-t-il nous arriver ? » songea Laura.

La question ramena la jeune femme à la réalité. Elle rentra aussitôt son pied botté sous la tenture et s’approcha instinctivement de la cage où se trouvait le lynx roux que les individus avaient volé à la clinique vétérinaire de Gaspé.

C’est à ce moment précis que la porte de la cabane s’ouvrit.
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— Qu’est-ce que tu fabriques ici? me demanda-t-il, intrigué.

— Je cherche Ti-Khuan Wu.

— Son nom ne me dit rien, mais cela ne fait pas longtemps que je suis arrivé, lâcha-t-il. Malgré l’événement, les gens sont tous repartis travailler!

— Quel événement?

— On a retrouvé un Chinois dans la rivière ce matin.

Mon coeur s’arrêta net.

— Un jeune? bredouillai-je, bouleversé.

— Dans la vingtaine, il me semble.

J’avalai ma salive, à moitié rassuré. Crottin de citrouille! Je savais que Ti-Khuan paraissait plus âgé qu’il ne l’était, mais pouvait-on lui donner plus de vingt ans?

— Ce Chinois, il était… mort? voulus-je savoir.

— Il n’était pas en train de se baigner, pardi! Quand on l’a repêché, on a tous pensé qu’il s’était noyé. Mais, quand la police montée est venue sur les lieux pour l’examiner, elle a découvert en enlevant son foulard qu’il avait été étranglé avec une corde.

— C’est horrible, murmurai-je, affolé.

— Ouais… répondit l’homme en haussant les épaules. Faut que je te laisse, je dois aller chercher du bois.

— Où ça s’est passé? me renseignai-je avant qu’il s’éclipse.

— On l’ignore. Le corps du gars a dû être emporté par le courant. Il a été retrouvé près d’ici, sous le pont. Allez, salut!

L’homme disparut pour de bon.

Pris de panique, je restai seul avec Wednesday et Kiaokéli, qui me regardaient de leurs grands yeux attendris. La disparition de Ti-Khuan était-elle liée à la découverte du Chinois dans la rivière? Qui était cet homme qu’on avait étranglé et jeté dans le courant tumultueux de la Bow? Ti-Khuan ne pouvait pas être parti plus tôt en expédition avec MacFarley, car ses affaires attendaient dans la tente, et Kiaokéli, qui faisait partie de leur équipe et transportait leurs bagages, se trouvait à mes côtés! Je n’avais qu’une seule idée en tête: me rendre à l’hôpital temporaire de Laggan pour vérifier si mon ami n’y avait pas été admis comme blessé.
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Bobcat était reparti en expédition. Il s’était écoulé deux mois depuis les péripéties de Ti-Khuan dans la forêt. Après ces terribles incidents, mon ami ne perdit pas son travail ; apprenant les raisons de sa défection, le photographe Will McFarley ne pouvait que lui pardonner de ne pas l’avoir accompagné pendant l’ascension du massif de Whitehorn.

Quant à moi, je vivais toujours à Laggan, le camp de base des travailleurs engagés par la compagnie Canadian Pacific Railway, chargée de la construction de la première voie ferrée transcanadienne.

Depuis le mois de juin, chaque train provenant de l’est déversait dans le coin des dizaines d’hommes proposant leurs services. La besogne ne manquait pas, et certains s’y attelaient jour et nuit. Pourtant, le chantier prenait du retard, et le travail à accomplir demeurait colossal. Crottin de citrouille, l’été 1884 était exécrable ! La pluie ne cessait de tomber, gonflant les eaux de la rivière Kicking Horse, qui débordait et inondait les terrains plats. Les glissements de terrain provoquaient le déplacement d’immenses plaques de terre. Les avalanches déclenchées par les opérations de dynamitage rasaient le pan de montagnes, arrachant les arbres, qui dégringolaient des sommets comme des fagots d’allumettes géantes. Des ponts qu’on venait de construire s’affaissaient, emportés par les eaux tumultueuses des rivières. La voie ferrée n’avait toujours pas fini de franchir le col du Cheval-qui-Rue. La Grande Pente était un tronçon terrifiant long d’une dizaine de kilomètres qui descendait de la montagne. Son inclinaison était vertigineuse : quatre pour cent et demi. La première locomotive qui l’avait empruntée avait fini sa course dans la rivière, tuant trois hommes.
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