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Citations de Annie Quintin (27)


Maintenant, les mots restent étouffés dans ma gorge, par protection. Je me garde une réserve, juste au cas où. Parce que ça ne se fait pas. Trop tôt. Trop vite. Oser les trois petits mots au mauvais moment, c’est risquer de le perdre, lui qui est tellement là, dans cette bulle d’instant parfait qui s’est créée autour de nous.

Il m’embrasse longuement, lentement, pas pressé d’aller plus loin. L’air de rien. Je me retrouve face à son désir de tendresse qui transparaît dans sa façon de me toucher du bout des doigts, alimentant chez moi un sentiment d’urgence.
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Le train qui roule vite, la main légèrement moite qui glisse
sur le poteau gras. Un dernier coup d’oeil discret dans le reflet de la vitre pour voir si tous les cheveux sont dignement en place. L’ombre d’un sourire qu’on s’exerce à faire subtilement, juste pour se pratiquer, pour se mettre sur le mode « cruise », mais surtout pas pour attiser le regard lubrique d’un passager douteux. Les portes du métro qui s’ouvrent dans un bruit sourd vers l’inconnu.
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S’il s’avérait improbable de faire connaissance avec un homme dans «la vraie vie», Internet m’avait semblé très facile d’utilisation. C’était un moyen de rencontre rapide, accessible à toute heure du jour et de la nuit. En quelques clics, je magasinais du mâle. Aucune gêne, pas de niaisage. Bing. Bang. Je te veux. En théorie, simple comme bonjour. Il me suffisait de penser en chasseuse de têtes. Dénicher des talents. Faire valoir au candidat que l’entreprise était faite pour lui, l’entreprise étant… moi. Mais l’affaire n’était pas si simple…
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Jamais je n’aurais pensé qu’Internet occuperait autant de place dans nos vies. Tout ça avait commencé quelques mois auparavant alors que Mélodie se remettait péniblement de l’amourette qu’elle avait eue avec le seul et unique collègue masculin de son école. Elle était déprimée, voyant ses possibilités de match parfait se réduire à rien de moins que le néant.
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— Qu’est-ce qui s’est passé avec ta blonde hier?
— Je sais pas.

— C’est quoi l’affaire de se saouler dans un vins fromages?

— Je sais pas.

— T’as la face du gars qui ne veut pas en parler.

— Exact.

Je hausse les épaules et j’essaie d’éviter le regard d’Hugo. Il a roulé sur sa chaise jusqu’à mon bureau, au lieu de se donner la peine de se lever et de marcher douze secondes. Il y a de ces moments où je me demande c’est quoi l’idée d’enseigner non seulement dans la même université, mais dans le même département que mon vieux copain de cégep. Hugo, c’est le genre intense, qui ne démord pas. J’ai la tête à rédiger ma prochaine allocution de début de session, pas à discuter des événements d’hier.

Rien n’échappe à Hugo en ce qui a trait à Eve. Ces deux-là ne peuvent pas se sentir. Et j’ai la mémoire courte. J’ai la fâcheuse manie d’oublier dans quel pétrin je me retrouve le lendemain d’une soirée où ils se sont toisés de loin en grinçant des dents. Hugo se demande ce que je fais avec Eve. Eve se demande comment je peux m’être lié d’amitié avec un être aussi peu évolué qu’Hugo. Moi, j’essaie d’oublier de me poser trop de questions.

Comment lui expliquer qu’Eve essaie un nouveau médicament? Il ne pourrait pas comprendre de toute façon. Personne ne pourrait comprendre. Parce que personne n’est au courant. Presque personne.
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Je réponds enfin à sa question de fille ivre avec le manque de conviction du gars qui sait pertinemment que cet échange sera relégué aux oubliettes une fois qu’elle aura dégrisé.

— Je sais pas. Parce que.
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Eve a bu trop de vin. Elle a trinqué à la santé de Suzie et de ses orgasmes spontanés. J’ai dû lui rappeler, en arborant un sourire forcé à l’intention des autres convives, qu’un 5 à 7 ne devait pas se terminer en état d’ébriété à six heures douze, et surtout pas en dansant lascivement près du plateau de fromages. Je sais qu’elle le regrettera amèrement demain matin.

Nous saluons nos amis qui nous observent. Je lui sers d’appui alors que nous naviguons vers la voiture. Je déverrouille la portière. Elle semble fascinée par mes doigts. Elle se met à les renifler.

— OK… OK… Qu’est-ce qu’ils ont, mes doigts?

Pour en finir, je prends sa main, pose un baiser sur ses doigts, qui se referment vite alors que le reste de son corps semble si lent à réagir. Son regard semi-brumeux s’émerveille comme à retardement.

— Un baisemain, hou la laaaa! Mais tu ne me fais plus ça!
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Quant à mon chum, il reste fidèle à lui-même: imperturbable.
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Quelque part
une fille saoule au début d’un 5 à 7
EVE

C’est là que tout s’est enclenché, que l’idée s’est implantée dans ma tête avant d’y germer.

— Je capote! Il me rend folle! On a passé la nuit à se parler, à se tenir la main… Juste la main! Je me suis sentie comme le centre de l’univers. On aurait pu passer la nuit comme ça. Il a dit qu’il voulait rester là suspendu dans le temps… Que cet instant-là, c’était précieux et que s’il posait ses mains sur moi, il ne pourrait plus arrêter de me toucher. Ouf… C’était tellement ouf…— Wow.

C’est ce que j’ai laissé échapper. Un simple «wow» sans point d’exclamation, sans surprise. Suzie se délecte de raconter ses aventures, je devrais pourtant être habituée. Du coin de l’œil, je guette la réaction de Louis, assis à mes côtés. Il se contente de boire sa bière sans broncher.

Dans une conversation de filles, ce genre de confidence est normalement accueilli les fesses sur le bord de sa chaise dans l’attente de détails croustillants, un petit cri d’excitation au bord des lèvres. Mais avec mon chum comme témoin, je me contente de hocher la tête pour souligner mon écoute. Comme si Suzie avait besoin d’un quelconque signe d’encouragement pour relater sa vie sexuelle plus que trépidante.
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Comment est-ce qu’on a pu en arriver là, Louis et moi ? Plier les lingettes. Repasser les lingettes. Replier les lingettes. Aligner les lingettes. Ouvrir le garde-manger. Replacer soigneusement toutes les boîtes de conserves. Aligner. Pour qu’il y ait parfaite symétrie, il faut un axe. Il faut que les conserves soient de la même variété, en nombre impair. Il faut. Il faut. Il faut. Mes compulsions débordent de il faut. Ne pas arriver à créer l’alignement parfait. Recommencer. Sentir l’angoisse qui grimpe et qui pousse à recommencer. Faire taire le monstre. Ça va aller. Ça va aller. Refermer la porte. C’est stupide. C’est absurde. C’est anodin. C’est n’importe quoi.
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Il m’embrasse et mon cœur flanche. Je jubile. Il jubile. Nous jubilons. Nos souffles se mêlent, nos rires aussi devant cette grande envolée sentimentale.

Je sais que, depuis le départ, c’est ce que j’avais espéré; qu’il craque pour moi d’un coup de foudre retentissant et brutal, du genre qui fait trembler et qui chavire l’estomac et dont le seul complément pour survivre est l’eau fraîche. Que je craque aussi et que je m’abandonne. Enfin.

– Là, c’est vrai… Si je reste…, je ne voudrai plus repartir.

– Maudit niaiseux, qui t’a demandé de partir?

Il rit et referme la porte de mon appartement.
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Yan n’a eu qu’un coup d’œil pour mes pieds mouillés, puis il a foncé directement vers le bain. Il a écarté le rideau de douche, en quête de sang, d’une corde, d’un restant de médicaments. Ce qu’il a vu m’a embarrassée encore plus que toute preuve incriminante d’une tentative de suicide. La preuve ultime d’un solide pétage de coche. Tout ce que j’avais saccagé: le contenu complet de l’armoire à pharmacie et tout l’attirail pour se mettre belle pour son homme, les morceaux de verre d’un pot de crème pour jambes soyeuses, un rouleau entier de papier de toilette doux pour les fesses – soit deux cent quatre-vingts carrés de papier déchiquetés –, un tube de dentifrice complètement vidé dont la pâte formait une représentation abstraite, un t-shirt d’homme avec le logo de Toxic Robot découpé en pièces. Yan s’est aussitôt soustrait à cette vision en reculant d’un pas. Il a refermé le rideau de douche et est ressorti de la salle de bain aussi vite qu’il y était entré en poussant une suite de jurons bien sentis.

Mélo me regardait avec de grands yeux horrifiés.
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Jour 72

Damien: J’aimerais mieux qu’on arrête de se voir.
Clara: Tu casses avec moi par internet!!!
Damien: Est-ce que tu me donnes le choix?
Damien: Là, j’ai l’air d’un bel écœurant…
Clara: En effet!
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Au téléjournal, ce soir, Clara Bergeron nous raconte sa rupture avec Damien, Ô-Saint-Ténébreux-Damien, d’abord objet d’imbroglios surnommé T.R. (le mystérieux T.R.), et ensuite appelé dans l’intimité: « Dam-oh-oui-Dam-baise-moi-Dam!»

– Madame Bergeron, bonsoir.

Silence. On a voulu lui mettre une bande noire sur les yeux, lui conférer un statut de « fraîchement flushée anonyme». Elle a refusé. Elle assume. Elle dit qu’elle assume. En coulisse, elle n’a pas voulu passer par le siège de la maquilleuse. On a murmuré sur son passage: « Déjà? Il me semble que c’était bien parti leur affaire… C’était si beau de les voir ensemble! Non… Franchement, c’était assez prévisible, vous ne trouvez pas? C’est une fille tellement compliquée! Faudrait lui booker un psy, elle-même n’arrive pas à se comprendre! Avez-vous déjà vu une fille qui se fait flusher deux fois en deux ans? Ça ne doit pas tourner rond chez elle… Un peu de poudre compacte, mademoiselle? Juste pour ne pas avoir l’air trop blême devant la caméra…»

NON.

Elle se fout de ce qu’ils disent. Elle ne veut pas qu’on pose les mains sur elle. On ne posera plus jamais les mains sur elle. Elle a marché tête haute, sans chanceler, le regard vide. Elle s’est assise avec raideur sur le tabouret qui lui avait été assigné. Le p’tit monsieur des éclairages a dû réajuster le contraste pour ne pas blesser les yeux des téléspectateurs. On a vu plus sympathique à l’écran. Il y a des gens qui gagnent des trophées parce qu’ils sont gentils. Pas elle.

– Merci d’avoir accepté de nous accorder cette entrevue exclusive.

– Je…

Elle s’interrompt, fixe la caméra d’un regard indéfinissable. La seule trace d’anxiété qui ne peut échapper au téléspectateur, ce sont ses doigts aux ongles parfaitement rongés qui viennent à répétition replacer le col de son chandail.

– Un mot sur votre rupture?

– Conne.

– Merci pour ces paroles qui portent à réfléchir.

La bonne nouvelle TVA: Clara Bergeron est de retour sur le marché. Avis à tous les hommes célibataires désespérés: vous la trouverez dans un magasin près de chez vous, juste à côté du papier cul.
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J’étais figée. Clouée sur place. Incapable de bouger. Assise sur le bord de la baignoire. Pieds nus. Tétanisée. Des ravages sous les yeux. Dans le bain. Une tempête était passée. Et cette tempête, c’était moi.

Ouvrir le robinet. Laisser couler l’eau chaude. Réchauffer mes pieds gelés. Mes orteils bien étampés sur la porcelaine blanche. Regarder mes orteils. Me concentrer sur celui du milieu qui dévie fièrement. Peut-on faire un doigt d’honneur « version orteil»? Un mini fuck you sans la retentissante vibration d’une main en colère?… Ou n’importe quoi pour se changer les idées?

Je suis tellement conne, conne, conne!

Comme mantra, on aura vu mieux. Voilà pour l’estime de soi. On repassera. Merci, bonsoir. Vaut mieux s’autoflageller à grands coups d’insultes que d’y aller à la lame de rasoir.

Mais non… Je n’en suis pas là. Ce n’est pas moi.

Pourquoi se réfugie-t-on dans la salle de bain en cas de détresse? Pour utiliser tout le rouleau de papier de toilette et pleurer? Pour avoir à portée de main des médicaments si on perd pied? Parce que la résonance vient nous répondre en écho? Parce qu’on veut se terrer dans un petit endroit clos pour se sentir en sécurité, dans un cocon protégé, à l’abri du monde extérieur? Pour se mirer dans la glace avec ces larmes qui laissent des traces et confirment que l’on fait pitié, pitié comme pas une n’a fait pitié avant?…

Toutes les possibilités étaient là devant moi. Mais pas pour moi.

Et pourtant, la salle de bain s’était avérée mon seul refuge. Là où ma colère avait jailli.

Inspire, expire… Inspire… expire… expire…

Expire…

Positionner le rouleau de papier de toilette sur le dessus ou en dessous? Quelle est la solution la plus pratique quand l’urgence nous prend de tout dérouler d’un coup? Aucun lien avec le chaton blanc de la pub de Cottonelle qui sautille dans le tas de papier. L’image donnait juste le goût de pleurer.

Fuck… Je ne voulais pas pleurer.

De toutes les catastrophes naturelles, c’était la mienne qui allait faire la manchette ce soir-là. Les ouragans, les tremblements de terre sont monnaie courante, ça arrache tout. Ça arrache tout, même le cœur.
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Soixante-douze jours.

Le temps d’un été et de quelques poussières de minutes volées. Parce que l’amour, c’est pas assez.

Juste pas assez.

Jour 1, jour 2, jour 3… Avoir pour seul port un lit. Le sien, le mien, peu importe, pour autant que nous puissions nous toucher. Ses yeux dans les miens, les miens dans les siens, petites rides d’expression, prunelles qui brillent pour l’autre. Le courant qui passe à l’infini. Seuls au monde. À la dérive, dans des draps froissés.

Puis… Soixante-douze jours, la fin.

Fuck.

J’ai une image en tête. Je me vois plantée au milieu d’une route déserte parce que, par défaut, je l’ai tracée ainsi. Un chemin qui ne débouche sur rien. Le vent automnal se lève, d’abord léger, doux, caressant, puis de plus en plus insidieux et glacial, comme si le temps s’était accéléré à une vitesse folle, balayant tout sur son passage. Coup de foudre. Crainte. Passion.

Il me vient toutes sortes de banalités, des formules toutes faites inspirées des sites de rencontre internet.

Des soirées collés,

à se regarder dans le blanc des yeux.

Juste nous deux.

Toi et moi.

Seuls au monde.

Bleh…

Non.

Tout ce que j’ai snobé, le genre de slogans de fiches de rencontre dont je me suis moquée, voilà que j’en suis venue à souhaiter ça. À vouloir ça.

Et que je l’ai perdu.

Ça ne sera pas pour nous.

Je n’ai pour seule caresse que celle d’un foulard autour du cou, à défaut de celle de sa main avant qu’il ne m’échappe et ne me glisse entre les doigts. Et sur cette route, je suis seule. Toujours toute seule.

Je n’ai pas pu le retenir.
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C’est donc cela, la vie d’adulte: construire des châteaux de sable, puis sauter dessus à pieds joints, et recommencer l’opération, encore et encore, alors qu’on sait bien que l’océan les aurait effacés de toute façon?



Frédéric Beigbeder,

L’amour dure trois ans
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Toutes mes excuses à ma mère pour le début de ce roman. Je me souviendrai toujours qu’elle m’a dit, le doigt bien en l’air: «Je t’interdis de les séparer!» Oups! Trop tard…
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J’ai observé la tequila dans mon verre et je me suis souvenue d’une scène semblable. Ma première visite dans l’appartement de Damien. Yan à l’hôpital; un coup de couteau d’un individu qui voulait lui voler son portefeuille. Mon cœur en miettes de savoir mon ami près d’y passer. Damien était venu à ma rescousse alors que j’étais en état de choc. Chez lui, il m’avait servi un verre pour m’aider à me ressaisir. Cette fois-ci, tandis que j’étais assise devant Mélo, personne n’était entre la vie et la mort. Enfin, il y a plusieurs sens au mot « mort»…

Là, c’était un cas de « ton chien est mort».

– Allez, bois au moins une petite gorgée. Pour te laisser aller un peu, m’a ordonné Mélo avec douceur.

Me laisser aller?

Sous la table, j’ai essuyé mes mains sur mes genoux et, d’un geste vif, j’ai saisi mon verre auquel je me suis aussitôt cramponnée. Et j’ai bu lentement tandis qu’un lourd silence baignait la pièce. L’alcool, encore et toujours, comme un pansement.

– Je bois. Je bois.
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Pourquoi se réfugie-t-on dans la salle de bain en cas de détresse? Pour utiliser tout le rouleau de papier de toilette et pleurer? Pour avoir à portée de main des médicaments si on perd pied? Parce que la résonance vient nous répondre en écho? Parce qu’on veut se terrer dans un petit endroit clos pour se sentir en sécurité, dans un cocon protégé, à l’abri du monde extérieur? Pour se mirer dans la glace avec ces larmes qui laissent des traces et confirment que l’on fait pitié, pitié comme pas une n’a fait pitié avant?…
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