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3.65/5 (sur 20 notes)

Nationalité : Royaume-Uni
Né(e) à : Etterbeek , 1974
Biographie :

Née à Etterbeek, en Belgique, en 1974, Ariane Wilson est de nationalité franco-britannique. Historienne et architecte de formation, elle est aussi violoncelliste.

Source : Transboréal
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Bibliographie de Ariane Wilson   (5)Voir plus

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Citations et extraits (17) Voir plus Ajouter une citation
C'est une longue note solitaire, gonflée d'échos millénaires. Elle débute pleine de grains, enfle, s'affermit, s'estompe, et le silence qui s'ensuit reste vibrant de gravité. Dans ce son paisible et lointain, il y a la mer, il y a l'origine de la terre, il y a la colossale poussée qui a fait ces montagnes et mis à sec ce coquillage que tient une silhouette rondouillarde découpée sur le ciel bleu. Là-haut, perché sur le toit du monastère qui nous surplombe, un moine lance l'appel à la prière. Ses lèvres embrassent l'embouchure de la conque, y injectent du plus profond de son corps un souffle de vie, remuant les tréfonds de l'océan.
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Sur le chemin de Pepul, en ce même jour qui nous a menées des incantations de Pukhtal aux balbutiements d'un bébé purnepa, un miroir, accroché au mur d'une case à thé. Ni l'une ni l'autre ne nous y regardons : pour ne pas nous être « vues » pendant une semaine, nous sommes libérées des entraves de notre image reflétée. Nous savons notre visage hâlé et radieux parce que les poumons, les mollets et les épaules nous le disent. Un reflet serait superflu face à cette totalité de bien-être. Nous avons la mine d'un corps acquis au rythme de la marche, nourri d'air immaculé, d'un régime spartiate, de rencontres, de rires et de musiques, de profondes nuits de sommeil réglées par l'horloge naturelle du soleil.
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C'est une mélodie sereine qui s'élève du violoncelle. Assise sur le parapet du toit-terrasse avec pour dossier de chaise le vide du précipice, je suis envahie d'un profond sentiment d'équilibre. Il fait noir, l'ombre a englouti Maya, nous sommes seules sur cette terrasse aérienne avec une myriade d'étoiles et un Arioso de Bach. La beauté est envahissante. Elle s'écoule en larges flots de lenteur de la tête aux pieds, caresse les articulations, porte mon émotion sur un courant fluide du bras à l'archet, des sens aux cordes, qui, captant le scintillement des étoiles dans leurs vibrations fébriles, s'en vont à fréquence cosmique résonner dans l'infini.
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Prélude de la troisième Suite de Bach.
Sa virtuosité baroque pouvait se heurter à la placide majesté des lieux, mais il y a dans l'énonciation initiale d'une simple gamme descendante, dans sa progression architectonique, et sa réaffirmation finale, quelque chose d'aussi essentiel et de sublime que ces montagnes. Une explication de la création du monde. Son matériau : cette simple gamme majeure qui implante son drapeau de conquête dans les amples vibrations de la note la plus grave du violoncelle − un do qui atteint les tripes. Simple gamme de do primaire et brute, affirmative et forte de sa légitimité flagrante. Simple gamme de do dont il devient tellement facile de projeter la joie d'être lorsque le buste est bombé d'air frais, lorsque les épaules sont musclées et que le dos se tient droit. dans cet état d'ouverture complète du corps au monde, la technique n'importe plus, les gestes individuels se dissolvent dans la détente complète d'un mouvement qui emporte tout.
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Il est tentant, dans un récit de voyage, de négliger les moments où il ne se passe rien, de condenser dans une indication du nombre d'heures écoulées les plages sans événements, sans rencontres, sans grande variation dans le paysage. Dire le silence et le vide n'a pas grand sens et pourtant ces moments sont des plus riches. Je marchais sans montre ; le temps n'était fonction que de mon humeur, de la fatigue, du courage, de la faim, de l'ennui, de la longueur d'un morceau de musique. Je ne retrouvais l'heure des aiguilles qu'une fois les tentes montées et les bagages défaits, au moment même où le coucher du soleil la rendait d'ailleurs inutile.
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Ailes de vents jaunes, rouges et bleues : envol d'arpèges couleurs primaires. S'entrelacent dans leur résonance, se résorbent dans la franchise d'un sol majeur. Vibrionnent et se relâchent dans des coulées de gammes. Quinte augmentée, freine, crissant, la cascatelle. Les alizés s'échappent − poursuite, capture − et luttent. S'épaississent les veines en filigrane de ces filtres colorés. Coagulent. S'épaississent de tensions harmoniques, de discordances acrobatiques. Et se libèrent en surgissant d'un jet dans le monde de la matière. Remous d'après genèse, répit encore palpitant, essais de tessitures et de mouvements. Quiétude, enfin, dans la guimauve d'un ré profond. Rêves sucrés de brises susurrantes, caressantes, qui en vagues successives amassent les forces d'un éveil victorieux, bombent des ailes nouvelles, brises épanouies de bise. Ballonnent et boutent l'attache insistante d'un ré ardent.
Et l'apothéose, en rondes victorieuses, d'un oiseau de clarté.

Col de Parsi : Prélude de la première Suite pour violoncelle de Bach.
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L'ascension vers le septième col de Sisir (4 800 mètres) est éprouvante. Je ne peux me lancer tout de suite dans le Prélude acrobatique de la sixième suite. J'écoute un moment le silence environnant. Puis je brosse les cordes à vide avec de larges gestes lents. Ces notes simples et brutes semblent suffire à l'espace des sommets. J'accorde les cordes très doucement, très précisément, mettant tout mon cœur à l'écoute. Le violoncelle sonne bien. On dit qu'un instrument conserve les traces du jeu précédent ; son âme aurait une mémoire sonore. Joué trop souvent faux ou avec un son peu soigné, l'instrument porterait les stigmates d'un jeu négatif. Il y a tout juste trois semaines, au village de Darsha, mon violoncelle était dépourvu d'histoire. Il était fraîchement sorti d'usine, ne connaissait pas le toucher humain. Aujourd'hui, son timbre est chaleureux et expansif : il contient les sons graves du Prélude d'hier et la vigueur de sa fugue finale. De village en village, de col en col, mon violoncelle a progressé, comme moi. Les traces de chaque expérience vibratoire se sont superposées et tissées pour lui donner sa voix présente.
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Rafraîchie par un bain de rivière glacé, j'observe sous l'ombre furtive des saules les allées et venues d'une famille transportant d'énormes ballots de fourrage. L'un s'agenouille, l'autre hisse sur le dos du premier un ballot entouré de cordes. Le porteur bascule sur ses talons, se relève, chancelle le temps de trouver le point d'équilibre de sa charge, attrape les bouts des deux sangles qu'il tire fermement avec les dents. Puis il s'en va sous sa carapace d'herbe, et son aide passe désormais au rôle de porteur. Un travail à la chaîne, familial, paisible, irrévocable. Le temps des moissons est venu, les champs foisonnants du début de notre parcours passent à la tonte. Discrètement, je sors le violoncelle et accompagne le travail d'une Pastorale. La famille me lance des sourires de sympathie, mais une discipline admirable retient à leur tâche même ses plus jeunes membres. L'un après l'autre, ballot au dos, tous remontent lentement le talus et traversent le bosquet jusqu'à la maison. Un petit air siffloté accompagne leur marche. [...] Je capture ces quelques notes sur mon carnet, avec l'impression de transpercer d'une épingle le corps frêle d'un papillon. C'est au tour des deux filles de faire le trajet. De mon coin d'ombre, je siffle à l'unisson leur air de labeur. Elles me regardent, surprises, sourient timidement en laissant quelques instants les notes se suspendre à leurs lèvres, puis les libèrent en gravissant la côte.
Nous maintenons cette distance respectueuse jusqu'à ce que le dernier ballot soit récolté. Alors, la famille s'approche et se repose au son du violoncelle. Nous faisons connaissance.
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Sur la terrasse du col, d'archaïques piles de pierre arborent des drapeaux à prière. Présences fantomatiques d'esprits rongés par les intempéries, que le vent anime d'une énergie diabolique. Les drapeaux claquent comme des mitraillettes. Le vent tonne. Le violoncelle se bat contre le bombardement de ses rafales glaciales. Les mains transies, les doigts gonflés par l'altitude, le souffle coupé, les épaules serrées dans un étau, je ne puis obtenir de lui qu'un mince sifflement, un gémissement futile dans un champ de bataille tectonique. Rêve abattu. Depuis des mois, je mets en scène ce moment d'offrande. Je voulais rendre à la splendeur du lieu un hommage musical, à la manière des ribambelles de drapeaux accrochés à chaque col, symboles, selon la tradition tibétaine, de la cavalcade des chevaux du vent qui portent leurs louanges aux quatre coins du monde. Haletantes, hachées, les phrases de mon Prélude n'ont rien de la souplesse frêle et vigoureuse de ces carrés d'étoffe soumis au souffle du monde.
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voué au destin nomade :
ne s'attacher à rien,
vouloir rester, devoir partir.
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