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Citations de Armel Guerne (111)


Méditer sur le verbe, secrètement, pour le salut de l’âme et l’honneur de l’esprit, est devenu, avec la fin des temps, d’une nécessité absolue. Quand tout le monde triche, il n’est ni beau, ni grand, ni héroïque d’être honnête : c’est seulement indispensable pour la sauvegarde de l’honnêteté.
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Novalis ou la vocation d'éternité - extrait
 
Mais qui peut dire que c’est lui qui a mené sa vie quand il lui arrive de parler de la vie qu’il a menée ? Qui peut prétendre sincèrement ne pas avoir été conduit par elle, et fréquemment de très loin, à la rencontre de tel ou tel événement ? Qui connaît seulement les circonstances, le contour même des circonstances de sa propre existence ? À quel moment de son enfance chacun a-t-il fait connaissance avec soi ? Et ce moment, cette heure capitale à partir de laquelle se séparent et divergent la vie profonde et l’existence superficielle, est-il un seul homme qui puisse en fixer la date, ou seulement décider consciemment au bénéfice de laquelle des deux s’est prononcé le divorce ? À laquelle des deux, partant de là, appartient son vrai moi ? Et encore, quand on parle de vie profonde, encore ne s’agit-il pas d’un, mais de plusieurs courants qui se superposent, s’entremêlent, divergent ou convergent, s’engloutissent ou jaillissent, partent ou arrivent. L’amitié de deux êtres repose dans ces eaux-là ; et l’amour, quand on le rencontre, vient de cette source ; le mystère de la douleur – la douleur dont il ne faut jamais rien dire – c’est qu’elle s’enfonce en nous et dans notre existence jusqu’à la vie profonde indéfiniment ; et la vérité indicible, c’est qu’elle est en elle-même, tout au fond, quelque chose comme un sanctuaire où s’opère une réconciliation impossible, où se fait un aveu parfaitement inavouable, un radical changement de sens que tout accepte en nous spontanément alors même que nous le refusons : un changement de sens par lequel nous n’apprenons pas, mais nous savons et connaissons qu’elle est la porte, oui, l’unique porte ici-bas qui ouvre sur la joie. Que l’une et l’autre sont un seul être, le nôtre, qui n’avait pas deux visages, mais un seul, le vrai, qu’on ne connaissait pas : un visage sous lequel et dans lequel tout se passe visiblement ; mais sur lequel, invisiblement, il n’y a qu’un sourire.
   
Éditions Points, 2011 (pp. 128-129)
La première édition a paru en 1977 aux éditions Phébus.
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SAINTE SOLITUDE
     
Virginal horizon tendu
À l’angle des mémoires,
Désert de pureté
Néant noir inconnu :
Je suis l’ombre dit l’ombre
Et mon ombre n’est pas.
     
Je suis l’errant qui ne sais pas
Dit le vent où il va,
Portant dans l’urne des printemps
Ou sur la croix des hivers
Un chant plus solitaire
Que le gémissement d’un mort.
     
Je suis qui parle dit la voix
Plus lourdes d’évidences, dévalant les parois
De l’invisible,
Plus lourde d’éminence que la réalité.
Océan, océan, vieux rebelle
Toi qui brasses et la rumeur
Millénaire et l’instant
Tout en précipitant les matins nus
Au labyrinthe de tes profondeurs ;
Vieil océan vengeur
Marins peuplés d’éternités
Et de folles géographies,
Toujours depuis toujours
Halant sous le soleil et dans la nuit
Ton voyage sans bords :
Je suis la mer, dis-tu ;
Et toutes choses à jamais
Sont enchantées
Dans ton silence triomphal.
     
Mais autour des sommets, la meute des abîmes…
     
Car voici que le nombre a dit le nombre
Au nombre, et le matin brutal détruit
Les châteaux de la nuit.
Je suis celui qui fut
Voyageur, voyageur
Venu sous le soleil et les mains de la pluie
Celui qui est et qui n’est plus,
Car voici que le don de vie
A passé par les fleurs ;
Je suis le coeur, je suis le nom,
Je suis l’itinérant qui longe l’horizon
Et voici que le ciel se ferme comme un poing.
     
Consolez-vous de lui, maisons abandonnées !
Ces deuils extasiés n’avaient point de racines,
Et du lent paysage ils n’avaient point l’accueil.
Consolez-vous de moi, rochers subtils
Penchés au creux torride de l’été
Sur les sources taries.
Dans l’immobile extase du silence
Une respiration – mais où ?
Bat comme un pouls.
Retentissantes sont les profondes années
Loin au-dessous.
     
Prophétique lumière ! émerveillée
des feux qui transitent l’abîme,
Est-ce toi, pâlissante éblouie
Aux jeunes franges du matin ?
Est-ce toi ?
Et ta danse vertigineuse
Est emplie d’anges et de démons
Plus transparents encore et plus légers
Que la transparence inouïe
De ta joyeuse incantation !
     
Blanches ténèbres radieuses
Épaissies de splendeur,
Blanche ténèbre enfin blessée
Sanglante de lumière et de solennité,
Vois : l’immobile orage de l’attente
N’attends plus
Maintenant sous la neige
Impatiente et furtive
De l’éternité.
Et je ferme mes yeux en toi.
     
1958
     
Le poids vivant de la parole, pp. 37-39.
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SOUDAIN

Des mots, rien que de les poser
L’un à côté de l’autre,
Qui disent plus et vont plus loin
Que nous n’allons ; des mots
Soudain qui ne sont plus les nôtres
Et qui se tiennent tellement
Près d’une vérité suprême.
Des mots qui cessent d’être dits
Pour mieux venir, soudain, redevenir
Des paroles de la parole.

(Sourde écoute) vers 1973

Le poids vivant de la parole, p. 57
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Karoline von Günderode
Libre voici que je l'étais, des frontières étroites de mon individu ; et cessant d'être une goutte isolée, j'avais été rendue au tout que je possédais à mon tour ; du tout j'avais la pensée, du tout j'avais le sentiment ; dans l'océan j'étais une onde, dans le soleil j'étais rayon, avec les astres la gravitation ; en tout j'avais sentiment de moi-même, et en moi-même je jouissais de tout. p 686
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Société de consommation ? C'est société anthropophage qu'il faudrait dire : une société de consommés. Ils gueulent, mais tous se font manger avec l'espoir, eux aussi, qu'ils mangeront tous les autres.
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Novalis ou la vocation d'éternité - extrait
         
Per speculum in aenigmate, dit Saint Paul. Nous tous, nous nous connaissons tous dans cette même expérience, où tout à coup les frontières ont changé de bord et chaviré les habituelles perspectives ; chacun de nous a essayé sur soi, peut-être pas un jour, mais une nuit ou l'autre, la possibilité magique d'une brusque lecture transversale. Nous avons tous eu des rêves qui suivaient en nous ces chemins-là. Est-ce pour rien ? Tant d'hommes si différents, et tant de rêves si semblables ! Or le rêve n'est pas fautif, quand il nous a parlé son langage, si le matin nous l'appelons un rêve, et si nous nous empressons de l'oublier pour aller au bureau. D'ailleurs, il n'est pas du tout sûr que de seulement négliger d'y penser suffise pour qu'une chose s'oublie ; il n'est absolument pas certain que ce que nous oublions nous oublie. On devrait y songer sans trop de présomption ; c'est probablement par ce côté-là que nous arrive à peu près tout ce qui nous concerne vraiment, tout ce qui a authentiquement, personnellement, pour notre vie, de la valeur et a assez d'importance pour n'être pas soumis à notre estimation.
C'est par là que s'opère aussi, pour Novalis, le ministère religieux de la poésie : aménager en nous, en nous faisant baisser la voix, cette matrice de silence vivant qui ressemble au silence bruissant des rêves où chaque chose retrouve sa voix, ou peut-être à cet autre silence dont on rêve dans une église, où la prière, au lieu de monter de nous comme une fumée, descendrait par amour dans notre amour, ou serait aspirée en lui.
       
Éditions Points, 2011 (pp. 123-124)
La première édition a paru en 1977 aux éditions Phébus.
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Si le monde est si loin, à présent, de la poésie qui a toujours été si prés du monde, c’est qu’elle est avant tout une école où l’on apprend comment se taire, et pourquoi.

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Bientôt nous verrons les hommes (comme ils le font déjà sans le savoir) transporter matériellement avec eux leur petite provision de ténèbres, afin d’y voir briller leurs lumières.

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Armel Guerne se plait à voir dans l'Orient l'origine même de la civilisation avant qu'elle ne dégénère (...)
En s’étendant vers l’Occident, la civilisation a progressé vers sa déchéance, vers la trahison de sa source, poétique et édénique : car c’est bien en Orient que se trouvait l’Eden perdu, et cet Orient éveille encore en nos mémoires la nostalgie de cette première patrie de l’enfance de l’humanité, la nostalgie de l’enfance elle-même, que nous aspirons à retrouver avec « le délicieux jardin de ces Mésopotamies où l’on sait que jadis, caché dans la fraîcheur de ses ombrages, se situait l’Eden ». Préface de Sylvia Massias
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La vie n’est pas derrière, mais toujours devant, toujours à vivre, comme la poésie qui est élan vers le ciel : « il n’y a que la poésie qui puisse être, comme elle l’est, la fille unique de l’espérance. Tout y est avenir. Tout est toujours devant. […] Le souffle vient de là. On n’a derrière soi plus absolument rien. »

Préface au Verbe nu de Sylvia Massias, citation tirée du texte liminaire à "Rapsodie des fins dernières"
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On commence à avoir écrit pas mal de bêtises sur Hölderlin. Acharnement de la petitesse sur la grandeur. C’est un bien grand malheur pour les poètes quand ils deviennent la proie des philosophes, puis des commentateurs de philosophes, et après eux de tous les écrivains-canards des basses eaux.
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Armel Guerne
Tous vous tendent leurs pièges, savants, politiciens, banquiers ; les pièges où eux-mêmes sont pris. Le poète vous tend sa bouée, et s'il le peut, sa main.

(Dans la préface de sa traduction des ''Disciples à Saïs, Hymnes à la nuit, Chants religieux'' de Novalis.)
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Car nulle part corporellement, c'est partout spirituellement... j'aimerais mieux n'être nulle part corporellement, luttant avec cet aveugle rien, que d'être un si grand seigneur que je puisse, lorsqu'il me plairait, être partout corporellement...

Laisse ce partout et ce quelque chose, pour ce nulle part et ce rien.

Ne t’inquiète point si ton intelligence ne peut appréhender ce rien, car assurément je ne l'en aime que mieux. Il est en lui-même si précieux qu’elle ne peut l'appréhender. Ce rien, on l'éprouve plutôt qu'on ne le voit car il est tout aveugle et pleine ténèbre pour ceux qui ne l'ont pas encore beaucoup contemplé... Une âme en l'éprouvant est plus aveuglée par l'abondance de lumière spirituelle qu'on ne l'est par les ténèbres ou le manque de lumière physique.

Qui donc l'appelle ‘rien’? C'est assurément notre homme extérieur, non l'intérieur. L'homme intérieur l'appelle ‘Tout’, car par lui, il lui est donné de comprendre toute chose, corporelle ou spirituelle, sans en considérer aucune en particulier
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Les imbéciles, surtout quand ils sont intellectuels, sont terriblement
dépri­mants ; ils ne sont odieux que dès qu’ils sont riches, parce que l’argent
les autorise, hélas ! Telle était ma famille : riche, affreusement.
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Combien de naissances avons-nous refusées à notre vie en prétendant la garder comme nôtre, au lieu de la suivre, tout simplement ?
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L’esprit est prompt en vérité beaucoup plus que la foudre, et la souffrance va plus vite que le feu dévorant des forêts. Vous ne le savez pas, mais on vous le dit pour votre salut : toutes les pages de tous les dictionnaires du monde ne suffiraient pas s’il fallait seulement y consigner la géographie des œuvres conjuguées de l’esprit et de la douleur sur un unique individu ; mais après des âges et des âges de méditation et d’amour, deux petits mots suffisent, où vient battre la vérité qui les emporte : Consummatum est.
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Je voudrais me glisser sans un soupir
Hors de ce monde, et sans un cri,
Pouvoir sourire et transparaître enfin
De cette immense joie,
Ne laisser après moi pas un regret,
Aucun chagrin, mais un amour vraiment
Avancé dans la confidence et déjà qui
Sûrement la partage.
Je voudrais ne laisser au moment d’être
Aspiré par l’éternité
Qu’une trace de mon bonheur :
Ne pas mourir. Communier.
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Cioran : " Dès que quelqu’un m’accuse d’être athée, je sais que je me trouve en présence d’un imbécile. Comment expliquer à ces gens que l’important n’est pas de croire à Dieu, mais d’y penser ?"
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Laissez-moi vous dire…

(…) que le poète n’a pas la vie facile dans un monde devenu ce manteau de ténèbres, pailleté d’éphémère par une actualité exténuée en quelques heures, qu’on renouvelle tous les jours et qui tient toute la place avant de s’effacer. Un monde où le niveau des larmes, cependant, ne cesse de monter. Un monde pilonné, trituré, sermonné de plus en plus sévèrement par le verbe surnaturel des catastrophes, couché sous le vent fort de ce langage, le plus clair et le plus nu de tous, dont les statisticiens s’emparent aussitôt pour le rendre inintelligible. Les cœurs sans le savoir, les esprits sans le percevoir et, tout au fond, les âmes sans le dire sont tellement dans le besoin que le silence de leur cri – formidable colonne en creux – requiert et mobilise contre lui l’acharnement insupportable et sans répit de tous les bruits du monde, organise la fuite et le refuge de chacun dans ce supplice étroit, la collaboration funeste de tout individu, par soumission servile ou par complicité déshonorée, à cet attentat fracassant qui le disjoint, l’émiette, le pulvérise et le disperse. S’abstraire de l’essentiel, tout est là. Sortir le plus possible du dedans de la vie; rester dehors. L’information, laissez-moi vous le dire, est l’instrument parfait, la corde lisse et le nœud bien coulant de cette pendaison : l’information, procédé éminemment artificiel et abstrait, destiné à rendre informe et sans leçon tout ce qui peut, tout ce qui risque d’avoir, originalement, une forme certaine et peut-être un enseignement. L’informatique a perfectionné le système en le mécanisant et désormais, sans le concours de personne, l’analyse devient si fine que tout danger est écarté : même par accident il ne peut plus rester, non, même à la loupe on ne saurait trouver le grain le plus infime de concret dans la pensée lisse et liquide qu’elle dégorge. Le rien est souverain et triomphe dans le bourdonnement enthousiasmé des bavardages. Car sait-on jamais ? La trace seulement d’une poussière pourrait suffire à accrocher un souvenir, un rappel, découvrir une analogie, voire amorcer un rêve, éveiller un silence, engendrer l’incongruité d’une de ces légendes qui parlent à travers le temps !
Abandonné de tous, le génie souple et prompt de notre langue est sans emploi, comme un ange au chômage. Vu de demain, regardé seulement de la pointe du prochain matin, le français est déjà une langue morte, écrasée, accablée, enterrée sous ses mines où s‘amusent encore, inconscients, égarés, les producteurs rentiers d’une littérature qui n’a d’autres raisons que la « modernité », c’est-à-dire le goût du jour. L’argent, seul étalon de toutes les valeurs, ne quitte plus jamais le devant de la scène. Écoutez bien, tendez l’oreille: « euh… ! beuh… ! » Nous sommes entrés dans le siècle de l’onomatopée et nous voici déjà tout occupés à convertir les mots en chiffres. Sans le lyrisme des milliards, avouons-le, auquel les moins riches ne sont pas les moins accessibles, la politique serait sans effet, sans écho, et les prisons de l’idéologie s’ouvriraient d’elles-mêmes, relâchant en plein air la cohue de leurs détenus fascinés, tout surpris de se retrouver libres de leur pensée, de respirer un air de leurs propres poumons. L’argent (qui n’est depuis longtemps plus synonyme de richesse, mais de besoin), s’il fut depuis toujours servi par les ambitieux, ne l’a jamais été avec le cynisme imbécile et l ‘unanimité éhontée de nos contemporains: la masse humaine la plus mendiante et la plus lâche, la plus confuse et la plus confondue que le monde ait portée. Seul le nanti n’en a jamais assez ; et c’est toujours lui qui crie le plus fort, du haut en bas de l’échelle sociale, surtout en bas. Laissons.
(…)
Un pareil désarroi, des hommes plus humains, beaucoup moins négatifs, l’ont pressenti déjà comme pour nous aider, hurlant alors de toutes les manières la fureur de la faim spirituelle, clamant et proclamant l’insurrection de l ’âme aux quatre coins du monde, s’arrachant à leur siècle qu’ils jugeaient imbécile et qui ne manquait pas d ’incommodités, plongeant dans le passé, secouant l’avenir en le prophétisant jusqu’au bout de leur force d’imagination comme pour mieux l’exorciser, cherchant partout des appuis et des frères, recensant l’univers et les trésors intérieurs, se prodiguant à cœur ouvert, risquant sur eux un perpétuel tout pour le tout que rien ne pouvait arrêter, ni la folie, ni le suicide, ni la mort qu’ils ne cessaient de frôler, toujours a cet extrême d’eux-mêmes qu’ils ne cessaient de hanter par souci de vivre dignement, noblement, sans rien omettre. Jamais peut-être on n’avait fait autant de littérature ; et jamais sans doute on n’y mit tant de sang, tant de cœur, tant de fièvre et aussi de merveilleux caprice, de liberté. Ils ont tout essayé, tout appelé à leur secours pour étendre le cercle autour de la raison et trouver des issues, ne pas s’y enfermer. Ils ont couru tous les chemins qu’ils croyaient deviner. S’ils se trompaient, tant pis pour eux ! mais ils y allaient voir – et malheureusement, égarés dans le marécage d’une langue peu faite pour la rigueur, la rectitude ou le redressement de la pensée aventurée sur un terrain mystique, ils se trompèrent souvent et moururent beaucoup.
(…)
Ce Romantisme, bien évidemment, n’a rien de commun avec la gentillette école littéraire qui fit florès en France sous ce nom ; rien de commun non plus avec la rhétorique douceâtre et la fadeur sentimentale, les rubans et les fanfreluches que l’on s’est plu souvent à attacher à ce mot. Les Français à vrai dire, Nerval à peu près seul excepté, sont restés à l’écart de ce mouvement, qui a fleuri d’abord et surtout en Allemagne avec Hölderlin et Novalis, avec Arnim, avec Kleist, avec Hoffmann et tant d’autres, mais aussi en Angleterre – avec Keats bien plus qu’avec Byron ou Shelley, et par-delà les sombres splendeurs du « Roman noir » jusqu’à Stevenson –, mais encore dans la lointaine Amérique chez deux êtres aussi différents — et aussi nécessairement complémentaires – que Poe et Melville, sans oublier les pays slaves où l’élan mystique du hassidisme juif et cet autre élan qui soulèvera plus tard les récits de Dostoïevski sont manifestement d’essence romantique, au sens le plus exigeant que l’on voudra bien donner à pareille désignation.
(…)
C’est que pour eux, le Romantisme était vraiment une façon d’être. Un combat pour la plénitude. Une bataille désespérée contre l ‘abdication capitale, contre ce vide désespérant qui laisse l’homme comme une viande douée de réflexes dès qu’il oublie son âme, dès qu’il quitte ses rêves, dès qu’il cesse de reconnaître et de nourrir – pour ne plus faire qu’alimenter l’autre – Cette moitié divine dont il est compose’ et qui respire au milieu des étoiles.
Car on ne devrait jamais l’oublier, la vie n’est pas un état mais un risque, et qui s’ouvre toujours plus. Grandiose. Une conquête qui n’en finit pas. Un « voyage » – au sens où Schubert l ’a certainement vécu – mais un voyage incertain et dur, à la mesure de ceux, et de ceux-là seuls, qui sont capables de marcher.
Il vaut donc mieux, croyez-moi, ne pas trop se fier aux ruminants intellectuels qui vivent à la ferme, engrangeant le foin et la paille de leurs savoirs récoltés. Les hommes de cabinet, laissez-moi vous le dire, ne font pas de bons compagnons de route.

Vivent les hommes de plein vent !
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