Citations de Brigitte Fontaine (103)
Comme à la radio
Ce sera tout à fait comme à la radio
Ce n' sera rien
Rien que de la musique
Ce n' sera rien
Rien que des mots
Des mots
Comme à la radio
Ça ne dérangera pas
Ça n'empêchera pas de jouer aux cartes
Ça n'empêchera pas de dormir sur l'autoroute
Ça n'empêchera pas de parler d'argent
Ce sera tout à fait
Comme à la radio
Ce ne sera rien
Juste pour faire du bruit
Le silence est atroce
Quelque chose est atroce aussi
Entre les deux, c'est la radio
Tout juste un peu de bruit
Pour combler le silence
Tout juste un peu de bruit
Et rien de plus
Tout juste un peu de bruit
N'ayez pas peur
Ce sera tout à fait
Comme à la radio
À cette minute
Des milliers de chats
Se feront écraser sur les routes
À cette minute
Un médecin alcoolique
Jurera au-dessus du corps d'une jeune fille
Et il dira
"Elle ne va pas me claquer entre les doigts, la garce"
À cette minute
Cinq vieilles dans un jardin public
Entameront la question de savoir
S'il est moins vingt ou moins cinq
À cette minute
Des milliers et des milliers de gens
Penseront que la vie est horrible
Et ils pleureront
À cette minute
Deux policiers entreront dans une ambulance
Et ils jetteront dans la rivière un jeune homme
Blessé à la tête
À cette minute
Une vieille dame ivre morte gémira seule
Au dernier étage, sous son lit
Et ne pourra plus bouger
À cette minute
Un Français sera bien content
D'avoir trouvé du travail
Il fait froid dans le monde
Il fait froid
Il fait froid
Ça commence à se savoir
Ça commence à se savoir
Et il y a des incendies
Qui s'allument
Dans certains endroits
Parce qu'il fait trop froid
Traducteur, traduisez
Mais n'ayez pas peur
On sait ce que c'est que
La radio
Il ne peut rien s'y passer
Rien ne peut avoir d'importance
Ce n'est rien
Ce n'était rien
Juste pour faire du bruit
Juste de la musique
Juste des mots, des mots, des mots, des mots
Des mots
Des mots, des mots
Tout juste un peu de bruit
Tout juste un peu de bruit
Tout juste un peu de bruit
Comme à la radio
Ne partez pas
Ne partez pas
Ne partez pas
J’ai la classe, la classe ouvrière.
On ne peut pas enfermer tout le monde, c'est déjà fait.
Les petits chats sont si jolis et si drôles que lorsqu'on les regarde, on rit. Mais eux, ils restent très sérieux, ils ne savent pas rire, pas même sourire. Alors ils remplacent en clignant des yeux, prouvant ainsi leur hilarité et leur amitié.
L’amour de la vie, vous savez, la joie de se réveiller, de marcher, de regarder. Toutes lumières éteintes, elle voit le feu, cette vie glorieuse, ce bijou sauvage, cet oiseau d’enfer et de paradis.
Chat
doux penseur
calme empereur
chat dédaigneux
tendre et fiévreux
petit volcan
rouge et crachant
dents de dentelle
nacre cruelle
morsure exquise
cheval de frise
viens dans mes bras
caresse-moi
Sucrez vos mouchoirs
Quand vous pleurez
Vos larmes du soir
Deviendront des fées.
( "Méphisto")
Si vous ne comprenez plus rien à rien, pensez à autre chose.
La nuit est une femme à barbe
Venue d'lspahan ou de Tarbes
Le matin est l'épée de Dieu
Lancée pour nous crever les yeux
Le soleil est un fauve en rut
Qui ne manque jamais son but
La terre est un os disparu
Dont rêvent les chiens dans les rues
Les astres sont les bijoux d'or
Oubliés par la Castafiore
Les buildings sont des petits cons
Pleins de croutons et de lardons
Et les magasins sont des forges
Tenues par Saint Jean et Saint Georges
La nuit est une femme à barbe
Venue d'lspahan ou de Tarbes
Les rochers sont les réfectoires
Où les loups vont manger et boire
La mer est un repas de noce
Servi par des vierges féroces
Les arbres sont des messagers
Venus d'un royaume étranger
Et les nuages sont les songes
Des octopus et des éponges
Le ciel est un orchestre blanc
Aux vacarmes assourdissants
Le ciel est un orchestre noir
Allumant les amours d'un soir
La nuit est une femme à barbe
Venue d'lspahan ou de Tarbes
Nous sommes des nids de poussière
De lune et d'étoile polaire
Nous sommes les fils du Phénix
Egarés dans la série X
Explication de texte
Extrait 1
L'explication de texte est un crime contre l'huma-
nité.
Les expliqueurs et les expliqueuses de textes
devraient tous être passés par les armes, châtrés,
défenestrés, roués vifs et suicidés dans le dos.
Les petits enfants qui subissent les explications
de textes sont à tout jamais dégoûtés, acculturés,
dévoyés, émasculés ou excisées et ovarectomisées.
…
p.9
« Friandise
est un mot
qui ressemble
comme deux gouttes d’eau
à un sandwich
de noix et de figue sèche
ou rubis et diamant
quand j’étais petite
et heureuse
quand je frisais dans les feuillages
quand je grimpais aux arbres
quand je courais dans les buis
quand les vieux
de plus de quarante ans
me fichaient la paix » …
Je vous appelle, je vous supplie d'être heureux.
Je te livrerai les clefs de la ville et tu les jetteras dans la rivière; alors elle défoncera les portes en charriant des dragées et des macarons, des rubans et des édredons.
J'irai chercher à la foire un petit sou pour mon âne, pour qu'il joue à la marelle.
J'irai porter à ma tante un beau bouquet d'hirondelles, pour qu'elle ait un peu le temps de regarder son mari. Son mari il est malade, il a un grand scarabée, dans le gosier.
C'était derrière la nuit, derrière le rire, il faisait bleu, il faisait calme, il faisait si doux que les gens se sentaient très honteux d'être malheureux, et qu'ils grattaient sous leur porte en gémissant.
Mon amour de tout à l'heure, ma petite bouse, comme je suis loin, comme je suis laide, passe-moi le dictionnaire, je ne comprends pas.
Ne me regarde pas, comme je suis seule, comme je suis sale, je pleure sur ta main désertée par la bête merveilleuse, où sommes-nous passés? As-tu balayé sous le buffet? Nous vois-tu tout la-haut prisonniers dans la cage, frangin, musique, petit soleil rouge?
De toute façon je suis toujours seul, à hurler de rire tellement c’est gros et je pense, car je pense, que les hommes sont seuls, plus seuls même que les femmes, ces putes. Non, je ne veux pas dire du mal des femmes, j’ai pour elles de l’amour mais quelquefois elles me foutent en colère. Je regarde les racines des arbres sur le ciel rose et je sais que quelque part ça me fait de la joie, mais c’est une joie que je ne ressens pas. Nous vivons séparés.
Elle avait été ce qu'ils appelaient une chanteuse culte au début des seventies. Une sorte de diva, à ce qu'on disait. Enfin, on disait beaucoup de conneries. Qu'elle était folle. Qu'elle inventait une nouvelle forme de chansons.
En vérité, elle avait toujours simplement fait ce que voulait son esprit fantasque et sa passion moqueuse.
État général satisfaisant. Pas de maladie pulmonaire. Le foie est en bon état. Du point de vue psychique, quelques phobies handicapantes et des croyances parfois erronées. On observe aussi des lacunes importantes dans l'affectivité et des traces de débilité dans la perception sociale.
En résumé, si les symptômes d'effritement persistent et s'accentuent, il serait bon d'en référer au Central qui décidera s'il convient d'envisager un déplacement radical du sujet, ce qui équivaudrait à sa mise à l'écart du mouvement d'avancée internationale, puisqu'il ne semble pas pouvoir s'y adapter, et y participer, ne serait-ce qu'en ne le contrariant pas. Dans ce cas, déguiser le déplacement du sujet en mouvement impulsif de libération, le profil du sujet le permettant.
Quant à l'efficacité de notre méthode, il est aussi difficile de l'apprécier que de répondre aux questions du genre: le Bien et le Mal sont-ils mélangés? Ou encore: les mouvements d'extrême gauche font-ils le jeu des pouvoirs ou ont-ils forcé ces pouvoir à révéler leur véritable visage de tyrannie totale? Ou pourquoi pas: la vérité du Christ s'est-elle propagée grâce à la trahison même de cette vérité? Il va de soi qu'en fin de compte le choix se situe entre l'action et la non-action, comme toujours, et que le camp de l'action est le nôtre. C'est tout.
J'en peux plus. Appelle-moi. Mais, je ne sais pas où je suis. Je suis comme un nuage qui glisse, qui prend une forme, la défait, en reprend une autre. L'été est terrible et beau. Je ne sais pas ce que j'ai. Je ne me connais pas. Je t'aime, mais je ne peux pas - je ne peux pas, je ne sais pas quoi. Enzo, je t'écris en Toscane sans savoir si tu y es. Je crois que la vie est sans pitié. Je me suis réveillée cette nuit, je suis sortie dans la campagne, j'ai vu le lever du jour, c'était si émouvant. Après j'ai pris mes affaires et puis je suis encore partie. En stop. Je crois que je vais partir tout le temps, je ne vais pas pouvoir m'arrêter. Au revoir.
J'ai été jeune suffisamment longtemps pour m'adonner à la vieillesse.