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Critiques de Bruce Sterling (35)
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Gros temps

Bruce Sterling est un auteur extrêmement talentueux qui donne des textes solides comme le roc . Des textes centrés sur des thématiques sérieuses et argumentées .



Voici donc , un solide roman apocalyptique , qui est de plus capable de charrier toute la tristesse ou encore la mélancolie intense , inhérentes , aux grandes plaines américaines .

Si vous connaissez ces environnements monotones ou le temps devient une valeur aussi abstraite que imaginaire , du fait des grandes distances et du grand vide omniprésent à l’infini .

Alors que pareillement les distances énormes sont , elles , non moins figées dans une sorte d’éternité , de par des paysages monotones et semblables , visibles à perte de vie , de mémoires et de vue , au fil des jours , du passé , du présent comme de l’avenir .



L’auteur en connait un rayon sur ces environnements géographiques et psychologiques car il est texan . Un pays où le vent vous secoue constamment la gelée que vous avez dans la tête .



Il a imaginé un monde qui se délite du fait du réchauffement climatique en particulier . Et du fait également du savoir être et du savoir-vivre de notre espèce humaine inventive , au naturel si raisonnable , comme chacun le sait .

Les grandes plaines Etasuniennes sont tout simplement devenues inhabitables , à cause des vents terribles qui décapitent tout ce qui n’est pas capable d’anticiper leurs apparitions dévastatrices et inimaginables . Du moins tout ce qui n’est pas capable de fuir au plus vite vers un autre nul part , inhabitable ou encore à peine habitable ( pollution , assèchement des nappes phréatiques ) . Il y a une mélancolie lancinante constante , presque douloureuse dans ces lignes …



L’action tourne autour de l’exploration scientifique qui offre ici toutes les caractéristiques d’un exode volontaire , plus que celles d’une équipe scientifique en labos qui se noie dans la caféine et qui croule sous les diagrammes .

Il y a de la curiosité scientifique assez forcenée dans ces pages , mais très connoté désespérée , légèrement morbide , doucement angoissée aussi , pleine d’appréhensions . Sinon l’action est aussi plus généralement dédiée à la survie évidement et à la vie de cette communauté .



C’est un roman qui porte en partie sur la thématique de la route . C’est donc de ce fait une suite de paysages intérieurs avec des descriptions éloquentes et tragiques , de paysages réels et miroirs d’un regard subjectif porté sur l’environnement , qui est décrit précisément comme relevant d’un registre absolument factuel , tout en délivrant du sens sur l’univers , mais également , qui matérialise le paysage intérieur des personnages.



Une équipe de scientifiques , presque un petit peuple de nomades si on considère la faune qui s’est agrégée à eux , arpente le pays monotone et désespérant , dans l’espoir de connaitre mieux ces tornades spécifiques et d’évaluer si elles peuvent devenir encore plus mauvaises , jusque l’émergence de la grande tempête ultra-dangereuse et définitive . Une tempête qui métrait un point final à tout ce qui reste de civilisation et même de vie tout court ( hors bactéries et petites bestioles et petites plantes ) .



C’est un véritable roman cyberpunk par ailleurs , à ce titre il creuse aussi une veine sociale où l’état s’est bien délité et où s’exprime une sorte de misère collective nimbée de restes technologiques qui sont plus du ressort d’un passé figé et en péril , que d’un horizon prometteur . C’est aussi un roman apocalyptique authentique qui campe efficacement comme il se doit , un contexte dangereux et risqué humainement et sous l’angle environnemental comme selon celui de la sécurité .



Un roman paysage , un texte d’ambiances , plein d’action mais qui ne met pas l’accent sur l’action . Un récit qui se colore d’une atmosphère de fin du monde , très ancrée dans le vécue des personnages et dans des descriptions argumentées et éloquentes . Mais néanmoins c’est un texte qui n’est pas pourtant , un véritable roman d’action .

La dimension scientifique est au premier plan aussi , mais ce n’est pas non plus un véritable texte de hard-science .



Beaucoup trop de mélancolie et de descriptions dans ce texte rigoureux , pour pouvoir le conseiller sans réserves aux amateurs d’action et d’adrénaline .

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Cristal Express

Un recueil de nouvelles magistrales ,superbement écrites et éloquentes. Ces textes ont été réédités dans le volume de ,La Schismatrice + ,de Bruce Sterling chez Folio.

En voici les titres :

1 – Mise au vert à Brunei (longue nouvelle de près de 40 pages).

2 – Spectres.

3 –Le Beau et le Sublime.

4 –l'Essaim.

5 – Rose de l'Aragne.

6 – La Reine des Cigales.

7 – Jardins Engloutis.

8 –Vingt évocations.

Ce sont des textes qui confinent au sommet du genre SF dans son acception la plus stricte et qui sont très représentatifs du courant Cyberpunk et ils ont entre eux une cohérence assez forte du fait d'une grande unité d'univers.

C'est l'univers complexe de la Schismatrice qui est convoqué dans ces pages. C'est un univers qui comprend une terre sous la coupe des multinationales et une civilisation qui s'étend aux confins de la galaxie.

C'est un recueil de nouvelles qui avec La Schismatrice, se veut prospectif en profondeur. Dans ce registre la dynamique est très fouillée en sociologie et psychosociologie , en biologie et ingénierie biologique et l'auteur dégaine un certain nombre de sciences dites « dures « ou de savoirs faire pointus.

Le lecteur explore un panel solide et varié de post humanités sur une longue trame temporelle et au fil d'un contexte géopolitique dense .

Il découvre ainsi les mécanistes qui se dotent de prothèses ( mais c'est un peu plus compliqué en fait ) .On est sur la vague traditionnelle Cyborg du genre SF avec en corollaire les Morphos qui poussent eux, l'ingénierie génétique dans ses derniers retranchements. Mais c'est un univers variés de par l'existence d'une quantité d'autres cultures.

Il y a de l'intelligence artificielle dans chaque recoins de ces textes et c'est des mondes structurés en réseaux informatiques qui tissent de véritables lieux tangibles.

L'humanité se repartie principalement en deux factions les Mécas et les Morphos qui interrogent en profondeur l'idée même d'unité de l'espèce humaine. C'est un espace où il y a beaucoup de conflits de la paranos et de l'espionnage.

La bio ingénierie donc mais aussi la terraformation sont au coin de la rue et la démocratie est une fiction ou un rêve évanoui.

Ces nouvelles regardent vers câblé de Walter Jon Williams (par câblé , j'entends le souffle du cyclone et câblé et vers La Schismatrice) qui font les seuls univers de space opera du mouvement cyberpunk originel qui soient accessibles aux lecteurs francophones. Le souffle du cyclone et câblé ,soulignons-le au passage ,sont deux textes superbes aux nombreuses qualités littéraires et conceptuelles (tout comme la Schismatrice).

C'est un recueil de textes vivants et foisonnants, riches, denses ,assez touffus mais rythmés avec des rebondissements et des péripéties ainsi qu'une caractérisation parfaite et un grand sens du détail.

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Schismatrice +

Par où commencer ?



La schismatrice est le roman qui m’a permis d’accéder au courant cyberpunk , en effet je buttais sur un seuil et le côté space opera m’a tout simplement mis le pied à l’étrier ..



Avec Câblé de Walter Jon Williams ( par câblé , j’entends le souffle du cyclone et câblé ) , c’est le seul space op du mouvement cyberpunk originel qui soit accessible aux lecteurs francophones et ce sont tous les deux de superbes textes aux nombreuses qualités ( littéraires et conceptuelles ) .

Câble étant beaucoup plus clairement un roman d’action , sans être moins prospectif ou d’envergure pour autant , mais incontestablement plus mouvementé et sur une trame temporelle infiniment plus brève que La schismatrice .



Ce roman ( La schismatrice ) est nimbé d’une réputation de complexité extrême et il serait d’un accès difficile et je voudrais donc en intro , dire que cette réputation est surfaite car ce recueil de textes solidaires et solidement reliés entre eux est un superbe récit extrêmement accessible , qui vous emmènera progressivement loin dans les étoiles et progressivement également , dans un futur de plus en plus lointain , tout en explorant quantité de communautés de l’espace plus ou moins profond , très différentes et plus ou moins en rapport entre elles , plus ou moins solidaires ou en conflit et aussi , plus ou moins en « formes « structurellement et pour finir : plus ou moins agréables à vivre et plus ou moins dangereuses , pour elles-mêmes ou pour leur voisinage ... .



Le caractère visionnaire du point de vue prospectif du courant cyberpunk n’est plus à démontrer ! , que ce soit dans le champs de l’économie en rapport avec les impacts sociétaux de l’économie et dans celui des technologies et de leurs impacts politiques au sens large du terme (cf. le vocable « politeia « des grecs ) , dans celui des communautés de communicants aussi , dans le champs de la circulation de l’information et de son impact sociétal , alors qu’elle devient quasiment un solide palpable ( bien que immatérielle par nature ) et entre autres aussi , mais , last but not least , également visionnaire dans le registre des augmentations corporelles qui conduisirent ultérieurement la science-fiction , aux différentes post-humanités , qui peuplent aujourd’hui et désormais , un grand nombre de nos romans préférés et qui passent aujourd’hui comme une lettre à la poste !



La schismatrice est un roman ( on peut le considérer comme tel ) qui se veut prospectif mais en profondeur .

Dans ce registre , la dynamique est très fouillée , que ce soit en sociologie et psychosociologie et également en biologie et de même pour un certain nombre de sciences dites « dures « .

Le lecteur explore un panel solides et variés de post humanités sur une assez longue trame temporelle et au file d’un contexte géopolitique dense et interactif .

Il découvre ainsi les mécanistes qui se dotent de prothèses ( mais c’est un peu plus compliqué en fait ) .

Il découvre les morphos qui poussent l’ingénierie génétique dans ses derniers retranchements .

Il découvre enfin , quantité d’autres cultures ....



L’auteur a inséré dans la trame narrative un contact alien dont l’intérêt principal réside dans l’onde de choc qu’il génère , ce contact a orienté ( ou plutôt influé ) de multiples façons sur l’évolution des sociétés humaines de ce lointain futur tellement intime pour nous , grâce au talent de l’auteur .



Le fils du conducteur du roman réside dans le cheminement du personnage principal que l’on accompagne sur la longue durée dans ses pérégrinations et leurs incidences .

Cela aide bien le lecteur d’ailleurs , en rendant le texte plus cohérent et plus coulant dans ce contexte hyper foisonnant sur la longue durée . .



La schismatrice n’est pas un manuel théorique du futur .

C’est un roman vivant et foisonnant , riche , dense , un peu touffu mais bien rythmé avec rebondissements et péripéties .

C’est un roman de SF très haut de gamme , ciselé , au sens du détail accomplis , de même pour les descriptions et la caractérisation .



Un superbe pavé de SF , de qualité , qui vaut son poids en or et dont je suis l’heureux possesseur d’un exemplaire authentique et considérant sa rareté et sa valeur , je devrais peut-être le mettre au coffre !? ( sourires ) .

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La Machine à différences

La machine à différences est une uchronie basée sur la découverte de Babbage : une machine capable d’effectuer des calculs complexes et d’exécuter de petits programmes écrits sur carte perforée, ancêtres de nos ordinateurs modernes. Mais ici, les gouvernements anglais et français saisissent immédiatement toute la portée de cette découverte, et construisent d’immenses machines, monstres d’acier, d’engrenage et de vapeur, capables de ficher toute la population.



Le roman nous plonge dans l’actualité de l’époque : les États-Unis ne sont encore qu’un vague ensemble de micro-états que les puissances européennes tentent d’influencer, la controverse scientifique sur le darwinisme bat son plein, le mouvement luddiste (des travailleurs sabotant les métiers à tisser accusés de leur voler leur travail) vient à peine de d’être maîtrisé. De plus, Londres est plongée dans la Grande Puanteur : l’assèchement de la Tamise transforme le fleuve en un gigantesque égout à ciel ouvert, et provoque la fuite de la population qui peut se permettre de vivre ailleurs.



Le roman s’articule comme un thriller, autour de cartes perforées volées qui semblent avoir la plus grande importance pour tous les camps : complots politiques, interventions de la police secrète, influence de puissances étrangères, mafia spécialisée dans les paris truqués, …



L’ambiance du roman, sombre et oppressante, est parfaite : la technologie prive les hommes de travail, de liberté et rend des sentences, après de longues minutes de manipulation de rouages, irrévocables. Elle les empoisonne également, et les baigne dans une atmosphère puante et polluée. Ne reste alors que les bas-fonds de la ville pour (sur-)vivre quand on n’est pas de la bonne société, là où on est à la fois à l’abri de l’omniscience des machines, et où on peut disparaître facilement dans le smog.



La construction de l’histoire est par contre un peu plus particulière… À l’heure de faire les comptes, je ne sais pas parfaitement quel personnage jouait dans quel camp et pour quelles raisons. Les auteurs nous offrent régulièrement de grande ellipses, à nous d’essayer de boucher les trous avec les bribes d’information laissées par les autres protagonistes. On a parfois un passage sur la fin de vie d’un des personnages au milieu du roman, alors que son influence se fait toujours sentir dans les paragraphes suivants.



Je retiendrai bien plus ce roman pour son ambiance si particulière que pour son histoire, qui m’a parue assez confuse.
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La Machine à différences

Quand William Gibson et Bruce Sterling, deux géants du genre cyberpunk, décident de s'intéresser au steampunk, cela donne ce roman au principe étonnant : imaginez une Angleterre victorienne où Charles Babagge aurait réussi à construire sa fameuse machine à différences, l'ancêtre de nos ordinateurs, et aurait ainsi déclenché une révolution industrielle basée sur des ordinateurs mécaniques. Une ère de l'information aurait ainsi commencé un siècle plus tôt.



L'idée de départ est excellente et riche de promesses, mais le résultat m'a un peu laissé sur ma faim. Le récit m'a semblé confus, difficile à suivre et à comprendre, et pas toujours passionnant. Je dois avouer que j'ai eu du mal à maintenir mon intérêt lors de certains longs passages, que ce soit par manque de rythme du récit ou d'attachement aux personnages.



Si je devais résumer ma pensée, je dirais que le cadre imaginé par William Gibson et Bruce Sterling m'a beaucoup plu, mais que l'histoire qu'ils y racontent ne m'a pas intéressé plus que cela. A vrai dire, je ne suis pas certain d'avoir compris où les deux auteurs voulaient en venir, et j'ai l'impression d'être passé à côté de ce roman.
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Schismatrice +

Schismatrice + est un recueil de Bruce Sterling qui réunit un roman et cinq nouvelles de science-fiction magistrale.

L’auteur dépeint un futur assez lointain, où l’humanité a quitté la Terre pour se répartir dans l’espace, au sein de stations orbitales. Deux factions se livrent un conflit perpétuel, les Mécas, des êtres humains augmentés par des implants cybernétiques, et les Morphos, qui s’appuient sur la programmation et la modification génétique. Ce conflit va cependant être perturbé par le premier contact entre l’espèce humaine et celle des Investisseurs, des reptiles capitalistes dont les objectifs sont le profit pur.

Au sein de cette société en mutation presque perpétuelle, le lecteur suit Abélard Lindsay, banni la république circumlunaire de Mare Serenitatis, qui voyage entre différentes sociétés et cherche à affronter et se venger de Philip Constantin, son ancien ami devenu rival mortel. Lindsay traverse ainsi les sociétés, mais aussi le temps, et devient peu à peu une véritable légende, mais aussi un instigateur de changement social, parce qu’il cherche à unifier l’humanité autour de projets tels que la terraformation ou la philosophie posthumaniste.

Pour moi, Schismatrice + est un monument de la science-fiction, et je ne peux que vous le recommander.

Chronique complète et détaillée sur le blog.
Lien : https://leschroniquesduchron..
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Les Mailles du réseau

Les mailles du réseau sont publiées en 1988, au tout début de l'exploitation commerciale d'internet.



Pourtant, le roman n'a pas pris une ride et est toujours aussi passionnant à lire.

Les aspects "technos" sont bien entendu maintenant complètement banalisés : le multiphone connecté en permanence au réseau, le babyphone connecté au multiphone, la domotique ...

Plus troublantes sont les attaques de drones menées au moyen de quadracopters et la critique faite par un des personnages sur la distanciation que peuvent avoir les opérateurs de ceux-ci par rapport à leurs cibles/victimes.

Plus prenant encore est la description d'un monde post guerre froide (ne pas oublier que le Mur ne tombera qu'en novembre 89) qui colle comme un mauvais rêves aux évènements et à la situation géopolitique mondiale de 2014.

Elèvements, groupe terroristes, pirates informatiques organisés et mafieux, transformation des états et singulièrement des USA en conglomérat commerciaux auraient pu sortir de la plume d'un auteur d'aujourd'hui.

Enfin, Laura Webster est une héroïne très crédible et très attachante.



Ouvrage dans la mouvance du Cyberpunk, les mailles du réseau sont à recommander aux amateurs du genre, mais aussi à ceux férus de géopolitique
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La Machine à différences

Le nom de William Gibson n'est certainement pas inconnu des amateurs de SF puisqu'il a écrit Neuromancien, pilier du sous genre Cyberpunk, œuvre avant-gardiste complexe et obscur.

Largement plus facile d'accès que Neuromancien, ce roman est une uchronie. Un genre de roman d'aventure se déroulant dans une Angleterre du 19eme siècle qui n'a pas existé...

Par un jeu de légères entorses à l'histoire réelle, nous découvrons une Angleterre différente, dans un monde différent, un monde dans lequel l’Angleterre lutte pour garder sa suprématie grâce aux machines à différence, des ordinateurs mus par la vapeur... par le biais de Mallory, plongé malgré lui dans une intrigue d’espionnage entre la France et l’Angleterre, nous découvrons ce monde fantastique, ses courses automobiles, sa pollution, ses conflits sociaux...



Une lecture que je recommande, rafraichissante même si elle n'est pas forcément facile d'accès.

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La Machine à différences

Un thriller étourdissant dans le 1855 uchronique de l'industrialisme politique et de l'ordinateur mécanique triomphants à Londres.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2019/11/07/note-de-lecture-la-machine-a-differences-william-gibson-bruce-sterling/



C’est fort naturellement la récente lecture de l’excellent « Ada ou la beauté des nombres » de Catherine Dufour qui m’a donné envie de me replonger sans attendre dans « La machine à différences ». Publié en 1990 (et traduit en français en 1996 par Bernard Sigaud dans la collection Ailleurs & Demain de Robert Laffont), ce roman est le quatrième de William Gibson (deux ans après « Mona Lisa s’éclate », qui achevait la trilogie démarrée en 1984 avec « Neuromancien ») et le cinquième de Bruce Sterling (deux ans après son chef-d’œuvre officieux, « Les mailles du réseau »).



Les deux compères, alors plus ou moins considérés comme les chefs de file de facto du mouvement littéraire et esthétique cyberpunk, se sont associés pour produire cette surprenante uchronie qui n’en est pas tout à fait une : le fameux point de divergence, le moment où l’histoire racontée s’écarte de notre Histoire connue, y est ténu, subtil – peut-être que Lord Byron, au lieu de devoir quitter l’Angleterre en 1816 sous le scandale sexuel, devint en effet le puissant orateur qu’il rêva d’abord d’être à la Chambre des Lords, que sa fille Ada put devenir au grand jour l’immense scientifique et créatrice de l’informatique qu’elle ne put en réalité être qu’en esquisse, et que Charles Babbage, au lieu de tourner lentement au savant bougon, incompris, irascible et désargenté, put effectivement mettre au point relativement tôt, dans un climat encore beaucoup plus dédié à la science et à l’industrialisation qu’il ne le fut « chez nous », sa « machine à différences », et lancer une informatique, même mécanographique, avec plus d’un siècle d’avance par rapport à ce que nous connaissons.



Fille d’un leader luddite, déchue et réduite à la prostitution, aventurier ex-prolétaire devenu explorateur avancé de kinotropie (le mélange d’époque des techniques cinématographiques et du maniement des cartes perforées), savant paléontologue à la carrière en voie d’accélération malgré l’inimitié durable de certain collègue, écrivain-voyageur aux connections politiques, policières et sécuritaires extrêmement haut placées, ingénieur audacieux spécialiste des vapomobiles les plus avancées, les personnages les plus importants de ce véritable thriller d’espionnage s’entrechoquent sur une toile de fond qui mêle habilement les influences de Charles Dickens (celles-là même dont China Miéville saura aussi se souvenir pour son somptueux « Perdido Street Station » en 2000) et celles d’Arthur Conan Doyle, tout en réécrivant collectivement et discrètement le « Sybil » (1845) de Benjamin Disraeli (qui apparaît, ici, bien avant sa fructueuse carrière politique, alors qu’il n’est encore « que » nouvelliste et échotier). Tout en consolidant les fondations du sous-genre littéraire qui sera par la suite appelé steampunk, William Gibson et Bruce Sterling savent à la fois s’amuser et nous amuser, tout en développant une intense réflexion sous-jacente sur les relations entre économie et société, entre politique et sécurité intérieure, entre domination technologique et hacking libertaire ou intéressé. Et c’est grâce à des œuvres hybrides, frontalières et innovantes, telles que celle-ci, que la science-fiction littéraire peut se permettre de continuer à constituer l’un des genres les plus intéressants qui soient, encore et toujours.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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La Machine à différences

La société industrielle occidentale a pris un tournant radical. En 1855, les machines sont partout, et pas n'importe lesquelles : des ordinateurs, alimentés à la vapeur et fonctionnant à l'aide de cartes poinçonnées. Les Empires ne s'affrontent pas tant sur le terrain de la colonisation que sur le terrain de la concurrence technologique, avec des préoccupations étrangement similaires à celles de notre société contemporaine : contrôler les masses populaires, maîtriser la croissance économique et scientifique, endiguer les mouvements d'indépendance et l'essor du marxisme.



Dans un chassé-croisé diachronique, composé de flashbacks américains, d'aventures britanniques et d'exil en France, trois personnages servent de rouages clés dans le déroulement et l'empêchement d'un complot international qui vise la chute du gouvernement britannique et la mainmise sur l'information.



La machine à différences est un roman complexe et prenant, qui exige de ses lecteurs et lectrices à la fois attention et patience. Une bonne connaissance du 19e siècle est requise pour savourer pleinement les innombrables détails, clins d'œil et détournements de ce livre passionnément steampunk. Théories scientifiques, inventions technologiques, histoire géopolitique et sociale : le vocabulaire est précis, les descriptions détaillées et l'intrigue un peu compliquée.



Dans un monde uchronique où les ordinateurs ont déjà été inventés, où les grandes villes suffoquent dans la pollution industrielle et où les populations sont minées par le chômage et les produits toxiques, les protagonistes se débattent dans le cours d'évènements qui les dépassent, à commencer par la famille Byron, et Lady Ada.

Cette dernière, surnommée « la Reine des Machines », fille du Premier Ministre et mathématicienne de génie, est aussi une joueuse invétérée et endettée au point de saboter son propre parti politique. S'étant mise dans une situation impossible, elle remet un coffret de cartes mécanographiques à un gentleman qui la sauve d'un enlèvement, sans le remercier ni lui donner d'explication. Ce coffret mystérieux constitue le fil rouge du roman, le cœur d'un complot pour faire tomber Lord Byron.



Trois personnages principaux se croisent dans cette histoire, à des moments et en des lieux différents. Chacun prédomine dans l'une des trois grandes phases du livre



Sybil Gerard, fille d'un opposant aux Radicaux, le parti des Machines, qui fut condamné à mort et pendu des années auparavant, violée par l'un des assistants de son père, devenue prostituée, ouvre le bal. Elle est enrôlée par un aventurier, mi-scientifique, mi-homme politique, pour l'accompagner à Paris et l'aider dans ses manipulations impérialistes : rétablir un général corrompu à la tête du Texas, actuellement aux mains du Mexique. Mick « Dandy » Radley compte pour cela utiliser un jeu inédit et révolutionnaire de cartes mécanographiées, aux normes du Grand Napoléon, l'ordinateur de l'Académie française. Mais son plan de coup d'État texien tournera court, et Sybil prend seule la fuite en France.



Édouard « Léviathan » Mallory, géographe, explorateur et espion à ses heures, prend le relai. C'est à lui que revient le douteux honneur de recevoir le fameux coffret des mains de Lady Ada. Revenu d'Amérique pour présenter sa dernière découverte, un gigantesque Brontosaure surnommé « le Léviathan terrestre », et défendre la théorie Catastrophiste (les dinosaures ont disparu brusquement, suite à une… catastrophe), il découvre qu'un de ses collègues et adversaire, le professeur Rudwick, a été assassiné, et que lui-même est en danger.

Piégé malgré lui dans la lutte contre les opposants à Lord Byron et les marxistes new-yorkais venus convertir les ouvriers londoniens, il aide de son mieux le troisième protagoniste, Laurence Oliphant, alors que la Puanteur envahit Londres.



Laurence Oliphant, étrange individu, à la fois journaliste, diplomate et espion, au service de Sa Majesté mais perplexe et inquiet quant à la tournure prise par la société industrielle, intervient dans la seconde phase du roman, puis mène la troisième, cherchant à démêler le fin mot de l'histoire. Il est le personnage le plus mélancolique du livre, conscient d'être autant marionnette que marionnettiste, et ses actions sont les plus difficiles à suivre.



La toute dernière partie, composée de lettres, d'extraits de journaux ou de mémoires, bref, un assemblage de fragments, est assez intrigante et parachève la structure narrative en forme de puzzle. Je dois avouer que je n'ai pas compris la fin du roman, même après trois lectures. Mais c'est en partie ma faute : "La machine à différences" se lit d'une traite, ou du moins, de manière continue. Une lecture très discontinue n'est pas adaptée à la complexité de l'histoire, qui laisse beaucoup de zones d'ombre et qui opte parfois pour des ellipses et des prolepses assez déroutantes.

Il n'en reste pas moins que c'est un très bon roman, qui ne pourra que ravir les amatrices et amateurs du genre.
Lien : http://www.lalunemauve.fr/ec..
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La Machine à différences

Roman cyberpunk , se déroulant dans une Angleterre uchronique avec une révolution industrielle appuyée sur l’informatique (dans une forme mécanique : la machine à différences » ) . L’Angleterre est la puissance dominante , Lord Byron est le premier ministre de la Reine Victoria (Ah Ah !) . La lutte géopolitique se fait pour le monopole de l’information . Il faut connaître l’histoire de cette époque en Angleterre (les luddistes par exemple) pour apprécier le roman . A mon goût un peu trop de discours techniques.
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La Schismatrice

Certains auteurs font partie des pères fondateurs d’un genre. C’est le cas de Bruce Sterling pour le cyberpunk anglo-saxon. Et La schismatrice est l’une de ses œuvres phares dans le domaine. L’ayant trouvé par hasard dans la « boite à lire » de la plage, j’ai décidé de tenter l’aventure.

À la différence de mes lectures estivales habituelles, je ne l’ai pas lu d’une traite. La schismatrice tient plus du concept littéraire que l’on admire que du roman passionnant qui vous plonge dans ses pages sans vous lâcher jusqu’à la fin. En effet, aucun des personnages de Bruce Sterling, à commencer par le « héros » de l’histoire Abélard Lindsay, n’a éveillé de sympathie en moi. Les raisons de la vendetta qui l’opposent à Philip Constantin au fil des décennies sont assez maigres, et sa tendance à fuir systématiquement n’est pas des plus héroïques. En revanche, l’univers dépeint par Bruce Sterling est foisonnant d’idées. Se plaçant dans un système solaire où une partie de l’humanité a fui une catastrophe climatique dans des habitats autour de la Lune ou dans la ceinture d’astéroïdes, Bruce Sterling imagine une humanité tiraillée entre les tenants d’améliorations cybernétiques (les mécanistes) et ceux misant tout sur la biologie (les formationnistes). Au fur et à mesure chaque tendance va aller jusqu’à des solutions toujours plus radicales, comme les électro-câblés ayant abandonnés leurs corps physiques pour être des fantômes des réseaux d’information ou la geisha se transformant en astéroïde de chair humaine. Dans ces conditions, l’ajout d’extra-terrestres en devient presque superflu, si ce n’est pour la transcendance finale de Lindsay.

Faut-il lire La schismatrice ? À la manière des Voyages de Gulliver, l’histoire n’est qu’un prétexte pour que l’auteur présente sa vision de l’évolution de l’humanité et des sous-espèces qu’elle engendrera. Si vous aimez ce genre d’évocation, ou si vous adorez le cyberpunk mâtiné ici d’une bonne dose de space opera, n’hésitez pas. En revanche, si vous avez besoin d’une intrigue solide pour vous plonger dans un livre, passez au large. Si le livre ne manque pas de rebondissements ni d’action, les liens entre chaque séquence seront trop lâches pour retenir votre intérêt.
Lien : https://www.outrelivres.fr/l..
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Schismatrice +

J'avais lu ce livre il y a déja quelques années, et en avait étéé positivement émerveillé. Car après la déferlante du cyberpunk, [a:Sterling|5085738|J. Sterling|https://d.gr-assets.com/authors/1349667479p2/5085738.jpg] nous revenait avec une oeuvre aux dimensions épiques, embrasssant dans sa fresque futuriste de très nombreuses visions de l'humanité et une rencontre avec les extra-terrestres.J'ai cette fois-ci été un peu plus touché par le côté humain du personnage principal (auquel on ne peut décement pas donner le titre de héros, puisqu'il passe l'essentiel du roman à fuir : sa femme, ses anciens amis, ses responsabilités, l'humanité). Toutefois, à cause d'une éducation étrangement écartelée, sa fuite n'est pas réellement éperdue, mais massquée la plupart du temps derrière des motifzs nobles. Et ce sont ces motifs qui vont nous permettre de visiter les endroits les plus interlopes que cette humanité spatiale a conquis : des stations spatiales quasiment abandonnées, des centres diplomatiques et commerciaux de contact avec les extra-terrestres, et enfin le centre de terraformation de Mars.Et à chaque fois, comme lors de la première lecture, j'ai été ébahi devant le sens de la mise en scène dont sait faire preuve l'auteur pour nous rendre des décors tour à tour inquiétants, merveilleux, totallement invivables, ou tout simplement dangereux.Un autre point intéressant dans ce roman, c'est la philosophie évoquée par ce personnage. Car même si les objectifs qu'il défend évoluent (mais quels objectifs n'évolueraient pas au cours dde périodes de vies de plusieurs siècles - en passant, c'est un point commun avec [b:Les menhirs de glace], qui montre néanmoins plus en détail les limites de la mémoire - qui sont néanmoins évoqués ici avec ce que j'appelerais de la finesse, à défaut d'un terme plus approprié), il garde tout au long de sa vie une confiance claire en les capacités d'une bonne négociation à éviter tous les conflits, confiance qui sera régulièrement trahie par d'autres humains qui ont moins foi que lui en les capacités de la diplomatie. Peut-être que, dans ce cas, l'un des postulats de [a:Sterling|5085738|J. Sterling|https://d.gr-assets.com/authors/1349667479p2/5085738.jpg] a été de donner corps à la phrase célèbre qui dit que la guerre est la continuation de la diplomatie par d'autres moyens, mais j'en doute.Je parlais du côté humain du livre en préambule, mais je m'aperçois que je ne parle que du personnage principal. Or tous sont traités avec la même finesse, qui leur permet d'exisster avec une réelle force. C'est ainsi le cas des différents personnages secondaires, mais aussi de l'humanité dans son ensemble, qui garde dans l'espace toutes ses bassesses, comme les luttes d'influence, mais aussi toutes ses grandeurs, comme la capacité à créer et à imaginer toujours un monde meilleur.Tout ça fait de ce rtoman une oeuvre incroyablement clairvoyante, je trouve, même si elle présente certains défaults, comme par exemple un certain manque d'unité.Peut-être que ce manque d'unité est dû à nos limites d'humains actuels, incapables d'embrasser des espérances de vies se comptant en siècles, mais je crois plutôt que c'est la variété des lieux dans lesquels l'auteur promène son personnage principal qui m'a donné cette impression.Notez bien qu'il s'agit d'un défaut minime, rendu encore plus mineur d'ailleurs par les nouvelles suivant le roman, qui ouvrent de nouveaux aperçus sur l'univers autour du héros, même s'il s'agit plutôt de l'univers à la fin du roman, avec une planète Mars quasiment colonisée.Enfin, dans tous les cas j'ai beaucoup aimé cette oeuvre qui, en mon sens, apporte beaucoup de fraîcheur au space-opera en en étant un, par le décor, sans en être un, par le manque d'action, rempalcé ici par une vue beaucoup plus contemplative de ce décor, au demeurant magnifique.Ci-dessous, une discussion de fr.rec.arts.sf ayant eu lieu lors de ma première lectureTrick a écrit d'une plume inspirée> En bref : c'est zarb mais en définitive ça vaut vraiment la peine.> Ah, damned, je suis eu ! Je l'ai également lu la semainde dernière (dans son édition Folio Sf augmentée de quelques nouvelles tout à fait fabuleuses et par conséquent habilement nommé "Schismatrice +") et j'avais également l'intention d'en poster mon avis. Et malheureusement, je fus précédé, et de peu, pour mon malheur. Bref, à mon tour d'en rajouter dans le spoiler honteux, la réflexion pitoyable et l'humour de bas étage...> Lindsay le déchu, le rénégat, l'apache du soleil. Tout semblait lui> sourire, jeune, riche, fraîchement rompu aux techniques> révolutionnaires des diplomates formationnistes, il représentait un> immense espoir pour son habitat, la République Circumlunaire de Mare> Serenitatis. Mais son apprentissage l'a radicalement transformé, lui> et son meilleur ami, son presque frère Philippe Constantin. Tout> bascule lors du suicide de leur égérie, Vera Kelland, signe de révolte> contre les chefs mécanicistes tenant les rênes du pouvoir depuis des> dizaines d'années, des vieillards dont les vies interminables ne> tiennent qu'à une assistance médicale permanente. On retrouve là quelque chose de très connu : la révolte des nouveaux contre les anciens, lorsque ceux-ci se révèlent sclérosés et incapables d'agir d'une manière ambitieuse (ce qui peut également sembler un miroir assez intéressant de la société actuelle).> > Abélard Lindsay aurait du disparaître avec sa belle mais le hasard> l'épargne. Devenu trop dangeureux pour son clan, il est banni vers un> habitat désolé où commencera une vie nouvelle en compagnie des> marginaux de la Schismatrice, ce vaste ensemble de mondes> indépendants, rivaux et bouillonnants, cette machine à fragmenter> l'humanité. > Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ton interprétation : "le hasard l'épargne". Ne s'agit-il pas plutôt pour lui de survivre, quel qu'en soit le déshonneur ? Pour le jeune révolutionnaire qu'il est alors, la mort est la seule transgression possible, dans un univers asseptisé où tout est contrôlé par les familles régnantes. Et cette transgression, qu'il choisit selon moi de ne pas effectuer, le pourcharssera toute sa vie, que ce soit sous al forme des assassins envoyés par Constantin, mais surtout par sa propre image : il sait qu'il aurait dû mourir avec Véra, mais que le fait de ne pas l'avoir fait lui permet de plonger dans la vie de la Schismatrice.> > Ce n'est pas un roman facile d'accès. D'abord à cause d'un style de la> même veine que celui de Gibson, c'est-à-dire fourmillant de> néologismes et très fracturé. Sterling élude des passages entiers si> bien qu'on a parfois l'impression de disposer d'une édition incomplète> ou tronquée du bouquin. Le sujet n'est pas non plus très clair et les> vingts premières pages suggèrent plus une sorte de space-opera> carabiné à la Vance, avec des héros insurpassables et indestructibles,> que la fresque sociale et technique qu'est véritablement _La> Schismatrice_. Si le style de ce roman est effectivement très élusif, c'est par nécessité selon moi : lorsqu'on est plongé dans une humanité dispersée dans tout le système solaire, et que les voyages durent des mois entiers, il n'est peut-être pas nécessaire de les mentionner. Mais ce n'est qu'un des nombreux points éludés. En fait, il me semble que le bon angle de lecture est de voir Abéliard Lindsay comme un catalyseur : lorsqu'il crée sa compagnie de théatre dans l'habitat des apaches, son habitat originel est déserté. Lorsque les Investisseurs arrivent, il est propuslé sur le devant de la scène et rejoint ainsi Wells, avec lequel ils vont lancer le projet de terraformation du satellite de Jupiter (dont évidement j'ai oublié le nom).> > Car au-delà des aventures rocambolesques du sieur Lindsay, on découvre> une société ou plutôt une myriade de sociétés nées des conditions> extrèmement hostiles et changeantes de la vie en plein espace. Des> sociétés divisées par les luttes incessantes entre mécanistes et> formationnistes, ces derniers étant adeptes de manipulations> génétiques dans un optique clairement eugéniste, et de techniques de> conditionnement. Ce petit monde dynamique et en perpétuelle mutation> n'est pas sans rappeler celui de _Dune_ par sa complexité, ses> intrigues et sa façon d'être constamment sur le point de se briser.Là, je ne suis franchement pas d'accord. Là où Dune est un essai politique franchement inspiré par le Prince de Machiavel, la Schismatrice se rapproche plus pour moi d'un traité d'évolution des sociétés, ou plutôt des clades. La notion de niveau de complexité de Prigogine (dont j'ignore évidement si c'est une fumisterie ou une idée avérée) par exemple, représente bien le champ d'intérêt de Sterling : il s'agit plus d'expérimenter sur les micro-sociétés qui peuvent émerger plus facilement dans l'espace que de fouiller en profondeur les structures du pouvoir. Enfin, j'ai pour ma part un reproche conceptuel à faire : les deux opposants, morphos et mécas, ne représentent pour moi que les deux faces d'une même pièce. Ils ont tous voué leur vie au progrès scientifique, quitte à se laisser dévorer par ce progrès, et à ne plus avoir d'humain que le nom (comme par exemple les Homards). Cependant, on ne voit nulle part de conservateurs ou, comme j'aurais tendance à les appeler, de néo-obscurantistes, déclarant que toute cette technologie est sale, que l'âme des morphos n'existe pas et que celles des mécas est indubitablement corrompue par ce mélange avec la machine maudite. Bien sûr, les terriens sont ainsi, plongés dans la stase, mais il aurait été amusant de voir, dans l'espace, des partisants d'un retour à des technologies externes.> > Si vous arrivez à vous faire au style un peu étrange de Sterling, et à> passer outre certains aspects kitschs ou réducteurs de cet immense> tableau, voici un roman surprenant de vitalité et d'originalité.Tout à fait. je rajouterai également qu'il donne un aperçu moderne de la vie telle qu'elle pourrait apparaître pour un individu capable de vivre plus de
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Les Mailles du réseau

Alors qu'une réunion plus ou moins officielle se déroule dans l'hôtel tenu par Laura et son mari, membres de la firme Rizome, un pirate informatique est assassiné. Cet événement sera le point de départ d'un véritable tour du monde pour Laura qui, telle une candide plongée en 2020, découvrira un univers cyberpunk avec ses multinationales contrôlant l'économie et la politique, ses attentats, ses pirates arpentant les réseaux informatiques et ses multiples complots...



On retiendra au final bien plus l'univers dans lequel nous plonge Bruce Sterling, retro-futur totalement ancré dans les 80's, que l'intrigue en elle même, faisant finalement plus office de prétexte pour nous faire découvrir le monde de 2020 qu'autre chose.
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Mozart en verres miroirs

Mozart en verres miroirs est une anthologie composée de douze nouvelles recueillies par Bruce Sterling et constituant un quasi-manifeste du mouvement Cyberpunk.

En guise de préface, Bruce Sterling nous propose sa définition du mouvement qui, au-delà des clichés habituels et réducteurs, se veut avant tout être une Science-Fiction ancrée dans son époque, définissant une nouvelle esthétique du genre tout en ouvrant et explorant de nouveaux horizons.



1 – Le Continuum Gernsback (William Gibson – 1981)

On débute avec l'un des premiers textes de l'auteur du Neuromancien, le titre de la nouvelle faisant ouvertement référence à Hugo Gernsback, célèbre éditorialiste ayant beaucoup contribué à l'essor de la Science Fiction durant l'Âge d'Or.

William Gibson lance ici un appel à une nouvelle esthétique de la Science-Fiction, propre aux années 80, et, à l'instar de Norman Spinrad avec son Rêve de Fer, démoli la « SF à papy » à grands renforts de "points godwin".



2 – Des Yeux de Serpent (Tom Maddox – 1986)

Un personnage manipulé mentalement à coup d'implants neurologiques lutte pour conserver sa personnalité... ou trouver un point d'équilibre.



3 – Rock Toujours (Pat Cadigan – 1984)

Un récit complètement barré mettant en scène une boite à rythme humaine (!?) dans le milieu du rock underground.

Par contre, pour le coup je pense que le récit doit être bien plus savoureux en VO .



4 – Les Mésaventures de Houdini (Rudy Rucker – 1983)

Encore un récit complètement barré, très court et très drôle, mettant en scène un Houdini fauché se retrouvant obligé de participer au tournage d'un film au cours duquel sa vie et ses talents d'évasion sont mis à rude épreuve...



5 – Les 400 (Marc Laidlaw – 1983)

Funcity est une ville post-apocalyptique que se partagent plusieurs bandes de jeunes délinquants tous plus atypiques les uns que les autres. L'arrivée d'un envahisseur faisant trembler les quartiers oblige les gangs à coopérer pour reprendre le contrôle de la ville.

C'est fun et ça fait très penser aux Warriors de Walter Hill



6 – Solstice (James Patrick Kelly – 1985)

Un texte étrange se déroulant dans un futur proche, mêlant drogues de synthèse et mysticisme avec les pierres de Stonehenge.



7 – Petra (Greg Bear - 1982)

Changement radical d'ambiance avec ce récit de Greg Bear nous plongeant au sein d'une cathédrale en plein univers Post-Apocalyptique. Fruits de l'union de statues animées et de nonnes, des êtres de chaire et de pierre arpentent les coins et recoins de la nef à la recherche du Christ de Pierre...

Lorgnant plus vers le fantastique que vers la SF, Petra nous propose un récit blasphématoire, très original et incroyablement immersif.

Gros chef d'œuvre et clairement l'un des meilleurs textes du recueil !



8 – Les Jours où des voix humaines nous éveillerons (Lewis Shiner – 1984)

Un récit plus faiblard - en même temps, pas évident de succéder à Petra ! - mêlant images mythiques (des sirènes) et visions socio-politico-technologiques.

Au final, ça tient plus du récit horrifique de seconde zone qu'autre chose.

Bof, donc.



9 – Freezone (John Shirley – 1985)

Années 80 et 90: les USA sont en pleine crise économique et ne peuvent lutter contre le boom manufacturier de l'Asie et de l'Amérique du Sud. Une attaque revendiquée par un groupuscule terroriste islamique laisse le pays en ruines.

Tous les nantis se tirent alors pour Freezone, un ancien ensemble de plates-formes de forage, désormais au main d'une multinationale, et situé en plein milieu de l'océan atlantique.

C'est dans ce contexte qu'évolue Rickenharp, un rockeur ex-junkie et quasiment has-been, cherchant à continuer à vivre de sa musique...



Freezone est une véritable plongée au cœur d'un monde typiquement cyberpunk, mêlant culture underground, villes tentaculaires à la Blade Runner et multinationales surpuissantes.

Excellent !



10 – Pierre Vit (Paul Di Filippo - 1985)

Le monde est partagé entre les Zones de Libre Entreprise -régions urbaines autonomes de hautes technologies où les seules lois sont celles imposées par les sociétés, et l'objectif unique le profit et la suprématie – et les Zones de Contrôle Restrictif – enclaves rurales à dominance agricole où les valeurs traditionnelles se trouvent strictement respectées -.

Pierre, un aveugle analphabète survivant tant bien que mal dans un bidonville se voit mystérieusement proposer un boulot en or: rédiger un rapport sur le monde actuel pour le compte d'Alice Citrine, fondatrice d'une des entreprises les plus importantes du pays: Citrine Technologies.



Via son personnage de Candide, Paul Di Filippo nous offre une véritable plongée au sein des thématiques cyberpunk en abordant les modifications corporelles, les bouleversements sociaux et l'impact des nouvelles technologies.



11 – Étoile rouge, orbite gelée (Bruce Sterling & William Gibson – 1983)

Une histoire à quatre mains située dans un futur alternatif voyant l'Union Soviétique contrôler la grande majorité des ressources mondiales et ayant fini par remporter la course à l'espace face aux USA.

Leur principal adversaire ayant déclaré forfait, le gouvernement soviétique cherche à abandonner sa station spatiale, qu'il juge désormais inutile, mais se heurte à la révolte d'une partie de ses occupants...



12 – Mozart en Verres Miroirs (Bruce Sterling & Lewis Shiner - 1983)

Un récit de voyage dans le temps allant complètement à l'encontre des clichés habituels du genre, Bruce Sterling et Lewis Shiner balayant totalement toute trace de paradoxe temporel en utilisant les univers parallèles.

En résulte un gros délire dans lequel le XXe siècle parasite complètement une cité du XVIIIe à grands coups de rock 'n roll, de harley davidson et de culture pop !
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Cristal Express

Divisé en deux parties, "Fenêtres sur un futur proche" et "Fenêtres sur un futur lointain", ce recueil de Bruce Sterling, l'un des pères du cyberpunk, comprend 8 nouvelles, dont 5 d'entre elles, celles de la seconde partie, appartiennent à un même "univers", celui que l'on retrouve dans "la Schismatrice", chef d'oeuvre de l'auteur.

Toutes ces histoires ne sont pas d'égales qualités, mais aucune n'est mauvaise; et il est très intéressant de se frotter aux visions de Sterling, et de pouvoir par ailleurs les comparer avec le monde tel qu'il est aujourd'hui, soit presque vingt-cinq ans plus tard.

Les amoureux du genre qui ne connaissent pas encore ce livre peuvent s'y plonger sans hésiter.

De la SF intelligente, qui propose une véritable réflexion sur l'évolution de notre société.
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Mozart en verres miroirs

Mouvement mort-né au cadavre qui peine à tiédir à cause de l'effet de mode, le cyberpunk est un triste zombie qui n'a plus aujourd'hui de ''punk'' que le nom tant il a été lissé et aseptisé au fil des années. Ridley Scott est venu cristalliser le genre sous une forme unique dont plus personne n'osera ensuite dépasser, le punk devient mercantile et se limite à des cheveux aussi fluo que ses lunettes.



Mais au-delà de cet aspect réducteur, le cyberpunk a aussi acquis ses lettres de noblesse via quelques œuvres, et ''Mozart en verres miroirs'' en est une ! A travers 12 nouvelles, William Gibson, Bruce Sterling, Lewis Shiner et Greg Bear, pour ne citer qu'eux (et chaque fois je ne peux m'empêcher de penser que J.G. Ballard y aurait vraiment eu sa place aussi), nous livrent une vision sans limite d'un genre qui s'est tant limité. L'ensemble est totalement barré et extrêmement imaginatif !



Ma nouvelle préférée est indubitablement ''Petra'' de Greg Bear, une étrangeté comme on en trouve que trop rarement, qui se permet un parallèle blasphématoire hallucinant. ''Des Yeux de Serpent'', ''Rock Toujours'', ''Solstice'', ''Étoile rouge, Orbite gelée'' et ''Mozart en verres miroirs'' sont également excellentes.



Ce recueil est vraiment un petit bijou qui laisse toutefois planer un arrière-goût de regret : dommage que le cyberpunk se soit enterré tout seul à coup de manque d'imagination. Heureusement que certains auteurs ont su conserver une part de cette imagination justement, même s'ils sont trop peu nombreux à mon goût (je citerai ainsi le sublime manga ''BLAME!'' de Tsutomu Nihei si vous voulez en découvrir davantage).



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La Machine à différences

Dans la veine Steampunk, un roman qui me laisse un sentiment d'incompréhension, pas forcément déplaisant, sans doute parce que ça cause (entre autres) de mathématiques .... et que je ne suis pas douée en la matière.

Bref.

Nous voici donc à Londres en 1855. Une ville quelque peu différente de celle que nous pensons connaître, puisque tout est organisé par des ordinateurs mus par la vapeur: des "Machines à différences" . Les savants ont pris le pouvoir, ils gèrent le pays de façon rationnelle, sous l'égide du Premier ministre Lord Byron. Sa fille, Ada Byron (a.k.a. Ada Lovelace dans notre univers) , est particulièrement versée dans la science des Machines, et crée un proto-ordinateur bien plus puissant que tous les autres, bien plus efficace ... et capable de calculer les résultats de tous les paris d'argent.

C'est là que tout se complique.

Car Ada est joueuse, au-delà de toute mesure. Elle a la fièvre du jeu, elle en vient à fréquenter des brigands et des criminels, devenant la proie des ennemis du régime.

Ce qui ne change pas , en effet, c'est la société inégalitaire de l'époque industrielle. Ils sont nombreux, ceux qui se sentent tenus en laisse par les savants, ceux qui crèvent de faim, ceux qui voudraient que cesse le règne de la Raison. Et alors que Londres suffoque dans les vapeurs méphitiques de la Tamise sous le soleil d'été, un soulèvement de plus se prépare.

Peut-être le soulèvement de trop ?



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Les Mailles du réseau

Date de péremption dépassée !



Je n'ai pas trouvé la lecture de ce livre exaltante. Je n'ai pas été entraîné par le rythme, ni emballé par les personnages.

ça n'est pas un si mauvais livre, mais il s'avère qu'il ne s'appuyait que sur de la prospective à court terme.

En fait, ça ressemble beaucoup à notre monde actuel ou imminent.

Il est question de la mondialisation des échanges, de l'essor des télécommunications (cf. Internet), de tentatives de normalisations ou de régulations (ou de contrôle...?) à l'échelle mondiale. Face à ça, des avis et des mouvements antagonistes s'élèvent, qu'ils soient étatiques, citoyens, terroristes ou le fruit d'entreprises ou regroupements divers.

Ce livre est dépassé et n'a pas les qualités littéraires qui pourraient compenser cet état de fait.
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Gros temps

C’est toujours agréable de lire du Sterling : c’est très immersif et le monde ainsi que les personnages sont crédibles et vivants. Le truc ici est que c’est un très mou dans la trame narrative. ; des le début il semble que le frère soit accepté bien vite par le groupe juste pour permettre à l’auteur de nous faire une visite guidée de son petit univers, on ne sent pas vraiment une histoire qui aille quelque part. Il y aussi le fond du sujet: des chasseurs de tempête, mois cela ne m’intéresse absolument pas et j’ai du mal à m’intéresser à cet univers.

Je me suis donc rapidement ennuyé du propos (/ de l’absence de) de ce livre.
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