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Citations de Bruno Markov (77)


Peu à peu, j'ai pris l'habitude d'entendre parler d'attentats au coin de ma rue, d'Etats européens au bord de la faillite, de plans de licenciements partout en France, de tempêtes tropicales en Méditerranée, de migrants morts échoués sur la Côte d'Azur, de gens noyés sous le seuil de pauvreté à quelques rues de la mienne.. Et finalement, de foyers de rage s'allumant dans tout le pays, puis convergeant vers Paris, devenue la capitale des désirs inassouvis et des marchands de rêves inaccessibles. Ainsi, depuis cinq mois, toute l'hystérie sur laquelle reposait la société de consommation - jadis perceptible au premier jour des soldes ou aux cris stridents que les célébrités déclenchaient sur leur passage - s'est retournée contre les architectes du système. C'était assurément plus commode, quand on promettait aux gens le Ciel après la mort. Désormais, on leur serine que le paradis existe bel et bien sur terre, on l'affiche partout sur les murs et les écrans en leur jurant qu'ils pourront y accéder, s'ils le méritent. A condition de souscrire au dogme du marché, prendre part à la compétition globalisée, prier chaque jour pour une plus grande maison, une herbe plus verte et une plus large télé, se réunir tous les dimanches matin dans de grands centres commerciaux climatisés et la Réussite reconnaîtra les siens. Alors oui, quand le paradis gonfle chaque jour ses tarifs et durcit ses conditions d'entrée, je peux comprendre que certains crient à l'arnaque organisée. J'aurais sans doute pensé la même chose à leur place.
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De l'intérêt de mettre l'intelligence artificielle au service de l'économie de l'attention: le grand jeu de notre époque. Un marché colossal. Pas une seconde ne s'écoule, sur nos écrans, sans que quelqu'un cherche à nous convaincre d'acheter son produit, de s'intéresser à lui, de nous joindre à sa cause, de voter pour lui, d'écouter ses problèmes, de liker ses photos, sa dernière vidéo, de faire connaissance... Il en résulte une pénurie globale d'attention disponible. Plus aucun cerveau n'a le temps de faire le tri entre l'essentiel et l'insignifiant ni d'arbitrer ce qui mérite son intérêt. Alors on fait appel à des algorithmes, pour trier les sollicitations à notre place, filtrer les contenus qui nous indiffèrent et promouvoir ceux qu'on désire - parfois sans le savoir. Avec le temps, ces guides apprennent à nous connaître et détectent des parts insoupconnées de nous, dont nous n'avions même pas conscience. C'est logique, ils ont été entrainés pour ça.
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Mes rêves dévissent inéluctablement de cette manière à l’approche de leur dénouement. C’est une sorte de tradition, depuis la mort de mon père et plus encore depuis que Marion m’a quitté l’année suivante - par surprise, elle aussi. Un beau matin, elle m’a simplement annoncé : « si je reste, j’ai peur de sombrer avec toi. » Il fallait en avoir, de la crasse dans le coeur, pour dire une chose pareille.
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Derrière l'hotesse, un écran plat vante la richesse des bases de Qinoa Labs : plus de 650 millions de profils nominatifs, 3 200 variables en moyenne sur chacun d'eux, provenant de 1317 sources de données différentes-1318, le temps que je passe le portique. Une kyrielle d'applications Facebook et Android sont rachetées ou développées ici chaque jour, dans l'unique but de collecter un maximum d'informations personnelles sur leurs utilisateurs: tests de personnalité, jeux, énigmes, sondages, utilitaires... Ajoutez-y les données qu'on achète aux sociétés de crédit, aux opérateurs télécoms, aux assureurs, aux pharmacies, aux centres commerciaux.. Puis toutes celles aisément accessibles en ligne: cookies, réseaux sociaux, blogs, registres officiels... Et vous obtenez un trésor incomparable sur terre, filtré, agrégé, transformé, raffiné par des centaines de data engineers.
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La seule chose plus triste, pour un couple, que de ne plus faire l'amour, c'est de baiser par automatisme, sans même s'en rendre compte. Je rassemble mes souvenirs... Elle a peut-être essayé de me chauffer, dans le salon. Puis on a dû migrer vers la chambre, de peur de tacher mon canapé. Et là, oui - ça me revient, je crois qu'elle m'a sucé pour me convaincre – ou alors, c'était la fois d'avant. Des images sans date, sans poésie se bousculent, toujours les mêmes: zoom sur sa chatte, ses seins, son cul, sa bouche, toujours droit au but. Le même tempo, la même durée, les mêmes accords. Je sais qu'autrefois, on avait un tas d'autres façons de s'exprimer notre amour, mais elles ont disparu dans le refrain des nuits. D'ailleurs, le seul fait d'appeler ça de l'amour m'apparait comme une erreur de sous-titrage, une mauvaise interpréation des images. C'est devenu autre chose: de l'exercice, une habitude ou peut-étre une tactique pour s'endormir. Quelquefois, les paupières closes, je tente de ressusciter le garçon d'avant, sa naiveté, son insouciance, mais il ne répond plus.
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Jules est certes un séducteur plus expérimenté, mais je suis meilleur stratège. La stratégie, c'est une invention des inadaptés pour vaincre les forts, une arme taillée par le cerveau de nos ancêtres pour compenser l'infériorité de leurs corps, lents et vulnérables, sans crocs ni griffes, face aux prédateurs plus chevronnés. C'est par la ruse qu'aux yeux de l'évolution, l'Homme est passé de "misft"à "modèle" indétrônable. Depuis, ce combat se perpétue à travers les siècles, contre les héritiers d'une injuste position dominante.
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« C’était assurément plus commode, quand on promettait aux gens le Ciel après la mort. Désormais, on leur serine que le paradis existe bel et bien sur terre, on l’affiche partout sur les murs et les écrans en leur jurant qu’ils pourront y accéder, s’ils le méritent. A condition de souscrire au dogme du marché, prendre part à la compétition globalisée, prier chaque jour pour une plus grande maison, une herbe plus verte et une plus large télé, se réunir tous les dimanches matin dans de grands centres commerciaux climatisés - et la Réussite reconnaîtra les siens. Alors oui, quand le paradis gonfle chaque jour ses tarifs et durcit ses conditions d’entrée, je peux comprendre que certains crient à l’arnaque organisée. J’aurais sans doute pensé la même chose à leur place. »
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Mon père écrivait à propos des gens comme lui, « payés à tout réduire - notre vocabulaire, notre temps libre et notre sentiment d’utilité », qu’à cause d’eux
« Chaque métier devient le rouage d’une mécanique implacable, réduit à une suite de décisions machinales, écrites à l’avance. Ils nous prient de faire `comme-c’est-marqué-sur la fiche ou comme- c’est demandé-par-le-logiciel et un beau jour, quand nos tâches sont devenues programmables, ils nous annoncent que tout compte fait, le logiciel les réalisera plus vite ».
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« Ta copine a tout le loisir de gâcher ses journées, faire des études de lettres et fumer des joints… Quand on naît dans une famille comme la sienne, l’échec n’existe pas. Si elle rate son diplôme, son père lui paiera d’autres études, lui ouvrira peut-être une librairie dans Paris, ou une galerie d’art…
Mais chez nous les règles sont différentes. La réussite ne se transmet pas par héritage, il faut la mériter. »
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... je réponds aux messages sur Tinder, dernière étape de mon rituel matinal. J'y suis inscrit depuis trois mois, moins pour trouver I'amour que pour m'entrainer à capter l'attention, séduire et sortir de ma zone de confort. J'avais besoin dune bonne remise à niveau dans tous ces domaines. Ainsi, chaque jour, derrière l'écran, je m'exerce à me mettre en valeur, à faire ma propre publicité, à me différencier tout en étant conforme. Une version 2.0 de la séduction dans laquelle chacun peut, en fonction de sa valeur sur le marché, fixer les termes, conditions et contre-parties de son consentement à devenir l'objet du désir de l'autre. Méthodique, je rejoue la même séquence avec des dizaines, des centaines de filles différentes et ajuste ma stratégie après chaque échec. Il existe une formule, un mode opératoire pour tout, même pour plaire. La première étape consiste à maximiser ses "matchs" . Au début, mon score était négligeable, à peine 1 % de mes "likes" . Pour remédier, j'ai fait évaluer mes photos par des inconnues sur un site spécialisé, anonymement et sur plusieurs critères: charisme, attractivité, intelligence, confiance en soi... Cette étude m'a permis d'observer que la version optimale de moi souriait à peine, déboutonnait le col de sa chemise et ne regardait pas l'objectif de l'apparel. Désormais, mon taux de "matchs" dépasse les 3%. C'est mieux, mais doute encore loin des champions du "PageRank".
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 Sur la devanture éventrée d’un kiosque à journaux, la couverture du Point
Montre une poignée de vieillards et d’adolescents sur une barricade de fortune, lançant des pavés sur des policiers équipés comme des militaires.
Ce sont des retraités, des étudiants, des ouvriers, des exécutants qu’on a disqualifiés du jeu depuis la crise, parce qu’ils ne suivaient plus la cadence.
Des sans-valeur, des fils de personne qui s’invitent ici chaque week-end pour déverser tout le désordre du monde sur la plus belle - dit-on - de ses avenues. Au commencement, ils surinaient leur présence par un gilet jaune Stabilo pour se rendre visibles. Puis, au fil des semaines, la couleur s’est assombrie. »
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De l’intérêt de mettre l’intelligence artificielle au service de l’économie de l’attention : le grand jeu de notre époque. Un marché colossal Pas une seconde ne s’écoule sur nos écrans, sans que quelqu’un cherche à nous convaincre d’acheter son produit, de s’intéresser à lui, de nous joindre à sa cause, de voter pour lui, d’écouter ses problèmes, de liker ses photos, sa dernière vidéo de faire connaissance. Il en résulte une pénurie globale d’attention disponible. Plus aucun cerveau n’a le temps de faire le tri entre l’essentiel et l’insignifiant ni d’arbitrer ce qui mérite son intérêt. Alors on fait appel à des algorithmes, pour trier les sollicitations à notre place, filtrer les contenus qui nous indiffèrent et promouvoir ceux qu’on désire – parfois sans le vouloir. Avec le temps ces guides apprennent à nous connaitre et détectent des parts insoupçonnées de nous, dont nous n’avions même pas conscience. C’est logique, ils ont été entraînés pour ça.
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Dans le miroir de l'entrée, j'ai franchement fière allure. Si je me croisais dans un couloir, je me trouverais une vraie tête de connard. C'est bon signe.
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On peut faire voler un avion de cinq cents tonnes, envoyer des sondes au-delà du Système solaire, casser le noyau d'un atome, séquencer le génome entier d'un individu… mais il reste excessivement compliqué de piloter nos désirs et nos pulsions, nos rêves et nos cauchemars, nos souvenirs et nos angoisses.
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De l'intérêt de mettre l'intelligence artificielle au service de l'économie de l'attention: le grand jeu de notre époque. Un marché colossal. Pas une seconde ne s'écoule, sur nos écrans, sans que quelqu'un cherche à nous convaincre d'acheter son produit, de s'intéresser à lui, de nous joindre à sa cause, de voter pour lui, d'écouter ses problèmes, de liker ses photos, sa dernière vidéo, de faire connaissance... Il en résulte une pénurie globale d'attention disponible. Plus aucun cerveau n'a le temps de faire le tri entre l'essentiel et linsignifiant ni d'arbitrer ce qui mérite son intérêt. Alors on fait appel à des algorithmes, pour trier les sollicitations à notre place, fltrer les contenus qui nous indiffèrent et promouvoir ceux qu'on désire - parfois sans le savoir. Avec le temps, ces guides apprennent à nous connaître et détectent des parts insoupçonnées de nous, dont nous n'avions même pas conscience. C'est logique, ils ont été entraînés pour ça.
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-Victor, ton benchmark des process collaboratifs d'open innovation pointe un certain nombre de gaps et de synergies win- win à adresser de manière transverse, en bottom-up.

C'est au Harry's Bar, vers le troisième cocktail, que ce jeu a commencé. Igor s'est mis à singer le vocabulaire des consultants et, très vite, ça a viré au concours d'imitation. D'ailleurs, c'est mon tour:
-Oui mais, la serendipité du wording et de la méthodologie mise en œuvre aurait besoin d'être challengée. En next step, je calerais bien un stand-up meeting pour brainstormer avec tous les team leaders.

Les éclats de rire se succèdent, un peu forts pour l'endroit. C'est la première fois que je retrouve Constance dans cet état, à peu près aussi éméchée qu'au Pré Catelan. Jusqu'ici pourtant, elle ne m'envoie pas plus de signaux que d'habitude. Et si j'avais tout imaginé - ses rougissements, nos messages cachés sous les tables de réunion?

De nous trois, c'est encore Igor qui les imite le mieux: -Attention, on parle d'un pivot stratégique, il faut d'abord drafter le MVP et acculturer les parties prenantes pour tester leur appétence et collecter leur feedback. Sinon j'ai peur que le bran- ding soit trop confusant.

Parler consultant, c'est tout un art. Chez B&G, notre jargon s'enrichit chaque jour de nouveaux anglicismes fumeux, pour donner l'impression d'une innovation conceptuelle et d'une émulation permanentes - ou peut-être pour s'assurer que personne ne puisse nous comprendre. Il faut croire que rien n'a changé, depuis l'aube de l'humanité. Toute tribu, pour se forger un sentiment d'appartenance, doit inventer son propre langage
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L’argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il améliore votre reflet, l’image que le regard des autres vous renvoie. Les choses font écrans devant vous. Vous leur déléguez la tâche ardue de raconter qui vous êtes. Même dans le miroir, à force, vous ne voyez plus qu’elles.
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au début de la mission, Jules avait besoin que l'un des deux coopère: soit Fred, soit Maurice.
Alors il les a mis en compétition. Ils auraient eu intérêt à rester solidaires et laisser Jules se débrouiller seul il se serait retrouvé coincé.
Mais Fred a dû soupçonner que Maurice le lâcherait tôt ou tard, alors il est allé se coucher en premier.
Résultat Fred est libre et Maurice prend cher.
Je reconnais bien les tactiques décrites dans les carnets de mon père. Mettre ceux qui pourraient vous faire en concurrence, les couper de leurs alliés. Les pousser à s'isoler, s'ostraciser puis disparaitre, en silence.
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Même en cours de stratégie, on apprend qu'il est plus simple de réussir par l'imitation que par l'innovation. Les grands vainqueurs de la mondialisation, par exemple, ont simplement été les plus rapides à répliquer sur d'autres continents ce qui fonctionnait déjà en Occident. A l'identique, notre collègue s'échine à devenir une copie conforme de son modèle, bien au-delà du dress code et de l'uniformisation du langage, éradiquant de son comportement tout ce qui pourrait l'en distinguer. Il entend ainsi récolter une portion de sa valeur, par ruissellement, sans avoir à passer par l'étape fastidieuse de devenir quelqu'un par lui-même.
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Quelquefois, les paupières closes, je tente de ressusciter le garçon d’avant, sa naïveté, son insouciance, mais il ne répond plus. C’est rassurant – ses accès de candeur ne me trahiront plus – et terrifiant à la fois.
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