Qu'arrive-t-il aux femmes, quand elles entrent dans la quarantaine ? Sujette a une sorte de processus de concentration de leurs qualités, elles deviennent plus intenses, plus intelligentes, plus sereines, plus séduisantes que vingts ans auparavant. C'est ainsi qu'il a vu sa femme ce soir, et il a éprouvé une grande fierté. L'orgueil de la savoir sienne !
"Dans les objets vivent des histoires et des voix qui les racontent, avait énoncé Sara des années auparavant. Parfois quand je touche la chocolatière de porcelaine blanche, il me semble que je les écouter." " Elles sont nombreuses, ces voix ?" avait demandé Max. "Assez, oui, c'est un objet tres ancien, tu le vois bien, passé entre de nombreuses mains." Toujours guidé par son intérêt pour la science, il avait approfondi la question : "Ce que tu dis reviendrait à admettre que tous les objets abritent des fantômes, comme les demeures des films d'horreur." Elle avait hoché la tête négativement : "Pas les demeures, Max. Les gens croient aux maisons hantées, mais les esprits préfèrent vivre dans des petits objets presque insignifiants." "Pour ne pas avoir à faire le ménage, probablement !" avait ajouté Max, amusé par les fadaises de son épouse.
Seul celui qui pense par lui même se trompe parfois.
"Sa mère ne répond pas. Elle n'a aucune réaction. Elle s'avance vers le lit, s'assied sur le couvre-lit et continue à regarder les photos, l'air égaré. Bel s'assied auprès d'elle. Elle s'approche à la frôler et lui murmure à l'oreille: "Merci, maman. Je t'aime, tu sais". Sa mère ne répond pas. Elle reste parfaitement immobile".
- Comment ça va ? demande Amanda.
- Ben... Pas très bien. Tu comprends que ce sont des moments très difficiles, les pires de notre vie.
Un silence gênant s'installe entre eux. Tout à coup, Carlos demande à son tour :
- Et toi ?
-Elle me manque tellement.
Amanda éclate en sanglots, comme si les paroles qu'elle vient de prononcerla libéraient d'un poids énorme. Bel aimerait pouvoir pleurer. Elle aimerait prendre son amie dans ses bras, la consoler, lui parler, lui dire qu'elle est là, près d'elle, comme toujours.
Carlos est mal à l'aise. Si Blanca étaitavec lui, il saurait comment réagir ; mais il ne sait que faire devant quelqu'un qui fond en larmes. Il réussit à balbutier :
- C'est normal.
Bel a la gorge serrée. C'est la scène la plus triste qu'elle ait jamais contemplée.
Je porte ça tout le temps, fait Amanda en lui montrant le pendentif en argent en forme de coeur autour de son cou. C'était à Bel. Elle l'avait acheté à Paris, tu te rapelles ? Carlos fait signe que oui. Elle me l'avait prêté.
Amanda ne peut continuer, la voix coupée par les sanglots. Carlos ne sait pas quoi faire. Il essaye d'imaginer ce que dirait Blanca, mais reste muet.
Amanda finit par se calmer, sort un mouchoir en papier d'une poche de son pantalon et se mouche.
- Je suis désolée, dit-elle. Je n'aurais pas dû venir. Pardonne-moi. Je voulais juste voir comment vous alliez.
Naître, mourir ... et chercher quelque chose pour passer le temps en attendant.
Elle affiche une incontestable élégance malgré la simplicité de sa mise : blue-jean, chemisier jaune, bottines, veste noire en cuir. Son teint pâle contraste avec ses cheveux bruns mi-longs, un peu en désordre. Ses lèvres sont fines, ses yeux légèrement bridés, son nez rectiligne et ses pommettes saillantes. Ses traits ressortent sans artifice de maquillage. Ce n’est pas une beauté, mais elle a l’air sympathique, attachante, et affiche un optimisme naturel qui lui donne un certain charme. Bien que ce qu’elle voie ne l’incite guère à en faire étalage.
Aimer ton père, ça veut dire apprendre à ne pas avoir besoin de lui.
Les portes étaient ouvertes et il n’y avait rien à cacher. La maison était comme une grande tombe vide. Seuls l’ancien patio, devenu une pièce fermée, et la mansarde, gardaient un souffle de vie.
Les riches, les vrais, ne perdent presque jamais rien. Une seule chose, peut-être, leur arrogance, parce que avec tous ces anarchistes qui courent les rues, il faut dissimuler.