Les mots me manquent. Depuis plusieurs jours, plusieurs heures je repousse le moment d’écrire cette critique. Non par indifférence, bien au contraire, Caroline Valentiny a su me toucher comme peu d’auteur ou autrice jusque-là. Son oeuvre, son écriture m’ont bouleversée. Tout en simplicité mais avec une force d’écriture impressionnante elle nous parle d’une expérience universelle, celle que tout un chacun vivra au cours de sa vie, celle qui inévitablement crée un avant/après. Celle qui crée en nous son lot de questionnements auxquels nous ne saurions répondre avec certitude. Que deviennent ceux qui nous ont quitté et qu’en est-il de ceux qui restent ? Comment surmonte-t-on ce genre d’épreuves ? S’en relève-t-on vraiment un jour ? Et comment peut-on s’autoriser à vivre quand ceux que nous avons aimé n’ont plus cette possibilité ?
« Madeleine était envahie par le déroulement sans fin des saisons, par l’éternel retour du même sans lui. Les cycles n’emmenaient plus vers l’avenir, ils tournaient en rond dans un ciel sans lune. »
Caroline Valentiny souligne avec douceur l’apparition, souvent inévitable, d’une frontière entre ceux qui restent suite à une tragédie. Au fil d’une écriture poétique, elle dresse un portrait réaliste dépourvu de noirceur, invitant le lecteur à accompagner les personnages dans leurs introspections respectives, leurs tentatives de se fondre dans le monde malgré tout, leurs secrets et leurs échappées imaginaires.
« On débute en silence, sur terre, derrière le rideau des coulisses maternelle ; on termine en silence, sous des rideaux de terre, l’âme évanouie, distraite. s’il avait eu le choix, il aurait préféré être laissé sur une petite plage cachée et tranquille, où il n’aurait pas été dérangé, où sa chair aurait pu s’effacer lentement à l’air, au milieu des marées, des vents salés et des oiseaux. »
Alexis, ni endormi ni réveillé, sans aucun appui dans ce » monde de l’expérience palpable » ne peut que réfléchir, réfléchir à sa vie d’avant, à ce qui l’a amené où il est, à ce qu’il est à l’instant T, à ce qu’il va devenir. Il ne peut que penser à ses proches, à ce qu’ils doivent ressentir et devraient faire maintenant qu’il n’est plus. Maintenant qu’il est bloqué dans cette sorte d’horizon sans fin.
Quant aux réflexions de Madeleine, tantôt dans le brouillard, « seule vivante dans un monde de carton-pâte », tantôt prisonnière de cette envie de vivre, tantôt prise d’une envie de partir, partir à la recherche de son fils et de la vie qu’il a eu sans elle. Consciente qu’elle ne trouvera dans le fond de réelle réponse nulle part mais incapable de reprendre le cours de sa vie, ses sensations m’ont tiré des larmes. Quand la légèreté et la spontanéité de Noémie, sans tourments ni reproches face à la dureté de la vie me tirait des sourires et que l’attitude de Pierre le pragmatique ne faisait guère illusion à mes yeux. La faible voix de Juliette, elle qui était l’amie d’enfance d’Alexis, son amoureuse, la seule qui représentait dans ce spectre de l’entourage du disparu la vie extérieure au cercle familiale, Juliette la mise de côté de cette histoire m’a quant à elle attristé.
Dans cette contemplation des états d’esprit et sensations, au rythme lent de l’acceptation de la disparition une question demeure qu’est-ce que représente le bleu ici ? Tout au long de ma lecture je me suis demandée pourquoi choisir Il fait bleu sous les tombes. J’ai sondé la présence du bleu dans l’oeuvre, cherché s’il y avait une récurrence chez certains personnages, sondé les états d’esprit pour voir s’il revenait à des moments spécifiques et malgré tout je ne suis toujours pas sûre de bien comprendre. Pourquoi le bleu ? Est-il lié au ciel et à la mer qui ouvre les horizons, au rêve et à la sérénité ? Est-il à prendre dans son aspect symbolique ? Si tel est bien le cas, il devient alors juste de voir dans ce roman une volonté d’énoncer une vérité enveloppé d’une étrange quiétude.
« Il voulait que le bleu l’emporte mais le bleu se traînait. »
En bref, Il fait bleu sous les tombes effleure le bouleversement de nos vies quand la mort vient en perturber le cours. Il ne vous apportera de réponses mais vous aidera peut-être à accepte vos émotions et à être plus sensible à celles des autres. Ici, pas d’ouvrage cocooning pour passer l’hiver, simplement un très beau roman contemplatif à découvrir.
Je vous laisse sur une dernière citation et espère avoir vos avis sur cette lecture qui aura été ma première de 2020.
Amicalement vôtre,
« Il n’y a jamais de bonnes raisons pour s’excuser d’être là où on . Tenez vous droit. »
Lien :
https://luniversdepoupette.w..