Carys Davies discusses and reads from her latest novel, The Mission House, which was selected to our 2020-21 Bookcase.
Il sentait de nouveau le poids étourdissant du vaste mystère de la terre, de tout ce qu'il y avait sur elle et au-delà.
Une chose vous semblait essentielle jusqu'à ce qu'une autre apparaisse, plus importante.
Il se terra sous son abri pendant une semaine entière, sans bouger. Tout était gelé, et quand il n'eut plus de bois pour le feu, il brûla le reste du poisson car la faim lui semblait préférable au froid.
John Cyrus Bellman était un homme de trente-cinq ans aux cheveux roux, grand et large d’épaules, avec de grosses mains, de longs pieds et une épaisse barbe d’un brun tirant sur le roux. Il gagnait sa vie en élevant des mules.
Il avait reçu une certaine éducation.
Il savait écrire, même si son orthographe était déplorable. Il lisait lentement mais plutôt bien, et il avait appris à Bess.
Il connaissait un peu les étoiles, ce qui pourrait lui être utile à un moment ou un autre, lorsqu’il s’agirait de se repérer dans le monde. Et au cas où ce savoir se révélerait trop maigre ou déficient, il avait récemment fait l’acquisition d’une boussole de petite taille mais, du moins l’espérait-il, fiable, qu’il avait montrée à Bess avant de partir – un instrument lisse, de la taille d’une prune, dans un boitier d’ébène polis, qui le moment venu, avait-il promis à sa fille, lui indiquerait, de son aiguille bleue tremblante, la direction de la maison.
D'aussi loin qu'elle s'en souvienne, elle s'est toujours posé plein de questions sur sa mère, et de plus en plus souvent elle pense à ce que racontent le pasteur et sa tante Julie, en espérant que c'est la vérité : que sa mère vit à présent dans un autre royaume. Un royaume avec une porte étroite et de belles maisons, des fontaines d'eau vive, un royaume ou il n'y a plus ni chaleur accablante ni nuit. Elle a demandé à son père, un jour, si ce que racontent le pasteur et sa tante Julie était vrai, et si sa mère vivait vraiment dans un autre royaume, et il a répondu : " Oh, Bess, je ne sais pas", mais il avait le regard un peu vide et cela faisait bien longtemps qu'il n'était plus allé à l'église avec elles, et Bess était à peu près certaine qu'en fait, sa réponse voulait dire que non.
- Regarde bien la silhouette de ton père qui s'en va, Bess, regarde-la tant que tu peux, lança sa tante Julie depuis le porche, d'une voix forte, comme une proclamation. Regarde-la bien, Bess, cette personne, mon imbécile de frère John Cyrus Bellman, car jamais tes yeux ne se poseront sur un plus grand idiot que celui-là. A partir d'aujourd'hui, je le compte parmi les fous et les égarés. Ne t'attends pas à le revoir, et n'agite pas la main, ça ne ferait que l'encourager et lui donner à croire qu'il mérite ta bénédiction. Rentre dans la maison, ma fille, ferme la porte, et oublie-le.
Bess resta plantée dehors pendant un long moment à regarder son père s'éloigner à cheval, ignorant les paroles de sa tante Julie.
A ses yeux, il n'avait pas du tout l'air d'un idiot.
A ses yeux, il avait l'air majestueux, déterminé et courageux. A ses yeux, il avait l'air d'un homme investi d'une mission qui le différenciait du commun des mortels.
"Tu vas partir combien de temps alors ? Un mois ? Plus d'un mois ?".
Bellman secoua la tête et lui prit la main. "Oh, Bess, oui, plus d'un mois. Au moins un an. Deux, peut-être ".
Bess hocha la tête. Ses yeux la piquaient. C'était beaucoup plus de temps qu'elle ne l'avait imaginé, beaucoup plus de temps qu'elle ne l'avait espéré.
"Dans deux ans, j'aurais douze ans.
-"Douze ans, oui". Il la souleva de terre, l'embrassa sur le front et lui fit ses adieux, et la seconde d'après il était assis sur son cheval, avec son manteau de laine marron et son haut chapeau noir, déjà il s'éloignait sur le sentier pierreux qui partait de la maison en direction de l'ouest.
A ses yeux, il avait l'air majestueux, déterminé et courageux. A ses yeux, il avait l'air d'un homme investi d'une mission qui le différenciait du commun des mortels.
Il commençait à se dire qu'il avait peut-être brisé sa vie en se lançant dans ce périple, qu'il aurait dû rester chez lui avec le petit et le familier, plutôt que de s'aventurer ici dans le grand et l'inconnu.
Bellman aimait leurs soirs après de longues journées de voyage -- le contentement paisible, quasi domestique, leurs affaires rangées pour la nuit, les assiettes raclées et rincées dans l'eau du fleuve, la chaleur du feu de camp dont les flammes projetaient des ombres douces sur le campement.