Cédric Sire

La beauté d'un simple paysage champêtre suffisait à apaiser les pires mélancolies.

Elle ôta son masque et Falconnier put découvrir la totalité de ses traits ronds et purs, à la beauté presque naïve. Des taches de rousseur déposaient comme une poudre d'étoiles sur ses pommettes et le dessus de son nez droit.

Son unique expérience en matière de salon littéraire se limitait à un poste de chauffeur, trois ans auparavant. Elle avait été assignée à un auteur de romans policiers du nom d'Olivier Norek, qui venait de se voir décerner un prix littéraire, et qui semblait connaître un succès fou auprès du public féminin. Il ne lui avait demandé qu'une chose : l'emmener faire la tournée des boîtes de nuit, en compagnie de plusieurs de ses collègues. Elle se souvenait de la consommation excessive d'alcool de cette joyeuse bande et de la bonne humeur permanente.

Vous savez les tragédies, ce sont comme des dominos. Quand elles commencent à tomber, elles s'enchaînent. Il y a une logique que nous ne voyons pas tout de suite, mais tout est lié. Chaque acte que nous faisons renverse une nouvelle pièce.

Aussi loin qu'elle puisse se remémorer, elle avait toujours craint le jugement des autres, tout autant qu'elle avait redouté leur abandon. A l'adolescence, on l'avait diagnostiqué dyslexique. Anxiété de performance. La moindre mémorisation lui demandait de tels efforts qu'elle lui semblait relever du miracle. Elle serait bien incapable de l'avouer à ses collègues aujourd'hui, mais c'était la véritable raison de ses manies. Tout noter, classer, archiver était pour elle la seule façon de s'approprier le monde dans lequel elle évoluait.

Rorschach a joué le rôle de jardinier pour nous permettre de nous épanouir, de faire fleurir ce côté sanguinaire.

"Elle se nomme vindicte; elle n'est pas neutre, et nous vous permet pas de rester neutre. Qui l'aperçoit frissonne du plus mystérieux des frissons." - Victor Hugo, Les Misérables

Des silhouettes.
Approchant sans le moindre bruit.
Il ne sait pas combien elles sont, il a du mal à les discerner au travers de l'obscurité et du voile de sang qui suinte sur ses yeux. Il songe aux Djinns des légendes, car c'est précisément ce à quoi ces apparitions ressemblent. Des démons avançant avec le vent du désert, masqués par les tourbillons de poussière. Il les devine en train de courir, mais leur course évoque le glissement d'une seule entité, volatile, inexorable. Ils inspectent les corps éparpillés, posent leurs mains sur les visages inertes, s'assurant que l'enfer a accepté son dû, et enfin dirigent leurs viseurs laser droit sur lui.

Une tuerie ce livre (sans mauvais jeu de mots).Ue fois qu’on commence,on ne peut plus s´arreter.

Au fil des années, Marie Drevoski s’est préparée à beaucoup de choses. Aux démons couverts de sang finissant par remonter des abysses du passé, peut-être. Aux conséquences de ses actes, lui revenant en pleine face, le jour du jugement.
Mais pas à l’appel affolé de Jessie Reveirol qu’elle reçoit à cet instant, alors qu’elle est en train de finir son thé, installée devant son ordinateur, sur sa terrasse ensoleillée.

A la radio, Depeche Mode succède à Death In Vegas. Puis David Bowie rappelle que tout le monde peut être un héros. Un jour.
Quelle bêtise.
Il n’y a pas de héros. Jamais.
Seulement des perdants.
Et d’autres moins chanceux encore.

Le sourire de l’homme s’est agrandi.
Quand il ouvre les yeux, ses pupilles sont dilatées démesurément. Ses orbites sont deux abysses de noirceur.
Avides.
(...)

L'odeur du sang s'élève en longs miasmes pervers. Elle semble serpenter dans la pièce, s'approcher de lui et se glisser dans ses sinus, lui donnant envie de vomir. L'odeur de la mort le cherche. Elle le suit, où qu'il aille, il le sait maintenant.

Au fond d'elle montait une peur insidieuse. Un pressentiment funeste.

Tu as ce regard-là. Celui que tu as quand tu fais ces rêves.

(...)
Bon, c’était pas gagné parce que j’aimais rester enfermé dans ma chambre avec des romans de fantasy, et mon père trouvait cela suspect, il me disait qu’à dix ans ce n’était pas normal d’être asocial comme ça, que j’allais mal finir si je restais tout seul à lire des livres.
Il n’aimait pas non plus que je fréquente Christian, vous vous en doutez bien. Un enfant aux cheveux longs qui passe son temps à sourire bêtement, c’est malsain.

[Cross-road]

Il lança un regard circulaire pour se familiariser avec la scène de crime.
Le canal s'étirait, longue bande d'eau immobile, sous l'ombrage vert des hauts platanes. L'horreur était cachée dans un écrin idyllique. Mais, si aucun chemin ne menait jusqu'à cette plage insoupçonnable, il était probable que maintes embarcations soient passées ici au cours de l'été, et s'y soient arrêtées. Vauvert se demanda combien de personnes avaient fait halte ici, pour se reposer, déjeuner ou faire l'amour en plein air et à l'abri des regards, sans se douter un seul instant qu'à un mètre sous leurs pieds se trouvaient deux cadavres en décomposition.

Le moment où tu baisses ta garde, c'est le moment où tu te fais avoir.

Ils n'étaient que des ombres, du vent.
Comment se défendre, face à du vent ?

(...)
- Parce que nous sommes les légions d'Hadès. Rien ne nous échappe jamais. Et personne ne peut rien contre nous.