N’est-il pas paradoxal d’affirmer que les organes sexuels ne définissent pas le genre et, a contrario, de vouloir les rendre adéquats au genre choisi, souscrivant ainsi à l’idée d’une représentation anatomique du genre ?
Alors que le coming out transgenre est devenu un événement médiatique fascinant et spectaculaire - une « anthropo-scène » - qui attire, comme la foire en son temps, une foule de jeunes âmes en quête de sens, l’enfant-transgenre serait-il, comme le dit la philosophe Isabelle de Mecquenem, « une chimère dans le laboratoire démocratique » de la « société des individus » ? S’autodéterminer devient un slogan. Relevons que ce vocable était plutôt employé à propos des peuples : le droit à l’autodétermination a constitué une avancée considérable en termes de liberté politique et a inspiré les mouvements de décolonisation. C’est significatif d’un glissement anthropologique, comme si aujourd’hui, les individus se prenaient pour des Etats.
S’il n’y a plus de corps, plus de sexe, plus de femmes, plus d’enfants, que reste-t-il de l’humain ? Rester humain, c’est se soumettre aux interdits fondamentaux et accepter de renoncer à sa toute-puissance en intériorisant des limites.
En quoi la croyance d'un homme qu'il est une femme emprisonnée dans un corps d'homme diffère-t-elle des sentiments d'une patience atteinte d'anorexie qui se voit obèse ? Pourtant, on ne traite pas le trouble de cette patiente par une liposuccion. Alors pourquoi amputer les patients souffrants de dysphorie de genre de leurs organes génitaux ? (p. 36)
Alain Finkielkraut écrivit de façon prémonitoire en 1990 : "Mais si l'enfant est déjà un homme, comment le soustraire aux pressions que les hommes exercent sur lui ? Le traiter à égalité avec l’adulte, affirmer qu'il est responsable de ses actes, qu'il faut le croire sur parole et prendre ses adhésions pour argent comptant, ce n'est pas le respecter ou le défendre, c'est garantir l'impunité à ceux qui le manipulent (...). Voir en lui une personne achevée et non une personne en devenir, c'est sous l'apparence du libéralisme le plus généreux, lui dénier férocement la légèreté, l'insouciance, l'irresponsabilité qui sont ses prérogatives fondamentales pour l'exposer, alors qu'il est sans défense, à tous les conditionnements et à toutes les convoitises" (p. 69)
Comme disait Freud en paraphrasant Napoléon, « l’anatomie, c’est le destin ». Autrement dit, il y a toujours un sexe que nous n’avons pas. Freud a inventé le complexe de castration pour les deux sexes. Toutefois, il a bien montré que l’inconscient peut refuser ce réel anatomique. Le puissant désir de s’affranchir du réel trouve dans la vie amoureuse bien des possibilités. Sur ce plan-là, tous les scénarii sont possibles, c’est ce qu’on nomme les fantasmes. Ils nous constituent mais butent sur ce réel qui nous contraint toujours.
Le transgenrisme n'est qu'un symptôme d'une conjoncture politique marquée par des dérives identitaires et caractérisée par une crise profonde de la rationalité.
Le visage est une carte de mémoire, une surface d'inscription des évènements qui lui arrivent et qui le marquent : il est une surface sensible de contact-peau entre le dehors et le dedans. Le visage nu, exposé et porte le silence et la force de l'individu : exposition et déposition des traces du vivant, il est une écriture du singulier.
Les histoires ont pour fonction de garder le temps, de le retenir. Elles sont la mémoire des évènements, leur étui mais à mesure qu'elles sont narrées, c'est-à-dire qu'elles passent de bouche en bouche, elle se modifient et prennent des accents différents.
Nostalgie, ce retour vers le lieu étranger, le lieu de l'ailleurs d'où l'on n'est pas revenu et pourtant que l'on a quand même quitté.