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Citations de Charles Robert Maturin (78)


J'avais lu des romans français et tous leurs inimaginables alambiquages. Madame de Sévigné dit elle-même qu'elle se serait fatiguée de sa fille pendant un long voyage en tête-à-tête avec elle. Mais renfermez deux amants dans un cachot sans nourriture, sans lumière et sans espoir et je veux être damné (je le suis probablement déjà) s'ils ne se fatiguent l'un de l'autre en moins de douze heures.
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Là se trouvaient les critiques ; ils dînaient à midi, dictaient leurs articles dans un café jusqu'à quatre heures, puis faisaient cirer leurs chaussures et se rendaient au théâtre où ils attendaient, dans un silence menaçant, le lever du rideau et leur pâture du soir. On y voyait aussi les étudiants en droit pimpants, impertinents et loquaces ; et, ici et là, caché sous les plis de son large manteau puritain, un grave citoyen glissait, vers une femme masquée et encapuchonnée, un regard mi-suppliant mi-polisson, laissant entendre ce qui l'avait attiré en ces lieux. Il y avait des femmes aussi, portant toutes des masques afin de se dissimuler à la vue des jeunes « effervescents » dont elles étaient en quête, ce qui n'empêchait pas les marchandes d'oranges de les reconnaître malgré tout et de les saluer à grands cris dès leur entrée.
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Le tisserand ne put se contenir davantage :
— Pendant combien de temps, Seigneur, s'exclama-t-il, pendant combien de temps tes ennemis insulteront-ils ton sanctuaire et moi, ton prédicateur consacré, ici même dans cette prison où j'ai été placé pour parler aux âmes ?Ouvre les vannes de ton pouvoir et au milieu des vagues et des tempêtes qui me submergent laisse-moi rendre témoignage comme celui qui, à la dérive, peut encore lever un bras pour prévenir son compagnon qu'il va couler.
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Un temps viendra où, par ennui, [...] vous guetterez le délire de votre voisin, comme vous feriez d'une représentation théâtrale. Tout sentiment d'humanité sera éteint en vous ; les fureurs de ces misérables seront à la fois pour vous une torture et un divertissement.
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Je faisais seul de longues promenades dans le jardin du couvent. J'inventais des conversations imaginaires. Les pensionnaires me regardaient et, conformément à leurs instructions, ils se disaient entre eux : « Il médite sur sa vocation. Il supplie que la grâce vienne l'illuminer. Ne le troublons pas ».
Je ne jugeai pas convenable de les détromper mais je méditais avec une horreur accrue sur un système qui poussait aussi précocement à l'hypocrisie et faisait si tôt éclore, parmi la jeunesse conventuelle, l'un des derniers vices de la vie.

Bientôt cependant j'oubliai ces réflexions pour me livrer à mes rêveries. [...] j'éprouvais à ces rêveries le plus exquis plaisir que la pensée de décevoir mes compagnons pendant ce temps-là n'était sans doute pas faite pour diminuer. Car la dissimulation nous enseigne toujours la dissimulation, et la seule question est de savoir si nous serons les maîtres ou les victimes de cet art. Question à laquelle l'amour de soi a tôt fait de répondre.
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J'étais amateur de musique ; je chantais souvent involontairement pendant l'office ; ma voix était belle, et ma profonde mélancolie lui donnait une expression peu ordinaire : ils en profitèrent pour m'assurer que mes chants étaient comme inspirés.
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Je ne m'aperçus pas que l'on me traitait comme un homme dont la raison était aliénée, et pourtant ces expressions que je répétais si follement pouvaient bien justifier un pareil soupçon.
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Le directeur venait souvent me voir et ces misérables hypocrites l'accompagnaient à ma cellule. Par manque d'autre occupation ils me trouvaient généralement en train d'arranger mes fleurs ou de regarder les estampes et disaient :
— Vous voyez, il est aussi heureux qu'il le désire, il ne manque de rien ; il est très occupé à contempler ces roses.
— Non, je ne suis pas occupé, répliquai-je. C'est d'occupation que j'ai besoin.
Alors ils haussaient les épaules, échangeaient avec le directeur des regards mystérieux et je me sentais soulagé lorsqu'ils me quittaient, sans réfléchir aux méchancetés dont leur absence me menaçait.
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Un être humain nu et couvert de sang passa comme un éclair près de moi en poussant des cris de rage et de douleur ; quatre moines portant des lumières le poursuivaient. J'avais fermé la porte au bout de la galerie et je savais qu'ils devaient revenir sur leurs pas et passer près de moi. Toujours agenouillé, je tremblais de la tête aux pieds. La victime atteignit la porte, la trouva close et s'arrêta hors d'haleine. Je me retournai et vis une scène digne de Murillo. Jamais forme humaine ne fut plus parfaite que celle de cet infortuné jeune homme. Il se tenait là, dans une attitude de désespoir, ruisselant de sang. Les moines avec leurs lumières, leurs fouets et leurs robes sombres ressemblaient à un groupe de démons faisant leur proie d'un ange errant — on eût dit les furies infernales poursuivant un Oreste fou. Et vraiment aucun sculpteur de l'Antiquité ne dessina jamais forme plus parfaitement exquise que celle de cet infortuné si sauvagement mutilé par les moines. Ce spectacle d'horreur et de cruauté éveilla en un instant mon esprit du long engourdissement dans lequel il s'était affaibli. Je me précipitai au secours de la victime ; je luttai avec les moines en proférant certaines paroles dont j'étais à peine conscient mais dont ils se souvinrent et qu'ils exagérèrent avec toute la précision de la méchanceté.
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— Et c'est cela, alors, la vie monastique ?
— C'est cela ; à deux exceptions près : pour ceux qui, par l'imagination, peuvent renouveler chaque jour l'espoir de s'échapper et chérissent cet espoir jusqu'à leur lit de mort ; pour ceux qui, comme moi, diminuent leur misère en la divisant et, semblables à l'araignée, se soulagent du poison dont ils sont gonflés en en instillant une goutte à chaque insecte qui, comme vous, peine et agonise dans leur toile.
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Une nuit, je me réveillai et je crus voir ma cellule en feu, je frémis en me voyant entouré de démons vêtus de flammes, et qui les vomissaient de toutes parts autour de moi. Je sautai à bas de mon lit et je courus à la muraille que je trouvai froide. Je ne doutai pas que l'on m'eût barbouillé sur les murs de ma cellule des figures hideuses ou phosphore, afin de m'effrayer. En effet, je les vis disparaître par degrés aux approches du jour. Je résolus alors de voir, à quelque prix que ce fût, le supérieur dans la journée.
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Il parlait ensuite des superbes fêtes données par Louis XIV et décrivait avec une précision qui m'émerveillait le magnifique char sur lequel le monarque personnifiait le dieu du jour tandis que, figurant la racaille de l'Olympe, le suivaient tous les souteneurs et prostituées titrés de la cour.
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Dans cette vaste masse dont les moindres parties paraissaient être en mouvement, il n'y avait qu'une seule impulsion forte et énergique : celle qui poussait une portion de la foule directement vers l'endroit où la victime, bien qu'enveloppée et défendue par tout ce que la puissance spirituelle et temporelle a de plus respectable, la croix et l'épée, se tenait tremblante jusqu'au fond de l'âme. Le grand inquisiteur vit trop tard la faute qu'il avait faite ; il appela les militaires et leur dit de disperser à tout prix la foule. Ils s'efforcèrent d'obéir ; mais déjà ils étaient eux-mêmes mêlés au peuple. Il n'y avait plus aucune apparence d'ordre et, d'ailleurs, les soldats avaient paru dès le premier moment peu disposés à ce service. Ils essayèrent de charger mais, au milieu du peuple qui s'attachait à leurs chevaux, ils ne purent pas même se ranger en bataille, et la première grêle de pierres les mit dans un désordre complet.
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Il me dit donc que, quoique le bruit de ma mort si généralement répandu dans Madrid l’ait tranquillisé dans le moment, une nouvelle rumeur s'était élevée depuis la veille qui, malgré sa fausseté et son impossibilité, pouvait avoir pour nous les suites les plus funestes. Il me demanda si j'avais été assez imprudent pour m'exposer à la vue du public le jour de l'horrible exécution : quand j'eus avoué que je m'étais tenu à une fenêtre et que j'avais involontairement poussé des cris qui pouvaient être parvenus à l'oreille de quelques personnes, il se tordit les mains, et des gouttes de sueur perlèrent à son front pâle. Quand il se fut remis, il me dit que tout le monde croyait que mon spectre avait apparu dans cette horrible occasion ; que j'avais été vu planant dans les airs afin d'être témoin des souffrances du misérable, tandis que ma voix l'appelait au sort qui lui était réservé dans l'éternité.
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— Non, tentateur, garde tes infernales potions pour la bouche lépreuse de tes lutins ou pour toi-même.
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Ils eurent quelque peine à se frayer un chemin à travers les taillis de fleurs qui couvraient spontanément la terre inculte, non sans crainte de voir un tigre s'élancer sur eux à chaque pas. Ils se rassurèrent cependant quand ils se furent rappelé que ces animaux se cachent d'ordinaire dans les grands marais de roseaux et n'ont pas pour retraite les lieux parfumés de fleurs.

Les crocodiles n'étaient pas non plus à craindre dans les ruisseaux étroits qu'ils pouvaient traverser sans mouiller leurs chevilles de leur eau limpide. Le tamarin, le cocotier, le palmier éparpillaient leurs fleurs, exhalaient leurs parfums et balançaient leurs rameaux sur la tête de la jeune femme tremblante et pieuse, à mesure qu'elle approchait des ruines de la pagode.

Ce temple avait été jadis un édifice massif et carré, construit au milieu des rochers qui, par un caprice de la nature assez ordinaire dans les mers des Indes, occupaient le centre de l'île et paraissaient être le résultat d'une éruption volcanique. Le tremblement de terre, qui avait renversé le temple, avait mêlé les rochers et les ruines [...].

D'un côté, l'on voyait des colonnes chargées de caractères hiéroglyphiques ; de l'autre, des pierres qui portaient les marques d'un pouvoir irrésistible. Mortels, disait ce pouvoir, vous tracez avec le ciseau, je n'écris qu'avec le feu.

Ici, les restes du monument offraient la représentation des serpents hideux sur lesquels Shiva avait été assise ; et là, la rose croissait entre les fentes des rochers, comme si la nature avait voulu envoyer la plus charmante de ses enfants pour prêcher aux humains sa douce théologie.

L'idole même était tombée, et ses fragments épars jonchaient le terrain.

On voyait cependant encore cette bouche horrible dans laquelle on avait autrefois jeté des cœurs palpitants, tandis que maintenant des paons superbes, étalant leur magnifique plumage, nourrissaient leurs petits au milieu des branches de tamarin qui ombrageaient ses fragments noircis.
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— Belle néophyte, charmante chrétienne, sachez que les verrous, les barreaux et les murailles ne m'embarrassent pas plus que les rochers et les brisants de votre île indienne. Je puis aller où je veux et me retirer à mon gré, sans demander la permission aux chiens de basse-cour de votre frère ou à ses pièges.
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Elle s'imaginait que les oiseaux chantaient pour elle comme ils le faisaient autrefois quand, écho vespéral à leurs notes mystérieuses, s'élevait de son cœur pur un hymne que la brise du soir portait jusqu'au ciel.
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