Charles Wright est un homme brillant. Après des études d’histoire, il travaille dans une vie trépidante pour un ministre, dont il écrit les discours. Homme actif, qui ne cache pas ses conquêtes féminines, il comprend que sa vie passée à courir n’a pas de sens, et commence une longue recherche de lui-même.
Il entre d’abord à l’abbaye de Lérins, où il reste un an, puis est admis au Noviciat des jésuites, rue de Sèvre à Paris.
Parmi la formation proposée aux jeunes jésuites, on lui propose de vivre le « mois mendiant » : un mois de marche sans argent, en compagnie d’un autre novice jésuite. Comme Charles est fasciné par Charles de Foucauld, qui a commencé sa vie de moine à la trappe de Notre-Dame-des-Neiges, il imagine un parcours qui traverse, globalement, le Massif Central, d’Angoulême jusqu’au monastère trappiste. Il a en poche les œuvres complètes d’Arthur Rimbaud, poète qu’il affectionne, et l’Imitation de Jésus-Christ, livre spirituel reconnu entre tous.
Charles est en quête d’absolu, de grandeur, de silence, de contact avec la nature, de calme, de paix… Il sera comblé par l’immensité des paysages qu’il va traverser.
Les deux novices, sans argent, sans avoir le droit de dire qu’ils sont jeunes religieux, « font la manche » de village en village, rencontrent des personnes qui leur donnent à manger, ou un toit, ou discutent avec eux. Charles a une grande facilité pour se lier d’amitié avec les gens, et comme manifestement il inspire confiance, plusieurs personnes se confient à lui. Beaucoup ont traversé des moments difficiles.
Le récit est fabuleux, le vocabulaire est riche, le style exceptionnel : il s’agit d’un récit de grande qualité. Preuve en est que l’on ne s’ennuie pas (en tout cas, je ne me suis pas ennuyé !) et que l’on a envie de parcourir le chemin que nos deux novices viennent de traverser.
On peut tout de même être un peu surpris par ce type de formation pour des apprentis religieux. Formation dans laquelle la prière est peu présente, l’eucharistie dominicale uniquement. On pourrait presque penser qu’il s’agit d’une formation pédagogique ou psychologique, mais pas d’une formation spirituelle. Pour comprendre ce que je veux dire, « on n’emmène pas des apprentis joueurs de foot faire du saut à la perche ». J’ai essayé d’en savoir plus sur ce « mois mendiant », mais je n’ai pas trouvé beaucoup d’informations à ce sujet.
Enfin, Charles Wright nous fait régulièrement part de son insatisfaction face à la vie contemporaine ; son désir de liberté lui fait refuser toute organisation quelle qu’elle soit.
« Un corps de religieux ? Comme le périple au Massif Central me l’a révélé, je suis bien trop sauvage pour m’incorporer à un groupe, être assigné à résidence, fixé dans un lieu ».
« Un ordre sacerdotal de l’Église ? La traversé des hautes terres m’a définitivement converti à la religion buissonnière. »
Oui, comme Charles Wright, nous sommes beaucoup à ressentir cet appel de la nature, cette joie profonde devant la Création. Mais Charles Wright n’a peut-être pas encore perçu que cet soif d’infini n’est comblée que par le don de soi.
Il est d’ailleurs assez curieux que dans la présentation vidéo du livre (ci-dessous) l’auteur parle de son appel de la nature, de la beauté des paysages... comme si son périple n’était qu’un simple parcours sportif pour fuir les grandes villes, alors que l’autre problématique fondamentale du livre est tout de même sa vocation jésuite.
Si la vie n’est pas donnée, elle est stérile, « si le grain de blé tombé en terre ne meurt, il ne donne pas de fruit ».
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