Citations de Charles Yu (75)
" certaines nuits, c'est tout le contraire. Il fait si sombre que chaque personne de l'univers se sent seule en même temps, même si elle serre quelqu'un dans ses bras ou que quelqu'un d'autre la serre dans les siens. Alors personne ne dort, parce que tout est trop calme, trop éparpillé. On reste allongé dans son lit à se sentir minable, à éprouver le poids de ce qui est et de ce qui n'est pas, et on garde le regard tourné vers le ciel, on regarde son petit coin, sa part d'étoffe noire et glacée qui engloutit toute lumière et toute chaleur"
Un peu comme si j'étais un bâton d'encens qui se consume progressivement et devient fumée, avant de devenir partie intégrante de la pièce. Et mes pensées, qui sont normalement entassées les unes contre les autres, comme comprimées par un bandage, insistantes, urgentes , impatientes, formés sur le moment, alors que je vis - je le vois bien maintenant -, dans un état d'urgence perpétuel (comme si j'étais resté figé, aussi incapable de fuir que de me battre, et que j'en étais arrivé à passer chaque matin, chaque après-midi et chaque soirée dans une forme de panique silencieuse et modérée, mais sans répit), ces pensées précipitées et épuisées s'évanouissent à présent, une par une, et apparaissent enfin pour ce qu'elles ont toujours été: la même pensée ressassée en boucle. Une fois leur véritable nature dévoilée, ces pensées insignifiantes, ces usurpatrices, ces non-pensées qui se faisaient passer pour des pensées, ces mèmes, ces virus, ces signaux déclenchés, ce bruit blanc produit par mon cerveau: ces pensées-là ne sont plus.
Tu essaies de ne pas tout gâcher. Elle ne te laisse pas tout gâcher. Tout va bien. Tout va bien jusqu' au moment où no rmalement ca arrête d'aller bien, mais vous allez jusque-là et ça continue à aller bien. p.208
Tout est dans le livre. Le livre est la clef.
La semaine de travail était une structure, une grille, une matrice qui le maintenait en place, un chemin dans le temps, la trajectoire la plus courte entre la naissance et la mort.
Tes parents, ils travaillent pour le plaisir d'étrangers, et se perdent dans leurs personnages. Il faut dire les mots, marcher jusqu'à la marque et se mettre sous le bon projo.
Depuis l'arrière-plan, tu regardes.
Le soir, ta mère enfile son costume.
Le soir, ton père étudie le kung-fu.
Ils pleurent. Ils meurent. Ils s'en sortent.
Tu portes un uniforme chemise blanche, pantallon noir, chaussures noires qui ont l'air d'être des chaussons et n'ont aucun maintien. Coupe de cheveux bien pourrie.
Tout est beau dans Noir et Blanc. C'est surtout une question d'éclairage. Les héros ont droit à un éclairage de héros, qui caresse leurs visages juste comme ill faut. Surtout le visage de Blanc d'ailleurs. Tu voudrais qu'un jour la lumière caresse ton visage de cette façon. Pour avoir l'air du héros. Voire pour être le héros, juste un instant.
Et même s'il était toujours capable de briser un parpaing avec trois doigts, ce n'était plus du tout comme avant, quand il était plus jeune et pouvait le faire avec un seul : l'unique coup surpuissant d'un seul doigt. N'importe lequel. Tu choisis. (26)
Et voilà, le mot : l'Asiat'. Même aujourd'hui que tu es l'incroyable guest-star, et ici dans ton propre quartier. Ce mot te définit, t'aplatit, te piege et t'enferme. Qui tu es. Tout ce que tu es. Ta caractéristique la plus saillante, qui efface toutes les autres, à côté de laquelle les autres n'existent pas. À la fois nécessaire et suffisant pour une définition complète de qui tu es : l'Asiat'.
Il te dit quelque chose que tu ne captes pas. Tu l'entends, tu comprends la plupart des mots, et pourtant - tu ne comprends pas. Le fossé est toujours là. Comme infranchissable, c'est comme si vous étiez séparés par un océan Pacifoque de langue et de culture, ou juste une simple phrase, d'un père à son fils, la distance est la même.
Le problème des Asiat', c'est qu'ils rendent les choses un peu trop réelles, ils compliquent la limpidité, la dualité, l'élégance classieuse de NOIR ET BLALC, le canevas qui a fait ses preuves, et c'est ainsi que le choix est fait, non pas dans une grande conspiration pour exclure les Asiatiques, mais parce que c'est vraiment plus simple de laisser les choses comme elles sont.
Si on regarde vers la porte, on trouve Malaise Man, Fatigator et Super Vomi, alias Maloventro. Ce sont tous des ratés, et je suis certain qu’ils pensent la même chose de moi.
1) Je ne suis pas un super-héros.
2) Il faut que j’aille travailler.
3) Si je ne devais pas aller au travail, alors je pourrais être un super-héros.
4) Si j’étais un super-héros, je ne serais pas obligé d’aller bosser.
Elle se tourne vers moi et je vois tout de suite que cette femme est le portrait craché de ma mère, mais que ce n'est pas vraiment ma mère. Elle est "La Femme Que Ma Mère Aurait Dû Être".
Tout au long du livre, il y a des trous et des blancs que je vais devoir remplir. Il y a des trous dans mon autobiographie. En voilà un.