Qu’ils s’aiment. Dans le secret et le silence. Et puis tout volerait en éclat, non seulement par la faute de l’Histoire mais à cause, aussi, de leurs vies à eux, ballottées par le maelström furieux qui séparait deux continents.
L’histoire m’a été dévoilée des années plus tard, peu après les obsèques de Mrs Takahashi, alors que je confiais à ses filles adultes, Doris et Mary, tout ce que j’avais découvert sur leur famille et sur la mienne : elles me rapportèrent à cette occasion la rencontre initiale – dont j’ignorais encore les circonstances -, à l’ombre des pêchers malades d’Homer Wilson, décrivant aussi les années qui l’avaient précédée, en remontant dans le passé jusqu’à la période japonaise. Cette première rencontre ne leur fut révélée que tardivement, car si l’on évoquait les années à Newcastle chez les Takahashi, on n’y prononçait jamais le nom des Wilson, pas après Tule Lake, Jerome, Oakland et San José. C’était une affaire du passé et une trahison, qu’il fallait effacer des mémoires.