AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Christophe Siébert (105)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Holocauste

Alors , cela ne m'arrive pas souvent , mais je dirais de ce livre , qu'il est plus pour adultes , à cause de l'usage occasionnel d'un langage de charretier très gouteux , mais surtout à cause d'images et de scènes assez « gores « et étonnantes , également ponctuelles . Mais malheureusement pour les personnages , ce sont sont des scènes tout à fait crédibles et réalistes .



J'insisterais aussi sur la structure narrative , le livre et ses courts chapitres suivent des dates et le temps s'écoule , et le texte présente ainsi , un aspect au fils des jours et des années . le roman suit des personnages qui ont différents types de liens entre-eux plus ou moins forts ou ténus .

La narration suit donc différents files narratifs qui sont fondus dans les mêmes chapitres et non-inscrits dans une alternance de chapitres . Ce fondu est légèrement pesant , un peu confus , mais en réalité il en résulte que le lecteur est complètement immergé dans ce monde , qui n'en finit pas de souffrir et qui s'effondre sans répit et par étapes brutales . le choix de cette structure narrative assez rare à mon humble avis est une sacrée trouvaille de l'auteur et il excelle véritablement dans la mise en oeuvre de ce procédé .



On est dans une catastrophe virale planétaire , avec une pandémie impitoyable , et je vous laisse découvrir les aventures des différents personnages .

C'est un bon roman , assez cru , sauvage avec un réel parfum de fin du monde , d'apocalypse qui fleure bon les riches heures du roman post-apocalyptique français ( la période post-guerre froide , fin des années 70 ) .



Le texte affiche par ailleurs une grande liberté de ton , mais il y a quand même un rien qui fait que ce roman présente quelques faiblesses , qui ne gâchent pas la lecture , mais qui amoindrissent tout de même un peu cette oeuvre qui reste néanmoins de qualité .

C'est plus sur l'arrière-plan que ces faiblesses se manifestent .



Cependant l'étude de la nature humaine en contexte de crise et l'idée que les statuts réels des gens , leur potentialités et celle des personnages , pour le pire et pour le meilleurs , transcendent la morale , les apparences et les statuts sociaux , se trouvent au coeur du texte .

Ces aspects en font un texte profond et intéressant qui pose de fait des questions profondes ancrées dans l'action et déployés aussi par les soliloques des personnages ou du narrateur , qui est dans ce texte assez effacé …

Commenter  J’apprécie          570
Chroniques de Mertvecgorod, tome 1 : Images..

ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE SIÉBERT



Antyryia : - Vous avez publié une courte biographie sur votre métier, de ses débuts hasardeux à une forme de consécration : Être publié par les éditions au Diable vauvert ( Neil Gaiman, Thomas Gunzig, Poppy Z. Brite, Pierre Bordage pour ne citer qu'eux ).

Intitulée Fabrication d'un écrivain, vous y évoquez vos galères et votre acharnement.

Considérez-vous qu'un auteur a achevé sa construction lorsqu'il peut enfin vivre de son art comme c'est le cas pour vous aujourd'hui ? J'associe plus volontiers le mot Écrivain à un auteur de talent ( "La littérature qui me plaît est celle qui provoque l'impact le plus mastoc possible dans les boyaux de la tête et du ventre", pour reprendre vos mots, correspond tant à mes goûts qu'à votre style unique ) plutôt qu'à un auteur qui vend des livres. Les deux ne sont pas incompatibles mais loin d'être synonymes.

Christophe Siébert : - Oui, ce petit fascicule a été édité par Au diable vauvert après qu'ils l'ont découvert sur Facebook – moi je l'avais surtout écrit pour frimer auprès de mes copains, sans penser qu'il deviendrait un objet littéraire ! J'avais un peu honte, au départ, je trouvais quand même ça un peu infatué, et puis à l'usage ce petit objet s'est avéré utile aux chroniqueurs voulant faire ma connaissance, et aux auteurs en galère qui avaient besoin d'un peu de réconfort. Donc je ne regrette finalement pas que ce truc soit sorti.

J'aime bien la définition que donne Stephen King de l'écrivain : un type qui paie ses factures grâce à ses phrases. Je suppose que le point de vue du lecteur et celui de l'auteur ne sont pas tout à fait identiques. Mon but est d'accomplir mon travail le plus librement possible, de produire les textes les plus aboutis que je peux, et les exploiter ensuite dans le but de bouffer et de dépenser mon pognon comme n'importe quel consommateur, sauf que mes goûts semblent plus bornés que ceux de la plupart de mes contemporains – je m'intéresse à peu de choses, dans le vaste univers de ce qu'on peut acheter. Mais, oui, vous avez raison : en tant que lecteur, je me fous bien que l'auteur roule en Rolls ou crève de faim, du moment qu'entre les mains j'ai un bon livre ! (Enfin, je préfére quand même que les écrivains que j'aime rencontrent le succès !)



A : Les éditions Au diable vauvert ont d'abord publié en 2019, sous forme de recueil, deux romans qui étaient jusqu'alors restés confidentiels. Métaphysique de la viande reprend en effet Paranoïa, le dernier roman publié de la collection TRASH, ainsi que l'ignoble Nuit noire.

Diffusés à une échelle plus importante, quel a été l'accueil réservé par un public pas forcément aussi averti ?

CS : J'ai été très surpris, globalement, par la diversité du lectorat que m'a apporté le Diable. J'aime beaucoup Nicolas Rey, par exemple, mais imaginer que des lecteurs puissent apprécier Nicolas Rey ET Siébert me paraissait légèrement absurde. Ils se sont chargés de me démontrer le contraire et j'en suis encore chamboulé et ravi, tout comme je suis ravi et étonné qu'un mec du calibre de François Bon, pour prendre un exemple récent et frappant, s'intéresse à mon dernier livre.

En fait, contrairement à mes a priori, les lecteurs disons plus mainstream que mes hooligans habituels sont très ouverts d'esprit et capables de s'intéresser à des trucs dont je pensais qu'ils les repousseraient. Je ne suis pas en train de prétendre qu'aimer mes bouquins constitue une preuve de bon goût, hein ! Mais que les lecteurs s'avèrent plus aventureux et gourmands qu'on ne le croit – et que les éditeurs seraient bien inspirés de publier davantage d'auteurs issus de l'underground, du fanzinat et des marges en général, avant que le Diable, qui signe cette année par exemple Jérôme Bertin et Marlène Tissot, issus des mêmes toundras que moi (ça fait quinze ans qu'on se connaît, qu'on se lit dans les mêmes fanzines, qu'on se croise dans les mêmes squats et qu'on s'aime), ne fasse main basse sur tout l'underground et rafle la mise. Réveillez-vous les mecs, Mazauric est dans la place, vous allez rien voir venir !



A : 2020 marque donc le début de la publication des Chroniques de Mertvecgorod (la cité des cadavres en russe), votre projet le plus ambitieux à ce jour. Trois titres à venir sont d'ores et déjà prévus. Vous expliquez sur le site internet réservé à ce cycle (mertvecgorod.home.blog) que, et je vous cite : « J'ai toujours désiré créer un monde qui serve de terrain de jeu à mes fictions, un bac à sable où m'enfermer jusqu'à la fin de mes jours en emportant tout ce qui me passionne ou me fascine et dont je veux parler en littérature : le crime, la corruption, la violence, l'horreur organique, le fantastique, les rapports de domination, la névrose, la paranoïa, les complots, les monstres, la religion, l'occulte, les fantasmes, l'amour, le cul, les délires technologiques et sécuritaires, la chute. »

Le présent ouvrage a pour originalité de se composer de vingt et une nouvelles qui pour la majorité pourraient être lues indépendamment. Toutes appartiennent à votre vaste terrain de jeux, dont les nouvelles de Porcherie donnaient déjà un aperçu. Mais l'originalité ici c'est qu'elles se déroulent toutes dans la capitale de la RIM ( République indépendante de Mertvecgorod ), que les personnages qu'on retrouve parfois d'un texte à l'autre s'y croisent, et qu'au fur et à mesure de notre lecture s'améliore notre vue d'ensemble. Chaque nouvelle est comme la petite pièce d'un gigantesque puzzle permettant de découvrir la ville, sa géographie, ses groupuscules terroristes, sa mythologie, sa technologie en un univers tentaculaire.

Pourquoi avoir fait ce choix de rédaction ?

CS : Je voulais proposer au lecteur un moyen d'entrer en douceur dans ce monde. Et il m'a semblé au lieu de le plonger directement dans le grand bain, qu'une découverte progressive de cet univers, à travers toutes sortes de voix et d'anecdotes, serait plus agréable. Ce livre – que pour ma part je considère davantage comme un roman à la construction volontairement éclatée que comme un recueil de nouvelles – est aussi une introduction aux différentes formes que vont prendre les prochains volumes du cycle, depuis la fiction pure jusqu'au faux documentaire, en passant par des trucs hybrides.

Pour moi, le plaisir du lecteur est essentiel (et je crois que plus on écrit des trucs noirs, violents, difficiles, lourds, etc., plus le plaisir du lecteur est une donnée cruciale à prendre en compte) et je ne voulais surtout pas le forcer à assimiler dans un même récit toutes sortes d'infos historiques, géographiques, sociales, tout le jetant dans les méandres d'une histoire complexe. D'où cette idée d'instantanés, qui offrent une sorte de visite guidée de la ville, véritable personnage principal livre.

Quant aux volumes suivants : le tome deux, qui est terminé et sortira en septembre 2021, prend la forme d'un faux documentaire constitué des notes de Timur Domachev (narrateur de deux chapitres dans le tome 1) et suicidé avant d'avoir pu terminer son enquête. Il y sera question, principalement, du féminicide qui endeuille Mertvecgorod depuis plus de vingt ans sans que la police ne s'en préoccupe plus que ça, et de toutes les ramifications, qu'entraîne pour Domachev cette enquête labyrinthique. Ce sera aussi l'occasion – pour ceux que ça intéresse, les autres pourront lire au premier degré sans problème – d'une réflexion sur la place du narrateur et l'oeuvre elle-même dans l'univers fictif, sur la fiabilité des informations donnée par le texte, d'un jeu sur le paratexte, etc.

Le tome trois, lui, sera consacré à Nicolaï le Svatoj, le Sit, Camille, l'attentat et La Faille. Je l'ai commencé voici quelques semaines, il avance tranquillement et cherche encore sa forme et sa langue définitives.



A : Également, pourquoi ce choix de ne pas présenter ces chroniques dans leur ordre chronologique, sachant qu'elles se déroulent entre 2020 et 2025 ?

CS : L'ensemble du cycle va se dérouler entre le milieu des années 70 et 2050. L'idée de présenter les chapitres dans un ordre non-chronologique correspond à une nécessité toute simple de tension dramatique. Après avoir mis en place mes fils narratifs, créé les liens entre les personnages et consolidé et renforcé les trames générales unissant tout ça (le personnage du Svatoj, l'attentat, la danse de mort, etc.), j'ai organisé tous les éléments du bouquin de manière à obtenir la narration la plus efficace possible. Je tenais par exemple à commencer avec ce journaliste français qui débarque à Mertvecgorod sans rien y connaître, tout comme le lecteur. Je tenais aussi à finir avec l'histoire de ces deux amoureux qui offrent une note d'espoir dans toute cette pourriture. Il s'agissait des deux pôles de mon histoire. Et entre les deux, chaque élément a trouvé sa place naturellement, chacun s'organisant par rapport aux autres afin que chaque chapitre et chaque anecdote donne sa pleine puissance et que le livre dans son ensemble obéisse à un principe de montée permanente mais aussi d'entonnoir, d'aspiration dans les ténèbres de la ville et ses secrets les plus étranges, jusqu'au relachement du dernier chapitre, qui permet aussi – j'espère – au lecteur de sortir en douceur du roman avant d'aller s'amuser à picorer dans les annexes.

D'autre part, en bouleversant l'ordre chronologique, en proposant toutes sortes de personnages récurrents ou non, en multipliant les formes, les points de vue et les voix, j'avertis le lecteur que la suite pourra prendre place à différentes époques de la RIM, qu'on ne va pas avoir une série de tomes bien rangés chronologiquement mais que se sera plus bordélique et intuitif que ça – et je l'avertis aussi que puisque j'ai choisi un ordre esthétique et dramatique et non chronologique, eh bien lui, le lecteur, peut choisir de lire les bouquins dans l'ordre qu'il veut et même de faire l'impasse sur ceux qui ne l'attirent pas. Je ne voulais pas emprisonner mes lecteurs dans une saga où si tu loupes un épisode, c'est foutu, tu es exclu de la fête. Malgré la grande noirceur de mon univers, je veux que le grand plaisir que j'ai éprouvé à le créer, que la grande liberté que j'éprouve à l'arpenter en tous sens, soient partagés par mes lecteurs. C'est un cauchemar, OK, mais un cauchemar cosy, haha !



A : Si Mertvecgorod n'existe pas en réalité, vous en avez cependant fait un véritable pays de l'ex-URSS en situant celui-ci au point de rencontre entre la Russie, l'Ukraine et la mer d'Azov. Vous avez été jusqu'à élaborer une fiche Wikipédia extrêmement détaillée et permettant de mieux comprendre certains événements d'ordre surnaturel du roman .

Sur la page internet consacrée à ces chroniques, le lecteur a également accès aux plans de la ville.

On apprend ainsi que Mertvecgorod est un petit coin de paradis : Tourisme sexuel, énorme production de films pornographiques, trafics d'organes, centre de déchets au point d'en faire une des villes-décharges les plus polluées de la planète.

Comment crée-t-on un univers aussi vaste et aussi complexe ?

Et pourquoi avoir choisi un pays de l'ex-URSS pour y implanter ce pays cauchemardesque ? Pour dénoncer les trafics humains et d'organes propres aux pays les plus pauvres ?

CS : On le crée en rêvassant à son sujet du matin au soir, en se documentant sur tous les thèmes qu'on veut aborder (ceux que ça intéresse ou amuse peuvent parcourir ma bibliographie ici : https://mertvecgorod.home.blog/2019/12/03/bibliographie/ – ceux qui savent lire entre les lignes pourront même y trouver quelques indices !), en prenant des tonnes de notes, bref en y vivant soi-même un maximum.

Les thèmes que j'aborde, du féminicide au trafic de déchets et d'organes en passant par la corruption et le crime organisé, sans oublier tous les autres, font partie du monde réel, de notre société contemporaine. le trafic d'organe, par exemple, est à l'heure actuelle l'activité criminelle la plus lucrative, loin devant la drogue. Ça me paraissait donc important de parler de ça.

Je ne dénonce rien, dans mes fictions. Je mets en scène des trucs qui me préoccupent, me fascinent, me troublent, me font réfléchir, m'émeuvent, etc. Au lecteur d'y trouver matière à s'indigner si c'est dans son caractère, ou de prendre ça comme un simple divertissement s'il préfère.

Le choix de la Russie est à la fois esthétique – je voulais un décor qui soit l'équivalent graphique des musiques que j'aime écouter – et pragmatique : il n'existe pas beaucoup d'endroit sur la planète où on peut installer une ville fictive de sept millions d'habitants et vieille de plusieurs siècles sans que ça paraisse invraisemblable.



A : Images de la fin du monde a eu le malheur de sortir le 19 mars 2020, soit deux jours après le confinement et la fermeture des librairies. Est-il possible de mesurer à quel point cette période a été dommageable pour la sortie du premier volume de ces chroniques ?

Comment les habitants de Mertvecgorod ont-ils vécu la pandémie de leur côté ?

CS : Les libraires (à l'exception notable des Fnacs) ont joué le jeu avec une grande loyauté et ont traité mon livre (ainsi, je crois, que tous ceux sortis à cette période) comme de réelles nouveautés. Donc Images... n'a pas, ou presque pas, été impacté par la situation. Bien sûr, on a perdu des vente avec l'annulation des salons et de tous les événements littéraires, mais mon livre n'est pas un produit lié à l'actualité, il est là pour longtemps. Donc sur le long terme, ça ne change pas grand chose, j'espère. Quoiqu'il en soit, même si le but, une fois qu'il est terminé, est qu'il rencontre son public et qu'on en vende le plus d'exemplaires possible, mon éditrice s'intéresse davantage à la littérature qu'à ses bilans comptables !

Quant aux habitants de Mertvecgorod, ils ont vécu cette période avec un certain détachement : les virus occidentaux sont bien trop fragiles pour survivre dans les conditions extrêmes de la RIM, hahaha !



A : Anticipation oblige, les drones, les images virtuelles et les jeux vidéos nouvelle génération sont de la partie, mais à la sauce Siébert. Les drones nucléaires y sont bénis selon d'anciens rituels vikings et les jeux donnent des sensations inédites (devenir une voiture dans Mashina). le texte qui m'a le plus marqué est probablement Fight Club, ou deux frères se livrent un combat à mort afin de sortir leur famille de la pauvreté. L'astuce étant qu'ils ne sont que les marionnettes aux mains de deux joueurs munis de manettes contrôlant leurs mouvements. Vous avez une imagination démesurée me rappelant par moments celle d'un Serge Brussolo et vous ne vous encombrez jamais de vernis pour travestir la réalité. Définiriez-vous cette originalité comme votre marque de fabrique ?

CS : C'est pas à moi de définir ça, mais je suis très content d'être comparé à Brussolo !

Concernant le coup des combats de cafards, l'idée m'est venue en lisant un article à propos d'un labo travaillant sur la cybernétique, qui a réussi à implanter une puce dans des cerveaux de cafards pour les télécommander ! Il suffisait d'extrapoler à l'humain. Et j'ai gardé le terme « cafard », désignant ces pauvres combattants, comme une allusion à la source réelle de mon invention. Un truc marrant avec la science-fiction, et ça tous les auteurs du genre le savent, c'est que le réel s'avère toujours plus dingue, bizarre, révoltant ou stupide que ce qu'on peut sortir de notre imagination !



A : Sauriez-vous expliquer pourquoi la misère humaine sous toutes ses formes prend autant de place dans ce livre comme dans le reste de votre bibliographie ?

CS : Tout simplement parce qu'il n'y a que ça qui me semble intéressant en littérature. Je me fous de lire des bouquins qui parlent des problèmes de cul de gens dont les appartements sont huit fois plus grands que le mien, et me fous aussi d'écrire à ce sujet, d'autres font ça très bien.

C'est dans les recoins sombres qu'on trouve des trucs qui font sens universellement : la douleur, la trouille, la frustration, etc. Il existe une littérature dont la fonction est d'apporter du réconfort, mais ça n'est pas la mienne. Et je dirais même que, justement, c'est dans la littérature dans laquelle je m'inscris moi, celle du mal, de la violence et de l'inquiétude, qu'on trouve le plus de réconfort, en réalité. le train-fantôme ne sert pas qu'à faire peur : il sert aussi, une fois qu'on en est sorti, à faire éprouver une forme de soulagement. Et, s'il est bien conçu, il permet de nourrir une réflexion à propos des réels trains-fantômes qui peuplent notre réalité.

D'autre part, puisque nous vivons dans un monde où des gens sont broyés, exclus, rejetés aux marges, etc., je crois que c'est à ces gens-là, qui n'ont pas tellement voix au chapitre dans la vie réelle, que la fiction doit d'intéresser. Pas afin de dénoncer quoi que se soit, mais simplement pour exprimer leur point de vue et parfois indiquer des causes possibles à ces situations. C'est pour ça que les personnages les plus fréquemment rencontrés dans mes livres sont des crevards, des galériens, des criminels parfois et qu'ils peuvent l'être par malchance, stupidité, déterminisme social ou toute autre raison sociale, économique ou individuelle. Souvent ils essaient d'échapper à leur condition, rarement ils y arrivent. Épouser pendant un moment leur destin permet peut-être au lecteur d'éprouver un peu plus d'empathie et de compréhension envers les véritables laissés-pour-compte, qui occupent un hors-champ social et crèvent dans l'indifférence – qu'ils soient de braves types ou de purs salauds n'entre pas en ligne de compte en ce qui me concerne : je ne fabrique pas une littérature morale mais une littérature qui veut, d'une certaine manière, augmenter le champ de vision de mes lecteurs.



A : La haine des parents fait également partie intégrante de votre univers personnel : père pédophile, fugue, suicide adolescent, plongée dans la drogue et la prostitution sont autant de thèmes déjà abordés, comme si le rôle des parents consistait à faire souffrir leur progéniture.

Avec les personnages de Camille X ou de Chloé Lemoine on retrouve ces thèmes. Il y aussi ce gamin dans la gare désaffectée de Mertvecgorod et dont le père a vendu un oeil. Ou ce groupuscule terroriste qui a pour but d'anéantir les adultes.

Cette obsession vraiment récurrente de l'adulte destructeur est-elle liée au modèle parental que vous avez eu (vous évoquez dans Fabrication d'un écrivain la fuite de la violence et de la folie de l'appartement familial) ? Aux générations qui semblent toujours compter sur les suivantes pour résoudre des problèmes de société de plus en plus urgent (réchauffement climatique, écologie, nucléaire ) ?

Comment l'expliqueriez-vous ?

CS : J'ai du mal à réfléchir à certains ressorts profonds de mon écriture. Je constate, comme vous, que dans mes textes certaines obsessions surnagent. Parmi tous les gens qui en chient, qui constituent mon territoire littéraire, pourquoi je reviens sans cesse à certaines conditions d'existence et en laisse d'autres de côté, je l'ignore et préfère l'ignorer. Je ne veux pas en savoir trop sur ce qui, en moi, fait tourner la machineà fiction. Il me semble que trop connaître mes propres mécanismes pourrait nuire au processus – c'est sans doute un peu superstitieux de ma part, mais bon.

Moi, mon boulot consiste à donner à ces obsessions une forme qui fait sens, et qui peut parler à d'autres individus.

Il y a peut-être effectivement une part biographique.



A : En vous remerciant, Christophe, pour cet éclairage autour de votre métier et de ce cycle de science-fiction noire, je vous laisse le soin de conclure pour donner envie aux lecteurs de se plonger à leur tour dans les rues de Mertvecgorod.

CS : Avec plaisir ! J'espère que cette interview leur donnera au moins envie d'aller le feuilleter dans une librairie !
Commenter  J’apprécie          3813
Valentina

Voilà un roman apocalypto-punk-trash qui sentait la bonne pioche, promettant une « trame impeccable de roman noir » et « l’une des œuvres littéraires les plus marquantes de ces dernières années ». Manque de bol, je suis passé totalement à côté de ce Valentina de Christophe Siébert.



À Mertvecgorod, cité fictive qui se relève tant bien que mal – et plutôt mal – du soviétisme, Klara, Laska, Sbrod, General et Kreditka forment une bande d’ados qui tente, entre apparitions au lycée, drogue, larcins et violences, de passer les journées les unes après les autres.



Le meurtre de Valentina, travelo et figure du quartier, va bousculer le groupe et particulièrement Klara. Sur les traces du passé de Valentina, elle va alors osciller entre hommage et vengeance…



J’aime le trash, à condition qu’il ne masque pas la faiblesse du fond, ce qui est trop souvent le cas ici où l’histoire m’a semblé simple, trop simple, et la rage répétitive, trop répétitive. La « sensation Siébert » n’aura donc pas fonctionné pour moi.



Pas grave, elle l’a fait pour beaucoup d’autres et c’est bien cela qui compte : que chaque livre trouve son public !

Commenter  J’apprécie          342
Chroniques de Mertvecgorod, tome 2 : Femini..

En Mars 2020, Christophe Siébert créait la surprise avec le premier volume des Chroniques de Mertvecgorod. Nommé au Grand Prix de l’Imaginaire et acclamé par la critique, le français frappait fort et dur.

Un peu plus d’un an plus tard, il récidive avec Feminicid, deuxième ouvrage autour de Mertvecgorod et de ses atrocités.

Avec un titre aussi évocateur (et provocateur), Siébert offre aux lecteurs une habile expérimentation littéraire qui oublie le fix-up de nouvelles pour du journalisme d’investigation et de la théorie du complot à foison.

Sauf qu’à Mertvecgorod, lorsque les cadavres s’entassent, le complot et l’entreprise macabre ne font aucun doute…



Pour cette deuxième incursion dans la République Indépendante de Mertvecgorod (RIM), Christophe Siébert rassemble tout ce qu’il a déjà écrit sur ce pays imaginaire (et où tous les enfants sont perdus depuis toujours) pour développer l’un des textes contenus dans Images de la fin du monde.

Il porte son dévolu sur Feminicid, article d’un certain journaliste de Mertvecgorod du nom de Timur Domachev dans lequel celui-ci menait l’enquête sur des centaines de meurtres de jeunes femmes retrouvées (ou pas) dans l’un des secteurs de la mégalopole, rajon 14.

Souvent atrocement mutilées, les victimes avaient fini par attirer l’attention de la population mais aussi des autorités qui niaient purement et simplement le côté systémique de cette entreprise meurtrière pour accuser quelques dizaines de coupables trop évidents aux intentions plutôt floues…

C’était aussi l’occasion pour Christophe Siébert d’imaginer une sorte de virus empathique, le blagočestie, qui permettait à certains habitants de Mertvecgorod de communiquer avec les victimes de ce feminicid (entraînant la constitution d’une secte et la tenue de réunions quasi-mystiques après chaque découverte macabre au cœur du rajon 14).

En reprenant ces éléments, le français va imaginer une enquête entière de la part de Timur Domachev autour de ce feminicid et la faire coïncider avec toute la mythologie déjà connue par le lecteur à propos de la sinistre Mertvecgorod.

Nous revoici donc dans la capitale grisâtre où le trafic d’ordures, d’organes et de drogues se porte toujours aussi bien et où la pollution ambiante refile le cancer à une proportion ahurissante de miséreux et de laissés-pour-compte.

L’atmosphère post-soviétique à la Volodine reste la même, le goût pour le gore, la violence, la pauvreté, le sexe et les notes d’humour grinçant également.

Lecteurs d’Images de la fin du monde, vous ne risquez guère le dépaysement (et les autres, vous devriez déjà filer lire ce précédent coup de poing littéraire pour pouvoir profiter au plus vite de Feminicid…parce que Siébert n’a pas décidé de lever le pied).



Feminicid retrouve donc toute l’histoire et les personnalités politiques corrompues d’Images de la fin du monde pour élargir son univers d’une façon tout bonnement stupéfiante. Christophe Siébert prend le prétexte de son enquête pour relier tous les fils (ou presque) de son monde en niveaux de gris afin d’accoucher d’une œuvre encore une fois puissante, subversive, glauque et cruelle.

Mertvecgorod, ancien goulag, décharge de l’ex-URSS puis repaire des oligarques les plus décadents et sanguinaires de toute l’Europe de l’Est.

Mertvecgorod, encore et toujours à la lisière entre un capitalisme mortifère qui détruit toute notion de moralité et cette étrange résilience slave post-soviétique qui fleure bon l’autoritarisme et la milicia.

Découpé en plusieurs parties, Feminicid suit l’enquête minutieuse de Timur Domachev qui va creuser encore plus loin que dans le précédent ouvrage à propos de certains personnages que l’on connaît désormais très bien. Le Clan des 4, le Svatoj, l’amiral Doubinski, les membres de la Danse de la mort…. Christophe Siébert opère une vaste opération de relecture pour relier les différents récits et construire de toute pièce une théorie du complot autour du feminicid…une théorie du complot qui n’en est d’ailleurs pas une.

Derrière le drame, des personnages puissants, des sadiques, des monstres, des fanatiques. L’horreur de Feminicid va crescendo, pioche dans toutes les formes, des plus graphiques aux plus psychologiques et délivre un message sur la considération du monde actuel envers les femmes qui meurent. C’est à dire quasiment aucune. Pas étonnant d’ailleurs de se rendre compte que l’auteur dédie son livre aux victimes d’un vrai féminicide, celui de Ciudad Juarez au Mexique. Si Mertvecgorod et son monde pourri jusqu’à l’os peut sembler fictif au premier abord, la réalité rode toujours derrière les inventions macabres de Christophe Siébert, comme un fauve prêt à bondir, comme une Chasse Sauvage prête à déferler.



Mais là où Feminicid impressionne, c’est par la constante réinvention qu’il nous offre. Christophe Siébert ne se contente pas d’une enquête policière lambda (et cela aurait été bien difficile quand on connaît un peu l’univers).

Ici, le récit du journaliste s’imbrique avec des morceaux de pages Wikipédia fictives, des patchworks de légendes païennes, des témoignages et des aveux, des articles de journaux, des chronologies et des notes, des analyses d’œuvres d’arts et même un roman dans le roman.

L’expérimentation littéraire rappelle parfois certains passages de La Maison des Feuilles sauf que l’on frôle dangereusement le snuff-movie et l’indicible, englué dans l’horreur toujours plus profonde et pénétrante qui suinte de Mertvecgorod. Christophe Siébert n’a toujours aucune limite, et c’est tant mieux puisque l’expérience finale n’en est que plus radicale.

Pour parfaire le tout, l’auteur français plonge à plusieurs reprises dans un fantastique horrifique du plus bel effet qui convoque mythes cthulhiens, rituels sataniques et autres orgies sexuelles transgressant tous les tabous.

Feminicid constate le cœur noir des hommes et se lave dans le sang des coupables comme des innocents, faisant perdre pied à son lecteur au fur et à mesure de la descente, réinventant la figure de Dracula pour mieux lui rendre justice, invoquant des puissances obscures pour asseoir la sinistre histoire de la mégalopole. Tout semble même tourner à la folie à mesure que l’enquête avance, l’espoir n’en finissant pas de crever et l’horreur de submerger la page.

Le goût affirmé et revendiqué pour l’underground et les légendes urbaines donne une saveur très particulière à cette enquête, quelque chose de viscéral, de poisseux qui colle à la peau et à la langue jusqu’à la dernière page.

Si Feminicid veut rendre justice aux corps oubliés et martyrisés des femmes-objets, défigurés par la superstition, la misère et la connerie humaine, c’est aussi pour dénoncer le pouvoir de l’argent qui rend intouchable et permet les choses les plus terrifiantes à l’abri des regards et des lois. Derrière les murs de Mertvecgorod, l’horreur engendre l’horreur et l’injustice semble ne jamais finir, peu importe si les responsables meurent, d’autres prendront toujours leur place.



C’est un nouveau tour de force narratif que nous offre Christophe Siébert avec cette enquête expérimentale qui unifie un univers passionnant et terrifiant pour en faire un symbole de la corruption morale de notre monde moderne. Feminicid accumule les trouvailles narratives et les personnages marquants, voyage dans le temps et dans les bidonvilles de la Zona, terrorise et intrigue encore et encore. Définitivement l’une des œuvres littéraires les plus marquantes de ces dernières années.
Lien : https://justaword.fr/feminic..
Commenter  J’apprécie          293
Porcherie, tome 1

C'est mon ami Antyryia qui a éveillé ma curiosité sur les écrits de Christophe Siébert, avec ses critiques de Nuit noire et de La place du mort.

Ce recueil de nouvelles, je l'ai appréhendé comme une sorte de mise en bouche, avant de passer à table véritablement.

Une façon de me rendre compte si un repas plus complet ne serait pas trop cru, trop épicé pour moi.

J'aime quand ça pique, ça ravigote et que ça remue bien les boyaux, mais il faut tout de même que ce soit un minimum comestible et que la sauce relevée apporte un vrai plus au plat.

Je savais que je m'attaquais à du lourd, à des écrits pour lecteurs avertis. A un style unique, en tout cas.



Ici, 8 courtes nouvelles, des instants de vie, abordants des thèmes qui dérangent, qui bousculent, qui triturent le cerveau, qui surtout nous obligent à nous interroger



"Amour", nous parle de relation de couple, de cet amour qui s'épuise, celui où il n'y a plus rien à dire, ni à espérer. de cette envie de fuir, de tout laisser tomber.

En quelques lignes, je suis resté scotchée…

Etait-ce la meilleure solution ?



"Compassion", cette nouvelle nous décrit une scène absolument horrifiante.

Lorsque obsession rime avec dérive et vous entraine à ce coup de folie.

Absolument cauchemardesque…



"La première fois que j'ai tué mon père" donne la parole à un adolescent de douze ans.

Il est question de l'amour porté à ses parents.

D'un quotidien autour de l'alcool.

Des explosions de la mère, de la passivité du père.

De repères, d'admiration, de haine ou plutôt d'hermétisme face à un certains comportements et de désillusion.

Une nouvelle qui me laisse encore avec plein de questions…



"Pas envie" m'a énormément plu et étonné dans sa construction.

Un homme, dans les toilettes, qui nous fait part de toutes ses pensées.

Qu'est-ce qui se cache derrière toutes ces futilités, ces réflexions en apparence anodines ?

Une fin au goût amer, sciante et absolument déconcertante, à donner la nausée…



"Les vignes" m'a amusée !

A coup de coude levé au comptoir et de préservatifs usagés au milieu des vignes.

Dédé, cet ivrogne, ne sait plus quoi inventer pour se rendre intéressant !

Un humour grinçant, noir, bien évidemment.

Comment des élucubrations peuvent virer au cynique.



"La vieille"

Une femme vient de mourir.

Va s'ensuivre sa longue décomposition…

Et en même temps, la perte progressive de sa mémoire.

Cette nouvelle m'a beaucoup marquée.

Cette lente succession d'épisodes de décomposition, couplée à celle d'oubli d'un ou plusieurs moment de vie, de souvenirs, donne une autre vision de la mort. de la vie après la mort.

Le retour progressif au néant.



"Ma soeur" m'a fait mal, très mal…

Un jeune homme qui banalise un acte absolument inimaginable, inqualifiable, impardonnable, sur sa propre soeur, pour assouvir son obsession.

C'est cru, terriblement ignoble et insupportable.

Le malaise et l'indignation sont omniprésents tout du long pour le lecteur.



"Tête morte" est sans doute la nouvelle la plus déconcertante.

Une mère vieillissante, perdant la tête car atteinte d'Alzheimer.

Un fils aimant, répondant aux envies délirantes de sa mère.

Troublante d'un bout à l'autre.

Un scénario dérangeant, qui suscite une multitude d'interrogations…

Parce que complétement immoral dans les faits et pourtant bienfaiteur, presque salvateur pour les protagonistes.



Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces nouvelles m'ont remuées ! Et qu'elles ne m'ont pas laissées indifférentes !

Des histoires qui permettent à chacun de se faire sa propre opinion et de s'interroger sur certains actes, événements de la vie.

Et surtout, elles m'ont mise en appétit pour découvrir Christophe Siébert, avec un de ses romans.
Commenter  J’apprécie          296
Paranoïa



- Antyryia ? La prochaine épreuve est pour vous. Suivez Passe-partout qui vous emmènera peut-être jusqu'à la prochaine clef !

Je cours derrière le nain dans les dédales du fort en me demandant ce qui peut bien m'attendre cette fois. La porte s'ouvre et ...

Et merde. L'épreuve de la cabine abandonnée. Et ce putain de téléphone qui sonne déjà.

Je me glisse à l'intérieur de la paroi en plexiglas dans un tourbillon d'insectes.

"Les murs étaient couverts de cloportes. Ils grouillaient."

- Antyryia ? C'est le père Fouras. Vous êtes prêt pour l'énigme ?

- Oui, oui, allez-y, vite s'il vous plaît.

- Quand on m'entend, c'est synonyme de silence.

Pendant que je réfléchis, je chasse le nuage de bestioles obsédées par l'envie de se poser sur moi.

"Un moustique se posa sur sa main."

- Deuxième indice, écoutez bien : Quand on me regarde, c'est qu'on est perdu dans nos pensées.

Et moi je suis totalement perdu devant ce bestiaire de cafards, de moucherons et de scolopendres répugnants...

"Des insectes lui grimpèrent dessus, entrèrent dans sa bouche comme s'il était mort."

Recroquevillé et totalement incapable de réfléchir, j'écoute à peine la voix du vieillard gâteux, ne pensant qu'à sortir de cette geôle infâme.

- Ne pas me faire de mal est preuve de grande gentillesse.

- Saloperie de mouches !

"Des mouches à viande bourdonnaient de partout d'une manière hystérique sans que les livreurs ne fassent d'effort pour les chasser."

Pris de panique, je lâche ce maudit combiné, me cogne à la paroi avant d'en sortir en criant, recrachant quelques ailes et pattes au passage.

Plus tard, j'ai su que j'avais eu la clef. Je n'ai toujours pas compris comment.



Vingtième et dernier roman en date de la collection Trash, Paranoïa ( sous-titré Métaphysique de la viande ) est l'un des derniers méfaits de Christophe Siébert. Un livre totalement barré que j'ai trouvé très différent des autres volumes de la collection, dans le sens où les débordements d'hémoglobine habituels laissent place ici à l'absurde et au dégoût. Aucune complaisance dans les scènes d'horreur pure mais davantage une ambiance putride, où folie et vermine sont à l'honneur.



Quasiment impossible à raconter, Paranoïa commence par la fin. On sait qu'il sera question du suicide d'Ombric, de meurtres commis par Scorpio, et d'une comète. Ensuite, l'auteur présente ses différents personnages dans une version si accélérée qu'elle en donne le tournis.

"Amy tenta de se suicider puis de cesser de boire. Elle se prostitua. Elle se rapprocha de sa mère et de sa fille, s'en éloigna."

"On diagnostiqua à la mère un cancer du sein. Il se propagea aux os. On l'incinéra."

Amy est une jeune femme qui a trop souvent été victime de brutalités. Une nuit, elle se réveillera nue sur la plage avec deux cadavres à ses côtés. Elle pense avoir été violée, mais les examens médicaux la contrediront. Accusée de meurtre, elle sera finalement internée. de qui ( ou de quoi ) peut-elle donc bien être enceinte ?

Ombric est quant à lui un jeune homme violent et suicidaire. Qui fera des séjours en prison et tournera dans du porno amateur. de toute évidence, il n'a pas toute sa tête. En massacrant et en filmant des rats morts, il se rendra compte d'une anomalie.

"Ils contenaient du sang, des organes, de la merde. L'un d'eux était un robot, ses yeux des minuscules caméras, son squelette du metal noir."

Zecke perd son poste de policier suite à une partie de roulette russe ... fatale pour un de ses collègues. Il perdra également sa femme et ses enfants. Sorti de prison, ses talents d'enquêteur seront mis à contribution par un homme qui a été témoin d'un charnier en bord de mer, et qui a besoin de comprendre ce qui a bien pu se passer.

"Les cadavres. Les putains de cadavres. Partout de partout. Sur la plage, tout autour de moi. Une bonne centaine y'en avait. Peut-être plus."

La seconde partie nous présentera encore un nouveau personnage, en la personne de Népès. Encore un qui ondule de la toiture ( il y a assez peu d'individus psychologiquement très stables dans Paranoïa ). Après le meurtre de son épouse, il dresse différents animaux dans une cave. Une voix lui parle dans sa tête et lui donne des instructions. Il s'agit d'une mouche, qui s'apprête à lui présenter son Dieu.

"- C'est parce que j'ai une mouche dans la tête, tu comprends ? Elle m'explique tout, c'est elle qui m'explique tout."



Les insectes sont vraiment légion. Pas un chapitre ne passe sans qu'il ne soit fait mention d'un frelon écrasé sur un pare-brise, de fourmis se nourrissant d'une mouette morte, d'un papillon de nuit volant autour d'une flamme, comme une véritable petite encyclopédie d'entomologiste.

"José le gitan disait qu'il y avait des insectes partout, qu'il y en avait de plus en plus, qu'il fallait les surveiller, qu'il fallait les compter."

Ils sont jusque dans les noms des personnages : le flic Bourdon, le docteur Mante et ses acolytes Mitte et Falaine...

"Des cafards sortaient parfois du lavabo."

"Des moucherons s'agglutinaient à la peau de l'homme."

"Il avait attrapé des morpions."

De la vermine, des cadavres sur la plage, des animaux robotisés, des mouches qui veulent nous présenter à leur Dieu ... Cet auteur est décidément complètement dingue.

Peut-il seulement retomber sur ses pattes en partant ainsi dans tous ces sens plus fous les uns que les autres ?



J'ai à la fois adoré et détesté la fin. Adoré parce que toutes ces folles idées avaient bien un sens, et même plusieurs. Détesté parce que le final est beaucoup trop abrupt et aurait mérité davantage de pages. le plaisir de lecture passe aussi par le stade où tout commence à se mettre en place, où tout s'imbrique petit à petit. Ici, peut-être en raison du format court de la collection, j'ai eu l'impression que le lecteur devait vraiment se satisfaire du minimum, et je suis donc ressorti de ma lecture avec encore trop de questions et donc un sentiment d'inachevé.



Qu'en penser par rapport à Nuit noire, du même auteur ? Je dirais que passé les tous premiers chapitres on retrouve rapidement le style unique de Siébert. Et toujours une prédilection pour le chiffre Trois.

Si ce roman est davantage à prendre au second degré, si on est plus proche du délire qu'avec un Nuit noire qui repoussait toutes les limites du genre horreur, on y retrouve quand même une folie similaire dans les personnages. Pour lesquels le meurtre est souvent anecdotique. Ils sont sales, alcooliques, incompris, obsédés par la fornication et la masturbation.

Pour déranger, Siébert n'hésite pas à évoquer de nouveau les excréments.

"L'attente et le stress avaient transformé ma merde en semi-diarrhée. L'odeur était acide et envahissante."

Mais on est loin cette fois des insoutenables scènes d'inceste, de nécrophilie, de scatophilie ou de cannibalisme.

C'est la zoophilie, en revanche, qui est à l'honneur.

"Le chat faisait un cunilingus, l'écureuil grimpait sur son ventre et le branlait, les chiennes se couchaient et se léchaient en soixante-neuf."

Même les mouches participent à l'orgie.

Mais bien loin de choquer ou de provoquer un malaise, ces passages prêtent à sourire.

Un long chapitre est consacré à l'accouplement complexe d'un homme et d'un crapaud gigantesque de la taille d'un fourgon et même si c'est assez ignoble, c'est tellement irréel qu'on se focalise davantage sur la folie des idées que sur leur laideur.

Pas la peine donc de prévenir la SPA !



Paranoïa est impossible à classer tant il mélange les genres. Horreur nauséabonde, science-fiction ( le roman se déroule dans un futur très proche en 201. ? ), polar fantastique, mythologie lovecraftienne. le tout à la sauce Siébert, plus allumé que jamais.

Sans répéter ce qu'il avait écrit avec Nuit noire, il s'éloigne aussi des standards de la collection tout en en respectant les valeurs - si je puis dire - puisqu'il s'agit bien d'un livre court, saignant, dégueulasse et sans tabous.

L'originalité et le rythme d'enfer peuvent perturber au début de la lecture, mais très vite on entre dans le vif du sujet et l'écoeurement se conjugue à l'humour et à l'envie d'en savoir davantage tant on se demande où l'auteur nous emmène.

De quoi cette multitude d'insectes est-elle annonciatrice ?

Les charniers sur la plage et les robots ne sont-ils que des délires paranoïaques ?

Vous le saurez si vous faîtes partie de ces adultes consentants prêts à explorer ce roman qui vous sortira de votre zone de confort, et ce même si vous êtes habitué à ce type de littérature.



Je vous laisse ici, j'ai un indice à récupérer sous une tarentule.

Commenter  J’apprécie          289
Valentina

Dans le réel comme dans la fiction, l'histoire n'a jamais un seul visage.

Elle fluctue, change, mute, s'adapte.

Classiquement, on distingue la grande Histoire, celle avec un « H » majuscule où les évènements importants et les grands hommes font basculer le futur dans une direction ou une autre.

De l'autre surgit la petite histoire, celle qui semble n'avoir aucune conséquence, insignifiante alors que le monde se rue vers l'avant. Valentina, le nouveau roman du français Christophe Siébert, incarne à merveille cet autre visage de son univers, racontant une histoire à hauteur humaine loin des grands évènements de sa cité imaginaire de Mertvecgorod comme avait pu le faire Images de la fin du monde et Feminicid. En moins de 250 pages, Valentina est le premier récit d'un nouveau genre, celui de ceux que l'on écrase sans s'en apercevoir.

Bienvenue dans Un demi-siècle de merde !



Prenez une vue d'ensemble de Mertvecgorod, cette sinistre mégalopole imaginaire de 7 millions d'habitants coincée quelque part entre l'Ukraine et la Russie.

Changez d'échelle et rapprochez-vous.

Voici la Zona, une immense zone entre dépotoir et bidonville qui coupe littéralement la ville en deux. C'est ici qu'habitent les plus pauvres des habitants de Mertvecgorod. Les rebuts, les déchets, les oubliés.

Poursuivez encore un peu et nous voici dans Mertvec-Bereg, un quartier-frontière où vit Klara, une jeune fille de 15 ans, et sa bande indisciplinée : Laska, Sbrod, General et Kreditka. Punks jusqu'au bout des ongles, les adolescents vivent de combines et d'arnaques diverses, se bourrent la gueule et se droguent au lieu de travailler à la Chkola pour un avenir meilleur.

Mais, de toute façon, quel avenir au juste ?

C'est là tout le coeur de cette histoire qui, dans un premier temps, s'attarde sur le quotidien de cette troupe turbulente et braillarde.

Orphelins d'un pays qui sort de la guerre civile, rongé par la corruption et la violence, en manque chronique de tendresse et d'espoir.

Des enfants perdus, pour toujours.

On pourrait croire que le récit de Christophe Siébert va nous plomber le moral façon chevrotine en pleine face mais c'est en réalité bien plus compliqué que ça. Valentina nous raconte la misère et la perte d'innocence, elle nous raconte le manque de tout et la destruction des générations à venir, elle nous dit la saleté et l'ordure.

Et puis, en filigrane, le roman nous raconte autre chose.

Il nous dit la solidarité et l'amitié qui existe entre ces moins-que-rien, il nous dit la bonté spontanée pour une vieille dame malade qui sent la pisse dans un camp insalubre parmi d'autres, la tristesse de gamins qui n'ont plus rien mais qui se soutiennent. Ce genre de geste complètement insignifiant et qui révèle plus d'humanité dans le néant que nul part ailleurs.

Cette façon d'être dans la merde mais d'essayer d'aider l'autre même quand on n'a rien pour soi.

Pour rythmer son récit et lui donner un caractère propre, Siébert parsème son texte de morceau de musique bien réelles, de Bad Balance à Yat-Kha en passant par Televizor. Dès lors, Valentina se fait plus punk, indus et soviétique que jamais, consacrant la transgression morale et sociale jusque dans sa bande-son rugueuse (que l'on retrouve en fin d'ouvrage pour les plus curieux).

Au son du ghetto-blaster, nos jeunes zoneurs traversent une existence morose et désenchantée… jusqu'au jour où un meurtre brutal vient changer la routine de Klara.



La voisine de Klara, une certaine Valentina, est retrouvée sauvagement assassinée chez elle. Tout le monde s'en fout, bien sûr. En réalité, Valentina n'est rien, juste un vieux travelo qui ramenait des mecs dans son appart plein de godes et de nichons en caoutchouc pour une partie de sexe sans tabou. Tout le monde s'en fout, sauf Klara.

Klara se souvient de la personne humaine derrière le fait divers, de cette vieille dame qui lui offrait des bonbons quand elle était plus jeune et qui lui souriait quand le monde l'avait abandonné. Alors la voilà lancée sur les traces de l'assassin, bien motivée de surcroît par un flic pédophile qu'elle ne pensait pas revoir de sitôt et qu'il ne lui donne pas le choix.

Christophe Siébert fascine de cette façon, en trouvant de la beauté dans l'horreur, de la tendresse dans un monde pourri.

C'est assez incroyable et, pour tout dire, tout à fait remarquable.

Il suffit de passer une nuit dans l'appartement glauque au possible de Valentina pour voir à travers les yeux de Klara l'humanité de cette femme que d'aucuns considéraient comme un objet sexuel jetable. On retrouve à nouveau cette sympathie pour le freak, le monstre, le paria. Une sympathie qui montre aussi que ceux-ci sont loin d'être les coupables parfaits que la société veut en faire, que le véritable meurtrier se terre derrière un aspect banal, protégé par des plus grands qui s'en foutent, englué dans une spirale autodestructrice qui transforme le réel en cauchemar.

Valentina devient donc une sorte de roman-noir où la recherche d'un meurtrier permet surtout de saisir la beauté d'un monde underground que l'on connaît peu, que l'on juge beaucoup et qui, finalement, sauve la face de ce que l'on appelle l'humanité.

C'est toujours éminemment sexuel et dégueulasse, et donc réservé à un public averti, mais Christophe Siébert n'a rien perdu de sa verve et de sa nuance. Forcément, on en redemande !



Valentina, c'est la rébellion d'une jeunesse perdue dans un monde de merde fait de violence, de pauvreté et de sexe. Roman noir qui va droit au but, le nouveau Siébert offre une nouvelle perspective plus intimiste sur son univers perturbé et perturbant que vous n'êtes pas prêt d'oublier.
Lien : https://justaword.fr/valenti..
Commenter  J’apprécie          270
Le futur de la cité

Le festival des Imaginales va avoir lieu du 25 au 28 mai à Épinal, sous une nouvelle direction artistique, celle de Gilles Francescano. Et l’anthologie qui lui correspond vient juste de sortir. L’occasion de découvrir des nouvelles francophones d’horizons très divers, qui mêlent plusieurs générations d’auteurices. Tout cela pour s’interroger sur notre avenir urbain.



Nouvelle direction, nouvel éditeur. Les Imaginales ont connu une passation de pouvoir assez agitée, avec des mois sombres et des reproches dans les deux camps. Difficile, de mon côté, de prendre parti pour l’un ou l’autre, même si Stéphanie Nicot avait été particulièrement convaincante. Mais là n’est plus le sujet. Je ne suis jamais allé à ce festival. Je me contente de lire les anthologies qui paraissent à l’occasion. Et de noter que les éditions Mnémos ont laissé la place, cette année, aux éditions Au diable vauvert. Plongeons-nous à présent dans le contenu de ce livre : 14 textes (et non nouvelles, j’en parlerai ensuite) précédés d’une préface. Du beau monde, assurément. Des auteurices plus anciens aux plus récents. Un sommaire alléchant.



Si j’ai aimé dans l’ensemble la lecture (rapide) de cette anthologie, je n’en ressors pas empli d’espoir pour l’avenir. La plupart des auteurs, même s’ils ont des points de vue très différents et des approches très variées, n’imaginent pas des cités épanouissantes pour l’être humain. Comme souvent dans le domaine de l’imaginaire, les auteurices cherchent à pointer ce qui fait mal : le passage du temps qui abîme (« Tokyo 2115 ») et détruit, parfois de façon définitive au détriment de l’humanité même qui a causé les dégâts (« Histoire de Rome de nos jours à la fondation », « Tempus edax, homo edacior ([In]dispensables) », « L’histoire des oiseaux ») ; la tentation des sociétés à se tourner, comme ultime réponse, vers la dictature, la tyrannie, la poigne d’un homme (rarement une femme) fort et sans pitié, au nom du bien commun, mais destructeur de toute individualité, de tout rêve, de tout espoir (« Entartage », « 2084 ») ; un duel entre hommes et machines, les I.A. prenant le pouvoir ou non, suivant les instructions des humains ou non (« Le dernier jour de Paris », « Histoire de Rome de nos jours à la fondation ») ; l’humain changeant de peau, car le corps que nous avons à notre naissance ne suffit pas ou ne correspond pas ce que nous avons dans la tête, et car la technique le permet dorénavant (« Garou 2.0 ») ; l’être humain continuant à cramer le monde et à user de ses semblables comme d’objets (« Mobipolis ») dans une cité délétère (« Kontrol’za kacestvom »). Seule Sara Doke, ou presque, apporte un léger rayon de soleil en évoquant, dans « Phra au soleil », une société qui pourrait respecter l’autre et se rapprocher de celle que je découvre ces mois-ci dans différentes lectures (Un pays de fantômes de Margaret Killjoy, Cité d’ivoire de Jean Krug, Le monde de Julia d’Ugo Bellagamba & Jean Baret, Un psaume pour les recyclés sauvages et Une prière pour les cimes timides de Becky Chambers et même Les terres closes de Robert Jackon Bennett). Un panorama incomplet, certes, mais riche d’images d’un monde futur.



Cette lecture du Futur de la cité a été très agréable, alternant entre le vraiment passionnant et l’anecdotique, comme souvent dans une anthologie. Certains textes m’ont surpris, d’autres m’ont juste distrait (ce qui est déjà très bien). J’ai aimé me projeter dans ces multiples avenirs ainsi proposés, imaginés. Un bon cru, comme on dit.



Comme d’habitude, j’ai parlé de chaque texte individuellement, mais comme c'est un peu long, je n'ai placé cette partie que sur mon blog.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          264
Chroniques de Mertvecgorod, tome 1 : Images..

Coincé entre l’Ukraine, la Russie et la mer d’Azov, la République Indépendante de Mertvecgorod (ou RIM) n’existe pas.

Sauf dans l’esprit torturé et inquiétant d’un auteur et poète français déjà lauréat du prix Sade en 2019 : Christophe Siébert.

Déjà publié Au Diable Vauvert avec Métaphysique de la viande, il nous revient avec Images de la fin du monde, premier volume des Chroniques de Mertvecgorod, ville-fantasme et mégalopole-poubelle où converge les plus vils instinct de l’humanité post-soviétique.

Vous qui entrez ici, perdez tout espoir, enfilez un FFP2 et achetez des capotes en bonne quantité, le voyage risque de secouer.



La cité du smog

Décrire Images de la fin du monde revient en réalité à décrire la mégalopole imaginaire de Mertvecgorod engluée dans son smog éternel et constamment survolé par des nuées de drones assassins puisque Christophe Siébert offre une visite guidée sous la forme d’un fix-up de nouvelles qui se transforment rapidement en livre-univers.

Tout commence par l’article d’un certain Vincent Lacroix, journaliste envoyé sur les traces du Svatoj, prince sadique aux visées révolutionnaires et ordurières qui dirige la Sit, une organisation criminelle underground emblématique de Mertvecgorod. Grâce à ce faux-article d’investigation en deux chapitres, Christophe Siébert emmène l’Européen (donc vous, le lecteur) dans sa création urbaine protéiforme où se croise le meurtre, la saleté, le sexe, l’humour noir et l’indicible (avec un supplément BDSM si possible).

Ne vous y trompez pas, Images de la fin du monde ressemble peut-être à un enchevêtrement de portraits glauques et dérangeants, c’est en réalité la peinture d’un seul et unique personnage qui importe : Mertvecgorod.

Comme Jeff Vandermeer avec Veniss Underground ou Ambregris, Christophe Siébert fait sortir de terre une ville gigantesque construite sur les ossements d’une civilisation mystique et friande de sacrifices humains pour la transposer en 2024–2025, quelque part dans un futur qui ressemble à s’y méprendre au nôtre.

Différence notable, Mertvecgorod s’affirme rapidement comme un défilé d’horreurs et de transgressions morales toutes plus violentes les unes que les autres pour le lecteur. Car la capitale de la RIM, symbole de la mégalopole moderne en pleine déliquescence morale, tiraillée entre l’influence post-soviétique et un néo-capitalisme carnassier, cette capitale n’a pas grand chose d’attirant (et ce n’est pas pour rien que son quartier le plus fameux porte le nom d’une maladie herpétique).

Trafic d’organes, tourisme sexuel, dépôt d’ordures, meurtres sauvages, sectes barbares et autres drones tueurs sont monnaie courante.

La création de Christophe Siébert vous saisit à la gorge dès les premières pages avec cet attentat monstre visant une cathédrale-ossuaire et un échangeur autoroutiers qui finit en carnage inimaginable.

Sexe, violence et technologie se mettent au service de la déchéance morale la plus pure.



La boue humaine

Tout au long des 21 textes qui composent Images de la fin du monde, nous voici dans les rues crasseuses d’une mégalopole qui semble fusionner la vision d’un accroc du sexe bourré de narcotiques et celle d’un sadique aux pulsions gores incontrôlables. Mertvecgorod nous offre une série de portraits tous plus hallucinants les uns que les autres avec une prédilection pour le sordide, le sang et les parties génitales charnues. Christophe Siébert explore les recoins les plus sombres et les pulsions primitives de l’être humain, cet endroit incongru et malaisant où sexe, mort et putréfaction se rejoignent.

On y croise l’histoire de deux frères assez désespérés pour se vendre à un combat à mort illégal dans lequel leur cerveau est contrôlé par un autre (et vous n’avez pas envie de savoir comment ça se termine), une secte qui kidnappe des enfants pour les faire souffrir et se suicider dans un même mouvement contestataire post-moderne, un homme prêt à dilapider son argent dans un lit pour organiser une orgie dantesque en l’honneur de sa grand-mère décédée, un vieux sado-masochiste amateur d’humiliations sexuelles particulièrement phalliques dont le rêve est de se construire un zoo humain, un gardien de nuit de musée prédateur sexuel…bref, une galerie de rebuts humains, de miséreux, de dingues et de tordus à en faire pâlir d’envie le grand Marquis lui-même.

Christophe Siébert observe l’être humain à la loupe, dissèque la crasse et vous offre au final une fresque qui dérange, qui bouscule, qui hante.

Symbole d’un capitalisme privatisé gardé par quelques oligarques et fascistes corrompus jusqu’à la moelle, l’univers du français impressionne par sa noirceur. Difficile de ne pas penser à l’œuvre d’Antoine Volodine pour son côté post-soviétique sans une seule lueur d’espoir et sa tendance à rameuter des éléments quasi-mystiques entre sectarisme et chamanisme.

Impossible pour autant de coller Images de la fin du monde dans une case précise, puisque Siébert prend un malin plaisir à changer de genre, de l’horreur au noir en passant par la science-fiction et le fantastique.

Tout arrive à Mertvecgorod, surtout le pire.



L’abjection comme une contestation

Ce qui surnage pourtant à l’arrivée, c’est la capacité surnaturelle de Christophe Siébert à offrir des visions macabres et sexuelles qui frappent par leur sous-texte social. De la souffrance d’une jeunesse déjà condamnée par des adultes qui s’en foutent au désœuvrement des miséreux broyés par une société inégalitaire et violente, l’auteur français nous livre une parodie grinçante et extrême d’une société post-capitaliste où tout s’achète et où le féminicide devient une épidémie incontrôlable. La révolution contre le système, vouée à l’échec et au drame, passe par l’excès, la violence aveugle et des tabous allègrement franchis, notamment en matière sexuelle.

À Mertvecgorod comme à Paris, les mamelles du pouvoir restent les mêmes : argent, sexe et violence.

Il serait dommage de ne pas insister sur la cohérence et le soin du détail apportés par l’écrivain à sa mégalopole imaginaire. Fiche Wikipédia fictive et chronologie d’une centaine de faits divers sont au programme des annexes en fin d’ouvrage, provoquant ce vertige ultime qui voit le lecteur se demander après trois cent pages si cette sinistre ville n’existe pas pour de bon.

Mais le véritable exploit de Christophe Siébert, c’est de fasciner autant son lecteur avec un sujet aussi extrême. L’ironie finale, c’est qu’Images de la fin du monde finit par nous donner envie de parcourir encore et encore les prospekts et autres rajons, de respirer son air cancérigène et de traquer les pires gourous sadiques dans les bas-fonds de Mertvecgorod.

Pas de happy-end par contre, juste une vision démente d’un futur de chair, de sang et de sperme sur fond urbain.



Dans ce gouffre de noirceur creusé de main de maître par Christophe Siébert, le lecteur découvre l’étendue de la perversion humaine et l’horreur d’un système corrompu jusqu’à la moelle. Livre-univers épatant sans aucune concession et à l’imaginaire macabre hallucinant, Images de la fin du monde fait du bien là où ça fait mal…c’est-à-dire partout !
Lien : https://justaword.fr/images-..
Commenter  J’apprécie          251
Chroniques de Mertvecgorod, tome 2 : Femini..

Ce que j’ai ressenti:



« Comment en est-on arrivé là? »



Comment en est-on arrivé là, à cette indifférence du monde, devant tant de meurtres de femmes? Comment en est-on arrivé à cette vague de Feminicid? Comment expliquer un tel phénomène?



Un homme, Timur Maximovitch Domachev décide de mener une grande investigation, en vue certainement, d’un futur roman pour comprendre les tenants et les aboutissants de cette série de meurtres atroces à l’encontre des femmes. Parce qu’à un moment, (on l’espère) certains devront répondre de leurs actes, devront rendre des comptes, pour qu’il y est réparation(s). En tout cas, c’est cette noble cause que ce journaliste défendra jusqu’à son dernier souffle. Reste donc, entre nos mains en plus de la question étrange de son « suicide », les pages de son manuscrit incomplet mais déjà fortement subversif, fait de multiples documents, annexes, témoignages, bilans chiffrés qui retrace la complexité d’un phénomène de tueries sans précédents…



Déjà, il faut comprendre que ces horreurs sont commises dans une ville rongée par le Mal. En parcourant Mertvecgorod, on est saisi par tout un engrenage de jeux politiques, de fièvre bestiale, de pauvreté chronique, d’hommes imbus de pouvoirs, de mélange de légendes urbaines et d’actes atroces commis en toute impunité, de corruptions et de misères. C’est aussi tout un réseau d’économies souterraines, de trafics en tout genre, de violences et d’horreurs. Mertvecgorod, c’est une ville pourrie de l’intérieur qui se nourrit, avec férocité, de folklore et d’obscurantisme, de sang et de chair fraîche. Autant vous dire que se promener dans ses rues, c’est se confronter à ce qu’il y a de pire en l’Homme…Et à chaque fois, presque inévitablement, c’est les femmes qui en pâtissent…



Malgré la noirceur et la décadence qui se dégage de ces pages, j’ai aimé l’audace et l’originalité de cette lecture. En effet, c’est une enquête journalistique truffée de textes de différentes natures, mais qui relève d’une véritable envie de justice pour ces femmes. Et puis, l’auteur laisse au lecteur, le choix de faire ses propres conclusions sur la portée de ce manuscrit inachevé. Je regrette de n’avoir pas lu le premier tome, Images de la fin du monde, pour saisir encore mieux de l’ambiance de cette ville soviétique imaginaire et corrompue, mais déjà cette chronique, particulière, accès sur les ravages du Feminicid à Mertvecgorod est fort intéressante. Parce qu’il joue entre passé et anticipation, l’auteur nous entraîne dans une dynamique de réflexions sur les dérives du pouvoir de l’État, sur les dangers du capitalisme, sur les théories du complotisme, sur les courants dévastateurs de la violence, tout en agrémentant des profondeurs de la terre, toutes les croyances surnaturelles qui font revenir la bête en chaque homme…



Et comme on le sait, la réalité dépasse toujours la fiction, j’ai été touchée de voir que ce livre est dédié aux victimes du féminicide de Ciudad Juarez. Comme un hommage et une dénonciation de ce phénomène de société inadmissible, l’auteur sensibilise, avec panache et une imagination débordante, sur un sujet d’actualité brûlant…



Et pour contrer cela, on espère que ce fameux virus imaginé de Christophe Siébert, ce « virus » de la bonté, de l’empathie, de la piété contamine le monde entier. Que la « blagocestie » soit contagieuse et partagée par le plus grand nombre!



« En vérité je vous le dis, contaminez-vous les uns les autres. »



Remerciements:



Je tiens à remercier Babelio ainsi que les éditions Au diable Vauvert pour leur confiance et l’envoi de ce livre.
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          240
Porcherie, tome 4



Chers téléspectateurs, bonsoir.

Vous êtes bien dans l'émission Qui veut gagner des biftons, présentée par Jean-Pierre Foulcan.

Ce soir, nous accueillons de nouveau Antyryia, qui nous vient du nord de la France.



- Bonsoir Antyryia.

- Bonsoir Jean-Pierre.

- Vous avez été particulièrement brillant hier soir. Vous avez répondu aux six premières questions sans utiliser un seul joker !

- En effet, mais avec des questions comme "quel volume de Porcherie se situe entre le troisième et le futur cinquième ?", je n'ai pas eu beaucoup de mérite.

- Est-ce que vous êtes prêt pour continuer ? La prochaine question est primoridale puisque si vous répondez juste, vous atteindrez le second palier.

- Allons-y, je suis prêt !

- Dans une de ses nouvelles, Christophe Siébert décrit un anticonformiste refusant de vendre son âme à la société. Il abhorre les médias qui veulent lui dicter sa conduite. Un jour, chez le vétérinaire, il rencontrera un célèbre animateur qu'il enlèvera, déshabillera et torturera en direct sur la toile devant des dizaines de milliers d'internautes, insensible aux plaintes et aux gémissements de sa victime. Quel est le nom de cet animateur qui lui procurera à son tour son instant de gloire ?

S'agit-il de :

Réponse A : Nagui

Réponse B : Cyril Hanouna

Réponse C : Michel Drucker

Réponse d': Jean-Pierre Foulcan

- Ca ne peut pas être vous Jean-Pierre, vous êtes beaucoup trop sympathique. Ca ne doit pas être Michel Drucker non plus, depuis le temps il doit être mort. J'hésite entre Hanouna et Nagui, tous les deux très agaçants parfois.

- Est-ce que vous souhaitez prendre le 50/50 ? Et assurer le cap des quarante-huit biftons ?

- Non, je crois me souvenir qu'il s'agit de l'odieux Cyril Hanouna, qui multiplie les polémiques. C'est ma réponse, et c'est mon dernier mot.

- "Ca puait une odeur atroce de sang et de merde, on se serait cru dans un abattoir. Hanouna n'avait plus un centimètre de peau sur le dos, juste une plaie sanglante, une espèce de bouillie irrégulière." Eh bien bravo Antyryia, il s'agissait en effet de la réponse B ! L'histoire s'appelle d'ailleurs tout simplement "Killing Hanouna."

Vous avez donc remporté quarante-huit billets. Ils vous sont définitivement acquis. En coulisses vous me disiez que vous comptiez donner une partie de vos gains à une association ?

- En effet Jean-Pierre, une association que j'ai créée et qui s'appelle "Pour ma pomme". Elle vient en aide aux victimes des lectures de Siébert, qui ressortent souvent traumatisés par ses histoires horribles et choquantes et n'arrivent plus toujours à faire face aux frais psychiatriques engendrés par leurs cauchemars.

- Et c'est une très généreuse initiative ! Vous êtes prêt pour la question à soixante-douze biftons ? Vous n'avez rien à perdre de toute façon.

- Allons-y, je vous écoute.

- Dans ce récit mêlant horreur et pornographie culinaire, un jeune garçon de quatorze ans surprend son grand-père la nuit en train de se masturber devant la porte du réfrigérateur. Ce rescapé d'Auschwitz pousse le vice jusqu'à s'enfoncer dans l'anus des pilons de poulet recouverts d'huile, tout en invoquant et en insultant Satan. Quel est le titre de cette nouvelle sélectionnée pour le prix Sade 2015 ?

A / Pépé éjacule dans la béchamel

B / La bolognaise a un drôle d'arrière-goût ce soir

C / Papi jute dans la sauce aux câpres

D / Vous ne trouvez pas la sauce anglaise un peu gluante ?

- En bien sans hésitation, réponse C Jean-Pierre. A nouveau un texte dont on ne peut que ressortir profondément écoeuré. Parce que même si on s'amuse de cette famille qui mange du poulet au barbecue ou qui asperge sa langue de boeuf de sauce piquante en connaissant le sort subi par ces aliments, la suite est bien plus terrifiante. Pas en raison de ces invocations satanistes qui allègent un peu le récit au final, mais parce que le grand-père va dévoiler ses secrets au jeune narrateur dans de nouvelles scènes incestueuse dont l'auteur est si friand.

- Eh bien bravo Antyryia, il s'agissait bien de "Papi jute dans la sauce aux câpres". Je vous en lis un court extrait avant de passer à la question à cent biftons.

"Il m'a tartiné tout le corps avec le pâté, insistant sur les cuisses, les couilles, la bite, et m'a branlé avec sa main pleine de matière à moitié liquide en me hurlant dessus."

Je comprends mieux pourquoi vous avez créé une association pour venir en aide aux victimes de cet auteur très singulier.

- Unique en son genre. Il ne se contente pas de bousculer votre petit train train habituel de lecteur, il se fout des codes et du politiquement correct, il se moque des tabous, il ose tout et si parfois ça peut être amusant pris au second degré, le plus souvent c'est oppressant et le pauvre lecteur masochiste a lui aussi des envies de gerber comme le jeune homme de la nouvelle qui connaît ce qu'il y a dans la sauce.

- J'imagine que vous souhaitez tenter la question à cent biftons ?

- Allons-y, je suis venu avant tout pour m'amuser.

- En parlant d'amusement, dans la nouvelle de Christophe Siébert intitulée "Psoriasis", quel est le loisir principal du personnage principal Antoine Vandrargues ?

A / Crever ses pustules purulentes

B / Faire le ménage

C / Ecouter les appels d'urgence passés au Samu

D / La zoophilie

- Eh bien Jean-Pierre, je crois que je vais prendre mon premier joker. Je me rappele que c'est un pervers qui vit dans la crasse et qui ne trouve pas de femme en raison d'un physique disgracieux mais j'hésite entre les réponses C et D. Je ne suis plus sûr de savoir de quelle forme de déviance il souffre.

- Eh bien j'ai le texte sous les yeux et à en croire l'extrait suivant, "Il était gros, ses dents étaient jaunes, ses yeux injectés", il n'était probablement pas l'exemple même du sex-symbol. Et cet autre passage "Les détritus s'entassaient dans un coin, principalement boîtes vides, paquets de pâtes, bouteilles de vin et de whisky, canettes de bière, mégots." tend à démontrer qu'il n'était pas non plus un as du ménage. Ordinateur, veuillez enlever deux mauvaises réponses !

- S'il en enlevait trois, ça m'arrangerait.

- Il vous reste le choix entre les réponses A et C

- Alors je vais choisir la réponse C : Ecouter les appels d'urgence passés au Samu.

- C'est votre dernier ...

- Oui, oui, dernier mot, vous n'allez pas me le demander à chaque fois quand même !

- Eh bien c'est une bonne réponse ! "Psoriasis" nous raconte notamment comment un jour il arrivera avant les ambulanciers sur les lieux d'un grave accident, emportera le corps sans vie de Claire Frissard qui a succombé sous les coups de son conjoint. L'affreux Vandrargues au visage grêlé de croûtes voit son voeu le plus cher se réaliser et organise une cérémonie de mariage en toute intimité avec la défunte. S'il souffre d'une déviance comme vous semblez vous en rappeler, il s'agit probablement de nécrophilie mais l'écrivain à la décence de ne pas s'attarder sur les descriptions qui en résulteraient, restant dans la simple suggestion.

Souhaitez-vous tenter la question à cent-cinquante biftons ?

- Oui, j'ai encore deux jokers, je vais tenter d'aller le plus loin possible.

- On se retrouve donc juste après une page de publicité.



* * *



Vous en avez marre de lire toujours la même chose ? de deviner le nom du coupable dès la page dix ? de lire des romans absurdes plein de bons sentiments ? de voir que les auteurs publient toujours des copiés-collés de leur ouvrage précédent ? Alors osez l'expérience Siébert. Vous passerez en un clin d'oeil d'une ironie mordante à de l'horreur absolue, de la folie meurtrière à la pornographie dérangeante, vous sortant totalement de votre zone de confort en vous faisant réfléchir sur des sujets extrèmement variés d'ordre politique, économique ou social.

A ce jour quatre volumes de Porcherie sont disponibles aux éditions des crocs électriques.

Pour chaque recueil acheté, un euro soixante-dix est reversé à la Poste qui, neuf fois sur dix, parvient à trouver le chemin de votre boîte aux lettres.



* * *



- Dans la nouvelle "Deux-mille euros", toujours issue de Porcherie 4, le jeune narrateur va aider son ivrogne d'oncle à creuser un trou pour enterrer un corps. Il s'empressera d'accepter la proposition pour pouvoir fuir ce bled pommé dans lequel il vit depuis trop longtemps parmi les bouseux. Dans quelle enseigne commerciale sa mère se procure-t-elle la boisson au cola qui n'a rien à voir avec le vrai coca afin d'économiser quelques centimes ?

A / Lidl

B / Aldi

C / Carrefour

D / Intermarché

- Ah ben moi qui m'attendais à ce que vous me demandiez quel corps ils s'apprêtaient à cacher ... Ca je m'en souviens bien mais le nom du supermarché, je n'en n'ai plus la moindre idée. Ca n'est pas non plus la nouvelle que j'ai préférée dans le recueil. Je vais prendre le vote du public.

- Cher public, c'est à vous de jouer ! Ne tapez la réponse sur votre boîtier que si vous êtes sûrs de vous.

Trente secondes plus tard ...

- Les résultats sont vraiment très serrés ! Seulement 10% du public pense que la boisson au cola a été achetée à Lidl, 31 % à Aldi, 29 % à Carrefour et 30% à Intermarché.

- Alors je choisis sans hésiter la réponse A : Lidl.

- Vous ne faîtes donc pas confiance au public ?

- Ben non. Je ne sais même pas si un seul a lu Porcherie 4. du coup je raisonne à l'envers. Je valide, réponse A Jean-Pierre.

- Eh bien c'est risqué comme tactique. Ordinateur, pouvez-vous afficher la bonne réponse ?

Avec satisfaction, je constate que Lidl s'éclaire d'une petite lumière verte.

- Eh bien je dois bien dire que j'ai rarement vu ce cas de figure sur le plateau, bravo ! Alors, que souhaitez-vous faire maintenant ? Partir avec cent-cinquante biftons ou tenter les trois-cents ?

- Je continue, bien sûr !

- Dans "Lettre d'amour à ma fille", un père écrit une missive à sa petite Elodie, huit ans, pour lui dire combien il tient à elle. C'est un message plein d'amour dans lequel il lui décrit le temps qu'il passe auprès d'elle quand elle dort. "La plupart du temps, je reste ainsi un quart d'heure, je ne pense à rien et c'est merveilleux, comme si tu me donnais de l'énergie, comme si auprès de toi je me rechargeais." de façon très émouvante, ce père depressif qui a du mal à dialoguer avec son épouse Sabrina et qui considère sa vie comme un cauchemar permanent s'interroge sur son héritage. Il écrit en conclusion "Que puis-je t'offrir, te léguer, t'apprendre, te transmettre ?". Que s'apprête-t-il à faire ?

A / A se pendre

B / A montrer ses sentiments pour sa gamine de façon incestueuse

C / A se séparer de son épouse en laissant la garde exclusive de sa fille à Sabrina

D / A abattre à bout portant sa femme et son enfant tant aimé

- Alors sans hésiter, réponse D. Même si toutes auraient pu plus ou moins correspondre à ce qu'est capable d'écrire Siébert, cette nouvelle m'a profondément marqué, et c'est peut-être la meilleure de ce recueil. On lit dans cette lettre d'amour à quel point ce père désabusé est à bout, à quel point également il est effrayé à l'idée que sa fille vive dans un monde corrompu, sali, pollué. Alors il lui offre la mort comme un ultime cadeau pour l'épargner. Un geste qu'il veut généreux, un acte dont l'absolue tendresse contraste avec l'horreur d'un fait divers. Une nouvelle percutante, effrayante, et pourtant empreinte de sensibilité, comme seul Siébert peut les écrire.

- Merci pour ces éclaircissements. Bon, dîtes-moi, on arrive enfin à la dernière question. Alors souhaitez-vous tenter la question à mille biftons ?

- J'hésite. Je pourrais partir avec mes trois cents billets, c'est déjà beaucoup pour mon association.

- Je vous rappelle qu'il vous reste un joker.

- Bon, je ne vais pas faire durer le suspense trop longtemps, je vais prendre le risque de continuer.

- Très bien. le premier texte de Porcherie volume 4 s'intitule "Huit secondes" et raconte à première vue l'histoire toute simple d'un couple qui se sépare. La femme fait sa valise et emporte ce qui doit l'être, le mari va se prendre une cuite et s'en veut de ne ressentir aucune tristesse. de retour chez lui, il fera le ménage et s'abrutira devant la télévision jusqu'à ce que sa compagne revienne et que les deux amants se rerouvent provisoirement. D'apparence banale, cette nouvelle présente pourtant une originalité. Quelle est-elle ?

A / Elle se compose de trois paragraphes de trois cent trente-trois mots

B / C'est un gigantesque palindrome et elle peut se lire aussi à l'endroit qu'à l'envers

C / La femme n'existe que dans l'imagination du narrateur

D / Il s'agit d'une histoire faisant partie d'un tout beaucoup plus vaste

- Aïe ... Je vous avouerais que j'ai eu du mal avec cette nouvelle, dont j'ai cherché longuement le sens caché, la lisant quatre fois intégralement, attentif aux détails, et pourtant je ne suis sûr de rien. La première fois je me suis demandé si une grande partie de ce qu'y s'y passait ne se déroulait pas en rêve étant donné les quantités d'alcool astronomiques englouties par le narrateur. J'ai aussi songé qu'en filigrane il était peut-être question d'un enfant mort et incinéré qui aurait provoqué la séparation du couple étant donné des allusions à un enterrement, à un tiroir, un cendrier, et un prénom, "Fitzgerald". J'ai aussi pensé à une journée qui recommencerait encore et toujours. Les allusions au temps sont nombreuses : Dans le titre déjà, huit secondes étant la durée que met un avion à parcourir la distance qui sépare la demeure de l'homme de l'hôtel dans lequel réside désormais sa femme, et puis d'autres références : "Trente minutes ont passé. La télé rendait sans signification l'écoulement du temps." ou cinq minutes pour prendre l'air qui durent des heures. Géographiquement et météorologiquement, il existe également des dissonances puisqu'il est aussi bien fait référence à la douceur humide du printemps anglais qu'à la lumière saine du désert californien. Est-ce que les heures s'écoulent différemment ? C'est comme si l'auteur nous privait de repères dans l'espace et dans le temps.

- Est-ce que vous souhaitez appeler un ami ?

- Ben écoutez, oui, ça serait dommage de ne pas utiliser mon dernier joker vu les enjeux.

- Qui souhaitez-vous appeler ?

- Je vais appeler Christophe Siébert

Le téléphone sonne.

- Bonsoir Christophe, c'est Jean-Pierre Foulcan. Je suis avec Antyryia qui compte sur vous pour répondre à la question à mille biftons. Je vous le passe.

- Christophe ? Excusez-moi de vous déranger mais je suis embêté avec votre nouvelle Huit secondes et c'est sur ce texte que porte ma question.

Je lui récite les quatre propositions.

- Bon, ce n'est pas un palindrome. Quant aux paragraphes de trois cent trente-trois mots, il s'agit juste d'une référence à Nuit noire, rien à voir avec Huit secondes. Je vous l'ai déjà dit mais ce texte présente des échappées pour que le lecteur puisse s'il le souhaite creuser plus profondément ce qu'il y a derrière cette histoire, qui n'est que le fragment ...

- Oui mais vite, il me faut une réponse ! A, B, C ou D ?

- Encore trois secondes.

- Eh bien c'est forcément la rép...

Bip, bip, bip...

- Bon, Antyryia, je suis désolé, mais il va me falloir une réponse.

- Réponse A !

- Ordinateur ?

Tandis que les réponses B et C sont éliminés, je me rend compte que j'ai dit une grosse bêtise.

- Euh non, réponse d'Jean-Pierre !

- C'est trop tard.

- Mais vous ne m'avez même pas demandé si c'était mon dernier mot, tricheur !

- C'est vous même qui m'avez signifié que je ne devais pas vous embêter à chaque fois avec cette question je vous rappelle.



La fin, vous la devinez.

C'était la réponse D : Cette histoire fait partie d'un tout beaucoup plus vaste.

Et moi je suis reparti avec mes quarante-huit billets de cinq euros, un peu contrarié.

Si je croise Jean-Pierre Foulcan chez mon vétérinaire, j'ai déjà plein d'idées de tortures en tête ...



Commenter  J’apprécie          2314
Nuit noire



08 : 01

Dégueulasse. Immonde. Répugnant. Ecoeurant.

C'est la première fois qu'une lecture me noue le ventre à ce point, que mon impression de suffoquer est aussi réelle. Et pourtant, je suis habitué aux excès d'hémoglobine ( qui me font sourire ) et je suis plutôt amateur de romans amoraux, glauques, noirs ou dérangeants.

Mais là tous les auteurs de gore peuvent aller se rhabiller. Tout ce que j'ai pu lire avant c'était de la franche rigolade.

"A ne pas mettre entre toutes les mains" n'a jamais été aussi vrai. Même pas entre les miennes. Mais c'est trop tard.

Ce livre ne distille pas un malaise : il maintient une oppression.

 

07 : 02

Impossible de mettre un nombre d'étoiles. Trois, une, cinq ? Ca n'est pas un livre, c'est une expérience nauséeuse. le narrateur se nourrit de charogne au début de l'histoire. Il ne la digère pas et régurgite son repas macabre. Mais il recommence encore et encore jusqu'à ce que son corps accepte cette viande avariée.

"Il m'arrivait de manger de la viande pourrie ou de boire du sang caillé pour intensifier les visions."

Pour le lecteur c'est pareil. On tourne les pages comme pour mesurer notre degré de résistance à l'abject. Pas par passion pour une histoire où tout est prétexte à nous tordre les tripes.

 

06 : 03

Trois étoiles par défaut donc, et parce qu'il ne peut en être autrement étant donné l'importance de ce chiffre.

Le numéro 33 de la collection "Noire" chez Rivière blanche, qui rend hommage à feu la collection Angoisse ( Fleuve noir ).

"Un plus neuf plus huit plus neuf, vingt-sept, trois au cube, trois, trois, trois, vingt-sept, deux plus sept, neuf, trois plus trois plus trois, trois, trois, trois, trois cent trente-trois, le chiffre sacré, mon chiffre, la clé."

"La confession du tueur. Trois parties. Trois fois trente-trois paragraphes. Chaque paragraphe composé de trois cent trente-trois mots."

A noter qu'il existe deux versions de ce roman, qui a été initialement publié en 2011 et réédité en 2014 dans la collection Trash dans une version raccourcie ( mais à ce sujet, je vous invite à lire le commentaire de l'auteur ci-dessous ), avec trois chapitres sur les six. Ces fameux trois chapitres de confession de trente-trois paragraphes comportant chacun un nombre de mots que je n'ai pas recomptés précisément ... mais qui semblent effectivement se composer de trois cente trente-trois mots à chaque fois.

Tout un exercice de style.

Parce que, et ça ajoute au paroxysme de l'horreur, l'écriture a beau être souvent brutale et très crue, elle n'en est pas moins soignée.

 

05 : 04

Dans la version intégrale, la biographie du tueur alterne donc avec un récit parallèle dans lequel on suit un personnage prénommé Gerlan qui va tuer la femme qu'il aime sans se rappeler des circonstances l'ayant amené à de telles extrémités et qui sombrera lentement dans l'alcool, la drogue et la folie. Rien de particulièrement réjouissant donc mais à la limite, l'épouvante y est plus classique et on respire davantage quand vient son tour.

 

04 : 05

Mais dans ce fameux journal du meurtrier, rien ne nous est épargné. Toutes les formes de déviances et d'atrocités trouveront tôt ou tard leur place.

Il faut dire aussi que le narrateur n'avait que peu de chances de ne pas conserver de graves séquelles psychologiques après son enfance. Son grand-père se suicide d'un tir de fusil dans la tête presque sous ses yeux, puis c'est au tour de son père de se pendre. La mère quant à elle le privera rapidement de tout repère sexuel dès sa plus tendre enfance et entretiendra une relation de plus en plus incestueuse avec son jeune fils. Depressive, elle laissera traîner ses médicaments qu'avalera également le futur monstre, ce qui achèvera probablement de le déglinguer. Il renaîtra le jour où il tuera et mangera sa mère.

"j'agissais de manière automatique. Je n'avais aucun désir."

"J'étais l'inverse d'un loup-garou. Ma malédiction me poussait à être humain la plupart de mon temps."

 

03 : 06

Au nom du dieu Anteros ( mythologie grecque : frère et opposé d'Eros ) pour lequel il a construit un sanctuaire à base de cadavres d'animaux putréfiés, de sperme et de merde ( le personnage est obnubilé par les secrétions corporelles : larmes, sang, sueur ), le festival d'ignominies se poursuivra.

Incestes, viols, pédophilie, cannibalisme, automutilations, maltraitance, nécrophilie, scatophilie, tortures, humiliations, prostitution, exécutions, démembrements en sont quelques exemples.

Si Christophe Siebert est également auteur de quelques romans érotiques, j'imagine que les scènes explicites du roman Nuit noire en matière de masturbations et de sexe crade ( et c'est un euphémisme ) n'ont aucun rapport avec cette précédente expérience d'écrivain. Je n'ose même pas le citer. Imaginez le pire, vous serez encore loin du compte.



02 : 07

Est - on dans la surenchère d'horreur gratuite ? Oui et non. Je pense que l'objectif de l'auteur était bel et bien de choquer son lecteur en multipliant les passages étouffants, davantage que de raconter une histoire. Mais il nous laisse aussi reprendre parfois brièvement notre souffle, et même si la lecture est douloureuse, elle ne l'est pas par son catalogue de gore uniquement descriptif mais bien par son ambiance épaisse et gluante.

 

01 : 08

"En vingt ans je n'ai pas tué tant d'êtres humains que ça, deux ou trois par an, pas plus. le reste du temps je menais une vie normale."

Commenter  J’apprécie          2112
Fabrication d'un écrivain

Depuis la parution de ses textes sur la cité de Mertvecgorod, j’essaie de lire tout ce que Christophe Siébert publie : Images de la fin du monde, Feminicid, Valentina et récemment Volna. Il m’en manque encore, mais je comble progressivement mon retard. Dans l’optique de mieux comprendre cet écrivain et ses obsessions, je me suis plongé récemment dans son court essai biographique, proposé gratuitement par lui et son éditeur, Fabrication d’un écrivain.



Comme je pouvais l’espérer, Christophe Siébert ne tourne pas autour du pot ni ne fait de grands discours. Il est direct et assène ses vérités, ses observations, ses remarques avec efficacité et une certaine froideur clinique. Pas d’auto-congratulation, sauf un peu à la fin, quand il fait un rapide bilan de sa situation actuelle. Mais c’est plutôt de l’ordre du constat. Aucune effusion, pas de bouteille de champagne.



L’auteur commence son texte dans sa jeunesse (« à huit ou neuf ans »), quand il bricolait des scénarios de bédé et avance d’étape décisive en étape décisive. Certaines épisodes sont racontés sans réelle passion et donc sans pathos, alors que les situations narrées s’y prêteraient facilement. Dans une de ces séries sirupeuses, les violons tourneraient en boucle. Ici, précision du scalpel, analyse froide de l’entomologiste comme on dit. Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de passion, qu’on en ressent rien. Au contraire. Cette façon de faire permet plus facilement de ses poser avec lui certaines questions : « Le résultat, sans surprise, s’est avéré très mauvais. Pourtant j’ai continué. Pourquoi ? »



Un des points qui m’a le plus frappé est ce côté inéluctable. Christophe Siébert insiste souvent sur le fait qu’à ses débuts, et pendant de longues années, sa production était conséquente mais de qualité médiocre (« Ce que j’écrivais à l’époque n’était toujours pas bon »). Mais surtout, il n’a jamais arrêté : « j’écrivais comme un bousier roule son caca, sans imaginer qu’une autre activité soit possible. »). La vie lui a tendu un grand nombre de croche-pattes, douloureux (parents dangereux pour lui, fugue, pauvreté, …). Mais il a continué à écrire. Au début à une fille qu’il aimait « sans espoir de retour » et à qui il envoyait tous ses textes. Puis à qui voudrait le lire, distribuant ses écrits « gratuitement aux passants » ou les jetant « par la fenêtre » dans la rue. Il s’est associé à d’autres écrivains en herbe, avec autant de lacunes que lui, à l’en croire. Et toujours, il a écrit. Jusqu’à ce que l’expérience et les rencontres l’amènent à publier dans une maison d’édition reconnue. Je ne vous raconte pas les multiples étapes, nombreuses et passionnantes, qui précèdent cette reconnaissance. Il faut vous laisser découvrir ces moments.



Lucide en apparence sur lui (et sur le monde, il suffit de le lire), Christophe Siébert propose dans Fabrication d’un écrivain une autobiographie littéraire courte mais puissante. Un texte vite lu, mais pas vite oublié. Un exemple d’une prose forte et sans concession d’un homme qui semble savoir ce qu’il veut et a planifié son œuvre pour les années à venir. Espérons que tout se passera selon ses plans. Vivement sa prochaine incursion dans les rues de Mertvecgorod !




Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          200
Volna

Mertvecgorod. Est-il encore besoin de présenter cette ville infernale à ceux qui me suivent sur ce blog ? Quelques détails : Mertvecgorod est née dans l’esprit de Christophe Siébert, un écrivain français qui aime se promener dans les bordures de notre société. Dans ce qui est caché, rejeté. Ce qui paraît sale, répugnant, interdit. Et il explore ces facettes sombres de notre humanité. Avec Mertvecgorod, il a trouvé un terrain idéal d’exploration !



Commençons par mon étonnement à la découverte de ce titre chez Mu (label des éditions Mnémos), alors que les précédents titres de cette série sont parus chez Au diable vauvert : Images de la fin du monde, Feminicid et Valentina. Sans oublier une nouvelle dans l’anthologie des Imaginales 2023 (passée cette année, justement, des éditions Mnémos à celles d’Au diable vauvert), Le Futur de la cité. Mes interrogations ont rapidement trouvé leur réponse dans la préface très éclairante de Marion Mazauric, fondatrice et dirigeante des éditions Au diable vauvert. Pour résumer, le projet de Christophe Siébert est tellement gigantesque qu’une seule maison d’édition n’y suffit pas. Il faut en associer plusieurs pour apaiser la soif d’écrire de l’auteur. D’ailleurs, il a également fait paraître d’autres récits, hors cycles, ailleurs : Hram chez Gore des Alpes et Vive le feu chez Zone 52. Boulimique… Mais comme j’adore cet univers, je ne vais pas m’en plaindre.



Volna inaugure un nouveau cycle, Black-out, qui racontera les évènements survenus entre 2029 (année du black-out, logique) et 2050. Mertvecgorod vivotait, baignant dans sa pollution et sa corruption endémiques, quand les autorités ont décidé de fermer toutes les frontières du jour au lendemain. Façon mur de Berlin. L’économie de la ville s’en est trouvée bouleversée et les habitants ont dû prendre de nouvelles habitudes. Ici, on se rince la bouche, lors du lavage de dents, à la vodka, car elle coûte moins cher que l’eau. D’ailleurs, on se lave un jour sur deux. Les odeurs corporelles fleurissent, aigres, tenaces. L’ambiance générale est donc à la survie. Les quartiers sont tous verrouillés, les check-points fleurissant à chaque limite. Ici dominent les plus puissants, les plus forts. Chaque personne possédant un minimum de pouvoir l’utilise pour asservir l’autre, obtenir de lui ou d’elle quelque chose, l’humilier. Les pulsions les plus profondes, les tendances animales sont portées à leur paroxysme. Vous devez passer une « frontière » entre deux kvartali, vous savez qu’il vous faut avoir de la chance : si les soldats qui la gardent sont de mauvaise humeur ou tout simplement vicieux à l’excès, vous risquez de perdre du temps. Ou votre liberté. Voire votre vie.



Catherina est une de ces forçats. Elle effectue un travail abrutissant qui consiste à surveiller d’autres travailleurs. Elle-même est surveillée en permanence. La Stasi n’aurait pas fait mieux. Elle tient par habitude et grâce à l’oubli offert par les drogues. Elle va héberger Roman, un ami qui s’est fait virer de chez lui par sa femme parce qu’il avait fréquenté une boite gay. Ce dernier n’a qu’un but, à part se défoncer du matin au soir : voir encore sa fille. Épave qui se traîne du canapé à son travail où il garde son poste par miracle, il vit, lui aussi, par habitude. Leur existence est bouleversée par la découverte d’un capucin, un singe qui traînait sur un parking. Il s’agit d’un animal de compagnie asservi par une technologie nouvelle. On peut l’éteindre à volonté. Et le transformer en espion. Tout ce qu’il enregistre est stocké sur une carte SIM.



Il est facile d’imaginer que cette carte renferme des secrets inavouables. D’autant que la dépravation est monnaie courante à Mertvecgorod. Certains passages des autres récits de cette ville montrent des actes d’une cruauté inimaginable où ce qui compte pour certains, c’est le pouvoir qu’ils ont sur les autres (ici, ils sont juste effleurés, mais n’en restent pas moins marquants). Et tout est permis, de la torture la plus violente à la pédophilie la plus abominable. Les interdits habituels de nos sociétés modernes volent en éclats dans cette cité où la force, l’argent et la corruption règnent en maitre.



Catherina et Roman vont donc devenir des cibles qu’il faut traquer et éliminer. Afin de récupérer la carte. Et les forces intéressées par cet objet et ce qu’il contient sont nombreuses. Et armées. Et violentes. Et sans scrupule. Je pense au groupe composé d’Anton, Sasha et Adam. Chacun a sa spécialité. Chacun son vice. L’un n’aime rien tant que donner des claques, mécaniquement, sans émotion apparente. Un autre ne s’éclate que dans la destruction de tous les objets qui composent le quotidien de ses victimes : quand il entre dans leur appartement, il ne peut en sortir avant d’avoir tout brisé, tout réduit en miettes. Histoire de montrer qu’il ne leur reste plus rien, qu’ils n’ont rien pour se réfugier. Et ce trio n’est donc pas le seul groupe à la poursuite de la carte. Les collisions vont être violentes, brutales, meurtrières.



Ce nouveau cycle propose, pour débuter, une œuvre plus linéaire que les précédentes, mais au découpage plus mordant, plus rythmé. On ne trouve pas la variété de textes du Cycle des chroniques de Mertvecgorod (extraits de journaux, analyses de collectes de données, chronologies) qui en faisait leur originalité. Mais l’action se déroule, rapide et froide, devant nos yeux. Et c’est bon : Volna se lit rapidement, comme un coup acide dans le visage. Je suis décidément toujours addict. Encore, encore, ENCORE !
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          200
Porcherie, tome 1



Vous avez une petite baisse de moral ? le genre humain vous désespère un peu plus chaque jour ?  Vous avez besoin de positiver ?

Ne lisez pas Porcherie.



Christophe Siébert nous propose ici un recueil de huit nouvelles courtes ( entre deux et six pages par texte soit un peu plus de trente pages de lecture ), le premier d'une série de cinq. Ils seront progressivement publiés aux éditions des crocs électriques. Illustré d'une couverture en papier calque ( peinture signée Anne van der Linden ), disponible à un prix modique, ça peut être l'occasion de découvrir le style unique d'un auteur qui en quelques lignes seulement parvient encore une fois à bousculer, déranger et faire réfléchir. D'autant plus que la majorité des textes ici présentés, qu'ils soient inédits ou édités dans des revues désormais épuisées pour la plupart, présentent différents niveaux de lecture. Et comme elles sont courtes, les relire pour profiter de leurs subtilités n'a rien de contraignant.



Si les histoires qui nous sont ici relatées sont davantage des morceaux de vie ( plutôt de fin de vie parfois ) laissant en partie libre cours à l'imagination, s'il est très souvent question de la famille et de l'amour qui relie ses membres ( pas toujours de façon inconditionnelle ), je les ai classées en binômes thématiques.



Dans le genre horreur, on retrouve "La vieille", initialement parue dans le recueil Dimension trash. L'histoire commence avec la mort d'une dame âgée, dont le corps sera retrouvé une quinzaine de jours plus tard, l'odeur ayant fini par alerter les voisins. La force de ce texte étant que si pas grand chose ne nous est épargné concernant la lente décomposition d'Aline Gougier, les passages putrides alternent avec les souvenirs de cette femme qui s'effacent à rebours, au fur et à mesure que son corps se dégrade. Cette nouvelle, c'est donc à la fois un alzheimer post-mortem, une réflexion sur les personnes seules dont la mort peut trop longtemps passer inaperçue et un cauchemar éveillé : le corps qui se désagrège et les pensées qui persistent dans la plus macabre des prisons de chair.

"Compassion" est une histoire choquante également, dont la dernière scène me hantera longtemps. Jean-Paul montre à son fils d'un an et demi comment se raser, à l'ancienne, avec un coupe-chou et un blaireau. Ce professeur de SVT de collège aime sans commune mesure tout ce qui est imberbe. Les poils le répugnent d'où cette passion ( obsession ? ) pour le rasage. D'où d'autres inclinations plus inavouables pour de trop jeunes filles qui vient à être révélée à tout son entourage professionnel et familial. Seule la fin nous plonge dans un bain de sang. le malaise est là en revanche tout au long de l'histoire, latent. le lecteur manque d'informations. Jean-Paul est il si profondément déviant ? A chacun de se faire son idée sur le crime ... et le châtiment.

 

Déjà présent dans La place du mort et Nuit noire, l'inceste est également un sujet que je ne suis pas surpris de retrouver en lisant les deux dernières nouvelles du recueil.

"Tête morte" est une conclusion forte au livre puisqu'il s'agit d'une forme de légitimation d'un acte sexuel interdit. Mais à partir de quand une relation est-elle incestueuse ? Quand Oedipe couche avec sa mère dans la mythologie, il ne sait pas qu'il s'agit d'elle alors doit on réellement considérer l'acte comme une faute ? Ici on est dans le même genre de doute.  Quand l'amour et la maladie s'en mêlent, les frontières du bien et du mal d'une morale bien pensante sont beaucoup plus floues. M'obliger à raisonner autrement m'a sorti de mon confort habituel de lecture et  quelques pages ont suffi. Ce qui est dérangeant.

Je suis plus partagé quant à la nouvelle "Ma soeur", plus crue, et pourtant non dénuée de poésie dans la forme ( quasiment aucune majuscule ou aucune ponctuation ). L'histoire d'un frère obsédé par sa frangine, par la fellation qu'elle pourrait lui faire. Les questions des frontières entre bien et du mal sont à nouveau posées, mais ici le lecteur sait les situer. A l'inverse du narrateur. Et c'est ce qui trouble cette fois. Ce petit obsédé ne se rend il vraiment pas compte du mal qu'il fait pour un simple assouvissement égoïste ?

 

La famille, et notamment le mariage et les sentiments de deux êtres qui se sont dit oui pour la vie est au centre de deux autres histoires.

"Amour" commence par ces lignes :"Longtemps je me suis demandé si j'aimais ma femme. Longtemps je me suis demandé aussi ( quoique moins souvent ) si ma femme m'aimait. Je crois que la question ne m'intéresse plus. Je crois que la réponse est non dans les deux cas." La vision du couple est donc noire. Et à nouveau, une claque en seulement deux pages de réflexions poisseuses sur les sentiments, sur l'illusion et les désillusions d'une union, et la seule façon d'en réchapper.

Le narrateur de "la première fois que j'ai tué mon père" est un collégien de douze ans. Un enfant qui déteste sa mère ( "Elle est laide et idiote mais je m'en fous, ça fait longtemps de toute façon que je n'ai plus de sentiments pour elle, enfin à part du mépris et un peu de haine, mais la haine passe doucement." ) et ressent une certaine admiration pour son père les rares fois où ce dernier ose s'opposer à son épouse. Une histoire que chacun interprétera comme il voudra mais qui m'a fait réaliser que l'absence de sentiments pouvait tuer plus sûrement qu'une arme blanche.

 

Le livre contient également deux histoires d'obsessions.

"Les vignes" est le seul texte humoristique de Porcherie, mais bien sûr l'humour est grinçant, le rire est jaune. Il arrive un drôle de tour à Dédé.

"Toutes les nuits, depuis une semaine, il y a un couple qui baise dans mes vignes"

Mais bien sûr, personne ne le croit. Dédé est la risée de ses compagnons de beuverie, la police se moque également de lui. Devient-il fou ? Il n'arrive jamais à temps pour interrompre ces ébats champêtres. Des fantômes peuvent ils laisser des préservatifs usagés ? Je vous laisse le soin de le découvrir.

Enfin, "Pas envie" a aussi un côté décalé, absurde puisqu'un homme ressasse jusqu'à la nausée certaines pensées dans les toilettes.

"Il se dit : bon, faut y aller.

Il se dit : sois courageux, connard.

Il se dit : pour une fois, fais ce que tu as dit. Pour une fois sois un homme.

Il se dit : ils comptent sur toi.

Il se dit : j'ai pas envie, ho putain que j'ai pas envie."

Et à nouveau, en moins de deux pages, ma gorge s'est nouée aux dernières lignes. Une scène en apparence anodine et quotidienne, un homme pour le moins hésitant ... et le décalage avec la tragédie à venir est encore renforcé, et encourage à relire la courte nouvelle en se demandant comment on a pu ne rien voir venir.

 

Le seul défaut de ce recueil, c'est finalement d'être trop court, même si certains textes sont amenés à être lus plusieurs fois. J'ai livré mes ressentis ou interprétations de différentes histoires, mais chacun pourra se faire son propre avis en fonction de ses idées et de son vécu. Les histoires ont une fin mais pas toujours de début ou de contexte clairement défini, ce qui laisse libre cours à l'imagination de chacun de s'exprimer.

Christophe Siébert est principalement connu pour avoir rédigé Nuit noire, à ce jour pour moi le roman qui est allé le plus loin dans l'horreur. Il l'est aussi pour ses érotiques publiés chez la musardine. Cet auteur là, je l'ai certes un peu retrouvé au travers de Porcherie, mais mon horizon s'est beaucoup élargi et ce serait une erreur d'être aussi réducteur. Les inspirations de l'auteur sont beaucoup plus variées et qu'il évoque la mort, la parentalité, l'amour, les déviances ou la folie, ce sont autant d'uppercuts qui laissent pensifs ou créent un malaise.

Huit coups de poing parce que quelques lignes suffisent parfois à passer un message, communiquer une idée.

Et, probablement par masochisme, j'en redemande.

 
Commenter  J’apprécie          206
La place du mort : Une série Z existentielle



A l'instar du perturbant Nuit noire en 2012, cet autre roman de Christophe Siébert avait été sélectionné pour le prix Sade 2014.

Sans doute par propre masochisme, j'ai souhaité vérifier si mon expérience malsaine précédente allait ou non être réitérée. La réponse est non, du moins pas autant.

La place du mort est un roman d'une noirceur extrême, mais je ne le cataloguerais pas "horreur", contrairement à son prédecesseur. En outre, la recette pour choquer le lecteur est un peu similaire et même si l'histoire parle de tout autre chose, son aspect destabilisant ne fonctionne plus aussi bien que la première fois.

Cela dit, on n'est pas vraiment dans de l'eau de rose. La lecture est demeurée éprouvante et je ne vais pas prétendre être resté de marbre face aux atrocités qui nous sont relatées. Christophe Siébert écrit pour déranger et bousculer les normes, et il y parvient très bien.

En quatrième de couverture, où on trouve en règle générale une appréciation dithyrambique et souvent mensongère ("Le livre de vos nuits blanches !"), l'écrivain et scénariste Vincent Ravalec nous dit plus honnêtement "Christophe Siébert est un très bon écrivain. Il a un super style, bien meilleur que beaucoup, mais j'ai du mal avec ce qu'il écrit." J'aurais tendance à rejoindre son avis.



Dès les premières lignes, le lecteur sait que l'histoire finira mal pour sa narratrice, Blandine.

"je meurs avant d'avoir pigé quoi que ce soit, je meurs plus vite que le son et quand j'entends les tirs je suis déjà crevée."

Puis premier flash back, nous présentant Blandine et Sammy, deux personnages anarchistes, désespérés, qui se consument. Qui se sentent vides, qui aspirent à mourir mais qui pour l'instant brûlent encore intensément. De passion charnelle, ( d'amour même peut être pour la première fois ) et du besoin de tout détruire.

C'est eux deux contre le reste du monde.

"On a beau croire que le monde est incassable, il est aussi fragile que le reste, tout est facile à casser, on peut tout détruire, on peut tout foutre en l'air, il suffit de le vouloir assez fort."

A leurs yeux nous, le commun des mortels, ne sommes que des morts en sursis.

"Tout le monde se traînait, il n'y avait ici comme ailleurs que des corps déjà morts, des carcasses vidées de toute vie, des cadavres sans âme."



La place du mort fait donc non seulement allusion au siège qu'occupe Blandine dans une voiture roulant à folle allure ( "J'avais l'impression de rouler à deux cent kilomètres/heures, à trois cent kilomètres/heure, le monde autour de nous s'était transformé en traînées floues" ) mais aussi à la place qu'elle occupe dans une société qu'elle méprise ou à celle qu'elle

aspire à rejoindre.

"J'ai fait le deuil du monde, je n'en fais plus partie, je ne lui appartiens plus."



La douleur physique est le seul moyen pour Blandine de se sentir en vie.

Elle prendra différentes formes comme la scarification mais surtout l'incandescence d'une cigarette brûlant sa poitrine. Le plus souvent sous une température avoisinant la fournaise. Le champ lexical du feu est d'ailleurs omniprésent : Les pieds nus sur le brûlant goudron / laisser le soleil me brûler le crâne encore / la folle qui se laisse cramer les nénés pour un coup à boire / nos frottements et nos frictions vont foutre le feu à ce monde de merde / ce qui compte c'est que nous soyons d'une seule flamme / Que tout s'effondre en cendres ... et ainsi de suite, sans compter les armes à feu.



Dans la seconde partie, nouveau flash back, nous en apprendrons davantage sur le passé de nos deux antihéros. La descente aux enfers de Sammy ( dépression, alcoolisme, chômage, perte de tout domicile, de toute dignité ) et des morceaux choisis de la biographie de Blandine. D'abord sur sa famille : son frère à qui elle a offert sa virginité, sa mère embourgeoisée incapable de la comprendre, son fils pour lequel le degré d'attachement est inconnu. Puis sur ses premières dérives vers la prostitution. Elle a très vite compris qu'elle pouvait se servir de son corps comme d'un simple moyen de transaction. "La puterie", comme elle l'appelle avec indifférence.



Alors certes, c'est un livre qui nous bouscule, qui nous percute, dont le rythme devient même infernal aux deux tiers du roman. Mais personnellement, j'ai eu du mal avec cette overdose d'action et de sexe.

Impossible bien sûr de s'attacher à des protagonistes sans âme qui s'improvisent hippies ( "Nous buvions de la bière et fumions des pétards, nous nous roulions des pelles, c'était la belle vie." ) mais surtout terroristes. Le néant qui les caractérise a beau être magistralement décrit, ils n'ont par conséquent aucune finesse psychologique. Ils se sentent incompris et effectivement ... il est impossible de les comprendre et de suivre leur raisonnement chaotique.

Quant à la pornographie, elle a ici une place légitime. Mais toutes les formes de débauche sont exacerbées. Alors ça baise à tout va pour tenter de gagner un peu d'argent ou surtout pour essayer d'eprouver enfin quelque chose. Mais cette fois j'ai ressenti une forme de surenchère. Le roman est trop axé sur le sexe sous une forme souvent déviante. Inceste, scatophilie, fist fucking, sadomasochisme ... et bien pire encore. Et même si Siébert a le mérite de décrire sans tabou tant les relations hétérosexuelles qu'homosexuelles, il n'en ressort que vices, commerces et humiliations.



La place du mort est donc une histoire dérangeante, hyper violente et nihiliste, à laquelle je n'ai personnellement pas adhéré. Mais je ne crois pas que l'objectif de Siébert soit de conquérir un large public ou de plaire au plus grand nombre. Il a le mérite de proposer une littérature dite alternative et ce qu'il propose dans son style unique a le mérite d'être intègre et inédit.

Commenter  J’apprécie          200
Valentina

Cinq, ils sont cinq. Cinq ados de Mertvecgorod. Cinq ados qui, pour accepter le monde pourri qui les entoure, fait de violence et de sexe violent lui aussi, de pauvreté et de pollution extrême, se shootent du matin au soir et tournent à la musique punk d’avant 2000. Un cocktail détonnant et morbide, mais pas désespéré. Au contraire…



Pour ceux qui n’ont pas lu les deux précédents textes ayant pour cadre Mertvecgorod, Images de la fin du monde et Feminicid, petit rappel tiré du site https://mertvecgorod.wixsite.com/mertvecgorod : « Mertvecgorod, 7,2 millions d’habitants, est la capitale de la RIM, petite république née à la chute de l’URSS et coincée entre la Russie et l’Ukraine. Surnommée « l’océan de merde » par ses habitants, elle tire son économie de la destruction, du recyclage et parfois du trafic de déchets. De fait, la Zona, vaste no man’s land de 12 000 hectares qui coupe la ville en deux, est le plus vaste centre de gestion des ordures de la planète. » Cela met tout de suite dans l’ambiance. Bonne nouvelle, il n’est pas nécessaire d’avoir lu ces deux récits pour attaquer Valentina. C’est un plus, car cela donne une idée de l’endroit où on se situe, des tenants et aboutissants, mais, comme le rappelle l’auteur dans sa préface, Valentina appartient à un autre cycle que celui des Chroniques de Mertvecgorod, composé actuellement des deux romans cités plus haut : le cycle d’Un demi-siècle de merde. Tout un programme ! Autant, dans le premier cycle, Christophe Siébert dressait le portrait d’une ville en déliquescence, autant, dans ce deuxième cycle, il va s’attacher à des histoires particulières, plus intimistes. Pour vivre Mertvecgorod de l’intérieur.



Meksi, Laska, Sbrod, General et Kreditka sont nés entre 1983 et 1986. Ils sont donc bien jeunes pour être livrés à eux-mêmes. Mais, comme dans toute cité en déshérence, les plus fragiles sont en première ligne. On s’attache donc aux pas de ces cinq paumés, qui ont la tête sur les épaules, mais n’ont pas d’autre horizon que la défonce et la musique. Mais attention, pas n’importe quelle musique : du punk et indus russe des années 1980-90. Bande-son dont Christophe Siébert nous précise, dans le corps du texte et en annexe, les références précises, si l’envie nous prend d’y jeter une oreille. Mais de toute façon, ce n’est pas nécessaire tant la musique est omniprésente dans cette histoire. L’auteur cite les titres, les noms de groupes, comme autant de fantômes exotiques sortis d’un chapeau usé. Rien que le support : des cassettes. Plongée dans un passé technologique mort et enterré pour la majorité. Puis il décrit en quelques phrases fortes ce qu’écoutent ses personnages. Chaque morceau, au cours du récit, est ancré dans les scènes : une « voix douce, profonde, rocailleuse » pour un moment émouvant ou « bon rythme bien binaire, années quatre-vingt à fond, synthétique, imparable » pour se réveiller. Et le décor sonore se met en place, à son rythme, un peu bancal.



C’est d’ailleurs ce démarrage que j’ai trouvé un peu long. Cette mise en place des personnages, avec leurs vies en vrac, leurs habitudes de défonce : l’école juste le temps nécessaire pour éviter les ennuis. Et puis ensuite, les promenades, l’alcool, la drogue, la musique. La défonce en permanence ou presque. Le sommeil rare et inefficace. Il m’a fallu attendre l’arrivée du cadavre (je sais, ce n’est pas très glorieux) pour vraiment me sentir concerné. Malgré la présence par moments de curieux et mystérieux textes pseudo-poétiques, crus et violents, dont on ne découvrira l’auteur que plus tard et qui trouveront toute leur place dans l’intrigue : « Salopedemère avait raison pas vrai / Connarddepère avait raison pas vrai », « Dégorger le membrehonte dégorger le membresang ». Du Siébert dans le texte !



Cependant, le rythme prend, peu à peu, de l’ampleur. Et l’on devient accroc à ces enfants adultes, à leur énergie, à leurs rêves, qu’ils n’hésitent pas à tenter de mettre en pratique, malgré les difficultés, malgré le monde autour d’eux. Unis, solidaires dans la crasse, dans la merde, dans la mort, ils se soutiennent et vivent avec force. Et nous entraînent dans leur trip au point qu’on se trouve convaincu qu’ils sont bien, finalement. Qu’ils vivent pleinement, eux.



Christophe Siébert vit Mertvecgorod, sa cité en ruines, et pourtant toujours debout. Il lui a donné un souffle, putride certes, mais bien réel. Il lui avait offert une histoire et un cadre dans ses deux précédents romans. Avec Valentina, il la peuple. D’êtres pleins de passions, de sentiments, de besoins, de pulsions. D’êtres en sursis dans une ville condamnée. D’anges à la tête farcie de musique et de violence, au corps gorgé d’alcool et de drogue. Suivez-les dans leur parcours erratique, terrible mais teinté d’optimisme. Il en faut, pour vivre à Mertvecgorod.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
Commenter  J’apprécie          190
Porcherie, tome 3



Attention, cette critique peut heurter les plus jeunes.

Et les plus vieux aussi.

Les plus sensibles, les plus prudes, les plus puritains.

Probablement un peu tout le monde, en fait.



Ce n'est pas avec un playboy ou une autre revue érotique que j'ai eu mes premiers émois sexuels en tournant des pages.

C'était avec un roman d'horreur.

Le repaire des rats de James Herbert.

Je devais avoir quatorze ans quand j'ai lu ( et relu d'ailleurs de nombreuses fois ) un passage plutôt excitant où un couple s'embrassait, se caressait, se déshabillait, faisait l'amour avec bon nombre de détails croustillants.

Après ils se faisaient dévorer par des rats géants.

Rien de bien anormal donc.

Horreur et sexe ont souvent fait bon ménage, et ce ne sont pas Graham Masterton ou Clive Barker qui vont prétendre le contraire.

Ni les auteurs des courts romans de feu la collection gore où les passages à caractère pornographique étaient une composante presque aussi essentielle que les tripes et les cervelles qui explosent.



Alors bien sûr, avec l'âge et l'effet de répétition, ce genre de passages devient nettement moins émoustillant et même très dispensable, presque agaçant.

Jusqu'à ce que je lise Christophe Siébert.

Et que le sexe, récurrent dans ses romans comme dans ses nouvelles, devienne un composant renforçant l'horreur et non un inutile artifice.

J'en reviens une nouvelle fois à Nuit noire, le livre qui a poussé le genre horrifique plus loin qu'aucun autre auteur n'avait jamais osé le faire.

"Je me suis livré à des jeux avec les restes de ma grand-mère et elle. ( ... ) Je lui ai violé la chatte et l'anus à l'aide des pieds et des poings du cadavre, eux aussi infestés d'une vermine qui s'est installé ensuite dans ses orifices et a provoqué douleurs et infections. Je me régalais jour après jour d'observer l'évolution de la septicémie."

Cet extrait, probablement le plus dégueulasse qu'il m'ait été donné de lire, me hante encore aujourd'hui. Loin de stimuler, il a de quoi endormir profondément votre libido à chaque fois que vous visualiserez cette scène mêlant torture, viol, inceste et nécrophilie.



Le troisième volume de Porcherie contient quatre nouvelles, dont le trait d'union est le sexe.

Vous l'aurez compris, elles ne mettront pas vos ardeurs en ébullition.

L'horreur n'y est pas aussi atroce que dans Nuit noire. Mais elle a quelque chose de beaucoup plus réel, ce qui confère un malaise différent. Aussi choquant mais pour d'autres raisons.



"Dresde", nom de la commune située à l'Est de l'Allemagne, est peut-être la nouvelle la plus innocente des quatre.

A moins que vous ne soyez dérangé par une description assez crue de relation homosexuelle.

"Je n'avais jamais touché d'autre bite que la mienne. J'ai trouvé la sienne épaisse, la peau douce. Je l'ai branlé comme j'ai pu, en prenant de l'assurance au fur et à mesure."

Le narrateur est un homme dont toutes les relations hétérosexuelles finissent mal. Ses conquêtes sont des femmes toujours magnifiques qui quelques mois plus tard deviennent invariablement des folles furieuses qui lui laissent le coeur en miettes.

"J'étais ce gars qui, lorsqu'il se penche dans un champ pour cueillir un trèfle à quatre feuilles, se fait piétiner par un taureau, écraser pas un tracteur ou tout bêtement foudroyer."

Désormais sans attaches, il sera pris en stop par un dénommé Mathieu, qui se rend jusqu'en Russie.

Ils feront escale dans un hôtel à Dresde, et continueront à se découvrir une attirance réciproque aussi surprenante qu'intense et irrépressible. Ils ne chercheront d'ailleurs pas à résister.

Malgré un langage sans détour, j'ai trouvé qu'il y avait énormément de douceur dans l'étreinte de ces deux hommes qui se découvrent l'un l'autre, qui ne refusent pas cette alchimie qu'ils ignoraient possible.

Par contre, j'ignore ce que cherchait Christophe Siébert au travers de ce texte. A montrer que des sentiments peuvent surgir au moment où on s'y attend le moins ? A montrer aux homophobes qu'une relation entre hommes n'a rien de si différent ou de choquant ?

A moins qu'il ne faille comprendre que les convictions seront toujours plus fortes que des sentiments, aussi sincères soient-ils.

Parce que cette attirance sera finalement rejetée.



Déjà beaucoup plus dérangeant, le texte "Une lenteur de momie ou alors de gargouille" nous conte un bien étrange passe-temps.

Je pensais que l'auteur avait déjà brodé autour de toutes les déviances : Zoophilie, scatophilie, nécrophilie...

Grosse erreur !

J'avais oublié la gérontophilie.

"Je soulève la couverture, observe le ventre ridé, les seins fripés, m'approche de la chatte rêche et parsemée de quelques poils gris. Si c'est un homme, je soulève la queue plissée pour observer les couilles flétries."

La narratrice, cinquante-cinq ans, vit seule. Son mari l'a quitté, ses enfants sont partis du foyer.

Le sexe ne l'intéresse plus à titre personnel, mais regarder d'autres corps nus demeure un plaisir. Il y a ceux qu'elle peut regarder à la télévision, sur Youporn, qu'il s'agisse de très jeunes femmes à la plastique parfaite ou d'hommes aux membres démesurés.

Et il y a aussi ceux qu'elle peut contempler à son travail.

Chaque nuit, elle doit s'assurer que tous les résidents de la maison de retraite qui l'emploie dorment confortablement. Mais elle ne se contente pas de jeter un oeil à la chambre, elle regarde aussi sous les couvertures, sous les pyjamas et les chemises de nuit, sans réveiller les pensionnaires abrutis par les médicaments la majorité du temps.

Parfois elle touche et lèche, elle hume, éveillant ses cinq sens à l'affût d'une réaction même infime de ces organes génitaux abîmés par le temps.

"Des fois je goûte à une bite, ou alors je passe la langue sur une chatte, ça n'est pas bon, ne sent pas bon, ça n'a pas le goût agréable de la peau lisse et élastique comme dans mes souvenirs, non, il y a quelque chose d'avarié, de crevé, on s'en rend compte tout de suite que ces peaux-là ne sont pas faîtes pour être léchées ni sucées."

Un court texte qui met profondément mal à l'aise pour des raisons évidentes de voyeurisme, et qui non seulement lève le voile sur une forme méconnue de déviance, mais montre aussi à la sauce Siébert la peur de la vieillesse et de la mort.

"Pendant la journée, il y avait des activités, comme pour leur faire croire qu'ils étaient encore vivants, qu'ils faisaient encore partie de la réalité."



Et j'en arrive au pire.

Deux nouvelles étroitement liées, qui se terminent toutes les deux dans la Garonne, et qui montrent sans non dit l'horreur vécue par deux jeunes femmes.

"Exemple d'utilisation des forces productives dans une économie mondialisée" est un long titre pour parler de la prostitution en France.

Une activité très lucrative dévoilée en quelques pages dans toute son ignominie.

Elle s'appelle Claudia, elle est Roumaine. Agée d'à peine vingt ans, elle ne peut pas s'en sortir financièrement malgré les difficiles petits boulots qu'elle enchaîne.

Une opportunité unique s'ouvre à elle : Partir en France quelques années devrait lui permettre d'économiser suffisamment d'argent pour pouvoir élever son jeune fils et aider sa mère financièrement.

"Ils lui expliquent qu'en France, les filles comme elle bossent dans les restaurants et les hôtels pour des salaires bien plus élevés qu'en Roumanie."

S'ensuit alors le calendrier de Claudia, pire encore que celui des héroïnes meurtries de Karine Giébel, mais dans un esprit un peu similaire.

"Entre le 6 et le 30 mai, Claudia est quotidiennement humiliée, torturée, battue, violée. Ce traitement a pour but de la briser physiquement et psychologiquement."

Et c'est là que le titre prend toute sa signification. Cette fille commence à peine sa dégringolade dans l'enfer de la prostitution, de laquelle elle est désormais prisonnière.

La moindre rébellion signifie coups et menaces envers sa famille.

Rapidement, elle sera déshumanisée.

Mais au fond, elle n'est pas considérée comme une personne. Juste comme un chiffre. Enfin, un chiffre avec pas mal de zéro derrière vu ce qu'elle rapporte aux proxénètes.

"Entre juin et septembre, au rythme de dix à vingt passes par nuit à trente euros chacune, elle rapporte environ trente mille euros au clan à qui elle appartient."

Une simple marchandise, interchangeable avec une autre fille quand elle sera trop cassée pour continuer à rapporter...

Multipliez ces revenus par le nombre de femmes vivant dans ces atroces conditions dans notre beau pays de libertés, évalué ici à cinq mille. Et faîtes la conversion sur une année.

Que de richesses à partager par l'intermédiaire de ce rouage économique.

Siébert a fait très fort avec cette nouvelle qui explique très bien l'engrenage dans lequel les filles de l'Est mettent le doigt, se retrouvant broyées en guise d'espoir de meilleur avenir.

Des vies d'esclaves sexuelles converties en euros, réfléchies en terme de coût et surtout de bénéfices.

Rien ne nous est épargné et l'horreur est d'autant plus ressentie intensément qu'elle n'a rien d'imaginaire.



Plus abjecte encore à mon sens, "Je ne voulais pas mourir" traite d'inceste.

Mère et fils, frère et soeur : Le sujet a déjà été exploité à maintes reprises par l'auteur, que ce soit dans Nuit noire, La place du mort ou l'excellente nouvelle Tête morte.

Et il remet le couvert.

En pire.

Sont concernés cette fois un père et une petite fille. Qui n'a rien demandé.

A l'inceste vient donc se greffer une pédophilie encore bien plus insupportable.

Comment peut-on abuser de son propre enfant ?

A huit ans, premiers attouchements sous forme de chatouilles déplacés.

A onze ans, des baisers sur la bouche. Sans la langue d'abord.

A treize ans, un doigt.

Et c'est l'escalade. Glauque, écoeurante. Aurore Pelletier a peur chaque soir que son père s'introduise dans sa chambre, et en même temps elle l'attend.

Il lui demande ensuite une participation plus active. Le toucher, le caresser, le sucer. Le laisser venir sur ses seins naissants.

"Après avoir éjaculé, il est resté un long moment à me serrer dans ses bras, à me couvrir de bisous, à m'appeler sa princesse, son ange, son amour."

Comme une monstrueuse complicité.

Absolument insupportable.

Parce qu'aucun détail ne nous est épargné et qu'on est obligé de regarder ce que subit cette enfant violée.

Mais aussi parce que la mère reste totalement passive, préférant faire semblant d'ignorer ce qui se produit régulièrement sous son toit.

Elle est quasiment aussi coupable que son pervers d'époux.

"Ma mère, dans sa chambre à elle, elle fait quoi, elle pense à quoi ? Elle fait quoi ?"

Et parce que dès la première page, on sait que l'issue sera fatale pour Aurore dont le cadavre sera retrouvé plus tard dans la Garonne.

Elle qui n'avait jamais rien demandé et qui n'a jamais pu confier son honteux secret.

"Je ne peux en parler à personne c'est trop horrible. Pourtant je ne pense qu'à ça."



Christophe Siébert ne s'impose aucune limite morale lorsqu'il écrit. Et ça se ressent plus que jamais.

Les mots sont crus, provocants, mais le style n'a pourtant rien de vulgaire.

Nul besoin d'inventer des histoires de rats géants pour faire peur. La réalité est bien suffisante.

Et elle laisse davantage de traces.

Oui, sexe et horreur font bon ménage.

Et cette violence, cette souffrance tant physique que psychologique, existe bel et bien. Juste à côté de chez nous.

L'auteur nous la montre simplement sans prendre de gants, sans l'enrober de sucreries, maintenant notre visage enfoui dans les excréments.

Alors oui, bien sûr, c'est tordu, c'est malsain, c'est on ne peut plus dérangeant.

On en ressort marqué, triste et nauséeux.

Et on se procure le volume 4 en se demandant quelles nouvelles limites Siébert aura transgressé cette fois.



Commenter  J’apprécie          195
Volna

🐒Chronique🐒



« Vassili n’éprouve pas de nostalgie. »



Ça tombe bien, moi non plus. En plus, ça veut dire quoi la nostalgie quand t’es lancée dans un futur hypothétique, apocalyptique, !après un black-out!? Elle n’a pas sa place, la nostalgie, ici à Mertvecgorod. Il y a, c’est plus que certain, le plaisir de retourner dans cette mégalopole sensationnelle, histoire de se lancer à la poursuite d’un singe capucin, mais la nostalgie suppose un état que je trouve mielleux, engluant, qui ne peut clairement pas se retrouver dans la plume punk et barrée de Christophe Siebert. J’aime l’énergie, le punk, l’imaginaire débordant qu’il y met. Il y a de l’avant-garde dans ce cycle de Mertvecgorod, et Volna ne fait que confirmer le talent de cet auteur. L’intrigue est plus resserrée, toujours aussi vivante, et efficace. Ce nouvel opus est une petite bombe en couleurs que je vous conseille évidemment!



« Elle répète:

-Je ne peux plus te supporter physiquement.

Il pense: il y a peut-être un espoir.

Il pense: il y a toujours un espoir. »



De l’espoir, il n’en reste pas tant que cela. A voir nos jours, mais les leurs, aussi, c’est compliqué de le trouver, l’espoir. Entre la drogue, la corruption, les lianes noires, la vieillesse, les assassins, l’anxiété, la pauvreté, le black-out, vivre après 2029, se révèle fort difficile…Roman et Catherina ont mis la main sur un mystérieux trésor qui débloquera sans doute leurs situations de paumés de la société, mais qui dit trésor, dit aussi, convoitise…Et certains sont prêts à tout, pour récupérer leurs biens. Au mépris de la loi, des mœurs ou de la bienséance. Rien n’est trop extrême dans un contexte politique et social, déjà chaotique, alors aux grands mots, compromettants, les grands moyens, virulents…Je vous laisse donc imaginer le pire et le sale, de ce que peut faire l’humanité, et vous aurez une idée de ce qui vous attends dans ces pages…Et pourtant.



« Pourtant une partie d’elle veut vivre, retomber amoureuse, recommencer une existence. Amis dans ce pays? Dans ce contexte? Impossible. »



J’ai lu et adoré Volna! Bien que je ne puisse supporter physiquement, littéralement, viscéralement cette violence omniprésente écoeurante qui existe dans ce monde, il n’en reste pas moins, que l’auteur est toujours du côté du bien. Il aime ses personnages: les marginaux, les laissés-pour-compte, les inadaptés. Il leur donne l’occasion de briller, même dans la crasse. C’est une constante chez lui et dans cette saga, qui me touche profondément. Il dénonce toujours les travers de la domination, les horreurs du système oppressif, et les agissements sous-jacents des politiques despotiques. Encore une fois, je suis conquise par l’univers, je me dis que c’est encore possible de croire en l’espoir, en l’œuvre, en la liberté. Vive Volna!
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          170
Valentina

« Personne n’a envie d’y penser, à tout ça. »



Il est des histoires de rythmes. De rythmiques, de rites et de mimiques blasées. De rythme cassé, froissé, déjanté, déstructuré, complètement claqué. Ça sonne, ça résonne, ça révolte, ça révolutionne, ça dépote, ça cingle. C’est vivant, désespérément vivant. Cruellement vivant. À un cheveu, trop long, de glisser vers la mort. Ça fait BBAM BBAM BBAM BBAM!



Il est des histoires de zones. Zone grise, zone critique, Zone interdite. Tout ce.ux qui ne rentrent pas dans les cases, dans les clous, dans les rôles sont mis au rebut. Quelle est la marge d’espoir, pour ces oubliés de la société? Et qu’est-ce qu’ils peuvent faire, quand même un crime commis dans la Zona, ne suscite qu’indifférence?



Il est des histoires de jeunesse. De jeunesses perdues, efflanquées, miséreuses, rebelles, ingénieuses, lucides. Le plus touchant dans ce groupe d’adolescents, c’est cette solidarité qui les unis. Comme si la pauvreté était le ciment, qui leur permettait de rester humbles et humains. Parce qu’ils n’ont rien, rien et même moins que ça, ils partagent le peu. Au milieu de la corruption, de la violence, de la délinquance, de l’enfer, de la drogue, cette petite étincelle de générosité est peut-être la beauté la plus flagrante.



J’ai lu et adoré cette nouvelle aventure dans la mégalopole imaginaire et sombre, Mertvecgorod, créée par Christophe Siébert. J’aime sa manière de dénoncer, sous couvert de fantastique, des faits de société. Valentina, c’est de la tendresse au milieu du désenchantement. C’est une once de poésie au cœur même de la pourriture. Il se pourrait que le vomi vous rattrape dans ces pages, et pourtant, même au plus fort de vos haut-le-cœur, votre corps réclame le changement ET cette lecture électrisante!



Il est temps d’arrêter d’essayer

L’heure est venue, qui est à blâmer?
Lien : https://fairystelphique.word..
Commenter  J’apprécie          170




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten


Lecteurs de Christophe Siébert (230)Voir plus

Quiz Voir plus

La bonne adresse

Rue des boutiques... (Patrick Modiano)

occultes
inconnues
obscures

8 questions
171 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}