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Critiques de Christy Lefteri (186)
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L'Apiculteur d'Alep

L’apiculteur d’Alep, magnifique et désolant récit du parcours de migrants fuyant la guerre civile dans leur pays, incarnés par Nuri Ibrahim et sa femme Afra, syriens dépossédés de tout, y compris de leur jeune fils Sami, mort sous les bombes dans leur jardin.

L’écriture de Christy Lefteri sublime et afflige tout à la fois, nous donnant à voir la beauté du territoire quitté, les bouffées d’espoir avili dans les camps de réfugiés et les assauts constants de la perte subie. Structuré autour de passages alternés entre le présent et le passé, le roman embrasse tout le malheur de la migration forcée chez des gens qui, en ayant tout perdu, n’ont plus rien à perdre. Malgré le poids du propos, l’autrice a su intégrer un peu de poésie et de fantaisie dans son récit, rendant ainsi une légèreté à la lecture tout en ne cachant pas la triste réalité des faits.

Un tour de force littéraire parfaitement maîtrisé!

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Les Oiseaux chanteurs

Un soir, Nisha, la nounou de la fille de Petra disparait brutalement. Toutes ses affaires sont encore là. Yiannis, le voisin de Petra mais aussi l'amant de la jeune disparue, cherche aussi sa bien-aimée.

A Chypre, il y a beaucoup d'immigrées qui viennent pour essayer de sauver leur famille restée au pays. Au fil de son enquête pour retrouver Nisha, Petra se rend compte qu'elle ne pensait pas à la vie personnelle de celle-ci : à sa fille à peine plus agée que la sienne, à ses malheurs de sa vie au Sri Lanka, au dur labeur qu'elle fournit pour la satisfaire. Par les souvenirs de Yiannis, on retrouve cette Nisha, aimé par la fille de Petra, par d'autres employées de maison. J'ai beaucoup aimé ce récit qui parle de ces "oubliées" qui travaillent pour des gens, parfois sans reconnaissance, parfois sous la violence. Une histoire tendre et poétique sur l'amour, sur les oiseaux, la reconnaisance de ces gens de l'ombre...

Merci à Masse Critique et aux éditions Seuil pour cette lecture.



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L'Apiculteur d'Alep

« Christy Lefteri est née à Londres de parents chypriotes » précise la très brève biographie de l’auteure proposée par les Éditions du Seuil. Je n’ai pu m’empêcher de penser à la partition de Chypre et à l’immigration qui a accompagné cet événement… De plus, comme elle a travaillé dans un camp de migrants, on comprend que le sujet lui tient à cœur. Elle va nous raconter la douloureuse aventure de Nuri, apiculteur accompli, passionné par son travail, et d’Afra, sa femme, peintre de talent, tous deux vivant à Alep avec leur fils Sami. Ils ont une vie confortable, dans un milieu aisé, jusqu’à ce que « la situation devienne intenable ». Le cousin de Nuri, Mustafa, son mentor et associé, a déjà envoyé sa femme et sa fille en Angleterre, mais là, tous doivent partir, sans tarder, et dans des conditions qui n’ont rien à voir avec un voyage d’agrément…

***

Tous numérotés et décorés d’une abeille, chacun des 14 chapitres commence à Londres. Les 13 premiers chapitres nous font voyager dans l’espace et dans le temps. Nuri, narrateur à la première personne, nous explique leur présent de réfugiés, mais relate aussi les différentes étapes de leur périple. À peu près à la moitié de ces 13 chapitres, on découvre, seuls sur une page blanche, un ou deux mots en caractères gras, mots qui sont à la fois les derniers du récit « de Londres » et les premiers de celui « du voyage ». J’ai trouvé le procédé intéressant, en cela qu’il rend indissociables les deux parties et rattache les traumatismes subis au présent et à l’avenir de cette famille brisée. On sait très vite que Nuri et Afra ont tout perdu ; Sami, leur fils, est mort, et Afra est devenu aveugle. On soupçonne que les deux événements sont liés, mais on ne possède pas de détails. Parce que le roman commence à Londres, on comprend qu’ils sont arrivés sain et saufs (si l’on peut dire), mais on ne découvrira qu’au fil du texte à quel point le voyage a été éprouvant.

***

C’est un roman touchant et émouvant, éprouvant aussi par moment. J’ai trouvé particulièrement réussi la juxtaposition, parfois la superposition, des souvenirs heureux, des bonheurs apportés par les soins prodigués aux abeilles, des beautés d’Alep et de la Syrie, des moments partagés sans réserve avec ceux que l’on aime, et des horreurs de la guerre, des morts absurdes, des compromissions, des profiteurs, etc. J’ai trouvé habile aussi de nous présenter des gens aisés, qui pourraient voyager dans de bonnes conditions, mais qui, à cause des circonstances, vont se trouver à accomplir la plus grande partie du voyage dans les mêmes conditions de précarité que les autres migrants, quel que soit leur pays d’origine et les motifs de leur exil. J’ai compris aussi que le syndrome de stress post traumatique (SSPT) pouvait revêtir des formes extrêmement diverses, et à quel point il pouvait être tentant de se laisser submerger pour y échapper.
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L'Apiculteur d'Alep

Ce magnifique roman est d’une intensité douloureuse qui m’a serré le cœur tout au long de sa lecture.



Voici d'abord l’histoire en quelques lignes : Nuri est apiculteur à Alep, ville merveilleuse en Syrie, où il coule des jours heureux avec sa femme Afra, artiste peintre, et son petit garçon Sami, et où il savoure, grâce à un labeur dur et gratifiant, le bonheur de récolter miel, propolis, cire d’abeille, gelée royale provenant de ses ruches qu’il possède et entretient avec son cousin Mustafa.

 

Depuis quelques années, une sourde angoisse s’installe chez les Syriens, ils pressentent une guerre dévastatrice mais certains se refusent à y croire. Lorsque la Syrie bascule dans le chaos à partir de 2011, que chaque jour, des civils sont massacrés par les soldats de Bashar El-Assad, qu’ils sont jetés à la rue après des bombardements qui pulvérisent leurs maisons, leurs familles, leurs vies, leurs souvenirs, certains survivants n’ont qu’un choix : fuir pour survivre ou attendre, la peur au ventre, de mourir.

 

Nuri et Afra font alors ce choix terrible et terrifiant de se déraciner et tenter de rejoindre le Royaume-Uni.

 

Jusqu’à présent, je ne connaissais vraiment de la réalité vécue par les migrants que des images éparses télévisées d’êtres humains parqués dans des camps sur le territoire européen, entassés dans des canots surchargés défiant la Méditerranée, ou lors d’opérations de sauvetage en mer.

 

Mon esprit ne pouvait extraire de ces images des individualités, je ne percevais qu’un ensemble d’hommes, de femmes, d’enfants déshumanisés, sans visages, sans histoires, qui avaient vécu des évènements inimaginables, lointains, abstraits.

 

Grâce à Christy Lefteri, mon regard s’est aiguisé ; il y a autant d’histoires de paradis perdus, d’horreurs vécues, de vies menacées, de pertes brutales de proches, de peurs insurmontables, d’exploitations de la misère, d’odieux chantages ou persécutions derrière chaque être humain qui s’enfuit d’un pays qu’il aime et où sont enterrés ses aïeuls, quitte une famille aimante, sa maison, sa profession, parce que sa vie est menacée.

 

J’ai suivi le parcours erratique et angoissant de Nuri et Afra, ainsi que des personnes qui gravitent autour d’eux, pour rejoindre un pays où leur vie serait hors de danger.  Bien que ces personnages soient fictifs, ils sont concrets et très réels car l’autrice a été bénévole dans les camps de réfugiés en Grèce, y a côtoyé de nombreux déracinés qui lui ont raconté leur histoire, et leurs espérances.  Son roman rend hommage à leur courage, leur résilience, leur capacité à garder espoir alors que contraints, ils ont tout abandonné dans leur mère patrie. 



Ce fut pour moi une lecture émotionnellement difficile même si le style de Christy Lefteri est pudique, sensible, coloré, parfumé et bourdonnant du labeur des abeilles.  Elle nous empêche de sombrer dans une colère et une tristesse impuissantes, en captant la lumière au bout de sa plume.



Ce livre nous raconte un pèlerinage à l’envers que je ne regrette absolument pas d’avoir suivi.  
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Le Livre du feu

Irini, Tasso et Chara forment une belle petite famille grecque mais ils ont vécu un grand choc il y a quelques mois : l'incendie de la forêt et des habitations autour. Chacun se remet doucement de cette épreuve, Tasso est encore traumatisé d'avoir perdu son père pendant l'incendie, Chara n'a plus sa joie d'enfant et Irini voit les blessures irréversibles sur sa famille. Pour soulager sa douleur, elle décide de raconter Le livre du feu, l'histoire de cet incendie, de ce qu'ils ont vécu pour survivre.

J'avais déjà lu Les oiseaux chanteurs que j'avais beaucoup aimé et celui-ci est aussi une belle réussite. Christy Lefteri arrive à trouver des belles histoires à raconter pour parler de sujets sensibles : ici, les incendies qui ravagent notre Terre et plus globalement, du réchauffement climatique qui est à l'origine de l'augmentation de ces brasiers ravageurs. Elle alterne deux temporalités : le passé avec Le livre du feu et le présent, avec la reconstruction de la famille et la prise de conscience de l'état de notre planète. Le livre du feu est semblable à un conte avec un début "Il était une fois...", des personnages sans nom mais facilement identifiables et une morale, du moins un constat sur notre présent, notre avenir. J'aurai aimé en savoir plus sur cette famille, j'ai eu un peu de mal à l'imaginer mais je m'y suis attachée, j'ai été touchée de leurs douleurs, leurs pertes et leur envie de reconstruire une nouvelle vie.

Merci à Babelio et aux éditions Seuil pour cette belle découverte.

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Les Oiseaux chanteurs

La disparition inexpliquée d’un nounou Sri Lankaise à Nicosie ( Chypre) brise le quotidien de ses proches: sa patronne Petra qui lui doit son confort domestique et l’éducation de sa fille, et son amoureux Yiannis, braconnier d’oiseaux chanteurs pour arrondir ses fins de mois.



Voici un joli roman qui joue sur la sensibilité du lecteur, avec ses parts de poésie, de bons sentiments et de tristesse.

Au-delà de cet aspect qui n’est pas celui que je préfère, le cœur du sujet reste cette immigration de jeunes femmes étrangères, piégées dans un contrat de travail de nécessité économique, invisibles aux yeux des autorités et de leurs propres employeurs.



Une histoire douloureuse qui joue sur la symbolique de vulnérabilité des oiseaux piégés dans les filets.

Un roman attachant et bien construit, parfois un peu trop sentimental en forçant le ton de l’émotion, et un peu léger sur le contexte. Reste la réalité de la société chypriote qui se devait d’être soulignée.

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Le Livre du feu

La malédiction des démarrages poussifs et des mises en situation trop longues qui m’a frappé à plusieurs reprises ces derniers temps, a continué avec ce roman de Christy Lefteri. Je me faisais un plaisir à l’idée de lire le dernier livre en date de l’écrivaine anglo-chypriote. Les oiseaux chanteurs m’avait laissé un excellent souvenir. Là, j’ai du me forcer pour atteindre la page cent, avant que les choses s'améliorent.



La faute en incombe à une construction qui n’explique pas vraiment qui sont les intervenants et qui multiplie des développements sans lien précis avec le cœur de l’intrigue : la tragédie des feux de forêts auxquels la Grèce a été confrontée ces dernières années, et comment on peut tenter de revivre après être passé à deux doigts de la mort et en ayant tout perdu.



Par la suite, les idées se font plus claires. Les chapitres qui relatent l'incendie, Le livre du feu, sont poignants. Irini fuie avec sa fille Chara face aux brasiers qui consument sa maison. Elle parviennent en bord de mer, mais son époux Tasso a lui choisi de repartir tenter de sauver son père. Les femmes après des heures d’angoisse finissent par être sauvées par un voilier. Tasso, lui, est plus gravement brûlé, aux mains notamment. Il n’est plus en état de reprendre sa passion, la peinture.



L’autrice choisi de confronter Irini à l’incendiaire présumé. Comment va t-elle réagir ? Comment gérer ses sentiments face à un homme qui a déclenché un feu pour pouvoir mener une opération immobilière ?



L’intrigue est relativement mince, et vaut essentiellement par les scènes liées aux incendies et à la façon dont la solidarité humaine se manifeste autour de la famille. Pour le reste, le récit se fait long, manque de dynamisme, et j’ai trouvé la forme lourde. Je repars donc déçu de cette nouvelle rencontre avec l’autrice de l’Apiculteur d’Alep. Par ailleurs, si vous voulez connaître la genèse de ce livre, la postface éclaire les choix d’écriture de Christy Lefteri.

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L'Apiculteur d'Alep



Nuri est né à Alep. Il a a mené une vie heureuse. Son père le destinait à reprendre le commerce de textile mais lorsque Nuri rencontre son cousin Mustafa il decide de devenir apiculteur à ses côtés. Leur activité est florissante. Leur miel est délicieux et s'exporte dans le monde. Avec son épouse Afra, qu'il adore, il mène une vie paisible, élevant leur fils Sami. Jusqu'à ce que la guerre arrive, avec son lot de drames, de violence aveugle, de misère, detruisant tout sur son passage : les ville, les ruches, les familles, les êtres humains. Et lorsqu'il devient impossible de rester, quand le destin frappe et qu'il ne reste plus comme choix que de partir ou de mourir, Nuri et Afra prennent la route de l'exil pour rejoindre Mustafa qui les a précédé au Royaume Uni.



Le récit alterne la vie en Angleterre, dans l'attente de l'obtention d'un permis de sejour, et le recit du long voyage depuis Alep, cette fuite d'une Syrie plongée dans une guerre fratricide. Au fil de l'histoire Nuri se souvient de ces jours heureux qui ne sont plus dans cette ville jadis prospère et réduite à des ruines sous les bombardements. Chaque chapitre commence en Angleterre puis bascule habilement sur la route de l'exil, la jonction se faisant par un mot unique qui termine une phrase et commence la suite du récit, mot isolé sur une page entre les deux parties.



Ce parcours éprouvant est aussi celui des rencontres et des échanges avec les autres migrants. Un parcours qui doit beaucoup à la chance d'être ou pas au bon endroit au bon moment, à celle d'avoir de l'argent pour payer les passeurs et de ne pas se le faire voler, de croiser les bonnes personnes et d'eviter les profiteurs.



ll y a la détresse des mères, la fragilité des bébés, la tristesse des enfants, la vulnérabilité des adolescents faisant seuls le voyage. Il y a parfois la solidarité, souvent la violence. Nuri voudrait tous les sauver mais est impuissant face aux traffics dans les camps, à la prostitution, aux escrocs qui rodent au sein des migrants, profitant sans scrupule de leur désarroi, de leur pertre de repère, de leurs traumatismes. Il y a les ONG qui font ce quelles peuvent avec jamais assez de moyens. Il y a la suspicion des autorités sur les motivations des migrants. Il y a les traumatismes ancrés en chacun d'eux, qui s'expriment différemment. Il y a les législations, les freins legaux, les dangers naturels et humains. Il y a le long calvaire d'êtres humains qui subissent cet exil, de ces vies fracassées en quête d'un monde meilleur.



La plume de Christie Lefteri est fluide, sensible, jamais larmoyante. Elle fait de Nuri un être profondément humain, pudique, généreux et désemparé., et d'Afra, peintre qui ne voit plus, une femme lumineuse et terriblement touchante. Tout ou presque est dit dans ce roman nourri de l'expérience de bénévole de son auteure dans les camps de réfugiés en Grèce.



Une très belle histoire d'humanité, de deuil, de resilience, écrit avec délicatesse et porteuse d'espoir.

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L'Apiculteur d'Alep

Christy LEFTERI. L’apiculteur d’Alep.



Quelle odyssée que celle de Nuri Ibrahim, apiculteur à Alep, en Syrie, qui parcourt des milliers de kilomètres pour rejoindre des membres de sa famille, en Angleterre. Il vit avec son épouse Afra, artiste peintre et leur fils Sami, âgé de sept ans. Mais la guerre civile éclate et face à la violence quotidienne, les attaques multipliées, les nombreuses victimes, ce couple, comme tant d’autres n’a pas d’autre solution que de quitter ce pays. Mustafa, un de ses cousins, son formateur en apiculture, est déjà parti s’exiler en Angleterre, l’invite et même le supplie de le rejoindre. Sami a perdu la vie lors d’une attaque et Afra, est devenue aveugle. Après de longues et douloureuses hésitations, des tergiversations, des dérobades, Nuri et Afra vont tenter de fuir leur pays natal.... Parviendront-ils au but?



Avec ce couple, victime des exactions perpétrées par leurs congénères, nous suivons leur parcours, semé d’embûches, en route vers l’indépendance. De camp en camp, nous traversons les déserts, les montagnes, faisons de longues haltes, retenus prisonniers dans les camps dédiés aux migrants et jalonnant cet itinéraire. Que de détresse, que de misère humaine ! Ces camps de réfugiés sont des lieux crasseux, dépourvus de tout hygiène, complètement insalubres et il nous faut demeurer des jours, des semaines et des mois, attendre le certificat, véritable sésame qui ouvre les portes de la liberté, moyennant quelques billets…. Quelle tristesse de découvrir ces courageux, hommes, femmes, enfants, bravant les interdits, les conditions climatiques, les éléments naturels pour enfin trouver un état qui leur offrira un abri, une sécurité, un travail. Cette masse humaine, candidate à l’exil trouvera-t-elle une certaine sécurité, dans le pays qui l’accueillera ? Malgré tous les organismes entourant de leur bienveillance cette population qui fuit la guerre, le racisme, la pauvreté , nous notons que ces hommes, ces femmes traversent des pays, qui, à leur tour, les rejettent…. C’est une fuite en avant, sans cesse remise en question. Tout est soumis à la dure loi des moyens : les plus riches parviennent enfin à trouver des lieux plus cléments qui les acceptent . Enfin ils peuvent poser les maigres biens qu’ils ont pu transporter et enfin tenter de se reconstruire. Mais de nombreux deuils les accompagnent et la sérénité ne s’installe que lentement...



Ce récit bouleversant me rappelle « L’odyssée d’Hahim » BD écrite, dessinée et mise en scène par Francis TOULME, que je recommande vivement.( C’est l’histoire vraie d’un réfugié syrien qui a trouvé le bonheur en France, parue entre 2018 et 2020 ). Christy LEFTERI, en écriture, nous fait partager la fuite, depuis Alep, de Nuri et Afra, jusqu’à Londres. Une lueur d’espoir pour tous. Les abeilles seront la pierre de reconstruction de ce couple à la dérive. Chaque chapitre est relié au suivant par un mot. Une construction originale. A lire. Je vais me plonger dans le second livre de cette autrice « Les oiseaux chanteurs ». Elle a une belle plume. Bonne lecture à tous.

( 02/01/2023).


Lien : https://lucette.dutour@orang..
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Les Oiseaux chanteurs

Je ne connaissais pas Christy LEFTERI et c'était une erreur. Car "Les oiseaux chanteurs" est un roman qui m'a beaucoup touché. Par la profondeur des personnages, par le style de l'auteur qui mène avec brio un récit parfaitement rythmé et par une tension grandissante qui rend la lecture addictive. LEFTERI fait évoluer la posture de ses personnages (que ce soit Petra ou Yannis, affectés par la disparition de Nisha), les rendant profondément humain.

Un vrai plaisir de lecture en ce qui me concerne.

Merci aux Éditions du Seuil et à Babelio pour cet envoi.
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L'Apiculteur d'Alep

"L"apiculteur d'Alep" est un de ces romans dont il est difficile de faire la critique à chaud, il faut d'abord s'imprégner de tous les aspects, revenir sur certains passages, prendre un peu de recul. Je l'ai terminé il y a 4 jours, il a inspiré mes rêves les deux nuits suivantes (entre les réfugiés et le covid, c'était pas très joyeux ), et j'ai lu tout à fait autre chose entre-temps. Là c'est bon, je me sens prête !

Merci encore à Babelio et aux éditions du Seuil pour l'envoi de ce livre en Masse Critique Privilégiée. D'emblée le sujet m'intéressait, donc j'étais ravie de la proposition. Mais je ne m'attendais pas à être aussi touchée par la façon dont Christy Lefteri le traite, on comprend très vite qu'elle a vu de près les situations dramatiques dont elle parle, ce n'est pas de descriptions extérieures dont il est question, même si les personnages principaux sont fictifs. Elle y a mis son vécu, de l'empathie et nous immerge totalement dans ces camps où les réfugiés sont trop souvent livrés à eux-mêmes, méprisés et renvoyés d'un endroit à l'autre sans savoir si leurs démarches vont aboutir un jour.

Le livre est construit en 14 chapitres, chacun scindé en 2 parties : la première nous relate le quotidien dans une pension londonienne de Nuri l'apiculteur (la petite abeille sous chaque numéro de chapitre nous rappelle l'importance de son métier) et de sa femme Afra, qui ne voit plus le monde depuis le décès de leur jeune fils Sami. sous ses yeux. La transition avec la deuxième partie se fait grâce à deux mots-liaison fin d'une phrase et début d'une autre. Là nous découvrons le long voyage depuis la fuite d'Alep en ruines suite aux combats entre les partisans de Bachar El-Assad et les opposants au régime.

Les passeurs plus ou moins fiables, les conditions de plus en plus précaires, d'abord en Turquie, puis par bateau jusqu'à une île grecque, et une autre, et ensuite à Athènes (là où l'auteure a travaillé en tant que bénévole), pour espérer rejoindre leurs proches en Angleterre, cet Eden qui semble de jour en jour plus inaccessible.

Au cours de cet exode, Nuri se remémore sa vie d'avant à Alep, quand tout leur souriait, son affaire montée avec le cousin Mustafa qui lui a transmis son savoir et son amour des abeilles, les tableaux peints par Afra, une artiste reconnue, le bonheur avec leur petit Sami...

Il essaie aussi de "retrouver" sa femme, perdue dans les ténèbres de sa tristesse et qu'il ne reconnaît plus.

Leur route croise celle de nombreuses personnes souvent encore plus démunies qu'eux-mêmes, parfois aussi animées de mauvaises intentions. Certains marquent durablement, comme par exemple Mohammed, un petit garçon isolé auquel Nuri va s'attacher. Mais d'où vient-il vraiment ? A Londres, la pension abrite d'autres réfugiés en attente de régularisation : Le Marocain, un vieux monsieur compatissant, et Diomande, un jeune Ivoirien qui a lui aussi traversé bien des épreuves pour arriver à Londres. Ils attendent ensemble le fameux entretien qui leur permettra peut-être d'obtenir le sésame pour ne pas être expulsés. Nuri s'échappe dans ses rêveries et perd parfois le contact avec la réalité.

Certains penseront peut-être que j'en dis trop, mais ce récit est tellement riche qu'on ne peut en donner qu'une brève impression, il faut vraiment s'immerger dedans pour le ressentir, et je n'emploie pas ce mot par hasard, c'est réellement une expérience sensorielle, on voit les différents lieux où Nuri et Afra séjournent, on sent les odeurs autour d'eux, on entend le bourdonnement des abeilles et les cris dans les camps, on goûte le miel des ruches de Mustafa et on ressent la dureté du sol où dorment les migrants dans les camps.

C'est une lecture difficile et douce en même temps, car il n'y a pas de misérabilisme et l'espoir est présent malgré les aléas. Et elle nous fait prendre conscience, si ce n'était pas encore fait, de la façon indigne dont sont traités ceux qui ont déjà tant perdu.

Un livre qui laissera sa trace en moi.
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L'Apiculteur d'Alep



À Alep, en Syrie, Nuri est apiculteur, avec son cousin Mustafa. Sa femme, Afra, est artiste. Ils ont un petit garçon, Sami, et sont heureux jusqu’à ce que la guerre civile éclate et ravage tout , leur ville et leur existence. Les ruches incendiées, leur petit Sami assassiné, Nuri menacé de mort… Ils n’ont d’autre choix que la fuite.

Commence alors leur longue errance vers l’Angleterre où Mustafa et sa famille ont trouvé refuge, avec l’espoir de renaître à une nouvelle vie.

Les passeurs, la traversée de mers hostiles où certains de leurs compagnons laisseront leur vie, les différents camps de réfugiés où règnent le froid, la misère et la peur, les passeurs encore qui profitent de leur faiblesse et de leur découragement, la perte de leur identité … tant d’obstacles avant d’atteindre enfin l’Angleterre et une attente sans fin d’un statut de réfugié.



Ce n’est pas le premier livre que je lis sur ces «  exilés forcés » jetés sur les routes par les guerres et les atrocités qui les accompagnent mais celui de Christy Lefteri, inspiré par son travail de bénévole dans les camps de réfugiés en Grèce, le traite d’une façon très personnelle, en choisissant de centrer l’histoire sur un couple anéanti par le drame qu’ils ont vécu. Afra a perdu la vue en perdant son fils, et se mure dans un silence et une apathie totale, Nuri « voit » des clés aux arbres et des portes s’ouvrant sur les paysages bénis de sa Syrie natale…Qu’il leur est difficile de retrouver l’amour et la complicité qui les unissait, de lutter ensemble pour dépasser le deuil et les traumatismes psychiques !



Un roman qui porte malgré tout une certaine dose d’espoir , avec les amitiés nouées dans le centre d’accueil, les bénévoles s’efforçant d’adoucir les conditions d’exil….



Dans un style très sobre et qui sonne juste pour qui connaît un peu le vécu des demandeurs d’asile, Christy Lefteri signe un roman sensible et touchant.

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Les Oiseaux chanteurs

Chaque roman est quelque part une leçon d’humanité. A des degrés divers, en bien ou en mal. Celui-ci de Christy Lefteri prend résolument le parti de celles et ceux qui, promis à une vie misérable en leur terre natale, prennent la lourde décision de se confronter à l’inconnu et souvent à l’hostilité des autres pour assurer une vie meilleure à leur descendance. Quitte à se priver de la proximité affective de ces êtres chers. Ils sacrifient ce bonheur essentiel, bonheur de l’instant, dans l’espoir d’un avenir meilleur pour ces derniers. Une façon d’assumer la responsabilité de leur venue au monde. La décision de la séparation, de l’émigration s’impose alors à eux.



Avec ses ascendances chypriotes, Christy Lefteri a choisi de focaliser l’attention de ses lecteurs sur ce thème en s’appuyant sur des faits divers lesquels se sont tenus en cette île partagée depuis des décennies entre Grecs et Turcs : la disparition de femmes et enfants d’origines sri lankaise et népalaise. Ils avaient été acheminés vers Chypre par des agences sans scrupule d’humanité dans l’espoir d’y trouver les moyens de pourvoir à l’éducation de leurs enfants restés au pays. Sempiternelle mouvance des populations en quête du fol espoir d’un équilibre des richesses.



C’est bien sûr un roman qui dénonce. Pas seulement l’exploitation d’êtres en situation de faiblesse. Il élargit le débat à la quête du toujours plus inhérente à notre nature. Le plus que nécessaire pour vivre qui la porte à mépriser l’autre, mais aussi faune et flore au grand dommage de la préservation de planète. Christy Lefteri prend le parti de choquer ses lecteurs avec le symbole de l’hécatombe des oiseaux chanteurs auquel se livre les braconniers. Ils ont trouvé là de quoi s’enrichir. Choquer aussi avec ces courts chapitres qui voient se décomposer sous nos yeux le cadavre d’un lièvre. L’auteure écrit le sordide dans l’intention de provoquer un électrochoc : « Il faut manger et il faut vivre. Mais il faut aussi préserver sa dignité et son identité. Quoi qu’on ait à faire pour survivre, on peut respecter la terre et les animaux qui vivent dessus. Souviens-toi de cela. C’est la règle la plus importante du Monde. »



C’est dans ce contexte des laideurs de la nature humaine que Petra et Yannis, les deux voix de cet ouvrage, prennent conscience de leur comportement répréhensible lorsque Nashri disparaît. L’une vis-à-vis de cette jeune femme d’origine sri lankaise dont elle a négligé la personne sensible, préférant la traiter en employée. La brusquant parfois. Négligeant de connaître ses préoccupations de femme, de mère. La souffrance de l’éloignement de sa famille. Lui prenant conscience de son action néfaste à l’égard d’une nature sauvage dont Nashri connaissait elle la fragilité. Cette prise de conscience leur ouvre les yeux. Les sentiments humains ressurgissent. Ils mesurent ce qu’ils ont gâché avec leur insouciance intéressée en perdant Nashri. Ils unissent alors leurs efforts pour la rechercher en un pays dans lequel les autorités refusent de se préoccuper de ces « paysannes sans avenir. »



L’écriture est agréable. La tonalité générale est à la désillusion. Dans cet ouvrage au rythme lent l’auteure cherche à susciter l’indignation de son lecteur. C’est à cette fin qu’elle use du choc des images pour ne pas le laisser se désintéresser du sort des personnes déplacées. Du sort de la planète aussi dont l'homme use et abuse des ressources sans envisager ce qu’il laissera à ses enfants. Cet un ouvrage qui oblige à réfléchir et à imiter ses deux voix, Petra et Yannis. Elles ont fait leur prise de conscience. Certes un peu tard, soit, mais pour le lecteur il n’est jamais trop tard.



Je remercie Babelio et les éditions Seuil de m'avoir gratifié de cet ouvrage.
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Les Oiseaux chanteurs

A Chypre, Yiannis braconne des oiseaux chanteurs. Avec des branches enduites de glu et d'immenses filets, les braconniers tuent chaque année plus de 2 millions d'oiseaux. Ils vendent la douzaine d'oiseaux à 40 euros à des établissements qui proposent ensuite l'assiette d'"ambelopoulia" à environ 80 euros. Cette ancienne tradition culinaire est un véritable désastre écologique mais une manne économique pour les chasseurs et les restaurateurs.

Si la pratique est interdite, elle est dirigée par une mafia très puissante qui menace de représailles ceux qui la combattent.



Et puis, Yiannis rencontre Nisha, la domestique sri-lankaise de sa propriétaire, une veuve de la bourgeoisie chypriote qui élève seule sa fille. Ou plutôt qui vit à côté de sa fille, élevée par Nisha.

Yiannis est amoureux de Nisha et veut l'épouser et prendre soin de sa fille et de sa mère, restées au Sri-Lanka.

Mais un soir Nisha disparaît.

Petra, sa patronne, prend alors conscience de la place qu'elle occupait dans sa vie et dans celle de sa fille. Et elle s'interroge. Sur le passé de cette jeune femme qui leur a tant donné. Sur cette famille qu'elle a dû abandonner pour pouvoir la nourrir.

Et peu à peu, elle découvre ce traffic d'êtres humains scandaleux. Elle fait la connaissance de ces femmes qui servent de domestiques à des foyers occidentaux et qui semblent invisibles. Elle s'indigne pour celles qui sont maltraitées, violées, prostituées.

Avec Yiannis, elle va mener l'enquête pour retrouver Nisha.



Le roman est plein de bonnes intentions : dénoncer à la fois une pratique de chasse honteuse et la domestication de travailleuses immigrées. Le point commun est sans doute que les uns comme les autres sont piégés, les oiseaux par les filets, les femmes par des agences qui les rançonnent.

Mais la bonne volonté ne suffit pas pour faire un bon roman : le propos est souvent naïf et peu analytique. On reste très en surface du problème, avec cette petite dose d'indignation qui donne bonne conscience.

Merci à Masse critique privilégiée et aux éditions du Seuil pour ce voyage à Chypre.

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Le Livre du feu

C’est avec beaucoup d’émotion que je referme « Le Livre du feu » de Christy Lefteri et je remercie Babelio et les Editions Seuil pour ce beau cadeau. J’avais déjà énormément apprécié « L’Apiculteur d’Alep » de la même auteure et j’ai eu plaisir de voir qu’elle a renouvelé mon plaisir de lectrice avec un roman bouleversant sur un autre fait de société : les feux de forêts. Qu’ils soient accidentels ou criminels, les incendies sont plus courants et plus destructeurs que jamais. Les périodes caniculaires plus nombreuses, la force des vents et la terre qui a soif provoquent l’avancée des feux à une vitesse stupéfiante, ne laissant derrière eux que désolation.

C’est ce que raconte Irina dans son journal Le Livre du feu. Sa fuite vers une mer devenue difficile d’accès, sa petite fille Chara et la chienne Rosalie, son mari Tasso les quittant dans leur fuite pour aller chercher son père. La longue période d’attente dans une mer chaude. La douleur, la mort alentour. Puis la rencontre avec l’homme responsable. Des vies à reconstruire malgré les blessures, les cicatrices, le silence remplaçant le chant des oiseaux, les feuillages dansant et les bruits de la forêt, la noirceur du paysage suppléant aux mille couleurs et aux lumières changeantes. La perte de la maison et tout ce qu’elle contient de vie et de souvenirs.

D’une plume simple et fluide qui fait qu’on ne lâche pas le livre, l’auteure nous emmène en Grèce, au plus près d’un feu de forêt et on s’y croirait ! On ressent bien l’ampleur du drame et ses conséquences sur les vies humaines. Les notions de culpabilité et de conscience sont également traitées de manière subtile et puis ce livre est aussi une belle histoire d’amour entre les membres de cette famille.



Un régal.





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Les Oiseaux chanteurs

Deuxième plongée dans l'île de Chypre.

Après la lecture de L'île aux arbres disparus d'Elif Shafak, voici Les oiseaux chanteurs de Christy Lefteri.

Elif Shafak nous parle des migrations , de l'exil dans la Chypre Turco - grecque entre 1970 et 2020.

Christy Lefteri ancre son roman dans les années actuelles et va enquêter sur les nombreuses femmes invisibles et asiatiques qui vivent à Chypre.

Les trois premiers chapitres commencent par la même antienne : Un jour, le jour ou Nisha a disparu.

Ce jour ou Nisha a disparu , deux personnes vont nous en parler. D'abord Petra Loizides, opticienne vivant le long de la ligne verte, ligne de séparation de Chypre entres grecs et turcs. Nisha est la nourrice de sa fille Aliki mais aussi sa femme de mènage.

Puis Yiannis , jeune homme, locataire à l'étage de la maison de Petra. Il vit une relation amoureuse avec Nisha sans que Petra en soit au courant.

Yiannis est un ancien financier que la crise de 2008 a ruiné. Il vivote de petits métiers en petits métiers et vit du braconnage des oiseaux chanteurs.

A travers Petra et Yiannis nous allons peu à peu découvrir qui est Nisha. A savoir une jeune Sri lankaise qui depuis de nombreuses années vit à Chypre , en ayant laissé dans son île natale sa fille de 11 ans Kumari.

On va surtout découvrir les sombres réseaux d'un pays gangréné par les trafics en tous genres, trafics d'humains et d'animaux.

Christy Lefteri nous livre une histoire sombre avec beaucoup d'humanité et un personnage lumineux : Nisha..

Dans tout le livre ce sont les autres qui parlent d'elle.

Elle parle en son nom sur les deux dernières pages du livre, dans une lettre écrite à sa fille :

"J'ai tant à te dire. Sois patiente . La vérité a besoin de temps."

La vérité a eu besoin de 350 pages. Cette vérité se mérite.

Merci aux Editions du Seuil et à Babelio pour cette belle découverte.
Lien : https://auventdesmots.wordpr..
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Les Oiseaux chanteurs

Le lac rouge de Mitsero



Je remercie chaleureusement les Editions du Seuil et Babelio de m’avoir envoyé ce roman dans le cadre d’une opération Masse Critique privilégiée.

Je ne connaissais pas Christy Lefteri mais c’est une belle découverte, avec Chypre en toile de fonds.

C’est une lecture que l’on peut appréhender à plusieurs niveaux, ce qui la rend captivante.

On est tout d’abord plongé dans un thriller : une femme disparaît. Sortie un dimanche soir d’octobre, elle s’évapore…

Le roman prend une autre dimension lorsque l’auteure nous fait entrer dans l’intimité de cette femme, Nisha. Nisha est Sri-Lankaise, et comme nombre de ses compatriotes (mais aussi des Népalaises, des Philippines, ou encore des Roumaines) elle est venue travailler à Chypre comme employée de maison. Depuis dix ans, elle s’occupe de tenir la maison de Petra, et surtout, elle élève la fillette de sa patronne, Akili. Petra, Akili et Nisha vivent ensemble dans une grande maison de Nicosi mais Petra ne prête guerre attention à Nisha, et à vrai dire, elle ne la connaît pas… au point d’ignorer que Nisha est l’amante de Yiannis, qui vit pourtant au premier étage de la grande maison ! Yiannis, ruiné par la crise de 2008, survit officiellement en cueillant les herbes sauvages et les champignons qu’il vend aux restaurateurs, mais se livre en réalité au braconnage sordide des oiseaux chanteurs… C’est alors tout un pan de la société chypriote qui va nous être dévoilé : celui de la marchandisation de ces femmes invisibles venues de l’autre bout du monde pour servir les familles aisées de l’île (vivant parfois dans des conditions insupportables, maltraitées, exploitées, voire pire) et celui de ces trafics menés par des réseaux mafieux redoutables.

En recherchant Nisha, Petra et Yiannis vont peu à peu se révéler et se métamorphoser.

La construction du roman est habile : les voix de Petra et de Yiannis alternent, ce qui nous permet de découvrir leurs points de vue, leur évolution et plus encore, c’est à travers eux que nous est racontée par petites touches, l’histoire poignante de Nisha dont l’absence assourdissante marque chaque page de ce livre très sombre, qui contraste avec les descriptions d’une île à la nature splendide.

Un très beau thriller, plein de suspens et d’émotions, que je recommande.



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Les Oiseaux chanteurs

"Ce roman ne prétend pas être la voix des migrants, il ne cherche pas à parler à leur place".

C'est ainsi que l'autrice s'adresse au lecteur, à la fin du roman. Oui, son roman ne parle pas à la place des migrants, il nous montre cependant à voir ce qu'ils vivent, ce qu'elles vivent puisqu'il s'agit ici essentiellement de femmes.

Ce sont deux voix qui se font entendre, deux narrateurs, Petra et Yiannis, deux chypriotes. Ce qui les unit est d'abord le fait qu'ils vivent dans la même maison - Petra loue un appartement à Yiannis, qui vit en toute indépendance. Ce qui les unit ensuite, même si Petra ne le sait pas encore, c'est Nisha. Elle est une parmi tant d'autres. Qui ça ? Une de ses femmes qui a quitté sa famille, son pays pour travailler à l'étranger et envoyer ainsi plus d'argent à sa famille qu'elle n'en aurait gagné en restant au pays.

Je serai assez crue : ce que nous montre le récit, c'est que ces femmes sont à peine considérées comme des êtres humains. Elles ne pensent pas comme nous, elles ne vivent pas comme nous, elles  cherchent toujours de meilleures situations, voilà en gros ce que la majorité pense d'elle. Petra, elle, ne pense pas. Elle est tellement habituée à la présence de Nisha, qui est sa domestique depuis dix ans, qu'elle n' pas pris conscience ni de tout ce qu'elle fait pour elle, ni de tout ce qu'elle ignore d'elle. Nisha est pourtant "bien traitée", elle a sa chambre, une journée de congé par semaine, des horaires convenables. Elle qui a dû laisser Kumari sa fille unique au Sri Lanka a élevé Aliki, la fille de Petra. Il faut que Nisha disparaisse pour que Petra se rende compte de toute ce qu'elle faisait pour elle (impossible pour Petra de cuisiner, elle peine à savoir où sont rangés les aliments dont elle a besoin), pour qu'elle se rende compte aussi que Nisha est une parmi tant d'autres, et qu'elle, Petra, n'a jamais fait attention à toutes ses femmes qui vivent plus ou moins bien. Plutôt moins.

De l'autre côté, nous avons Yiannis. La crise l'a jeté dans la pauvreté, il a perdu son emploi et sa femme, qui tenait davantage à son statut social qu'à son mari. Il vit de contrebande, piégeant des oiseaux pour les revendre aux restaurants chypriotes. Il aime Nisha. Il en sait plus sur elle que Petra, que tout le monde à vrai dire. Il s'interroge sur les causes de la disparition, lui qui espère la revoir, lui qui va chercher ce qui lui est arrivé. Leurs points communs ? Yiannis et Petra sont tous les deux pris au piège de leur situation, lui parce qu'il commet des actions illégales pour la "mafia" locale, elle parce qu'elle est piégée - dix ans plus tard, elle doit toujours de l'argent à ceux qui l'ont fait venir du Sri Lanka. La différence est que s'il arrivait quelque chose à Yiannis, la police bougerait peut-être. Elle n'ouvre pas d'enquête pour la disparition de Nisha, et tant pis si elle a laissé derrière elle ses effets personnels et son passeport, elle est forcément partie pour mieux revenir.

Indifférence ? Pas seulement. L'autre, l'étranger, le migrant n'est pas considéré comme un être humain. Ce n'est pas qu'il y a deux poids, deux mesures, c'est qu'il n'existe pas de mesure pour eux. Ils n'existent tout simplement pas !

Je voudrai aussi parler du second sujet abordé dans ce roman : celui de la maternité. J'aurai pu dire "parentalité", mais soit les pères sont décédés (Nisha comme Petra sont veuves), soit ils ne le sont pas encore. Petra a porté sa fille, l'a mise au monde, mais son veuvage fait qu'elle ne parvient pas à être mère, elle ne parvient pas à s'occuper de sa fille. Tous les gestes qu'elle voudrait faire, tous les mots qu'elle voudrait dire, c'est Nisha qui les a faits et dits pour elle. Ce n'est pas que Pétra n'aime pas sa fille, loin de là, c'est qu'elle ne parvient pas à lui montrer son amour : il faudra l'électrochoc de la disparition de Nisha, la prise de conscience de ce que cela implique pour Kumari pour que Petra parvienne enfin à exprimer ce qu'elle ressent.

Merci aux éditions du Seuil et à Babelio pour ce partenariat.
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Les Oiseaux chanteurs

Nous sommes à Chypre en 2016.

Petra se réveille un matin et découvre que Nisha, la jeune sri-lankaise qu'elle emploie depuis des années chez elle pour s'occuper de la maison et d'Aliki, sa fille, a mystérieusement disparu.

La veille, elles sont allées toutes les trois faire une balade en montagne, mais quand Nisha lui a demandé la possibilité de s'absenter en soirée, Petra a refusé.

Où a-t-elle pu aller ? Est elle retournée chez elle sans prévenir, pour revoir sa petite fille qu'elle a laissée là-bas pour venir travailler sur l'île, comme tant d'autres femmes étrangères ? Mais alors pourquoi est-elle partie sans son passeport et sans les souvenirs les plus précieux qu'elle possédait ?

Petra pressent tout de suite que quelque chose ne va pas, car Nisha ne serait jamais partie sans dire au revoir à Aliki à laquelle elle est très attachée. Elle se rend donc à la police qui refuse de prendre sa disposition. Les policiers pensent que Nisha est une employée de maison comme tant d'autres, à qui on ne peut pas faire confiance. Ils sont persuadés qu'elle est tout simplement partie au nord, où elle sera mieux payée.

Mais Petra n'y croit pas...

Les questions font peu à peu place à l'inquiétude d'autant plus que Yiannis, le locataire de Petra qui vit au premier étage de la maison, n'a pas vu Nisha lui non plus, et a l'air bouleversé par sa disparition. Il pense en effet qu'elle s'est sauvée après sa demande en mariage de la veille. L'a-t-il réellement effrayée en l'obligeant à faire un choix ?

Petra découvre que tous les deux avaient une liaison, tenue secrète car Nisha avait peur de perdre sa place. Elle réalise peu à peu qu'elle a vécu en égoïste pendant toutes ces années sans se soucier, ni des états d'âmes de Nisha, ni de qui elle était vraiment. Elle prend conscience que même si elle a été un employeur "modèle" par rapport à d'autres sur l'île, qu'elle est ouverte et tolérante, elle a laissé peu de place à Nisha en tant que personne. Pourtant toutes deux auraient pu avoir d'autres relations, elles étaient mères toutes les deux d'une petite fille, et avaient perdu un mari qu'elles aimaient dans des conditions tragiques. Cela aurait pu les rapprocher...

Très vite, Yiannis finit par avouer qu'il vit de braconnage, qu'il participe à la destruction de milliers de petits oiseaux migrateurs et appartient à un réseau mafieux dangereux qui le prive de toute liberté d'action. Nisha voulait le voir cesser cette activité illégale et a peut-être pris des risques inconsidérés. Lui qui voulait tant, pour elle, changer de vie, voit ses rêves s'effondrer.

Ils unissent alors leur force pour enquêter...et ce qu'ils vont découvrir sur Nisha les changera à jamais.



C'est un roman qui se lit d'une traite. Le ton est juste et l'auteur sait de quoi elle parle quand elle nous raconte la vie sur l'île car elle est d'origine chypriote et, une partie de sa famille y vit toujours. De plus, comme elle le mentionne à la fin du roman, elle s'est inspirée d'une histoire vraie pour nous raconter la disparition de Nisha.

L'histoire démarre tout doucement et le récit alterne les voix de Petra et de Yiannis qui peu à peu nous content leur histoire. Le lecteur apprend tout de leur passé, comment ils en sont arrivés-là, mais découvre aussi la vie de Nisha à travers la voix de l'un ou de l'autre.

J'ai trouvé certains passages très émouvants et poétiques, d'autres mériteraient d'être un peu plus approfondis mais à nous de nous documenter ailleurs, il s'agit d'une fiction et donc l'auteur ne peut pas tout dire.

J'ai aimé les retours vers le passé, vers un temps où l'île était encore davantage sauvage, où les gens vivaient de leurs propres récoltes, ou d'élevage.

Je me suis attachée aux personnages ce qui m'a permis d'entrer à fond dans leurs histoires.

J'ai aimé le personnage de Nisha qui sait rester une mère pour sa fille Kumari, même à distance. J'ai aimé les souvenirs qu'elle raconte à Yiannis quand ils sont ensembles. Les pages où elle lui parle de la mort de sa jeune sœur, de son veuvage et des difficultés financières qui ont suivi, puis de sa décision douloureuse, et de son départ pour Chypre, sont particulièrement émouvantes. La vie durant sa jeunesse, la culture du riz, le dur travail dans les mines, tout cela sonne juste et apporte un peu de répit dans le déroulé de l'histoire, car le suspens est bien présent et l'angoisse monte d'un cran à chacun des rebondissements.

Les rebondissements sont judicieusement distillés, et de courts chapitres alternent avec le récit et nous décrivent un lieu qui s'avèrera avoir son importance dans l'histoire.

Le personnage de Petra m'a prodigieusement dérangé au début du roman. Elle est devenue plus sympathique au fur et à mesure. J'ai compris son histoire personnelle, la souffrance vécue à la mort de son mari, la relation particulière et distante qu'elle entretient avec sa fille. Cela n'excuse en rien son comportement égoïste et son aveuglement, ni le fait qu'elle ne se soit jamais vraiment intéressée à son employée, mais j'ai trouvé que son personnage sonnait juste. C'est ainsi que cela se passe à Chypre et malheureusement dans beaucoup de pays d'Europe (et ailleurs dans le monde) où les employées de maison sont exploitées, et les plus aisées des familles autochtones, profitent de l'immigration étrangère pour avoir des "esclaves" à domicile.

L'auteur dénonce l'exploitation des femmes étrangères qui, comme Nisha, travaillent dans l'ombre. Leurs témoignages sont bouleversants de vérité. Elles sont silencieuses et soumises, invisibles même et se font exploiter par des patrons irrespectueux. Il s'agit sur l'île d'un véritable trafic humain. Ces femmes arrivent à Chypre grâce à des agences de placement qui ne se préoccupent plus du tout de leur sort. Elles doivent payer des sommes astronomiques et ont donc des dettes impossibles à rembourser puisqu'elles veulent d'abord envoyer de l'argent à leur famille. Elles sont donc dans des conditions psychologiques telles, qu'elles en arrivent à accepter l'inacceptable.

L'auteur décrit aussi avec réalisme les rouages de ce braconnage immonde dont je connaissais l'existence, qui détruit des milliers d'oiseaux chaque année (Plus de 300 000 oiseaux en 2018 par exemple ont été pris dans les filets des braconniers). Il est bien loin le temps où les paysans par nécessité, fabriquaient des pièges avec des baguettes enduites de glue et plaçaient des appeaux mécaniques pour attirer les oiseaux. Le soir en ce temps-là, les hommes ne rapportaient de leur chasse qu'une dizaine d'oiseaux à la maison, juste pour nourrir leur famille en hiver. C'était une tradition qui respectait la nature et ses ressources. Aujourd'hui c'est un commerce juteux qui rapporte gros.

J'avoue avoir été écœurée, même si j'en connaissais déjà tous les détails, par la lecture des pages concernant cette "chasse" nocturne pratiquée encore aujourd'hui alors qu'elle est interdite. La manière dont les oiseaux sont pris dans les filets, puis tués et ensuite triés et mis dans les frigos, est terriblement violente. Distribués ensuite à différents clients, ils sont servis "en secret" dans les restaurants de l'île. Tout cela sous le nez des autorités qui bien entendu ferment les yeux. J'ai appris en lisant un article sur Géo ICI, datant de 2017, que les oiseaux étaient vendus à la douzaine pour 40 € et que le plat d'ambelopoulia était ensuite proposé au client pour 80 €.

L'île est paradisiaque pour les touristes, mais a eu une histoire mouvementée. Le territoire est aujourd'hui coupé en deux et séparé par la ligne verte encore nommée "ligne Attila". Depuis 1974, le Nord est occupé par la Turquie. De ce contexte particulier découle différents problèmes ethniques, économiques, culturels. Le brassage des populations locales a marqué les esprits. Si l'auteur décrit les paysages avec beaucoup de poésie, elle approfondit peu cependant certains des aspects économiques mais nous donne envie d'aller nous documenter pour en savoir plus.

L'auteur a voulu décrire la situation particulière du pays en 2016, sortant à peine d'une période de récession économique qui a provoqué une hausse du chômage et la paupérisation d'une partie de la population du sud de l'île. Beaucoup comme Yiannis (qui était banquier) se sont alors tournés vers des activités parallèles pour survivre...ce qui n'excuse rien bien entendu.

J'ai trouvé ce roman prenant et écrit avec beaucoup d'humanité. L'auteur dénonce avec réalisme ces pratiques d'un autre âge et la corruption qui gangrène son pays. Bravo à elle pour son engagement.



Merci à Babelio et à l'éditeur, de m'avoir permis de découvrir ce livre dès la sortie en librairie.
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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Les Oiseaux chanteurs

Christy LEFTERY. Les oiseaux chanteurs.



C’est le deuxième roman de Christy LEFTERI que je lis. Je ne suis pas déçue par cette immersion à Chypre En 2016, Petra Loizides, opticienne-optométriste réside à Nicosie, dans une belle demeure, à deux pas de la ligne verte qui sépare l’île depuis 1974, occupant le rez-de-chaussée, louant l’étage à Yiannis. Son époux est décédé quelques mois avant la naissance de leur fille, Aliki, 9 ans aujourd’hui. Afin d’exercer sa profession, elle a une employée de maison, une jeune sri-lankaise, Nisha, âgée d’une trentaine d’années. Cette dernière est venue à Chypre, laissant au pays sa propre fille, Kimari, qui a deux ans de plus que Aliki. Elle a accepté cet exil et cet emploi afin d’assurer l’avenir de son enfant. C’est une très bonne employée. Elle fait le ménage, la cuisine et gère toute l’intendance de la maisonnée. Elle est hébergée et possède sa propre chambre. Les conditions de travail sont draconiennes, une seule demi-journée de repos et l’amplitude horaire est très élevée, de 6h jusqu’à 21h-22h. Mais elle ne se plaint pas. Elle envoie régulièrement de l’argent à ses parents au Sri-Lanka et met de côté des économies pour assurer la scolarité de son enfant.



Un jour, Nisha disparaît, envolée et nulle trace ne permet de la retrouver. Petra se rend dans les locaux de la police afin de signaler la disparition de son employée. Lettre morte, la police refuse même de prendre sa demande en considération. Petra et son locataire, Yiannis vont faire les recherches seuls, enquêtant auprès des femmes, employées de maison, exilées de divers pays et qui travaillent dans l’ombre des villas, au péril de leur vie. Yiannis a noué une relation avec Nisha et l’a même demandé en mariage. C’est le lendemain de cette demande qu’elle disparaît, abandonnant son passeport, le médaillon de son époux décédé et la mèche de cheveux de sa fille. Que s’est-il passé ? Comment une personne peut du jour au lendemain se volatiliser sans laisser un seul indice ?



Cette narration est l’alternance des récits de Petra et son locataire, entrecoupé de façon régulière, par un petit chapitre portant le dessin d'un oiseau. Mais que se cache-t-l derrière ce petit oiseau ?   Yiannis, licencié par la banque braconne et se livre à un trafic d’oiseaux, encadré par la mafia. Christy nous relate une facette sombre de la corruption, des divers trafics existants, et la maltraitance de personnes employées légalement dans ce pays, le pillage de la nature, faune et flore. Les conditions d’hébergement ne sont pas toujours tenues, parfois il n’y a aucun confort ; les horaires sont très contraignants et les repos inexistants. Ce roman sociétal dénonce les injustices, l’exploitation des hommes par les hommes. L’intrigue va crescendo : de nouvelles femmes disparaissent et même deux enfants… Mais que font donc les autorités, la police, la justice ?



Je vous recommande la lecture de ce roman contemporain. Si vous n’avez pas encore lu « L’apiculteur d’Alep », prenez-le également. Je vous souhaite de belles lectures et une bonne journée.

( 27/12/2023).


Lien : https://lucette.dutour@orang..
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