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Citations de Claude Couffon (39)


Ce n'est pas pareil. Certains aiment mal, d'autres aiment bien. Ça se sait de loin. Le chaud se marie avec le chaud et le froid avec le froid ; les chevreuils avec le chasseur, la vipère avec le crapaud, l'arbre avec l'éclair, l'or avec la vanité, l'audacieux avec la mort.
Héctor Tizón, Le lac.
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Il se rapprocha un peu plus encore, et , prenant la fille par les épaules, il se mit à la secouer en lui parlant dans sa langue à lui et en implorant tous les dieux pour qu'elle comprenne :
- Ne me regarde pas comme ça, comme si j'étais fou, lui disait-il en espagnol. Avant de penser quelque chose de moi, laisse-moi t'emmener dans ma chambre. Que les anges permettent que je te garde tout un an près de moi, et, après, tu pourras penser ce que tu voudras, et même, détruis-moi, moque-toi, couche avec un autre dans mon lit si j'échoue, mais laisse-moi une chance de t'éblouir ; laisse-moi te montrer tout ce dont est capable, pour être et pour rêver, un simple animal affamé et sans ambitions ; je pourrai te le dire dans ta langue quand tu seras prête à m'entendre ; ne pense rien de moi pour le moment, sois pure, sois intelligente, réchauffe-toi sans paroles, fais un effort pour ne pas me disséquer et me mettre aux archives si vite ; tâche de te contenir pendant que ce silence grandit pour moi et prendre forme, parce qu'alors, oui, je serai invincible et peu m'importera que tu me détruises.
Antonio Skarmeta, Noces.
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ROUGE OU NOIRE


J'ai vécu longtemps
par pour dans
les mots
je les ai vus se rassembler
en bouquets magiques
chaque syllabe
pétale écrit
corolle ardente rouge ou noire
fleurs de bonheurs ou d'infortune
cueillies par moi par toi par nous
ou plus secrètes conservées
entre deux pages de la vie
où je les retrouve flétries
comme ces mots
que j'effeuille aujourd'hui.

p.33
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La mère de l'enfant releva la tête et observa son mari ; elle avait d'immenses et beaux yeux gris que les lunettes rendaient encore plus grands ; des yeux qui ne semblaient pas vraiment regarder l'homme mais quelque chose au-delà de lui, à partir de lui: ses yeux contemplaient une image incarnée par l'homme qu'elle avait aimé.
Héctor Tizón, Le lac.
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Nous ne pouvons juger de nos actes que par rapport à ce que nous avons attendu de la vie et à ce qu'elle nous a donné.
Juan José Saer, Ombres sur verre dépoli.
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On sent venir les choses, on présuppose la possibilité, et cela d'autant plus que ses yeux, en réalité, je devrais dire ses grands yeux mais c'est un lieu commun du tango-ranchera, que ses grands yeux donc me giflèrent sans merci. Si cela m'arrive, je souffre toujours de la même émotion : une espèce de bouffée de chaleur chargée de honte avec érection légère. Érection légère, je répète; l'ennui c'est la bosse, malgré la légèreté de la chose, il faut la caser discrètement, comme si on se grattait le genou, sans exagérer, bien sûr... C'est ce que j'ai fait et je me suis remis à regarder. On s'est heurtés. J'ai soutenu ce regard, pas pour faire le brave, ou le gagnant, ou le tombeur, ou le bouc en rut. J'ai soutenu son regard avec des leviers et des échafaudages, avec des pinces et des crochets désespérés pour qu'il ne redescendre pas jusqu'au carrefour de mon pantalon. Je suis incontrôlable.
Enrique Medina, La rencontre.
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RÊVE


Il m’arrive de rêver
que j’écris mon dernier mot
alors ma plume
lentement
sarcle les allées des syllabes
émonde les hautes consonnes
taille les feuilles des voyelles
fleurit le dernier point
et s’allonge
dans le cercueil noir du plumier.

p.29
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Absence

Quelqu'un s'en est allé
en laissant là tous les cahiers
ouverts à la page 21,
sur la table
servis
le café et les haricots,
chaud
le lit défait,
le chien
attendant sa pitance,
un rendez-vous d'amour
étendu à sécher à la fenêtre
et dans les vides de l'armoire
l'odeur des rêves.

Maria Eugénia Ramos, Tant il est vrai qu'aucun soleil n'est le dernier, 1989.
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Bananeraie

Bananeraie... Bananeraie... Sueur faite fruit
de cette luxuriante terre de ma terre.
Sang vert affluant sur la route noire
et sans nom qui enterre la douleur !

Hirsute plantation à couleur d'émeraude
qui ancre le Yankee têtu à notre sol.
En campements sordides la réalité
sauvagement nous écartèle et terrifie.

Pain de malheur pétri sans sel et sans levain.
Mères décimées sur le dur chemin.
Pâles larmes de l'enfance malingre !

O martyre ingrat, rosaire anonyme,
répandant après un sombre calvaire
un hurlement de gorge sèche... !

Hernan Alcerro Castro (Sang, 1950)
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Elle, que je voulais aimer d'un amour fou
elle, qui envoûta mon cœur de ses musiques,
elle, qui dans le bleu de mes petits matins
répandait le plus doux susurrement d'églogue,
me dit très tendrement que je dois l'oublier,
l'oublier sans haine et sans larmes.

Elle, qui m'a donné le plus d'enchantements
et de nuits d'amertume,
s'éloigne doucement
comme une voile blanche.

Et moi, qui porte en moi enterrés tant de rêves
et qui dans mon cœur compte tant de tombes,
je ne sais pourquoi je sanglote et tremble
en en creusant dans mes entrailles une nouvelle.

(Oswaldo Bazil, Petit nocturne, ni Rosiers en fleur, 1901)
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MIGUEL HERNANDEZ



Dans ton jardin la mort a tué
ton figuier Elle n’a laissé
que ces quatre murs blancs Pourtant
des fruits d’or pendent et chaque pierre
est un verger où le silence
froisse des mots qui voudraient naître
des chants nouveaux fumés par toi

                                                      (Orihuela)
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Les pins

Dans mon pays les pins
sont verdoyantes tours d'espoir.
Des chemins verticaux,
des sentiers conduisant au métal des étoiles.

Dans mon pays les pins
connaissent les secrets de l'orchidée
et le pied des ruisseaux ;
mais ils n'ignorent pas non plus
l'épouvante
nocturne d'un pendu
ni des hommes qui meurent
dans la boue.

Dans mon pays les pins
connaissent les dangers
infinis de la nuit,
les solstices naufragés
- giroflée aveugle, jacinthe -
du sang répandu
qui tombe goutte à goutte
sur leurs racines.

Mais les pins sont aussi
des arbres chanteurs
dont la chanson est douce,
gracieuse comme le cœur
de la grive dorée ;
et un jour, un jour clair,
un jour d'alléluias,
amis, mes compagnons
d'une montagne à l'autre
on dira qu'on nous vit
tenant entre nos mains
une étoile de feu.

Pompeyo del Valle, La route fulgurante, 1956
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Devant la mer

Le fleuve ne sait pas
s'il devient très rapide ou taciturne.
Mais il transporte en sa clarté
ciel et montagne,
au point
que lorsqu'il arrive à la mer,
la mer, non, ne l'étonne pas.

Le fleuve ignore son savoir
et l'homme ignore ainsi son ignorance
devant la mer.
Parce que le fleuve
lorsqu'il atteint la plage
sait que tout retour lui est impossible,
que la vie tout entière est restée en arrière,
mais que la mer compense tout.
La mer, non, ne l'étonne pas !

Antonio José Rivas Aguiluz, Moitié de mon silence, 1964.
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Comme un serpent végétal

Comme un doux serpent végétal
je me love à ta taille. Je m'élève,
j'étanche ma soif dans tes coupes,
je m'abreuve
et voici que frémit la paisible lucidité
du lac que recouvrent tes hanches.

En toi
- dans les salons intimes de ton sang -
paraissent éclater des univers
des houles rouges et aveugles.
Et c'est l'instant où les sirènes assourdissent la mémoire,
c'est le plaisir,
l'incendie et la flamme du bonheur,
cet instant, oui.

Rafael Rivera, La mer est l'unique frontière, 1986.
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Nous nous étions connus pendant l'état de siège. Nous marchions enlacés et nous nous embrassions à l'approche de n'importe quelle silhouette en uniforme. Nos premiers baisers avaient obéi à des raisons de sécurité, les suivants à l'envie que nous avions l'un de l'autre.
A cette époque, les rues de la ville étaient désertes. Les torturés et les moribonds pouvaient encore se communiquer leurs noms et se frôler du bout des doigts.
Flavia et moi, nous nous retrouvions dans des endroits chaque fois différents, désespérés de panique pour chaque minute de retard.

Eduardo Galeano. La jeune fille à la cicatrice au menton
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[...]
Les poètes parlent en buvant leur café de toutes les heures.
Mais de quoi ?
Ils parlent pour ne pas écrire.
Ils écrivent
pour gagner le droit de parler
et trottent par les rues avec leur colère et leur Neruda
sous l'aisselle gonflée.
Ils naissent ici et dans cet ici se font muets.
Ils voudraient changer la face du monde avec leurs chants inexprimés
avec leurs poings inexprimés
avec leurs armes muettes.
Leurs strophes changent de cap et de nostalgie.
Elles sont silence entassé
silence entassé aux profils nets pour mieux briller.
Ils regardent ce paysage au ciel indigo
où ils sont nés
mais sans comprendre.
[...]
(Manuel Rueda, Santo Domingo, c'est cela, in Congrégation du corps unique,1989)
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Dissous dans le vent
mon rire s'en va
- un grelot d'argent au son argentin -
J'ignore où il nait, pourquoi il est là,
mais sens seulement son frisson divin
traverser mon cœur...

Voyageur, voyageur
qui sans t'arrêter passes en ce chemin,
cesse ton errance...
Écoute mon rire
drapé dans la brise,
dont le tintement voudrait te réjouir...

Voyageur, voyageur,
arrête tes pas,
laisse-moi te dire quel est mon bonheur...
J'ignore pourquoi je ris... mais qu'importe !
car je sais qu'ainsi la route est plus courte,
et je vais en riant...

Voyageur, voyageur,
arrête tes pas
et entends mon rire au son argentin.
J'ignore où il nait, pourquoi il est là,
mais depuis que je sens son frisson divin
je vais égrenant sur tout le chemin
la folle allégresse qu'abrite mon cœur... !

(Carmen Natalia Martinez Bonilla, Mon rire, in Dans l'âme, 1940)
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Dans les musées
On trouve des objets, des reliques et des effigies
D'hommes illustres
mais
Ni les crimes ni les mauvaises consciences.
Il y a là l'envol des incendies
Mais ni les charognes ni les tumulus des urubus.
Il y a là les uniformes des héros
Et leur odeur de naphtaline
mais non leurs mites,
Ni les imprécations, les affaires louches,
Les injustices de leurs possesseurs.
Il y a là les sabres
Et la voix de stentor de la politique
Mais ni l'accordéon ni le tambour ni les maracas
Des nuits de bringue,
ni les chancres honteux
Des tripes des États envahisseurs.
Et pas non plus
Les décors, les gallodromes, les alcools,
Ni les époques nourricières que vécurent
Les acteurs
Durant leurs courageux exploits, durant leurs représailles,
car
Il faut agir à son époque
Et jamais avant ni après
Si l'on veut que le souvenir et la promesse existent
En eaux dormantes, remous, trombes soudaines,
Dans le passé et dans les anticipations.

Freddy Gaton Arce (Dans les musées, in Le couchant, 1982)
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CHANSON NAÏVE
Pour André Schmitz


Au métronome de la mort
chaque seconde est un oiseau
prenant son vol dans le néant
ah si je pouvais seulement
le dissuader de s’envoler

Le métronome de la mort
pourrait de son aiguille creuse
tisser la cage où enfermer
les nids moussus du souvenir
ah que ne puis-je le convaincre
de souder les barreaux du temps

p.31
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Maison urbaine

Maison urbaine,
Sans un arbre qui appelle.

Maison urbaine,
Sans un feuillage grimpant.

Maison urbaine,
Avec des fleurs suppliciées.

Que serais-tu sans jardinières ?

Maison urbaine,
Avec des oiseaux en cage.

Maison urbaine,
Sans poissons dans la rivière.

Maison urbaine,
Sans coqs claironnant à l'aube.

Que serais-tu sans hirondelles ?

Maison urbaine,
Sans trouée de paysage.

Maison urbaine,
Sans lumière à l'horizon.

Maison urbaine,
Sans fins nuages en flaques roses.

Que serais-tu sans les yeux des enfants ?

Jorge Federico Travieso, L'attente infinie, 1959.
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