Il se rapprocha un peu plus encore, et , prenant la fille par les épaules, il se mit à la secouer en lui parlant dans sa langue à lui et en implorant tous les dieux pour qu'elle comprenne :
- Ne me regarde pas comme ça, comme si j'étais fou, lui disait-il en espagnol. Avant de penser quelque chose de moi, laisse-moi t'emmener dans ma chambre. Que les anges permettent que je te garde tout un an près de moi, et, après, tu pourras penser ce que tu voudras, et même, détruis-moi, moque-toi, couche avec un autre dans mon lit si j'échoue, mais laisse-moi une chance de t'éblouir ; laisse-moi te montrer tout ce dont est capable, pour être et pour rêver, un simple animal affamé et sans ambitions ; je pourrai te le dire dans ta langue quand tu seras prête à m'entendre ; ne pense rien de moi pour le moment, sois pure, sois intelligente, réchauffe-toi sans paroles, fais un effort pour ne pas me disséquer et me mettre aux archives si vite ; tâche de te contenir pendant que ce silence grandit pour moi et prendre forme, parce qu'alors, oui, je serai invincible et peu m'importera que tu me détruises.
Antonio Skarmeta, Noces.
On sent venir les choses, on présuppose la possibilité, et cela d'autant plus que ses yeux, en réalité, je devrais dire ses grands yeux mais c'est un lieu commun du tango-ranchera, que ses grands yeux donc me giflèrent sans merci. Si cela m'arrive, je souffre toujours de la même émotion : une espèce de bouffée de chaleur chargée de honte avec érection légère. Érection légère, je répète; l'ennui c'est la bosse, malgré la légèreté de la chose, il faut la caser discrètement, comme si on se grattait le genou, sans exagérer, bien sûr... C'est ce que j'ai fait et je me suis remis à regarder. On s'est heurtés. J'ai soutenu ce regard, pas pour faire le brave, ou le gagnant, ou le tombeur, ou le bouc en rut. J'ai soutenu son regard avec des leviers et des échafaudages, avec des pinces et des crochets désespérés pour qu'il ne redescendre pas jusqu'au carrefour de mon pantalon. Je suis incontrôlable.
Enrique Medina, La rencontre.
Ce n'est pas pareil. Certains aiment mal, d'autres aiment bien. Ça se sait de loin. Le chaud se marie avec le chaud et le froid avec le froid ; les chevreuils avec le chasseur, la vipère avec le crapaud, l'arbre avec l'éclair, l'or avec la vanité, l'audacieux avec la mort.
Héctor Tizón, Le lac.
La mère de l'enfant releva la tête et observa son mari ; elle avait d'immenses et beaux yeux gris que les lunettes rendaient encore plus grands ; des yeux qui ne semblaient pas vraiment regarder l'homme mais quelque chose au-delà de lui, à partir de lui: ses yeux contemplaient une image incarnée par l'homme qu'elle avait aimé.
Héctor Tizón, Le lac.
Nous ne pouvons juger de nos actes que par rapport à ce que nous avons attendu de la vie et à ce qu'elle nous a donné.
Juan José Saer, Ombres sur verre dépoli.
« […]
[…] comme le dira Octavio Paz (1914-1998), “la poésie mexicaine ne trouvait pas sa forme propre. Chaque fois qu'elle se risquait à exprimer le meilleur et le plus secret de son être, elle ne pouvait que mettre en oeuvre une culture qui ne lui appartenait que par un acte de conquête spirituelle“.
[…] Enrique González Martínez annonçait qu'il fallait “tordre le cou au cygne“ moderniste pour pénétrer dans la réalité concrète de la vie quotidienne : “Cherche dans tout chose une âme et un sens / caché ; ne te drape pas dans la vaine apparence“ […] »
« Le poème tournoie sur la tête de l'homme
en cercles proches ou lointains
L'homme en le découvrant voudrait s'en emparer
mais le poème disparaît
Avec ce qu'il peut retenir
l'homme fait le poème
Et ce qui lui échappe
appartient aux hommes à venir »
(Homero Aridjis, « Le Poème », in Brûler les vaisseaux, 1975.)
0:00 - EFRAÍN BARTOLOMÉ
1:49 - MANUEL ULACIA
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5:41 - AURELIO ASIAÍN
6:12 - Générique
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Référence bibliographique :
Poésie mexicaine du XXe siècle, traduction de Claude Couffon et René Gouédic, Genève, Patiño, 2003.
Images d'illustration :
EFRAÍN BARTOLOMÉ : https://es.wikipedia.org/wiki/Efraín_Bartolomé#/media/Archivo:Efraín_Bartolomé_en_Berna,_1999.jpg
MANUEL ULACIA : https://www.lavenderink.org/site/books/manuel-ulacia/?v=76cb0a18730b
VERÓNICA VOLKOW : https://www.rogeliocuellar.mx/archivo/fotografia/4559/mx-rcu-esc-vovo-a-00020
MARISA TREJO SIRVENT : http://www.elem.mx/autor/datos/109900
AURELIO ASIAÍN : https://www.amazon.es/Aurelio-Asiaín/e/B001JWYBQ2/ref=dp_byline_cont_pop_book_1
Bande sonore originale : Mike Durek - The Good News Or The Bad News
The Good News Or The Bad News by Mike Durek is licensed under a CC-BY Attribution License.
Site :
https://freemusicarchive.org/music/Michael_Durek/Piano_Music_for_The_Broken_Hearted_1221/05_The_Good_News_Or_The_Bad_News/
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